Épitaphe — Wikipédia

Épitaphe du XIXe siècle, versifiée, dans un cimetière de Charente.

Une épitaphe (du grec ἐπιτάφος / epitháphos, de ἐπί / epí, « sur », et τάφος / táphos, « sépulture, tombeau ») est une inscription funéraire, placée sur une pierre tombale ou un monument funéraire, afin de rappeler le souvenir de la personne morte. Elle peut présenter le nom et les dates de la personne défunte, ou un texte qui fait l'éloge de cette personne[1].

Cela peut être un objet donné à une civilisation comme signe de paix[2].

Dans la Grèce antique, l’épitaphe est un genre littéraire : c’est un éloge funèbre.

En littérature française, l'épitaphe est aussi un genre littéraire rimé : c'est surtout ce que l'on aimerait inscrire sur la pierre tombale de quelqu'un que l'on admire ou, au contraire, que l'on n'apprécie guère. Supposée être inscrite sur le tombeau lui-même, une épitaphe peut commencer par ci-gît ou par la formule plus moderne ici repose ou par leur pluriel ci-gisent et ici reposent.

Épitaphes célèbres[modifier | modifier le code]

Antiquité[modifier | modifier le code]

Son épitaphe, attribuée à Métrodore (vers 500), permet de connaître l'âge de Diophante d'Alexandrie à sa mort :
Passant, sous ce tombeau repose Diophante.
Ces quelques vers tracés par une main savante
Vont te faire connaître à quel âge il est mort.
Des jours assez nombreux que lui compta le sort,
Le sixième marqua le temps de son enfance ;
Le douzième fut pris par son adolescence.
Des sept parts de sa vie, une encore s'écoula,
Puis s'étant marié, sa femme lui donna
Cinq ans après un fils qui, du destin sévère
Reçut de jours hélas ! deux fois moins que son père.
De quatre ans, dans les pleurs, celui-ci survécut.
Dis, si tu sais compter, à quel âge il mourut.
Passant, va dire à Sparte que nous sommes couchés ici dociles à ses ordres.
Petit est ce tombeau, mais au ciel va sa gloire.
Regarde, c'est celui de Thalès, grand esprit.
Sur son tombeau à Linterne, après avoir refusé d'être enterré dans le célèbre Tombeau des Scipions sur la Voie Appienne:
Ingrate patrie, tu n’auras pas mes os.
  • Homère (VIIIe siècle av. J.-C.)
J’ai aimé parcourir le chemin à tes côtés.
Après avoir goûté aux charmes de l’amour, ils goûtèrent toute leur vie au plaisir des confidences.

XIIe siècle[modifier | modifier le code]

J'étais Pierre que la pierre couvre, dit le mangeur, maintenant "mangé". Vivant j'ai enseigné et mort, je ne cesse d'enseigner afin que ceux qui me voient réduit en cendre disent : ce que nous sommes, il le fut ; un jour nous serons ce qu'il est ici.

XVe siècle[modifier | modifier le code]

Inscription, présente sur un des murs du musée consacré à Jeanne d'Arc situé place du Vieux-Marché de Rouen, lieu de son bûcher et issue du discours d'André Malraux, lu à l'occasion de la commémoration de l'anniversaire de la mort de Jeanne d'Arc, le 30 mai 1964[3].
Ô Jeanne, sans sépulcre et sans portrait, Toi qui savais que le tombeau des héros est le cœur des vivants
Mathias iaceo Rex, hac sub mole sepultus; Testatur vires Austria victa meas. Terror eram mundo; metuit me Caesar uterque; Mors potuit tantum sola nocere mihi.[5]

XVIe siècle[modifier | modifier le code]

Ci-gît Raphaël, qui durant sa vie fit craindre à la Nature d'être maîtrisée par lui et, lorsqu'il mourut, de mourir avec lui.[6]
Pluton ! Rabelais reçois,
Afin que toi, qui es le roi
De ceux qui ne rient jamais,
Tu aies un rieur désormais.

