Édit de tolérance — Wikipédia

Un édit de tolérance[a] est une déclaration faite par un gouvernement ou un chef d'État selon laquelle les membres d'une religion donnée ne seront pas persécutés pour leur engagement dans la pratique et les traditions rattachées à cette religion. L'édit formalise habituellement l'acceptation d'une religion par l'État mais non sa reconnaissance comme religion officielle, et ne comporte pas toujours de clause garantissant les mêmes droits civils à ses adeptes qu'à ceux de la religion officielle en place.

Quelques édits de tolérance[modifier | modifier le code]

Édit de Gallien (260)[modifier | modifier le code]

L'édit de Gallien également appelé « édit de tolérance de Gallien » ou encore « édit pacificateur de Gallien » est un édit de tolérance promulgué en faveur des chrétiens à l'initiative de l'empereur romain Gallien en 260 pour mettre fin à la Persécution de Valérien en cours depuis 257. L'empereur ordonne la restitution des biens, des lieux de culte ainsi que des propriétés confisquées aux chrétiens, qui sont à nouveau autorisés à se réunir librement et pratiquer leur religion ouvertement. Ouvrant à la reconnaissance des chrétiens comme des sujets de droit, l'édit de Gallien peut être lu comme la première légitimation officielle du christianisme par les autorités romaine et le premier édit de tolérance de l'histoire du christianisme.

Édit de Sardique (311) dit « de Galère »[modifier | modifier le code]

Le , Galère, persécuteur de chrétiens durant sa carrière, publie un édit de tolérance reconnaissant pour la première fois la licéité de la religion chrétienne. Cet édit, appelé « édit de Sardique » ou encore « édit de Galère », met fin à toutes les mesures antichrétiennes encore en vigueur sur le territoire de l'Empire. Atteint d'une maladie douloureuse et pressé par sa fin, Galère promulgue son édit, en tant que premier Auguste de la Tétrarchie, au nom de ses trois collègues tétrarques – à savoir Constantin, Licinius et Maximin Daïa. Le texte sera renforcé deux ans plus tard par le mandat aux gouverneurs connu sous le nom d' « édit de Milan » édicté par Licinius et Constantin.

Édit de Milan (313)[modifier | modifier le code]

Nom traditionnel donné à un rescrit conservé sous forme de deux lettres circulaires adressées à l'été 313 aux gouverneurs des provinces orientales de Bythinie et de Palestine par les co-empereurs romains Licinius et Constantin. Le texte accorde la liberté de culte aux chrétiens et ordonne que leur soient restitués tous les biens et bâtiments qui leur ont été confisqués durant la Grande persécution. Motivé par des enjeux de sécurité publique, celui-ci s'applique plus largement et sans distinction à chaque individu ainsi qu'à tous cultes et religions d'un Empire qui, de facto, ne repose désormais plus sur la faveur des dieux romains traditionnels. Ce texte est souvent retenu dans l'historiographie comme marqueur de la reconnaissance du christianisme en tant que culte légitime au sein de l'Empire romain et du passage entre l'Antiquité païenne et l'époque chrétienne.

Édit de Julien (361)[modifier | modifier le code]

Devenu maître de l'Empire romain, Julien autorise toutes les religions et abroge les mesures prises non seulement contre le paganisme, mais aussi contre les Juifs et contre les chrétiens qui ne suivent pas le credo d'inspiration arienne qui avait la faveur de son prédécesseur Constance.

Édit de Turda (1565)[modifier | modifier le code]

En Transylvanie, alors État hongrois à population pluriethnique (Magyars dont les Sicules, Roumains et Saxons) et multireligieuse (catholiques, orthodoxes et protestants surtout calvinistes) la diète émet pour ces derniers un édit de tolérance accepté par le voïvode Jean-Sigismond Szapolyai : l'édit de Turda, qui n'a jamais été révoqué, mais au contraire élargi par les Habsbourg à tout leur empire en 1781 (voir plus bas)[1].

Édit de Saint-Germain (1562)[modifier | modifier le code]

C'est un édit proposant une politique d'apaisement des conflits religieux en France, à l'initiative du roi mais rejeté par le Parlement de Paris.

