Bétyle — Wikipédia

Un bétyle (en latin Baetylus, du grec ancien βαίτυλος / Báitylos) est une pierre sacrée non sculptée, ayant parfois une simple forme géométrique (généralement conique ou tronconique) et étant parfois brute, faisant l'objet de vénération, voire d'adoration[1] avec un sens fétichiste[2]. Ils peuvent symboliser un dieu païen ou prendre sa place[2].

Il s'agit assez fréquemment de météorites, au sens strict ou supposé, dans lesquelles les sources antiques ou médiévales voient la manifestation ou la représentation d'une divinité ou d'un héros divinisé[1]. Les bétyles sont ordinairement l'objet d'un culte, et parfois d'offrandes[3].

Les bétyles sont en fait des pierres qui sont considérées comme des « demeures divines » par ces peuples anciens. Dans le récit de la Genèse, le nom de Beith-el est donné à la pierre de Jacob, et ce nom fut appliqué par extension au lieu même où il avait eu sa vision pendant que sa tête reposait sur la pierre.

Les bétyles sont désignés chez de nombreux peuples anciens par le nom de « pierres noires », ce qui semble les rapprocher des météorites[réf. nécessaire].

Origine du mot[modifier | modifier le code]

Le mot bétyle provient de l'hébreu « Beth-el » (« demeure divine » ou « Maison de Dieu »). Par la suite, ce mot est utilisé par les Grecs pour désigner une série de pierres servant à la vénération de divinités païennes[2],[4],[5]. Selon les cultures et les cas, ils sont appelés également aérolithes, « pierres de foudre » ou argos lithos (en grec), « pierre brute »[1].

Attestation de bétyles[modifier | modifier le code]

Procession du bétyle, Palmyre.

Parmi les bétyles attestés par leur existence actuelle ou par l'archéologie, on peut citer les suivantes.

Localisation[modifier | modifier le code]

Les bétyles sont des objets cultuels de formes et de tailles diverses. Ils peuvent être fixes ou faire l'objet de processions[12].

Les bétyles fixes peuvent se trouver dans l'enceinte d'un temple, dans des niches (comme pour les bétyles de la source de Palmyre[13]) ou dans une construction recouverte d'étoffes appelée qubba et dont la Kaaba de la Mecque serait un exemple[14].

Représentations[modifier | modifier le code]

Revers d'une monnaie d'Uranius Antoninus (vers 253) représentant le temple du dieu solaire Élagabal à Émèse et son bétyle.

Les bétyles ou leurs représentations étaient nombreux dans les religions de l'Antiquité :

Dans la tradition biblique[modifier | modifier le code]

Dans la tradition biblique, un bétyle est une pierre dressée vers le ciel marquant la présence de la divinité [17]. L'origine de cette pierre est attribuée à une scène de Jacob à Béthel. Celui-ci, endormi sur une pierre, rêva d'une échelle dressée vers le ciel et parcourue par des anges quand Dieu lui apparut et lui donna la pierre en question. Jacob comprend alors que la pierre est une porte vers le ciel et vers la divinité. D'une position allongée, il la fait passer à une position verticale et y répand de l'huile. Il la nomme « Béthel » (Beth : maison, El : divinité ⇒ « maison de Dieu »). Un bétyle ne représente pas Dieu, mais signale sa présence.

En raison d'une confusion probable entre cette signification et un culte d'adoration, cette pratique est condamnée par le texte biblique : « Ne vous fabriquez pas de faux dieux, ne dressez pas d'idoles ou de pierres sacrées, ne placez pas dans votre pays de pierres décorées pour les adorer. En effet, je suis le Seigneur votre Dieu. »[18]

Dans le paganisme arabe préislamique[modifier | modifier le code]