XVIIe siècle[modifier | modifier le code]

  • Richelieu (9 septembre 1585-4 décembre 1642) :
Cy-gist, oui, gist, par la mort-bleu !
Le cardinal de Richelieu ;
Et ce qui cause mon ennui,
Ma pension avec lui.
Ci-gît un fameux Cardinal
Qui fit plus de mal que de bien
Le bien qu'il fit, il le fit mal
Le mal qu'il fit, il le fit bien.
(par Isaac de Benserade, gentilhomme normand, académicien 1612-1691)
Du corps du grand Rantzau, tu n'es qu'une des parts,
L'autre moitié reste dans les places de Mars
Il dispersa partout ses membres et sa gloire,
Tout abattu qu'il fut, il demeura vainqueur
Son sang fut en cent lieux le prix de la victoire
Et Mars ne lui laissa rien d'entier que le cœur.
Celui qui cy maintenant dort
Fit plus de pitié que d'envie,
Et souffrit mille fois la mort
Avant que de perdre la vie.
Passant, ne fais ici de bruit
Garde bien que tu ne l'éveilles :
Car voici la première nuit
Que le pauvre Scarron sommeille.
Jean s'en alla comme il était venu,
Mangeant son fonds après son revenu,
Croyant le bien chose peu nécessaire.
Quant à son temps bien sut le dispenser,
Deux parts en fit, dont il soulait passer,
L'une à dormir, et l'autre à ne rien faire.
Mon ami, pour l’amour du Sauveur, abstiens-toi
De creuser la poussière déposée sur moi.
Béni soit l’homme qui épargnera ces pierres
Mais maudit soit celui violant mon ossuaire
Dieu fit Selles,
Dieu défit Selles,
Et aux vers mit Selles.
À la mémoire de René Descartes, plus secret que ses doctrines, prononce en l'éloge ; ainsi que de la subtilité de son esprit très exceptionnel qui le premier, depuis la renaissance des Belles Lettres en Europe, gardant son serment intact à la fidélité sous l'autorité du christianisme, a revendiqué et défendu la raison humaine. Maintenant il est fait un usage remarquable de la vérité qu'il a honorée par-dessus tout.

XVIIIe siècle[modifier | modifier le code]

Ci-gît notre invincible roi,
Qui meurt pour un acte de foi.
Il est mort comme il a vécu,
Sans nous laisser un quart d’écu.

L'inscription qui fut réellement portée sur son cercueil fut[9] :

Ici est le corps de Louis 14 par la grâce de Dieu ROY DE France et de Navarre, très-chrétien, décédé en son chasteau de Versailles le premier jour de septembre 1715.
Ci gît cet Écossais célèbre
Ce calculateur sans égal
Qui, par les règles de l'algèbre
A mis la France à l'hôpital
Ci-git, dans une paix profonde,
Cette Dame de Volupté,
Qui, pour plus grande sûreté,
Fit son paradis dans ce monde.
Ci-gît Piron, qui ne fut rien,
Pas même académicien.
  • Benjamin Franklin (17 janvier 1706-17 avril 1790) écrivit sa propre épitaphe à l'âge de 22 ans, mais celle-ci ne fut pas inscrite sur sa tombe.
Le corps de
B. Franklin, imprimeur,
(Tel la couverture d'un vieux livre,
dépouillé de ses feuilles,
de son titre et de sa dorure)
Repose ici, pâture pour les vers.
Mais l'ouvrage ne sera pas perdu
et reparaîtra, c'est la foi de Franklin,
dans une nouvelle édition, plus élégante,
revue et corrigée
par l'auteur.
Vil scélérat exécrable en tout lieu,
Tu péris donc des mains de tes complices.
En recevant le prix des forfaits et des vices
Monstre tu meurs, , , .. Il est un Dieu.
Épitaphe posthume, qui évidemment n'est pas sur la tombe de Robespierre, celui-ci ayant été enterré dans une fosse commune au cimetière des Errancis[11],[12],[13] : Des épitaphes semblables furent aussi rédigées pour Marat[14] ou Napoléon[15].
Passant, ne plains pas mon sort
Moi vivant, tu serais mort…

XIXe siècle[modifier | modifier le code]