Édit de Nantes (1598)[modifier | modifier le code]

C'est l'édit par lequel Henri IV de France fait accepter la religion réformée en France.

Édit de Varsovie (1573)[modifier | modifier le code]

La Confédération de Varsovie institue l'égalité entre catholiques et protestants dans toute la république des Deux Nations ; cet édit ne concerne pas les orthodoxes et les juifs[2],[3].

Édit de tolérance de Londres (1689)[modifier | modifier le code]

Le Parlement anglais émet un édit de tolérance pour les différentes confessions protestantes, qui ne concerne ni les catholiques, ni les juifs[4].

Édit impérial de Kangxi (1692)[modifier | modifier le code]

L’empereur Kangxi, deuxième souverain de la dynastie Qing de Chine, accepte la demande des missionnaires Jésuites français et promulgue en 1692 un édit de tolérance autorisant la religion catholique dans son empire :

« Les hommes de l’Occident qui sont à ma cour président depuis longtemps aux mathématiques. Durant les guerres civiles ils m’ont rendu un service essentiel par le moyen du canon qu’ils ont fait fondre. Leur prudence et leur adresse singulière jointes à beaucoup de zèle et à un travail infatigable m’’obligent encore à les considérer. Ils se sont donné beaucoup de peine en composant des livres utiles et curieux. (…) D’ailleurs la religion catholique ne contient rien de mauvais, ni de déréglé ; sa loi n’est pas séditieuse. Les Européens n’étant coupables d’aucune infraction aux lois, il ne semble pas équitable d’interdire leur religion. Ses adhérents peuvent continuer à la pratiquer en liberté, ceux qui voudront l’embrasser pourront librement entrer dans les églises et y faire profession publique du culte qu’on y rend au Souverain Seigneur du Ciel. Nous ordonnons de rapporter les précédents mémoires et délibérations contre ladite religion. »

Les missionnaires jésuites virent dans cet édit un signe avant-coureur de la conversion de l’empereur au christianisme... Il n’en fut rien. Mais l’édit fit du catholicisme une religion autochtone respectable. La Chine avait accepté l’« accommodation » culturelle et religieuse de Matteo Ricci. C’est l’Europe chrétienne qui la refusera[5].

Édit de tolérance de Joseph II (1781)[modifier | modifier le code]

Un édit de tolérance est promulgué le par l'empereur Joseph II, et contrairement à beaucoup d'édits français y compris celui de Nantes, il n'emploie plus l'expression religion prétendue réformée pour le protestantisme. Plus large que celui plus tardif de Louis XVI, il garantit la liberté de culte à tous les sujets catholiques et protestants de l'Empire des Habsbourg (Pays-Bas autrichiens inclus : il est d'ailleurs signé de Bruxelles et la seule université mentionnée est celle de Louvain), et leur égalité d'accès à la vie publique (emplois publics, université, corps de métier…) ; mais il n'autorise les lieux de culte protestants (art. 3) qu'à condition que ceux-ci soient autorisés au préalable par l'autorité publique, ne soient pas extérieurement reconnaissables, et en particulier n'aient ni clocher, ni cloches, ni sonneries. Il ne concerne pas encore les orthodoxes ni les juifs, auxquels un autre édit autorisera la pratique des métiers manuels, la fréquentation des universités, l'accès aux entreprises industrielles mais toujours pas l'entrée dans l'administration impériale[6]. Cet édit s'est heurté à de vives résistances de la part de la hiérarchie catholique.

« Chers et bien aimés, quoique l'Empereur soit dans la ferme intention de protéger et de soutenir invariablement Notre Sainte Religion catholique, Sa Majesté a jugé néanmoins qu'il était de sa charité d'étendre à l'égard des personnes comprises sous la dénomination de protestants, les effets de la tolérance civile, qui, sans examiner la croyance, ne considèrent dans l'homme que la qualité de citoyen ; et d'ajouter de nouvelles facilités à cette tolérance dans les emplacements au choix desquels les Magistrats ou Gens de Loi vue, Sa Majesté a résolu les points et articles suivants :

1. La religion catholique demeurera la dominante, et son culte pourra seul être exercé publiquement sur le pied qui se pratique et qui a lieu actuellement.

