Bataille de Poitiers (1356) — Wikipédia

Bataille de Poitiers
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Miniature de la bataille par le Maître de la Chronique d'Angleterre, tirée du Recueil des Chroniques d'Angleterre, tome 2, BNF, Fr.87, fo 199 ro.
Informations générales
Date
Lieu Nouaillé-Maupertuis, à 8 km au sud de Poitiers
Issue Victoire anglaise décisive
Belligérants
Royaume de France Royaume d'Angleterre
Commandants
Jean II le Bon  (c)
Pierre Ier de Bourbon
Gautier VI de Brienne
Arnoul d'Audrehem  (c)
Jean de Clermont
Philippe d'Orléans  (c)
Édouard de Woodstock
Jean III de Grailly
Thomas de Beauchamp
William Montagu
John Chandos
Forces en présence
14 000 hommes 7 000 hommes
Pertes
15 barons tués[1]
2 426 hommes d'armes tués[1]
1 933 hommes d'armes prisonniers[1]
190 hommes d'armes et 150 archers tués[2]

Guerre de Cent Ans

Batailles

Coordonnées 46° 32′ 24″ nord, 0° 23′ 24″ est
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Bataille de Poitiers
Géolocalisation sur la carte : Nouvelle-Aquitaine
(Voir situation sur carte : Nouvelle-Aquitaine)
Bataille de Poitiers

La bataille de Poitiers a été livrée au cours de la guerre de Cent Ans le à Nouaillé-Maupertuis, près de Poitiers en Aquitaine. Le roi de France Jean II le Bon cherche à intercepter l'armée anglaise conduite par Édouard de Woodstock, prince de Galles, qui est en train de mener une chevauchée dévastatrice. Par une tactique irréfléchie, Jean II conduit ses troupes, quoique numériquement très supérieures, au désastre et se fait prendre, ainsi que son fils Philippe et de nombreux membres éminents de la chevalerie française[3].

Les conséquences de la défaite française sont catastrophiques pour la couronne des Valois. Le pays est nominalement dirigé par l'héritier du trône, le dauphin Charles. Celui-ci doit affronter la Grande Jacquerie en 1358, qui conteste les privilèges de la noblesse, celle-ci ayant perdu de son prestige à Poitiers. La première phase de la guerre de Cent Ans s'achève par une indéniable victoire anglaise, qui est confirmée par la signature du traité de Brétigny en 1360.

Campagne précédant la bataille[modifier | modifier le code]

Course poursuite entre la chevauchée du Prince noir et l'Ost royal.

La chevauchée menée, début , par le Prince noir dévaste une grande partie du Bergeracois, du Périgord, du Nontronnais, du Confolentais, du Nord-Ouest du Limousin, de la Marche, du Nord et Sud du Boischaut, de la Champagne berrichonne, du Berry, de la Sologne, du Sud de la Touraine et du Poitou.

Pour le poursuivre plus efficacement, Jean II le Bon abandonne la moitié de son ost pour ne garder que les cavaliers, plus rapides. Les différents contingents qui avaient passé la Loire à Orléans, Mehun, Saumur, Blois, Tours et ailleurs, se réunirent vers la capitale tourangelle. Après avoir cherché l'adversaire, l'ost français, se trouve à proximité des Anglais à Tours. Grâce à une habile manœuvre, le roi de France oblige les Anglo-Gascons à se diriger vers le sud. Partant de Loches, les Français traversent la Creuse à La Haye, le , occupent le pont de Chauvigny et se dirigent sur Poitiers. Le [4] au matin, le Prince noir fonce, avec 200 hommes d'armes, à travers la forêt de Moulière et débouche sur la route de Poitiers à Chauvigny où il tombe par surprise sur l'arrière-garde de l'armée française forte de 700 hommes d'armes et chevaliers à la-Chaboterie-au-Breuil-l'Abbesse. Les Français, totalement décontenancés, s'enfuirent dans la forêt, perdant 240 hommes dont le comte de Joigny, Jean II de Châlon, comte d'Auxerre, et Jean II de Châtillon, faits prisonniers, qui seront libérés après rançon.

Quand le roi Jean apprend que ses ennemis étaient derrière et non devant, il fait retourner sa troupe. Au soir, les deux armées campent l'une en face de l'autre. Avant que la bataille ne se déclenche, le cardinal de Talleyrand-Périgord, légat pontifical d'Innocent VI tente une médiation et obtient une trêve de 24 heures. Les Anglo-Gascons, largement moins nombreux et menacés d'encerclement et de famine, offrent de rendre le butin et de ne point porter les armes pendant sept ans contre le royaume de France. Mais, au conseil royal, prévaut l'idée de profiter du rassemblement d'une armée, manifestement plus puissante que l'autre, pour ne pas laisser échapper l'occasion de faire un exemple de ces ravageurs du royaume. Ainsi, il est énoncé dans les conditions de reddition que le Prince noir devra se constituer prisonnier au roi de France. Ne pouvant accepter ces termes, l'héritier du trône d'Angleterre se résout à livrer bataille. Les Anglais acceptent le combat de mauvais gré, le chemin de la Guyenne leur étant coupé. La bataille se déroulant sur un terrain accidenté et coupé de haies, Jean II le Bon décide que le combat se fera à pied. Le roi va donner le signal d'attaque lorsque deux légats du Pape accourus de toute hâte de Poitiers viennent parler de trêve et de négociations pacifiques. Malgré le bon vouloir du prince de Galles, qui manque de vivres, on ne peut s'entendre et l'armistice consenti par le roi est rompu le lendemain matin.