Here lies one whose name was writ in water.
(« Ici repose celui dont le nom était écrit dans l'eau »)
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J'aime son feuillage éploré ;
La pâleur m'en est douce et chère
Et son ombre sera légère
À la terre où je dormirai.
Ci-gît Gressly, qui mourut d'un étrange amour pour les pierres;
qu'il ramenait à la maison, ne calmant pas sa faim.
Posons cette pierre. De pierre entièrement couvert, par Dieu!,
Reposant entre des roches, il a assez de pierres..
Ai-je bien pu vivre 2 mois 1/2 sans toi !
In Loving Memory of my Beloved Son, Murdered by a Traitor and Coward Whose Name is not Worthy to Appear Here.
(« À la mémoire de mon fils aimé, assassiné par un traître et lâche dont le nom ne mérite pas de figurer ici. »)
  • Alfred Sisley (30 octobre 1839-29 janvier 1899), par lui-même :
Il faut que les objets soient enveloppés de lumière, comme ils le sont dans la nature.

XXe siècle[modifier | modifier le code]

« That's all, folks ! », épitaphe de Mel Blanc, doubleur de Bugs Bunny.
Ci-gît Allais - sans retour.
Une mémoire pure de sang humain.
Je suis un fils des monts, adopté par la mer.
Je n'aurai pas duré plus que l'écume
Aux lèvres de la vague sur le sable
Né sous aucune étoile un soir sans lune
Mon nom ne fut qu'un sanglot périssable
Il a donné des ailes au monde.
Je n’ai jamais rien demandé, la vie m’a tout donné. J’ai fait ce que j’ai pu, j’ai peint ce que j’ai vu.
  • En 1955, Marilyn Monroe (1er juin 1926-5 août 1962) suggéra elle-même que son épitaphe fût la suivante :
Ici repose Marilyn Monroe, 97 - 62 - 92 (ne figure pas sur sa plaque)
« Je reste avec vous. », épitaphe de Jean Cocteau
Je reste avec vous.
Free at last. Free at last, Thank God Almighty, I'm free at last.
(« Enfin libre. Enfin libre, merci Dieu tout-puissant, je suis enfin libre. »)
Fontes amicos uxorem dilexit.
(« Il a aimé les sources, ses amis et sa femme. »)
Laissez-moi dormir ! J'étais fait pour ça !
Je vous l'avais bien dit que j'étais malade ! (ne figure pas sur sa plaque)
  • Georges Brassens (1921-1981), extrait de sa chanson Supplique pour être enterré sur la plage de Sète :
Est-ce trop demander, sur mon petit lopin,
Plantez je vous en prie une espèce de pin,
Pin parasol de préférence (figure sur un écriteau près de sa tombe et de l'arbre en question)
Il a fait campagne pour la paix, puisse-t-il la trouver.
Ecrivain (cimetière de Bellecombe-Tarendol)
Ich habs gewagt. (« Je l'ai osé »)
Plaque funéraire de Marguerite Yourcenar, Cimetière Brookside, Somesville (Municipalité de Mount Desert, Maine).
Plaise à Celui qui Est peut-être
de dilater le cœur de l'homme
à la mesure de toute la vie (phrase empruntée à son roman L'Œuvre au noir, 1968)
« That's all, folks ! » (« C'est terminé pour aujourd'hui ! », phrase figurant à la fin des dessins animés de la Warner)
Il n'y a pas de manque dans l'absence ; l'absence est une présence en moi.
Priez le Je ne sais Qui — j'espère Jésus Christ
Garder le CAlme !!! Devant la DISSONANCE !!!

XXIe siècle[modifier | modifier le code]

