Alfred Grosser — Wikipédia

Alfred Grosser, né le à Francfort-sur-le-Main et mort le à Paris[1],[2], est un politologue, sociologue et historien franco-allemand.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et études[modifier | modifier le code]

Alfred Grosser est le fils de Paul Grosser (né le à Berlin, et mort le à Saint-Germain-en-Laye). Social-démocrate et franc-maçon d'origine juive, il est médecin et a fondé un centre hospitalier pour enfants à Francfort. Sa mère, Lily Rosenthal, est issue d'une famille aisée[3]. Les Grosser se réfugient en France en 1933, après que Paul est interdit d'exercer à l'université du fait des lois raciales. Il meurt l'année suivante[4].

La famille Grosser obtient la nationalité française en 1937. Installée à Saint-Germain-en-Laye, elle s'enfuit à Saint-Raphaël dans le Var avant l'arrivée des troupes allemandes. La sœur d'Alfred meurt en 1941 des suites de l'exode[4]. Non scolarisé du fait d'une absence de lycée dans la ville, Grosser passe le baccalauréat en candidat libre à Nice en 1942, où il est reçu[4].

Il s'inscrit au Centre d’études littéraires de Nice, dépendant de la faculté de lettres de l'université d'Aix-Marseille. Il soutient son mémoire de diplôme d'études supérieures de langue et littérature allemande en 1945. Il souhaite se présenter à l'agrégation en 1946, mais ne dispose de la nationalité française que depuis neuf ans, et ne peut s'y présenter. Il prépare le concours de l'École normale supérieure au lycée Condorcet mais échoue[4].

Il est reçu à l'agrégation d'allemand en 1947[4]. ll commence une thèse sous la direction d’Edmond Vermeil, mais rompt avec la germanistique pour se tourner vers la science politique à partir de 1955.

Marié le avec Anne-Marie Jourcin, il a quatre enfants : Jean, Pierre (également historien), Marc et Paul[3].

Parcours professoral[modifier | modifier le code]

Alfred Grosser est recruté comme enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris par Jacques Chapsal, initialement pour y enseigner trois ans, en 1956. Il y reste finalement jusqu'à son départ à la retraite, en 1992, où il a été professeur, puis professeur émérite[5].

Il est directeur de recherches à la Fondation nationale des sciences politiques, de 1956 à 1992, et fait ainsi partie des « quatre mousquetaires », à savoir les quatre premiers directeurs de recherche de la FNSP, aux côtés de René Rémond, Jean-Baptiste Duroselle et Jean Touchard[5].

En 1966, il prend la direction du Cycle supérieur d'études politiques, ancêtre de l'école de la recherche. Il conserve ce poste jusqu'en 1986. Il joue un rôle important pendant Mai 68, où il est chargé par la direction de discuter avec les étudiants et les chercheurs acquis au mouvement[5] ; il est élu représentant des professeurs et maîtres de conférence pour négocier avec les élèves, aux côtés d'Hélène Carrère d'Encausse, Jacques Fournier, Georges Lavau et Pierre Viot[6].

En , alors qu'il donne un cours à Sciences Po dans l'amphithéâtre Boutmy, le directeur de l'établissement Alain Lancelot arrive en courant dans la salle de cours et annonce que le mur de Berlin est tombé, provoquant l'émotion et les pleurs d'Alfred Grosser devant ses élèves[7].

Il enseigne également à l'université Johns-Hopkins de 1955 à 1969, à l'École des hautes études commerciales (HEC) de 1961 à 1966 et de 1986 à 1988, à l'université Stanford de 1964 à 1965, à l'École polytechnique de 1965 à 1995, à l'université Keiō de Tokyo en 1992, ainsi qu'à Singapour en 1994.

Ses travaux et son enseignement ont exercé une grande influence, notamment pour la réconciliation et la coopération franco-allemande.

Autres activités[modifier | modifier le code]

Alfred Grosser a eu des activités journalistiques variées : chroniqueur politique au Monde de 1965 à 1994, il occupe la même fonction très régulièrement à La Croix et à Ouest-France depuis 1994.

Il est membre du Conseil du développement culturel de 1971 à 1973.

En , questionné sur le débat sur l'identité nationale lancé par le ministre Éric Besson, il le juge « parfaitement démagogique[8] ».

Le , il fait partie des signataires d'une tribune de chercheurs et d'universitaires annonçant avoir voté Emmanuel Macron au premier tour de l'élection présidentielle française de 2017 et appelant à voter pour lui au second, en raison notamment de son projet pour l'enseignement supérieur et la recherche[9].

Il est athée convaincu et « en dialogue » ; dans son livre de 2011, La joie et la mort. Bilan d'une vie, il dit prendre pour modèle Albert-Élie Luce dans ses derniers moments, Albert-Élie Luce étant un des personnages centraux de Jean Barois, roman de Roger Martin du Gard publié en 1913.

