Armée de la conquête — Wikipédia

Armée de la Conquête
(ar) جيش الفتح
Image illustrative de l’article Armée de la conquête

Idéologie Islamisme sunnite
Statut Inactive
Fondation
Date de formation
Pays d'origine Syrie
Actions
Zone d'opération Gouvernorats d'Idleb, Alep, Hama et Lattaquié
Période d'activité -
Organisation
Membres 30 000 à 40 000[1],[2]
Composée de Front Fatah al-Cham (2015-2017)
Ahrar al-Cham (2015-2017)
Jound al-Aqsa (2015)
Liwa al-Haq (2015-2017)
Jaych al-Sunna (2015-2017)
Ajnad al-Cham (2015-2017)
Faylaq al-Cham (2015-2016)
Harakat Nour al-Din al-Zenki (2016-2017)
Suqour al-Cham (2016-2017)
Parti islamique du Turkestan (2016-2017)
Guerre civile syrienne

L'Armée de la Conquête (en arabe جيش الفتح, Jaish al Fatah) était une chambre d'opérations militaires formée le pendant la guerre civile syrienne et active jusqu'en 2017. Elle rassemblait la majorité des factions rebelles islamistes syriennes de la poche d'Idlib, c'est-à-dire tout le gouvernorat d'Idleb et certaines parties des gouvernorats de Hama, de Lattaquié et d'Alep.

Actions[modifier | modifier le code]

Situation dans le gouvernorat d'Idleb le après les offensives rebelles.

L'armée de la conquête est créée le , avec pour but de chasser les forces loyalistes d'Idlib et du gouvernorat du même nom.

L'Armée de conquête prend la ville d'Idleb le , quatre jours après sa formation. Durant la bataille de Jisr al-Choghour, l'armée a prend le contrôle de la ville en seulement trois jours, le [3],[4]. Après sa victoire, elle vise le port de Lattaquié et continuent d'avancer dans le gouvernorat d'Idleb, mais fait face à de rudes bombardements du régime[5].

Mais le matin du 27 avril, les rebelles s'emparent du camp militaire d'al-Qarlmid ou Maamal al-Karmid (la fabrique de brique) près de la ville d'Ariha[6]. Selon l'OSDH, les affrontements ont fait au moins 15 morts chez les loyalistes[6],[7] et huit tués du côté des rebelles[8], dont deux kamikazes[7]. Trois chars du régime ont également été détruits lors des affrontements[9], sept autres sont capturés par les rebelles, ainsi que six canons[7]. En réponse, des hélicoptères du régime larguent une dizaine de barils d'explosifs sur le camp[7].

Le 19 mai, après deux jours de combats, l'Armée de la conquête s'empare du camp militaire d'Al-Mastouma, la plus grande base du régime dans la région d'Idleb[10],[11],[12],[13]. Au moins 16 rebelles y sont tués selon l'OSDH[14]. Les loyalistes se replient sur la ville d'Ariha, à sept kilomètres au sud et à l'aéroport militaire d'Abou Douhour, à une cinquantaine de kilomètres à l'est[10].

Le 28 mai, l'Armée de la conquête attaque Ariha, mais les forces de l'armée syrienne et du Hezbollah battent rapidement en retraite et après seulement trois heures de combats, la ville est prise à son tour[15],[16],[17]. Selon l'OSDH, 18 soldats et miliciens loyalistes sont tués au combat et 13 autres sont capturés et exécutés[18]. Les rebelles tiennent alors la quasi-totalité du gouvernorat d'Idleb[15].

Le 6 juin, les rebelles prennent une dizaine de villages situés sur la route d'Ariha à Lattaquié, ainsi que le barrage de Maassara, le plus important encore tenu par le régime dans le gouvernorat d'Idleb[19]. Selon l'OSDH, au moins 13 rebelles et 32 loyalistes sont tués dans ces combats[19]. L'armée de la conquête parvient donc, un peu plus de deux mois après sa formation, à chasser pratiquement totalement les forces loyalistes du gouvernorat d'Idlib.

Elle prend part également à la Bataille d'Alep[20].

Selon Luc Mathieu, journaliste de Libération : « À la différence de précédentes tentatives au sein de la rébellion, ces groupes n’ont pas formé une véritable alliance dotée d’un nouveau commandement. Ils se sont seulement regroupés au sein de « chambres d’opérations » locales, où chacun est représenté, et qui permettent de coordonner les assauts »[21].

Composants[modifier | modifier le code]

L'Armée de la conquête compte environ 30 000 à 40 000 hommes[1],[22],[2]. Ahrar al-Cham et le Front Fatah al-Cham, sont les deux groupes dominants[21].

