Bacchus — Wikipédia

Bacchus
Dieu de la mythologie romaine
Bacchus jeune vu par Le Caravage à la fin du XVIe siècle.
Bacchus jeune vu par Le Caravage à la fin du XVIe siècle.
Caractéristiques
Nom latin Bacchus
Fonction principale Dieu du vin
Fonction secondaire Dieu de l'ivresse, des débordements et de la nature
Période d'origine Rome antique
Équivalent(s) par syncrétisme Dionysos, Liber Pater et Fufluns
Famille
Père Jupiter (Zeus en Grec)
Mère Sémélé (Sémélé en grec aussi)
Symboles
Attribut(s) canthare, et thyrse Grappe de raisin
Animal Panthère, âne et bouc
Végétal vigne, grappe de raisin

Bacchus (du grec ancien : Βάκχος / Bákkhos) est un dieu romain correspondant à Dionysos dans la mythologie grecque. Les Romains utilisaient Bacchus comme un autre nom de Liber Pater, un dieu latin de la fécondité[1].

Histoire et symbolisme[modifier | modifier le code]

Le mot « Bacchus » est une translittération en alphabet latin de l'épithète Βάκχος (Bákkhos), qui qualifie généralement le dieu grec Dionysos[note 1]. L'introduction à Rome de Dionysos se fait ainsi sous le nom de « Bacchus », aussi assimilé à la divinité Liber Pater[2]. La représentation de Bacchus est partiellement liée à son correspondant grec, et ses attributs en sont essentiellement les mêmes.

Passant à Rome, le culte de Dionysos accentue son caractère subversif, « qui passe du mythe à la réalité » et qui perd tout lien avec le vin[3].

Le dieu tient souvent à la main un thyrse, entouré de vigne et de lierre et surmonté d'une pomme de pin. Le thyrse peut faire jaillir la vigne ou le lierre. Il peut s'incarner en taureau, en bouc et en serpent.

La panthère, l'âne, le bouc, la patère, le canthare, le lierre, la vigne et la grappe de raisin sont les animaux et objets qui lui sont associés. D'autres attributs ont été empruntés à Dionysos, comme le thyrse qu'il porte parfois.

Dionysos est le père du théâtre et de la tragédie en Grèce.

Liens de parenté mythologique[modifier | modifier le code]

Jupiter et Sémélé. Peinture de Sebastiano Ricci, 1695

Bacchus est le fils de Jupiter et de Sémélé, fille du roi de Thèbes, par transfert du mythe de Dionysos.

Sémélé était une jeune princesse mortelle, aimée de Jupiter. Ce dernier, trompant Junon, lui fit un enfant, Bacchus.

Par vengeance, Junon incite Sémélé à demander à Jupiter (qui a promis d'accomplir le souhait de la future mère) de se montrer dans sa gloire divine. Sémélé le lui demande ; Jupiter ne peut se dédire et s'exécute, mais en apparaissant sous sa forme de dieu de la foudre, il la tue. Cependant il recueille le fœtus et le met dans sa cuisse, le cachant pour un temps à la vindicte de Junon. Bacchus fut ainsi appelé Bimater (en latin bis : deux fois, mater : mère), puisqu'il fut porté pendant sa gestation par deux personnes différentes.

Junon ne désarme pas : une fois Bacchus né, elle délègue les Titans pour en finir avec lui. Ils le découpent en morceaux et le font bouillir dans un chaudron. Mais Mercure transforme l'enfant en chevreau et le confie aux nymphes de Nysa. Une vigne dissimule leur grotte et le jeune dieu s'en nourrit.

Silène, son père nourricier et son précepteur, était le fils de Mercure ou de Pan et d'une nymphe. On le représente d'ordinaire avec une tête chauve, des cornes, un gros nez retroussé, une petite taille et une forte corpulence. Il est le plus souvent montré chevauchant un âne, en état d'ivresse, éprouvant donc des difficultés à se tenir sur sa monture. S'il est à pied, il marche d'un pas chancelant, appuyé sur un bâton ou sur un thyrse, sorte de long javelot. On le reconnaît aisément à sa couronne de lierre, à la tasse qu'il tient, à son air jovial. Dans une églogue de Virgile, les vapeurs du vin n'empêchent pas ce curieux vieillard d'exposer sa doctrine sur la formation du monde. Malgré un portrait si peu flatteur, Silène, quand il n'était pas ivre, était un grand sage, capable de donner à son divin élève des leçons de philosophie.