Mort[modifier | modifier le code]

Alfred Grosser décède à Paris à l’âge de 99 ans, 90 ans jour pour jour après son père.

Publications[modifier | modifier le code]

Travaux scientifiques[modifier | modifier le code]

  • L'Allemagne de l'Occident, éd. Gallimard, 1953.
  • La situation de l'Allemagne en 1955, Presses universitaires de France, 1955.
  • La démocratie de Bonn (1949-1957), éd. Armand Colin, 1958.
  • Hitler : la presse et la naissance d'une dictature, éd. Armand Colin, 1959.
  • La IVe République et sa politique extérieure, Paris, Armand Colin, coll. « Sciences politiques », , 3e éd. (1re éd. 1961), 439 p. (présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • La politique en France, éd. Armand Colin, 1964 (avec François Goguel).
  • L'Allemagne de notre temps, éd. Fayard, 1970.
  • Dix leçons sur le nazisme, éd. Fayard, 1976 (direction).
  • La vie politique en Allemagne fédérale, éd. Armand Colin, 1978 (avec Henri Ménudier).
  • Les Occidentaux : les pays d'Europe et les États-Unis depuis la guerre, éd. Fayard, 1978, rééd. Le Seuil, « Points »-histoire, 1982 et 1991.
  • Affaires extérieures : la politique de la France depuis 1944, éd. Flammarion, 1984, rééd., coll. « Champs », 1989.
  • L'Allemagne en Occident, éd. Fayard, 1985, rééd. Hachette, coll. « Pluriel », 1987.
  • Le crime et la mémoire, éd. Flammarion, 1989, rééd., coll. « Champs », 1991.
  • Allemagne, éd. Flammarion, coll. « Dominos », 1994 (avec Héĺène Miard-Delacroix).
  • Les identités difficiles, Presses de Sciences Po, 1996.
  • L'explication politique, Editions Complexe, 1999.
  • L'Allemagne de Berlin ; différente et semblable, éd. Alvik, 2002.
  • La France, semblable et différente, éd. Alvik, 2005.

Essais[modifier | modifier le code]

  • Au nom de quoi ? Fondements d'une morale politique, Le Seuil, 1969.
  • La passion de comprendre, (Noël Copin interroge Alfred Grosser), Le Centurion, 1977.
  • Le sel de la terre : pour l'engagement moral, Le Seuil, 1981.
  • Une vie de Français : mémoires, Flammarion, 1997.
  • Les fruits de leur arbre : regard athée sur les chrétiens, Presses de la Renaissance, 2002.
  • La joie et la mort. Bilan d'une vie, Presses de la Renaissance, Paris, 2011.

Distinctions[modifier | modifier le code]

Décorations[modifier | modifier le code]

Prix[modifier | modifier le code]

Honneurs[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Relevé des fichiers de l'Insee
  2. « Le politologue Alfred Grosser est mort », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a et b Who’s Who in France : dictionnaire biographique, Éditions Jacques Lafitte, .
  4. a b c d et e « Une histoire personnelle [Alfred Grosser] ⋅ GISTI », sur www.gisti.org (consulté le )
  5. a b et c Christiane Deussen, Hélène Miard-Delacroix, Frédéric Mion et Marcel Pochard, « Hommage à Alfred Grosser à l’occasion de son 90e anniversaire », Allemagne d'aujourd'hui, vol. 212, no 2,‎ , p. 53 (ISSN 0002-5712 et 2551-9409, DOI 10.3917/all.212.0053, lire en ligne, consulté le )
  6. Richard Descoings, Sciences Po: de la Courneuve à Shanghai, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, (ISBN 978-2-7246-0990-5, OCLC ocm86113501, lire en ligne)
  7. Raphaëlle Bacqué, Richie, Grasset, 2015, p. 66.
  8. « Le débat sur l'identité est démagogique », Sud Ouest du 5 novembre (reproduction de l'AFP)
  9. « Des universitaires et chercheurs appellent à soutenir Emmanuel Macron », sur petiteau-natalie.blogspot.fr, . La tribune est relayée le lendemain par Le Monde : « “Nous, universitaires et chercheurs, tenons à manifester notre soutien à Emmanuel Macron” », sur lemonde.fr, .
  10. Décret du 31 décembre 2018 portant élévation aux dignités de grand'croix et de grand officier
  11. Décret du 14 novembre 2012 portant élévation aux dignités de grand'croix et de grand officier
  12. Archives des nominations et promotions dans l'ordre des Arts et des Lettres.
  13. « Prix Broquette-Gonin (littérature) », sur academie-francaise.fr (consulté le ).
  14. (de) « 1978 », sur theodor-heuss-stiftung.de (consulté le ).
  15. « Grosser Preis », La Gazette de Berlin le 23 mars 2012
  16. (de) « Theodor Wolff Preis : Alfred Grosser », sur bdzv.de via Wikiwix (consulté le ).
  17. (en) « Honorary Doctors », sur Université européenne des humanités (consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]