  • Françoise Sagan (1935-2004), elle écrit sa propre épitaphe en 1998 à la suite de la proposition d'un journaliste :
Sagan Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour tristesse, qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre également agréable et bâclée, ne fut un scandale que pour elle-même.
Écrivain, peintre, prostituée (Cimetière des Rois, Genève)
Enfin seul ! (Cimetière du Père-Lachaise)
« In te Domine speravi non confundar in aeternum » (« En vous, Seigneur, j'ai mis mon espérance : jamais je ne serai déçu », Psaumes, 31)[16].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Épitaphe », sur cnrtl.fr (consulté le )
  2. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : Français, historique, géographique, mythologique, bibliographique, littéraire, artistique, scientifique, etc.,etc. E - Ezz, vol. 7, Larousse & Boyer, (lire en ligne), p. 732-735
  3. Rouen – Ville d'Art et d'Histoire, « Laissez-vous conter Jeanne d'Arc » [PDF], (consulté le )
  4. J. Boldényi, La Hongrie ancienne et moderne: histoire, arts, littérature, monuments, Paris, H. Lebrun, 1851, p. 115 (lire en ligne).
  5. « Je suis le roi Mathias qui repose sous cette pierre; L'Autriche vaincue atteste ma puissance. J'étais la terreur du monde; les deux Césars [le sultan ottoman et l'empereur germanique] me craignirent, et la mort seule a pu me nuire. »
  6. Ernst Gombrich (trad. de l'anglais), Histoire de l'art, Paris, Éditions Gallimard, , 688 p. (ISBN 2-07-011563-1)
  7. « Poèmes satiriques du XVIIIe siècle », sur ci-git.univ-st-etienne.fr (consulté le )
  8. « « Ci-gît notre invincible roi… ». Épitaphes satiriques sur la mort de Louis XIV (…) », sur cour-de-france.fr (consulté le )
  9. Edmond Du Sommerard, Musée des Thermes et de l'Hôtel de Cluny. Catalogue et description des objets d'art de l'Antiquité, du Moyen Âge et de la Renaissance, exposés au musée, Hôtel de Cluny, (lire en ligne), p. 412
  10. Descente de Philippe Egalité aux enfers, et son dialogue avec Philippe d'Orleans regent, na, (lire en ligne)
  11. Journal des lois de la République française, une et indivisible, (lire en ligne)
  12. Louis Blanc, Histoire de la Révolution française, vol. 13-14, A. Lacroix, (lire en ligne), p. 192
  13. Arthur-Léon Imbert de Saint-Amand, La Jeunesse de l'impératrice Joséphine, Collection XIX, (ISBN 978-2-346-12466-4, lire en ligne)
  14. L'Illustration : journal universel, Chevalier, (lire en ligne), p. 307
  15. Julien-Antoine Rodriguez, Relation historique de ce qui s'est passé à Paris à la mémorable époque de la déchéance de Napoléon Buonaparte, chez l'auteur et, (lire en ligne), p. 113
  16. « Sur la tombe de Valéry Giscard d'Estaing, des anonymes se recueillent », sur parismatch.com, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • Tombeaux romains, Anthologie d'épitathes latines, traduit du latin et préfacé par Danielle Porte, Le Promeneur, 1993
  • Tombeaux grecs, Anthologie d'épigrammes, textes traduits du grec et préfacés par Denis Roques, Le Promeneur, 1995
  • Edhem Eldem, Nicolas Vatin, L'épitaphe ottomane musulmane, XVIe – XXe siècles. Contribution à une histoire de la culture ottomane, Louvain, Peeters, , 377 p. (ISBN 978-9-042-91946-4)
  • (en) K.S. Guthke, Epitaph Culture in the West. Variations on a Theme in Cultural History, New York, Edwin Mellen Press, 2003, 416 p. (ISBN 978-0-773-46785-9)
  • Nicolas Mathieu, L'épitaphe et la mémoire. Parenté et identité sociale dans les Gaules et Germanies romaines, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 502 p. (ISBN 978-2-753-51393-8, lire en ligne)

Articles et chapitres d'ouvrages[modifier | modifier le code]

  • Régis Bertrand, « Que de vertus. Les épitaphes édifiantes des débuts du XIXe siècle », in Régis Bertrand, Anne Carol, Jean-Noël Pelen (Dir.), Les Narrations de la mort, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, coll. « Le temps de l’histoire », 2005, 298 p. (ISBN 978-2-853-99613-6), p. 241-255 [lire en ligne (page consultée le 21 février 2022)]
  • Aurélien Caillaud, « Catacombes, ce que révèlent épitaphes et images funéraires », Le Monde de la Bible, n° 225, 2018. [lire en ligne (page consultée le 21 février 2022)]
  • Sylvain Menant, « Le jeu de l’épitaphe au XVIIIe siècle », Versants, vol. 65, no 1,‎ , p. 69-79 (DOI 10.22015/V.RSLR/65.1.5, lire en ligne [DOI])
  • (en) Gian Marco Vidor, « Satisfying the mind and inflaming the heart: emotions and funerary epigraphy in nineteenth-century Italy », Mortality, Vol. 19, 2014, p. 342-360, [lire en ligne (page consultée le 21 février 2022)]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]