Thomas Pierret, maître de conférences à l'Université d'Edimbourg et spécialiste de la Syrie explique que les combattants « d'Al-Qaeda sont plus visibles, parce qu'ils commettent des attentats-suicide et qu'ils sont beaucoup plus forts sur le plan médiatique »[23].

Le Parti islamique du Turkestan intègre l'Armée de la conquête au début du mois de mai 2016[24]. Puis le Harakat Nour al-Din al-Zenki rallie à son tour la chambre d'opération le [25],[26],[27], suivi par Suqour al-Cham le 27 septembre, groupe qui avait fait défection d'Ahrar al-Cham quelques jours plus tôt[28].

Dissolution[modifier | modifier le code]

Le , Jound al-Aqsa annonce qu'il se retire de l'Armée de la conquête, il dénonce certains groupes qui la compose et les qualifie de « salafistes modérés »[29],[30]. Ce groupe est en effet proche de l'État Islamique.

Le , Faylaq al-Cham se retire à son tour, mais sans faire état de tensions avec les autres groupes, et annonce qu'elle se redéploie à Alep en raison de la progression des forces loyalistes sur ce front[31].

En 2015 et 2016, le Front al-Nosra, renommé Front Fatah al-Cham, étant le groupe le plus puissant de la région avec Ahrar al-Cham, avait ouvert à plusieurs reprises des discussions avec ce dernier, dans le but d'opérer une fusion entre les deux mouvements, ce qui aurait créé un groupe véritablement hégémonique dans la poche rebelle. Mais elles s'étaient achevées sans résultat, décevant ainsi les espoirs du Front Fatah al-Cham de dominer la région par la diplomatie et les alliances[32].

Après leur défaite en décembre à la bataille d'Alep, de vives tensions opposent les groupes rebelles du nord de la Syrie. Selon le reporter du Figaro Georges Malbrunot, les djihadistes du Front Fatah al-Cham — l'ex-Front al-Nosra — blâment d'autres factions à cause de leurs échecs dans leurs tentatives pour briser le siège d'Alep : « Grâce à un noyautage, aussi patient qu'efficace, des états-majors de certains groupes rebelles par les services de renseignements syriens, épaulés par le GRU, Damas et ses alliés étaient au courant de la plupart des mouvements tactiques de leurs ennemis. Ce qui, après coup, a rendu furieux les djihadistes du Front Fatah al-Cham, qui coopéraient avec les autres rebelles d'Alep-Est pour survivre aux bombardements intensifs de l'aviation syrienne. Autre conséquence de cette opération d'infiltration, une très vive paranoïa s'est emparée depuis des mouvements rebelles défaits ».

Le , un cessez-le-feu est conclu entre le régime et l'opposition par l'intermédiaire de la Russie, de l'Iran et de la Turquie[33] ; et le , une conférence de paix s'ouvre à Astana[34]. Cependant le Front Fatah al-Cham fait part de sa vive opposition et condamne ces pourparlers qui sont selon lui une tentative visant à « détourner le cours de la révolution pour l'orienter vers une réconciliation avec le régime criminel » de Bachar el-Assad.

Exclu des pourparlers à cause de ses liens avec al-Qaïda et hostile à toute négociation, le Front Fatah al-Cham subit également à cette période une intensification des frappes aériennes de la coalition[32],[35]. Il crie alors au complot et accuse plusieurs autres groupes d'avoir conclu un accord contre lui et d'être les complices des Américains[32],[35].

Les tensions montrèrent donc jusqu'à ce que les combats éclatent finalement entre le Front Fatah al-Cham et Ahrar al-Cham le .

Ainsi, le , le Suqour al-Cham se rallie à nouveau à Ahrar al-Cham[36],[37]. Et, le , le Front Fatah al-Cham, le Liwa al-Haq, le Jaych al-Sunna, et le Harakat Nour al-Din al-Zenki fusionnent ensemble pour former le Hayat Tahrir al-Cham[38].

L'armée de la conquête avait donc disparue de facto car la plupart des groupes armés qui la composaient avait dû prendre parti pour l'un des deux protagonistes des combats.

Soutiens[modifier | modifier le code]

