Événement climatique de 5900 AP — Wikipédia

Le « Sahara vert » d'avant l'évènement climatique de 5900 AP[1] : la végétation était de type savane arborée et la faune, attestée par les restes fossiles et l'art rupestre, comprenait des autruches, des gazelles, des bovins, des girafes, des rhinocéros, des éléphants, des hippopotames, des crocodiles
Image satellite du Sahara. La forêt du bassin du Congo est au sud.

L'évènement climatique de 5900 AP est l'un des plus intenses épisodes d'aridité de l'Holocène. Il se produit vers et constitue une césure dans le Subpluvial néolithique, dernier cycle de l'effet de pompe du Sahara[note 1]. Il s'accompagne de cinq siècles de climat froid aux latitudes septentrionales. Il aurait entrainé des migrations humaines vers le Nil, qui auraient débouché sur l'émergence de sociétés pré-étatiques en Égypte au IVe millénaire av. J.-C.[3]. Il a peut-être contribué au déclin de l'Europe néolithique et aux premières migrations indo-européennes dans les Balkans, depuis la steppe pontique.

Causes[modifier | modifier le code]

Un modèle, proposé par Claussen et alii en 1999, avance une désertification rapide, associée à des interactions entre la végétation et l'atmosphère, à la suite d'un refroidissement climatique, le quatrième événement de Bond[4]. Bond et alii ont identifié en 1997 un épisode glaciaire ainsi que d'autres évènements s'étant produits dans l'Atlantique nord il y a 5 900 ans, qui indiquent qu'il existerait un cycle quasi périodique de refroidissements survenant tous les 1 500 ans ±500 ans, nommés « évènements de Bond »[5],[6].

Tous les évènements arides antérieurs (y compris l'événement climatique de 8200 AP) ont été suivis par le retour d'une pluviométrie abondante, comme en témoignent les nombreuses preuves de l'existence d'un Sahara humide (« Sahara vert ») entre 7500 et [7]. Cependant, il semble que l'évènement de 5900 AP n'ait été suivi, au mieux, que d'une restauration partielle des conditions humides. Ainsi, en 1998 Cremaschi décrit des signes d'aridification rapide dans le Tadrart Acacus au sud-ouest de la Libye, sous la forme d'une érosion éolienne accrue, d'incursions de sable et de l'effondrement des toits des abris sous roche[8]. L'évènement climatique de 5900 AP a également été enregistré comme un évènement froid dans les sédiments du lac Erhai, en Chine[9].

Effets[modifier | modifier le code]

En Mésopotamie, l'évènement climatique correspond à la fin de la période d'Obeïd, au début de la période d'Uruk[10], et à l'émergence des premières sociétés organisées sous forme de cités-États, sur le Tigre et l'Euphrate, en Basse Mésopotamie[11].

En Libye, la sécheresse aurait déclenché des migrations vers le Nil, ce qui aurait conduit à l'émergence de sociétés pré-étatiques en Égypte au IVe millénaire av. J.-C.[3].