Autre version[modifier | modifier le code]

D'autres racontent que les nymphes le retirèrent des cendres maternelles, et se chargèrent de l'élever. Quoi qu'il en soit, Bacchus passa son enfance loin de l'Olympe et de la malveillance de Junon, dans les campagnes de Nysa, ville fabuleuse de l'Arabie heureuse ou peut-être des Indes. Là, sa tante Ino, par ordre de Jupiter, veilla à sa première éducation avec le secours des Hyades, des Heures et des nymphes, jusqu'à ce qu'il fût en âge d'être instruit par les Muses et Silène.

Il devint le dieu de la Vigne, du Vin et des Festivités, mais aussi de la Danse, de la Végétation, des Plaisirs de la vie et de ses Débordements.

Conquête des Indes[modifier | modifier le code]

Sarcophage du triomphe de Bacchus au musée de Lyon.
Carte établie par l'historien Konrad Miller (de), d'après Denys le Périégète. L'Inde (Jndia) est tout en haut.

Devenu adulte, il fit la conquête des Indes avec une troupe d'hommes et de femmes portant, au lieu d'armes, des thyrses et des tambours, où il fonda une autre ville appelée Nysa (en). Son retour fut une marche triomphale de jour et de nuit (thème rappelant l'expédition d'Alexandre le Grand, et fréquemment représenté). Ensuite, il passa en Égypte, où il enseigna l'agriculture et l'art d'extraire le miel ; il planta la vigne, et fut adoré comme étant le dieu du vin.

Denys le Périégète décrit l'Inde dans son Voyage autour du monde (IIe – IIIe siècle de notre ère), dont Konrad Miller (de) tire une carte. Dessus, au niveau de l'Inde, on peut observer une ville appelée Nisa au bord du Gange, une « Nysaea Via », un « Nysaeum Litus » et des « Columnae Bacchi » (Colonnes de Bacchus en latin).

Conti, Mythologie.V, 13 : « Bacchus leva une armée de gens du plat pays et des femmes, avec laquelle il passa jusqu’aux Indes et plus intimes parties d’Asie. Puis ayant subjugué les Indiens qui le nazardoient, et toutes les autres nations orientales, il fit dresser deux piliers sur le rivage de la mer Océane ès montagnes d’Indie emprès la rivière du Gange. »
Rabelais, Cinquième livre, chapitre 45, dans le calligramme de la Dive Bouteille : « Bacchus, qui fut d'Inde vainqueur »

Ses relations sociales[modifier | modifier le code]

Bacchus, appréciant les honneurs qui lui étaient dédiés, punit sévèrement tous ceux qui voulurent s'opposer à l'établissement de son culte. À Thèbes, Penthée, successeur de Cadmus, fut mis en pièces par les Bacchantes ; les Minyades ou filles de Minyas furent changées en chauves-souris. Elles étaient trois : Iris, Clymène et Alcithoé. Soutenant que Bacchus n'était pas fils de Jupiter, elles continuèrent à travailler pendant ses fêtes, et refusèrent d'assister à la célébration des Orgies.

Silène avec Dionysos enfant. Marbre, copie romaine du milieu du IIe siècle d'un original grec (vers 300 av. J.-C.). Musée du Vatican

Bacchus triompha de tous ses ennemis et de tous les dangers auxquels les persécutions incessantes de Junon l'exposaient. Un jour, fuyant devant l'implacable déesse, il tomba de fatigue et s'endormit. Un serpent à deux têtes l'attaqua (Amphisbène), et le dieu, à son réveil, le tua d'un coup de sarment. Junon finit par le frapper de folie, et le fit errer dans une grande partie du monde. Il fut d'abord accueilli avec bienveillance par Protée, roi d’Égypte, puis il passa en Phrygie, où, ayant été admis aux expiations, il fut initié aux mystères de Cybèle. Dans la guerre des géants, il se transforma en lion, et combattit avec rage. Pour l'animer, Jupiter lui criait sans cesse : « Évohé, courage, mon fils. »

Venu dans l'île de Naxos, il consola et épousa Ariane abandonnée par Thésée, et lui donna la fameuse couronne d'or, chef-d'œuvre de Vulcain. C'est Bacchus, dit-on, qui le premier établit une école de musique ; c'est en son honneur que furent données les premières représentations théâtrales.

Fêtes/religion[modifier | modifier le code]

Bacchanale par Jules Dalou, dont le modèle a été exposé au Salon de 1891. Se trouve au centre de la fontaine du Jardin des serres d'Auteuil à Paris, pierre de Tercé, vers 1895–1898.