2. Dans toutes les villes, bourgs et autres lieux où il y aura un nombre suffisant de sujets, pour fournir à la dépense du culte de l'une des deux Religions, connues sous le nom des Protestants, leur exercice privé sera libre.

3. En conséquence, il est permis aux protestants de bâtir des églises dans les emplacements au choix desquels les Magistrats ou Gens de Loi auront donné leur approbation, à condition, néanmoins que ces édifices n'aient aucune apparence extérieure [sic] d'église… et qu'il n'y ait ni clocher, ni cloches, ni sonneries en manière quelconque…

4. Les Protestants jouiront tranquillement dans ces édifices de l'exercice privé de leur culte, et leurs Ministres pourront librement se transporter chez les malades de leur communion, pour les consoler et assister pendant leurs maladies.

5. Les Protestants seront admis désormais à la Bourgeoisie de toutes les villes, ainsi qu'aux corps des Métiers ; et enfin aux grades académiques des Arts, du Droit et de la Médecine dans l'Université de Louvain, sur le même pied que les autres sujets de Sa Majesté à l'effet de quoi les Magistrats, ainsi que les différentes facultés de l'Université, sont autorisés à accorder pour chaque cas, les dispenses requises.

6. Dans tous les cas rappelés à l'article précédent, les Protestants ne seront pas astreints à d'autre formule de serment, qu'à celle qui peut se concilier avec les principes fondamentaux de leur communion.

7. Ils ne seront pas tenus d'assister à aucune procession, ni à d'autres fonctions d'Église quelconques, qui pourraient ne pas s'accorder non plus avec les pratiques de leur communion.

8. Finalement, l'Empereur se réserve d'admettre, par voie de dispense, à la possession d'emplois civils, ceux de ses sujets protestants en qui on aura reconnu une conduite chrétienne et morale, ainsi que la capacité, l'aptitude et les qualités requises pour en remplir les fonctions.

En vous informant de ces résolutions de Sa Majesté, qui tendent directement au bien public en général, à l'avantage du commerce en particulier et surtout à étendre les limites de la charité chrétienne ; nous nous assurons que vous contribuerez à leur accomplissement par toutes les voies qui seront en votre pouvoir et que nous ne verrons que dans tous les sujets de Sa Majesté tant Ecclésiastiques que laïcs, qu'un concours unanime à seconder Ses intentions. De Bruxelles, le  »

Édit de tolérance de Versailles (1787)[modifier | modifier le code]

Cet édit préparé par Malesherbes apporte la liberté de culte aux protestants et aux Juifs du Sud-Ouest de la France.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Lorsque l'on désigne un édit de tolérance bien précis, en particulier avec l'usage de l'article défini, on écrit « l’édit de Tolérance », avec une majuscule initiale au second substantif, cf. Lexique, p. 166.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Andrei Oțetea (dir.) Istoria lumii în date, Editura Enciclopedică Română, Bucharest 1992, 616 p.
  2. « La Confédération de Varsovie du 28 janvier 1573 : garantie de la tolérance religieuse. », sur portal.unesco.org (consulté le )
  3. « Varsovie », Larousse (consulté le )
  4. John Mews, The Digest of English Case Law Containing the Reported Decisions of the Superior Courts & a Selection from Those of the Irish Courts [from 1557] to the End of 1897, ed. Sweet and Maxwell, Londres 1898, Vol. 12, page 101.
  5. Violette Fris-Larrouy, D'un soleil à l'autre, Jean-Denis Attiret missionnaire jésuite peintre officiel de l'Empereur de Chine, éditions de la Bisquine, 2017, p.56
  6. Jean Bérenger, « Joseph II et la tolérance confessionnelle in Échecs et réussites du joséphisme », Lumières, no 9,‎ , p. 39-40 (ISBN 978-2-86781-475-4)

Liens externes[modifier | modifier le code]