Astronomie gamma — Wikipédia

Aperçu de l'astronomie des rayons gamma.
De haut en bas, de gauche à droite :
- l'observatoire terrestre de rayons gamma MAGIC et le télescope spatial CGRO ;
- carte du ciel à des énergies supérieures à 1 GeV ;
- l'observatoire de rayons gamma HAWC.

L'astronomie gamma est le domaine de l'observation astronomique centrée sur le spectre électromagnétique des rayons gamma. Ces derniers englobent les photons émis à des énergies supérieures à 511 keV, et constituent la plus grande forme d'énergie lumineuse dont l'observation soit dans notre univers. Leur très haute énergie confère aux photons gamma un très grand pouvoir de pénétration dans la matière, ce qui empêche leur détection à l'aide d'instruments d'optique conventionnels. Il est cependant possible de mesurer leur flux et de retracer leur origine dans le ciel, que ce soit par l'usage de scintillateurs et de calorimètres, ou par l'observation indirecte de la cascade de particules produite lorsqu'un rayon gamma dissipe son énergie dans un milieu. À cet égard, les techniques de détection utilisées dans l'astronomie gamma sont souvent apparentées à celles de la physique des particules.

Elle a été proposée par Morrison en 1956. La découverte des premières sources spatiales de rayons gamma remonte aux années 1960. Le développement des techniques de détection directe et indirecte a permis de répertorier plus de 3000 objets célestes émettant dans cette région du spectre électromagnétique.

Le rayonnement gamma observé dans le ciel résulte des processus physiques les plus violents et énergétiques de notre univers. Son observation est essentielle à l'étude de la physique au-delà du modèle standard. De plus, elle permet de restreindre les modèles théoriques tentant de décrire plusieurs objets célestes : supernovas, trous noirs supermassifs, sursauts gamma, pulsars et galaxies actives.

Histoire[modifier | modifier le code]

Carte du ciel généré par EGRET (Compton Gamma-Ray Observatory) à des énergies supérieures à 100 MeV.

La première évocation du potentiel scientifique et des défis technologiques de l'astronomie gamma fut proposée par Philip Morrison en 1956[1]. La première observation gamma fut celle des éruptions solaires, présentant un pic à 2,223 MeV comme prédit par Morrison (produit lors de la réaction proton + neutron → deutérium). Ces observations solaires furent l'œuvre d'OSO 3, d'OSO 7 et de Solar Maximum Mission. Elles permirent le travail théorique de scientifiques comme Reuven Ramaty (en).

Durant les années 1960 et 1970, une part significative des avancées dans les technologies de détection spatiale des rayons gamma tirent leur origine de projets militaires. Ainsi, les satellites Vela, lancés par le département de la défense des États-Unis pour surveiller les activités nucléaires de l'URSS, furent équipés de scintillateurs capables de détecter et de trianguler l'origine de radiations émises par des éventuels essais nucléaires terrestres et lunaires. Ces instruments furent les premiers à découvrir, en 1972, l'existence de sursauts gamma, des impulsions sporadiques et très intenses de rayons gamma d'origine cosmique[2]. Le Compton Gamma-Ray Observatory, ou CGRO, fut un des grands observatoires de la NASA destinés à l'étude du ciel dans le spectre gamma. Le satellite, muni de 4 instruments permettant d'imager une large plage du spectre des rayons gamma (de ~0,02 MeV a ~30 GeV), détecta une vaste quantité de sources cosmiques et d'évènements astronomiques transitoires.

BeppoSAX, lancé en 1996 et qui a quitté son orbite en 2003, prévu surtout pour l'étude des rayons X, a aussi observé les rayons gamma. Il a permis d'observer les composantes de certaines sources dans d'autres gammes du spectre électromagnétique, et ainsi de préciser leur localisation. On a pu parfois observer dans le visible des rémanents dans des galaxies lointaines.

HETE-2, lancé en 2000, est toujours opérationnel bien que son fonctionnement soit réduit depuis 2006[3], il a notamment permis la découverte de GRB 050709. Le satellite de la NASA SWIFT, lancé en 2004, transporte l'instrument BAT. Ce dernier a permis la détermination de la contrepartie visuelle de nombreuses sources, dans des galaxies lointaines, et de confirmer que la plupart sont le fait de supernovæ ou d'hypernovæ.

INTEGRAL, INTErnational Gamma-Ray Astrophysics Laboratory, de l'ESA, lancé en 2002, et le téléscope spatial Fermi-GLAST (qui contient les instruments LAT et GBM), lancé par la NASA en juin 2008, sont les principales activités actuelles.

Au total, ce sont plus de 3000 objets ont été répertoriés dans cette catégorie[4].