Les cortèges de Bacchus étaient fort nombreux. Sans compter Silène et les Bacchantes, on y remarquait des nymphes, des satyres, des bergers, des bergères, et même le dieu Pan. Tous portaient le thyrse enlacé de feuillage, des ceps de vigne, des couronnes de lierre, des coupes et des grappes de raisin. Bacchus ouvre la marche, et tout le cortège le suit, en poussant des cris et faisant retentir de bruyants instruments de musique.

Les Bacchantes ou Ménades étaient primitivement les nymphes ou les femmes que Bacchus avait emmenées avec lui à la conquête des Indes. Plus tard, on désigna de ce nom des jeunes filles qui, simulant un transport bachique, célébraient les Orgies ou fêtes de Bacchus par une attitude, des cris et des bonds désordonnés. Elles avaient les yeux hagards, la voix menaçante : leur chevelure flottait éparse sur leurs épaules nues.

Il est symbolisé par la pie, parce que le vin délie les langues, et rend les buveurs indiscrets[4] ; le bouc et le lièvre, parce qu'ils mangent les bourgeons de la vigne. Parmi les quadrupèdes, la panthère ; et parmi les arbres, la vigne, le lierre, le chêne et le sapin.

Il est parfois nommé Liber (Libre), parce que le dieu du vin délivre l'esprit de tout souci ; Evan, parce que ses prêtresses, dans leurs orgies, couraient de tous côtés en criant : Evohé ; Bacchus, dérivé d'un mot grec qui signifie « crier », allusion aux cris des bacchantes ou des grands buveurs. Il porte encore d'autres surnoms empruntés à son pays d'origine ou aux effets de l'ivresse : Nysæus, de Nysa, Lyæus, qui chasse le chagrin, Bromius, bruyant, etc.

Les orgies ou bacchanales étaient célébrées primitivement par des femmes, dans les bois, les montagnes, au milieu des rochers. Elles affectaient un caractère mystérieux. Plus tard, elles admirent des personnes des deux sexes à leur célébration. Il en résulta souvent d'infâmes désordres.

On lui faisait, ainsi qu'à Mercure, des libations avec du vin coupé d'eau, tandis que les libations se faisaient aux autres dieux avec du vin pur.

À Rome, on célébrait, en l'honneur de Bacchus ou Liber, des fêtes dites Libérales. Dans ces fêtes très licencieuses, les dames romaines ne rougissaient pas de tenir des propos indécents, et de couronner les moins honnêtes représentations du dieu. L'an 558 de la fondation de la ville (-186), le sénat prit un décret pour remédier à cette licence (voir le Scandale des Bacchanales).

Représentations[modifier | modifier le code]

Bacchus est représenté ordinairement avec des cornes, symboles de la force et de la puissance, couronné de pampre, de lierre ou de figuier, sous les traits d'un jeune homme riant et enjoué. D'une main, il tient une grappe de raisin ou une corne en forme de coupe ; de l'autre, un thyrse entouré de feuillage et de bandelettes. Il a les yeux noirs, et, sur ses épaules descend en tresses ondoyantes sa longue chevelure blonde aux reflets d'or. Il est le plus souvent imberbe, sa jeunesse étant éternelle comme celle d'Apollon. Il est vêtu d'un manteau de pourpre.

Il est tantôt assis sur un tonneau, tantôt monté sur un char traîné par des tigres ou des panthères, quelquefois par des centaures dont les uns jouent de la lyre, les autres de la double flûte. Sur les monuments les plus anciens, il est représenté avec une tête de taureau ; sur quelques médailles, on le représente debout, barbu, avec une robe triomphale qui tombe jusque sur ses pieds. Le musée du Louvre possède plusieurs statues de Bacchus, entre autres celle de Bacchus au repos. Une représentation également sur le site de Volubilis à Meknès au Maroc date des Romains.