Accompagnée d'un refroidissement climatique en Europe, la sécheresse aurait contribué au déclin de l'Europe néolithique et aux premières migrations indo-européennes dans les Balkans, depuis la steppe pontique. Aux alentours de 4200 à , l'Europe connait des hivers plus froids[12]. Entre 4200 et , de nombreuses implantations de la basse vallée du Danube sont incendiées et abandonnées[12], tandis que les agglomérations proto-urbaines de la culture de Cucuteni-Trypillia s'entourent de fortifications[13] et s'éloignent vers l'est et le Dniepr[14]. Les bergers des steppes, locuteurs du proto indo-européen, se répandent dans la basse vallée du Danube vers 4200 à , où ils seraient représentés par la culture de Cernavodă[15].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Selon cette théorie, il y a eu à plusieurs reprises dans le passé des épisodes de climat humide conduisant à verdir le Sahara et la péninsule arabique, ce qui aurait facilité la migration de la flore et de la faune entre l'Afrique et l'Eurasie[2].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Henri J. Hugot, Le Sahara avant le désert, éd. des Hespérides, Toulouse 1974 ; (en) Rushdi Said, The Geological Evolution of the River Nile, Springer, , p. 59 ; Gabriel Camps, « Tableau chronologique de la Préhistoire récente du Nord de l'Afrique : 2-e synthèse des datations obtenues par le carbone 14 » in : Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 71, no 1, Paris 1974, p. 261-278 et Jean Gagnepain.
  2. (en) Andrea Parravicini et Telmo Pievani, « Multi-level human evolution: ecological patterns in homonin phylogeny », J. Anthropol. Sci., vol. 94,‎ , p. 167-182 (DOI 10.4436/JASS.94026, lire en ligne)
  3. a et b [Brooks 200] (en) Nick Brooks, « Cultural responses to aridity in the Middle Holocene and increased social complexity », Quaternary International, vol. 151, no 1,‎ , p. 29–49 (DOI 10.1016/j.quaint.2006.01.013, Bibcode 2006QuInt.151...29B, lire en ligne)
  4. [Claussen et al. 1999] (en) Mark Claussen, Claudia Kubatzki, Victor Brovkin, Andrey Ganopolski, Philipp Hoelzmann et Hans‐Joachim Pachur, « Simulation of an Abrupt Change in Saharan Vegetation in the Mid-Holocene », Geophysical Research Letters, vol. 26, no 14,‎ , p. 2037–2040 (DOI 10.1029/1999GL900494, Bibcode 1999GeoRL..26.2037C, lire en ligne)
  5. [Bond et al.' 1997] (en) G. Bond et al., « A Pervasive Millennial-Scale Cycle in North Atlantic Holocene and Glacial Climates », Science, vol. 78, no 5341,‎ , p. 1257–1266 (DOI 10.1126/science.278.5341.1257, Bibcode 1997Sci...278.1257B, lire en ligne [PDF] sur acrim.com)
  6. [Obrochta et al. 2012] (en) Stephen P. Obrochta, Hiroko Miyahara, Yusuke Yokoyama et Thomas J. Crowley, « A re-examination of evidence for the North Atlantic “1500-year cycle” at Site 609 », Quaternary Science Reviews, vol. 55,‎ , p. 23–33 (DOI 10.1016/j.quascirev.2012.08.008, Bibcode 2012QSRv...55...23O, lire en ligne)
  7. [Petit-Maire, Beufort & Page 1997] (en) N. Petit-Maire, L. Beufort et N. Page, « Holocene climate change and man in the present day Sahara desert », dans Dalfes Nüzhet, G. Kukla et H. Weiss (éds.), Third Millennium BC Climate Change and Old World Collapse, Berlin, Springer, (ISBN 978-3-540-61892-8), p. 297–308
  8. [Cremaschi 1998] (en) M. Cremaschi, « Late Quaternary geological evidence for environmental changes in south-western Fezzan (Libyan Sahara) », dans M. Cremaschi et S. Di Lernia, Wadi Teshuinat: Palaeoenvironment and prehistory in south-western Fezzan (Libyan Sahara), Firenze, éd. All' Insegna del Giglio, (ISBN 978-88-7814-144-5), p. 13–47
  9. [Zhou et al. 2007] (en) Jing Zhou, Sumin Wang, Guishan Yang et Haifeng Xiao, « Younger Dryas Event and Cold Events in Early-Mid Holocene: Record from the sediment of Erhai Lake », Advances in Climate Change Research, vol. 3, no supplément,‎ , p. 41–44 (lire en ligne [PDF])
  10. [Parer et al. 2006] (en) Adrian G. Parker, Andrew S. Goudie, Stephen Stokes, Kevin White, Martin J. Hodson, Michelle Manning et Derek Kennet, « A record of Holocene climate change from lake geochemical analyses in southeastern Arabia », Quaternary Research, vol. 66, no 3,‎ , p. 465–476 (Bibcode 2006QuRes..66..465P, lire en ligne [PDF])
  11. [Fagan 2004] (en) Brian Fagan, People of the Earth. An Introduction to World Prehistory, Pearson/Prentice Hall,
  12. a et b Anthony 2007, p. 227.
  13. Anthony 2007, p. 230.
  14. Anthony 2007, p. 232.
  15. Anthony 2007, p. 133.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]