Dans le paganisme arabe préislamique, les bétyles jouaient un rôle très important dans les différents cultes. Les Arabes de l'époque, avaient la conception que, à l'intérieur de la pierre, se trouvait une divinité enfermée. Selon l'historienne Jacqueline Chabbi, les populations arabes nomades avaient des "bétyles transportés", qui accompagnaient le groupe nomade en permanence. Certains bétyles au Yémen étaient sculptés et avaient des formes anthropomorphiques[19].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f Vinciane Pirenne-Delforge, Retour à la source Pausanias et la religion grecque, Presses universitaires de Liège, (ISBN 978-2-8218-2908-4 et 2-8218-2908-6, OCLC 960812526, lire en ligne)
  2. a b et c (en) « baetylus | Greek religion | Britannica », sur www.britannica.com (consulté le ) : « Numerous holy, or fetish, stones existed in antiquity, generally attached to the cult of some particular god and looked upon as his abiding place or symbol. »
  3. François Lenormant, « Les Bétyles », Revue De L’histoire Des Religions, vol. 3,‎ , p. 31-53 (lire en ligne).
  4. « βαίτυλος - Ancient Greek (LSJ) », sur lsj.gr (consulté le )
  5. Wendy Internet Archive et Inc Merriam-Webster, Merriam-Webster's encyclopedia of world religions ; Wendy Doniger, consulting editor, Springfield, Mass. : Merriam-Webster, (ISBN 978-0-87779-044-0 et 978-0-9650672-3-2, lire en ligne)
  6. Claude Gilliot, « Origines et fixation du texte coranique », Études, vol. 12, t. 409,‎ , p. 643–652.
  7. a et b François Villeneuve, La résistance des cultes bétyliques d'Arabie face au monothéisme : de Paul à Barsauma et à Muhammad, Picard, (ISBN 978-2-7084-0872-2, lire en ligne)
  8. (en) « Arabian religion - Sanctuaries, cultic objects, and religious practices and institutions | Britannica », sur www.britannica.com (consulté le ) : « The Kaaba in Mecca, which became the sacred shrine of the Muslims, has a similar structure: it is a closed cella (which was full of idols in pre-Islamic times) in a walled enclosure, with a well. A baetyl, the Black Stone, is inserted in the wall of the Kaaba. »
  9. a et b Julien Aliquot, « Au pays des Bétyles : l’excursion du philosophe Damascius à Émèse et à Héliopolis du Liban », Cahiers du Centre Gustave Glotz, vol. 21, no 1,‎ , p. 305–328 (DOI 10.3406/ccgg.2010.1732, lire en ligne, consulté le )
  10. a et b Marie-Jeanne Roche, « Religions préislamiques d’Arabie », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses. Résumé des conférences et travaux, no 115,‎ , p. 111–116 (ISSN 0183-7478, DOI 10.4000/asr.407, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Thierry Petit, « Sanctuaires palatiaux d'Amathonte (dont un sanctuaire à bétyles) », Cahiers du Centre d'Etudes Chypriotes, vol. 32,‎ , p. 289 (lire en ligne, consulté le )
  12. Lammens 1920, p. 39–101.
  13. Robert du Mesnil du Buisson, « Première campagne de fouilles à Palmyre », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 110e année, no 1,‎ , p. 158–190.
  14. (de) Ludwig Ammann, Die Geburt des Islam : historische Innovation durch Offenbarung, p. 16.
  15. (en) A. J. Wensinck et J. Jomier, Encyclopédie de l’Islam, Koninklijke Brill, (DOI 10.1163/9789004206106_eifo_perio), « Kaʿba ».
  16. René Guénon, Symboles fondamentaux de la science sacrée, Paris, Gallimard, (ISBN 2-07-023009-0).
  17. Cf Bétyle ou « maison de dieu » : http://www.interbible.org/interBible/decouverte/archeologie/2006/arc_060915.htm
  18. Bible Segond 1910/Lévitique (complet) 26,1.
  19. Jacqueline Chabbi, Le seigneur des tribus L’islam de Mahomet, Paris, CNRS, 2020