Sculptures[modifier | modifier le code]

Peintures et gravures[modifier | modifier le code]

Musique[modifier | modifier le code]

Cinéma[modifier | modifier le code]

Littérature et théâtre[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. L'épithète se rapporte parfois aussi à Zeus. Voir les articles « Bacchus » et « Βάκχος » sur le Wiktionnaire.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, Bourges, Classiques Garnier, , 516 p. (ISBN 2-7050-0055-1 (édité erroné), BNF 34686495), Page 75-80
  2. « Bacchus », encyclopédie Larousse (consulté le )
  3. Jean Haudry, Le feu dans la tradition indo-européenne, Archè, Milan, 2016 (ISBN 978-8872523438), p. 382-384
  4. (en) « Allegory with Bacchus | Gallerie Estensi », sur www.gallerie-estensi.beniculturali.it (consulté le )
  5. Musée de Washington

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Briscoe, John. « A. Postumius Albinus, Polybius and Livy’s Account of the Bacchanalia ». Hommages à Carl Deroux, Tome IV, édité par Pol Defosse et Carl Deroux, Latomus, 2003, p. 302‑08.
  • Cova, Pier Vincenzo. « Livio e la repressione dei Baccanali ». Atheneaum, vol. 52, no 1, 1974, p. 82‑109.
  • De Saint Denis, Émile. « A propos du culte de Bacchus (Virgile, Georg., II, 385-396) ». Revue belge de Philologie et d’Histoire, vol. 27, no 3, 1949, p. 702‑12.
  • Dubourdieu, Annie, et Elisabeth Lemirre. « La rumeur dans l’affaire des Bacchanales ». Latomus, vol. 56, no 2, 1997, p. 293‑306.
  • Flower, Harriet I. « Rereadding the Senatus-Consultum De Bacchanalibus of 186 BC: Gender Roles in the Roman Middle Republic ». Oikistes: Studies in Constitutions, Colonies, and Military Power in the Ancient World. Offered in Honor of A. J. Graham, édité par Alexander John Graham et al., Brill, 2002, p. 79‑98.
  • Foucher, Louis. « Le culte de Bacchus sous l’empire Romain ». Aufstieg und niedergang der Römischen welt : geschichte und kultur Roms im spiegel der neueren forschung., édité par Wolfgang Haase, De Gruyter, 1981, p. 684‑702.
  • Jeanmaire, Henri. Dionysos, histoire du culte de Bacchus. Payot, 1951.
  • Krawczyk, Małgorzata. « The role of Bacchus/Liber Pater in the Severan religious policy: the numismatic and epigraphic evidence ». Dionysus and Politics, Routledge, 2021, p. 142‑58.
  • Massa, Francesco. « The Shadow of Bacchus: Liber and Dionysus in Christian Latin Literature (2nd–4th centuries) ». Dionysus and Rome: Religion and Literature, édité par Fiachra Mac Góráin, De Gruyter, 2019, p. 219‑38.
  • Miller, John F. « Bacchus and the exiled Ovid (Tristia 5.3) ». Dionysus and Rome: Religion and Literature, édité par Fiachra Mac Góráin, De Gruyter, 2019, p. 177‑92.
  • Pailler, Jean-Marie. Bacchanalia: la répression de 186 av. J.-C. à Rome et en Italie: vestiges, images, tradition. École française de Rome, 1988.
  • Pailler, Jean-Marie. Bacchus: figures et pouvoirs. Les Belles lettres, 1995.
  • Pailler, Jean-Marie. « Les Bacchanales, dix ans après ». Pallas, vol. 48, no 1, 1998, p. 67‑86.
  • Pailler, Jean-Marie. Les mots de Bacchus. Presses universitaires du Mirail, 2009.
  • Scafuro, Adele. « Livy’s Comic Narrative of the Bacchanalia ». Helios, vol. 16, no 1, 1989, p. 119‑42.
  • Steinhauer, Julietta. « Dionysian Associations and the Bacchanalian Affair ». Dionysus and Rome: Religion and Literature, édité par Fiachra Mac Góráin, De Gruyter, 2019, p. 133‑56.
  • Takács, Sarolta A. « Politics and Religion in The Bacchanalian Affair of 186 ». Harvard Studies in Classical Philology, vol. 100, no 1, 2000, p. 301‑10.
  • Tomas, Agnieszka. « Dionysus or Liber Pater? The Evidence of the Bacchic Cult at Novae (Castra et Canabae Legionis ) and in Its Hinterland ». Ad Fines Imperii Romani. Studia Thaddaeo Sarnowski Ab Amicis, Collegis Discipulisque Dedicata, Archeobooks, 2015, p. 257‑76.
  • Turcan, Robert. « Bacchoi ou bacchants? De la dissidence des vivants à la ségrégation des morts ». L’association dionysiaque dans les sociétés anciennes. Actes de la table ronde (Rome, 24-25 mai 1984), École française de Rome, 1986, p. 227‑46.
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  • Walsh, Peter G. « Making a Drama out of a Crisis: Livy on the Bacchanalia ». Greece & Rome, vol. 43, no 2, 1996, p. 188‑203.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]