L'Armée de la conquête est soutenue par l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie[1]. Avant la bataille d'Idleb, Ahrar al-Cham reçoit d'importantes livraisons d'armes via la Turquie, qu'il redistribue ensuite à d'autres groupes[21]. Selon le chercheur Charles Lister, à l'été 2016, en pleine bataille d'Alep, l'alliance reçoit pour la première fois des armes de fabrication américaine[2].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Hala Kodmani, « Syrie: qui se cache derrière l’Armée de la conquête ? », Libération, (consulté le )
  2. a b et c « Syrie: Alep, une bataille de longue haleine », AFP, (consulté le )
  3. « Syrie : Al-Qaida et ses alliés contrôlent la quasi-totalité d'une ville stratégique », Le Monde, (consulté le )
  4. « Les rebelles syriens s'emparent de Djisr el Choughour », Reuters,
  5. Benjamin Barthe, « En Syrie, les rebelles visent le port stratégique de Lattaquié »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), Le Monde,
  6. a et b Le Figaro avec AFP, « Syrie: les rebelles prennent une base militaire », (consulté le )
  7. a b c et d « The third collapse for the government troops in 30 days in the province of Idlib », OSDH,
  8. « 26 killed in Idlib and Dar’a », OSDH,
  9. (en) « 40 people killed in a massacre in the town of Darkoush », Syrian Observatory For Human Rights,
  10. a et b AFP, « Syrie: les rebelles prennent la dernière base du régime dans la province d'Idleb », Le Point, (consulté le )
  11. « Syrie: le régime perd sa plus grande base dans la région d'Idleb », RFI,
  12. « al-Fateh Army takes control on al-Mastuma camp, al-Mastuma town, and its hill », sur archive.fo, The Syrian Observatory for Human Rights, (consulté le )
  13. « After al- Mastomi town and its military camp, Al- Fateh Army expels the regime forces from Nihlaya », sur archive.fo, The Syrian Observatory for Human Rights, (consulté le )
  14. « More than 20 rebels killed during clashes around al-Mastuma camp and Qalamoun », sur archive.fo, The Syrian Observatory for Human Rights, (consulté le )
  15. a et b AFP, « Al-Qaïda contrôle quasi totalement Idleb, nouveau revers au régime syrien », Le Point, (consulté le )
  16. Le Point avec AFP, « Syrie : la dernière ville de la province d'Idleb aux mains des djihadistes », Le Point, (consulté le )
  17. Wassim Nasr, « #Syrie il est à noter qu'#Ariha a été perdue par l'armée en moins de 3h de combats », Twitter,
  18. « 31 regime forces killed or executed in the city of Ariha », The Syrian Observatory for Human Rights,
  19. a et b OLJ avec AFP, « Syrie: les rebelles avancent vers des fiefs du régime », L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  20. « : Alep : "Il n'est pas sûr que les gagnants de la bataille soient les vainqueurs de la guerre" », Info.arte.tv, (consulté le )
  21. a b et c Luc Mathieu, « Syrie : l’Armée de la conquête sur le chemin de Damas », Libération, (consulté le )
  22. Julien Abi Ramia, Caroline Hauyek, Lina Kennouche, Samia Medawar et Anthony Samrani, « Syrie : qui combat qui, et où », OLJ,
  23. Luc Mathieu, « Syrie : l’Armée de la conquête sur le chemin de Damas Libération du 14 mai 2015 », Libération, (consulté le )
  24. « Djihad au pays de Cham 8/Le Parti Islamique du Turkestan »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), Historicoblog,
  25. Charles Lister, « Harakat Nour al-Din al-Zinki has joined the Jaish al-Fateh coalition - now with an increasing #Aleppo focus. », twitter,
  26. Romain Caillet, « #Syrie : le groupe Nur ad-Din az-Zenki rejoint la salle d'opération du commandement de Jaysh al-Fath pour la région d'#Alep. », sur twitter,
  27. Georges Malbrunot, « Alep : les enfants victimes des frappes russes et syriennes », Le Figaro, (consulté le )
  28. (en) Hassan Hassan, « Zinki and Suqour al-Sham (recently defected from Ahrar al-Sham) join Jaish al-Fateh (which includes Ahrar al-Sham). », twitter,
  29. « Romain Caillet, twitter »
  30. « David Thomson, twitter »
  31. « Syrie : des rebelles quittent une coalition, se recentrent sur Alep », sur lorientlejour.com, Reuters, (consulté le )
  32. a b et c Caroline Hayek, En Syrie, une trêve aux accents de guerre intestine rebelle, OLJ, 27 janvier 2017.
  33. Célian Macé, En Syrie, une trêve sous le signe du duo Poutine-Erdogan, Libération, 29 décembre 2016.
  34. Benjamin Barthe , Syrie : quelles sont les forces en présence à Astana ?, Le Monde, 23 janvier 2017.
  35. a et b Olivier Tallès, En Syrie, la guerre dans la guerre des rebelles d’Idlib, La Croix avec AFP, 27 janvier 2017.
  36. (en) « 5 Factions join Ahrar al_Sham Islamic movement in the battle against Fateh al_Sham front », OSDH, (consulté le )
  37. « Romain Caillet, Face à #JFS, les Faucons du Levant, Jaysh al-Islam(Idlib), Jaysh al-Mujahidin, Fastaqim & le Front du Levant(Idlib) intègrent Ahrar ash-Sham », twitter,
  38. « Des groupes islamistes syriens s'allient à l'ex-Front al-Nosra », Reuters, (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]