Physique des rayons gamma[modifier | modifier le code]

Exemple de sections efficaces d'atténuation du rayonnement électromagnétique par des atomes de fer. Le processus dominant l'interaction photon-matière est fortement dépendant de l'énergie du photon incident.

L'expression rayon gamma se réfère généralement au rayonnement électromagnétique émis au-delà de 100 kiloélectron-volt, ce qui couvre plusieurs ordres de grandeur d'énergie et par conséquent, plusieurs mécanismes de production. Tous ces mécanismes ont en commun d'être de nature non-thermique, c'est-à-dire qu'un rayon gamma ne peut provenir d'un mécanisme de radiation d'un corps noir.

Les photons gamma de l'ordre du MeV sont produits lors de transitions nucléaires, ou lors de la désintégration de noyaux atomique radioactifs. De leur côté, les rayons gamma de plus haute énergie peuvent être produit dans des environnements impliquant des particules fortement accélérées. Les processus d'accélération par chocs peuvent générer des ions ultra-rapides qui, par diffusion Compton inverse, produiront des photons gamma de l'ordre du GeV. Ces ions peuvent également, lors de collisions avec d'autres protons, produire des pion neutres qui, lors de leur désintégration, produiront deux photons gamma. Ce dernier mécanisme résulte également en la production de pion chargés, qui sont une source de neutrinos.

Une fois produits, les rayons gamma interagissent avec la matière par le biais de trois procédés distincts :

La fréquence de chaque type d'interaction dépend de sa section efficace, qui dépend fortement de l'énergie du photon incident.

Instruments de détection[modifier | modifier le code]

Méthode d'observation directe depuis l'espace[modifier | modifier le code]

Bien qu'il soit impossible d'utiliser un capteur CCD pour imager le rayonnement gamma, il est toutefois possible de détecter directement ce dernier à l'aide de matériaux favorisant la création de paires et de particules secondaires à l'intérieur d'un volume de détection. Il est alors possible d'estimer l'énergie du photon incident en recueillant une partie ou la totalité des particules secondaires dans des calorimètres.

Les premières observations directes de rayonnement gamma provenant de l'espace furent effectuées à l'aide de scintillateurs et de chambres à étincelles, montés à bord de satellites. Ces premiers satellites, tels qu'Explorer 11 (1961) ou OSO-3 (1967), furent capables de confirmer l'existence d'un tel type de rayonnement, sans pour autant être en mesure de localiser les sources potentielles de ces émissions[5],[6]. La détection par SAS-2 (1972-1975) d'émissions gamma provenant de la nébuleuse du Crabe et du pulsar des Voiles permirent pour la première fois de confirmer l'existence de sources discrètes émettant de la lumière à des énergies supérieures à 35 MeV[7].

La détection de sources gamma ponctuelles requiert une grande capacité de reconstruction de la trajectoire des photons gamma. Pour ce faire, le volume de détection dans lequel les photons sont amenés à interagir peut être subdivisé en sections permettant de suivre la trajectoire de la paire électron-positron initialement générée lorsque le photon gamma interagit avec le matériau de détection. Le satellite COS-B (1975-1982) fut le premier satellite à être construit suivant ce principe, et a permis la découverte de 25 nouvelles sources de rayonnement gamma. Ce design fut repris par la suite par le détecteur EGRET, l'un des instruments du Compton Gamma-Ray Observatory.

Avant l'avènement du Large Area Telescope du télescope spatial Fermi, une innovation majeure fut apportée au principe de détection par traçage, soit le remplacement de chambres à gaz par un medium semi-conducteur. l'emploi de cette nouvelle technologie permit la construction d'un plus gros détecteur (1 m3), et augmenta significativement la durée de vie du détecteur en n'ayant plus recours à du gaz sous pression, un bien consommable qui finit par s'épuiser dans l'espace.

Observation depuis le sol[modifier | modifier le code]

Un des télescopes du Very Energetic Radiation Imagning Telescope Array System (VERITAS), servant à l'observation du rayonnement Tchérenkov atmosphérique.

Les rayons gamma les plus énergétiques (>20 GeV) peuvent aussi être détectés depuis le sol. Les photons gamma arrivant dans l'atmosphère interagissent avec les atomes de l'atmosphère terrestre et produisent des cascades électromagnétiques. Ces cascades ont pour conséquence d'accélérer un ensemble de particules (protons, électrons, muons) à des vitesses surpassant la vitesse à laquelle la lumière se propage dans l'air. Elles émettent alors un front d'onde cohérent (un effet appelé effet Vavilov-Tcherenkov) qui se propage sous la forme d'un cône de lumière à des longueurs d'onde proches du bleu et de l'ultraviolet). Cette impulsion lumineuse perdure pendant une dizaine de nanosecondes, et peut être détectée à l'aide de télescopes focalisant la lumière sur un ensemble de tubes photomultiplicateurs.

