Éditions Maspero — Wikipédia

Éditions Maspero
Repères historiques
Création 1959
Disparition 1982
Fondée par François Maspero
Fiche d’identité
Statut Éditeur indépendant
Siège social Paris (France)
Spécialités essais
Langues de publication Français

Les Éditions Maspero sont une ancienne maison d'édition française, fondée en 1959 par François Maspero. Leur création est fortement liée à la librairie La Joie de lire (fondée en 1955 par le même Maspero à l'âge de 23 ans). Elle était située à Paris, dans le Quartier latin.

Créées en pleine guerre d'Algérie, les Éditions Maspero étaient réputées pour être engagées à gauche. L'équipe de départ est constituée, outre François Maspero lui-même, par Marie-Thérèse Maugis, puis Jean-Philippe Bernigaud et Fanchita Gonzalez Batlle. Ils sont rejoints ensuite par Émile Copfermann.

Particulièrement frappée par la censure politique, la maison d'édition finit par cesser son activité[1].

Activité éditoriale[modifier | modifier le code]

Les deux premières collections, « Cahiers Libres » et « Textes à l'Appui », sont marquées par le contexte historique, avec particulièrement deux axes : la guerre d'Algérie et la contestation du stalinisme du Parti communiste français. Les livres de Frantz Fanon (L'An V de la révolution algérienne, Les Damnés de la Terre, préface de Jean-Paul Sartre) ainsi que des témoignages d'opposants à la guerre d'Algérie sont interdits. Ces publications entraînent plusieurs poursuites et même des attentats. Les Éditions Maspero rééditent Les Chiens de garde et Aden Arabie (également une préface de Jean-Paul Sartre) de Paul Nizan et créent la revue Partisans qui paraîtra jusqu'en 1973. C'est dans ce périodique que Georges Perec publie ses premiers textes.

Dans les années 1960, les publications accordent une importance particulière aux questions du sous-développement et du néo-colonialisme, avec entre autres les livres de Che Guevara. Les éditions publient également des livres traitant de la torture et des crimes de guerre en Algérie, et se trouvent confrontées à la censure du pouvoir gaulliste[2].

De jeunes auteurs alors inconnus font leurs débuts dans les « Cahiers libres » : ainsi Régis Debray en 1967, Bernard-Henri Lévy en 1973 dans la revue Partisans.

Au fil des ans s'ajoutent de nouvelles collections : une série « Histoire classique » (dirigée par Pierre Vidal-Naquet) où paraissent les premiers livres de Jean-Pierre Vernant ; une série « Pédagogie » (animée entre autres par Émile Copfermann) qui édite les ouvrages de Célestin Freinet, de Fernand Deligny et Libres enfants de Summerhill de A. S. Neill. Une « Bibliothèque Socialiste » est confiée à l'historien Georges Haupt : on y réédite des classiques comme Paul Lafargue, Rosa Luxemburg, Léon Trotsky, Alexandra Kollontaï, mais aussi des ouvrages contemporains comme Le mouvement anarchiste en France de Jean Maitron et des études sur l'histoire du communisme.

En 1965, François Maspero confie à Louis Althusser la collection « Théorie » où il publie ses premiers ouvrages (Pour Marx, Lire le Capital) ainsi que ceux de ses élèves : Pierre Macherey, Étienne Balibar, Dominique Lecourt, Alain Badiou, Jacques Rancière. La collection « Économie et Socialisme » est dirigée par Charles Bettelheim et la « Bibliothèque d'anthropologie » par Maurice Godelier. Dans la collection « Voix », Fanchita Gonzalez Batlle fait connaître des écrivains du monde entier : Nazim Hikmet, Tahar Ben Jelloun, Taos Amrouche, Salvador Espriu, Chris Marker, Roque Dalton, John Berger, Victor Serge, John Reed, etc. À la même époque débute « La Petite collection maspero », en format de poche.