Courant 2019, trois observatoires de rayonnement Tcherenkov atmosphérique sont en activité :

L'imagerie Tcherenkov atmosphérique est toujours en plein développement et il existe des projets d'observatoires utilisant des télescopes plus grands et en plus grand nombre que les observatoires actuels. Le Cherenkov Telescope Array (CTA), est un observatoire de nouvelle génération dont la construction a débuté en 2019 et qui devrait devenir opérationnel vers 2025.

La première source détectée grâce à cette technique est la nébuleuse du Crabe. Elle l'a été en 1989 par le télescope à imagerie Tcherenkov atmosphérique de 10 mètres de diamètre de l'observatoire Whipple, en Arizona. Une cinquantaine de sources de photons d'énergie supérieure à 100 GeV ont été détectées. Les photons les plus énergétiques qui aient été détectés proviennent de Markarian 501 et font plus de 16 TeV (détectés par HEGRA).

Outre l'utilisation de l'atmosphère comme milieu d'interaction des rayons gamma, il est aussi possible de recourir à des bassins d'eau pour effectuer de l'observation astronomique à de telles énergies. Cette technique d'imagerie par rayonnement Tcherenkov aquatique fut utilisée par des observatoires tel que MILAGRO, et est maintenant à la base du fonctionnement du High Altitude Water Cherenkov Experiment (HAWC), un ensemble de 300 bassins de 7 m de diamètre, munis chacun de 4 photodétecteurs.

L'une des grandes difficultés rencontrées dans l'observation terrestre des rayons gamma consiste à séparer les signaux issus de photons de ceux émis lorsque des rayons cosmiques (principalement composés de hadrons) pénètrent dans l'atmosphère. Ces derniers étant beaucoup plus nombreux (~1000 fois) à atteindre l'atmosphère, il est nécessaire de bien caractériser la géométrie des cascades électromagnétiques de chaque type d'évènement (gamma ou hadron), puis d'entraîner des algorithmes à reconnaître et identifier les cascades gamma.

Sources cosmiques de rayonnement gamma[modifier | modifier le code]

Les objets étudiés sont les plus énergétiques de l'Univers, ce sont sensiblement les plus énergétiques de ceux étudiés par l'astronomie X : certaines étoiles en fin de vie, supernovas, hypernovas, rémanents de supernovas, pulsars, microquasars, trous noirs stellaires et supermassifs, galaxies actives, blazars. Les sources gamma pourraient aussi provenir de nouvelles physiques telles que des trous noirs primordiaux ou de concentration de matière noire.

Le Soleil émet également une très petite quantité de rayons gamma de haute énergie (jusqu'à 467,7 GeV), mais le mécanisme physique sous-jacent est mal connu[8].

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) P. Morrison, « On Gamma-Ray Astronomy », il Nuovo Cimento, vol. 7, no 6,‎ , p. 858-865 (lire en ligne)
  2. (en) Ray W. Klebesadel, Ian B. Strong et Roy A. Olson, « Observations of gamma-ray bursts of cosmic origins », The Astrophysical Journal, no 182,‎ (DOI 10.1086/181225, lire en ligne)
  3. (en) Suivi du programme sur le site du MIT
  4. (en) FERMI Collaboration, « The fermi-LAT Third Source Catalog », The Astrophysical Journal Supplement Series, vol. 218, no 2,‎ (arXiv 1501.02003)
  5. (en) W.L Kraushaar, « High-Energy Cosmic Gamma-Ray Observations from the OSO-3 Satellite », The Astrophysical Journal, no 177,‎ (lire en ligne)
  6. (en) W. Kraushaar, « Explorer XI Experiment on Cosmic Gamma-Rays », The Astrophysical Journal, no 3,‎ (lire en ligne)
  7. (en) D. A. Kniffen, « Gamma radiation from the Crab Nebula above 35 MeV », Nature, vol. 251,‎ (DOI 10.1038/251389a0)
  8. (en) Tim Linden, Bei Zhou, John F. Beacom, Annika H. G. Peter, Kenny C. Y. Ng et Qing-Wen Tang, « Evidence for a New Component of High-Energy Solar Gamma-Ray Production », Physical Review Letters, vol. 121,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Pierre Léna, Daniel Rouan, François Lebrun, François Mignard, Didier Pelat et al., L'observation en astrophysique, EDPSciences/CNRS Edition, , 742 p. (ISBN 978-2-271-06744-9)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]