Après 1968, la librairie connaît une grande affluence, mais les éditions Maspero subissent une crise due à la convergence de plusieurs facteurs. D'une part, de nouvelles interdictions frappent des ouvrages qualifiés de « subversifs » : la revue Tricontinentale, Les Crimes de Mobutu de Jules Chomé, Main basse sur le Cameroun de Mongo Beti, etc. L'éditeur est condamné à des amendes ruineuses, des peines de prison et à la privation de ses droits civiques. D'autre part, la librairie et les éditions sont la cible d'attaques de l'extrême droite et, à la fois, de groupes « gauchistes » maoïstes qui reprochent à François Maspero d'être un « commerçant permanent de la révolution » ou situationnistes[3],[4]. En 1974, celui-ci, épuisé, doit vendre sa librairie, qui ferme bientôt. Les éditions sont sauvées par une mobilisation d'auteurs et de lecteurs : l'« Association des amis des éditions Maspero » réunit les fonds qui permettent la relance de l'activité et le maintien d'une totale indépendance économique.

À la fin des années 1970 naît la revue de géopolitique Hérodote dirigée par Yves Lacoste et de nouvelles collections axées sur les problèmes de société (« Malgré tout », dirigée par Émile Copfermann, « Luttes sociales » par Gérard Althabe) et l'histoire sont lancées. La collection « Actes et Mémoires du peuple », inaugurée par les Mémoires de Louise Michel, abritera notamment Les Carnets de guerre de Louis Barthas, 1914-1918 et les Récits de Kolyma de Varlam Chalamov. Dans la collection de poche « La Découverte » paraissent des récits de voyageurs, regards croisés sur le monde : Christophe Colomb et Ibn Batouta, Bartolomé de Las Casas et Mungo Park, Charles Darwin et Teilhard de Chardin.

Indépendamment de ses éditions, François Maspero fonde en 1978 la revue L'Alternative qu'il dirigera jusqu'en 1984, pour donner la parole aux « dissidents » des pays du « socialisme réel ».

En 1982, François Maspero lègue la maison d'édition à une nouvelle équipe dirigée par François Gèze. Il démissionne sans indemnités et cède ses parts à ce dernier pour 1 Franc symbolique. À cinquante ans, il quitte ses éditions qui prennent le nom de La Découverte. Il n'aura désormais plus aucune relation avec celles-ci.

Collections[modifier | modifier le code]

Les éditions Maspero ont créé les collections suivantes[5] :

Revues[modifier | modifier le code]

Liens avec l'édition indépendante[modifier | modifier le code]

Les éditions Maspero ont entretenu des liens privilégiés avec les maisons d'édition indépendantes suivantes[6] :

Hommages[modifier | modifier le code]

  • Exposition « François Maspero et les paysages humains », co-réalisée par Bruno Guichard (librairie Maison des Passages, Lyon) et Alain Léger (librairie À plus d'un titre, Lyon), présentée au musée de l'imprimerie de Lyon du au , à la médiathèque André-Malraux à Strasbourg du au [7]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean-Yves Mollier, « Les tentations de la censure entre l'État et le marché » in Jean-Yves Mollier, Où va le livre ? édition 2007-2008, La Dispute, coll. « États des lieux », 2007, p. 117.
  2. Catherine Simon, « L'éditeur François Maspero est mort », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne)
  3. http://lettres.blogs.liberation.fr/2015/04/14/une-pierre-pour-maspero/
  4. Montagne-Sainte-Geneviève, côté cour. Gérard Guégan, Grasset, 2008
  5. François Maspero et les paysages humains, La Fosse aux ours / À plus d'un titre, 2009, p. 211-251.
  6. François Maspero et les paysages humains, La Fosse aux ours / À plus d'un titre, 2009, p. 100.
  7. Maison des Passages

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sources et bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Bruno Guichard, Julien Hage et Alain Léger (dir.), François Maspero et les paysages humains, La Bauche / Lyon, À plus d'un titre / La Fosse aux ours, , 331 p. (ISBN 978-2-35707-006-6)
  • Julien Hage, Feltrinelli, Maspero, Wagenbach : une nouvelle génération d’éditeurs politiques d’extrême gauche en Europe occidentale, 1955-1982 : histoire comparée, histoire croisée, Versailles, Université Versailles-Saint Quentin en Yvelines (thèse de doctorat en Histoire), 2010, 2 volumes, 1029 p.

Liens externes[modifier | modifier le code]