Préparation[modifier | modifier le code]

Positionnement des armées et manœuvres au cours de la bataille de Poitiers.
Troupes françaises

Les troupes françaises sont disposées en 3 batailles[5] de 16 000 hommes chacune :

Pendant que ces batailles s'organisent, le roi Jean fait reconnaître les positions anglaises par Eustache de Ribemont, Jean de Landas, Guichard de Beaujeu et Guichard d'Angle. Ceux-ci rapportent[réf. nécessaire] « la première bataille ennemie peut être estimée à 2 000 hommes d'armes, 4 000 archers et 1 500 brigands et qu'ils sont positionnés en un lieu très fort. Celui-ci est le long d'un chemin fortifié de haies et de buissons. De chaque côté de cette haie, qui n'a qu'un accès, sont positionnés les archers. Aux environs se trouvent les hommes d'armes et il est impossible d'attaquer uniquement à cheval dans ces conditions. Eustache de Ribemont préconise alors une attaque à pied après une attaque de cavalerie destinée à rompre les lignes anglaises. »

Il est donc décidé de faire une trouée à travers les archers par une charge irrésistible, puis de s'élancer épée à la main le long du seul chemin qui conduit aux Anglais. Les maréchaux Jean de Clermont et Arnoul d'Audrehem vont choisir 300 chevaliers ou écuyers les plus vaillants et les mieux montés et armés afin de conduire la charge de cette troupe d'élite. Un peu en arrière, se trouve en renfort la bataille des chevaliers allemands et lorrains, commandée par les comtes de Sarrebruck, de Nidau et de Nassau. Le reste de l'armée est réparti en trois grosses batailles de 16 000 hommes chacune.

Troupes anglaises

Durant les 24 heures où les armées se font face, les capitaines anglais renforcent leurs positions défensives en fonction des observations faites du dispositif d'attaque des troupes françaises. Tout en conservant la première ligne de bataille telle que les chevaliers du roi de France l'ont observée, le prince de Galles place plus loin à droite de la position de Maupertuis, sur une colline, 300 hommes d'armes et 300 archers sous le commandement de William Montagu, comte de Salisbury. Le prince de Galles et sa grosse bataille, avec sa cavalerie et l'élite des barons anglais et gascons se tiennent un peu en arrière de la première bataille. La partie accessible du dispositif anglais « était fortifié et enclos avec le charroi et tout le harnois ».

Déroulement[modifier | modifier le code]

Mort de Gauthier VI de Brienne. Miniature du Maître du Froissart du Getty tirée du Des cas des nobles hommes et femmes de Boccace, British Library, Royal 14 E V, fo 499 vo.

Au petit matin du , un mouvement des Anglais laisse penser qu'ils tentent de passer leur butin de l'autre côté du Miosson au gué de l'Homme. Les deux commandants de l’avant-garde française ont un avis contraire sur ce mouvement : le maréchal Jean de Clermont appréhende un piège, alors que le maréchal Arnoul d’Audrehem estime qu'il faut tout de suite occuper les passages. Le ton monte, ils se défient et, sans prendre les ordres du roi, chargent chacun pour soi. La charge d'Audrehem sur un chemin bordé de haies (Maupertuis, signifiant un « mauvais passage ») est anéantie par les archers gallois masqués derrière les buissons. Le connétable Gauthier VI de Brienne se joint au maréchal de Clermont pour charger sur le comte de Salisbury. Tous deux sont tués. L'avant-garde est décimée.

Les deux corps de bataille français s'engagent ensuite de façon désordonnée, désordre accentué par les pièges préparés par les Anglais. Les premières lignes françaises s'agglutinent en contrebas des haies infranchissables qui barrent le champ de bataille. Elles refluent à contre sens des secondes lignes qui montent à l'assaut. C'est la confusion sous un déluge de flèches anglaises. La bataille tourne à l'avantage du Prince noir. Quand il voit la déconfiture des maréchaux, le roi de France se lance dans la bataille qui se transforme bientôt en un remous de combats individuels où le désordre puis le désarroi règnent. « Depuis la perte ou la prise des deux maréchaux, la mort du connétable, l'armée royale se disloquait progressivement. »

Il existe, pour l'armée qui relève du ban féodal, le droit reconnu par l'ordonnance royale du , pour les seigneurs bannerets, de se départir (se dégager) d'une bataille jugée perdue et inutile à poursuivre. Ce départ doit se faire par délibération d'une même bannière et en ordre. Il ne se confond pas avec la fuite, mais s'explique par le souci d'éviter d'être fait prisonnier et de verser une rançon qui coûte fort cher. Il est prescrit de prévenir de son départ. Alors que le roi Jean II le Bon n'a pas encore donné l'assaut avec le gros de ses troupes, celles-ci l'abandonnent. Il pense alors que la défaite est possible, et sauve ses fils en les envoyant à Chauvigny : le dauphin Charles, duc de Normandie, le duc de Berry et le comte d'Anjou.

Capture du roi de France[modifier | modifier le code]

Prise du roi Jean II le Bon sur le champ de bataille. Chroniques de Froissart, bibliothèque municipale de Besançon, Ms.864-865.

John Chandos aperçoit le roi de loin, reconnaissable à sa cotte d'armes fleur-de-lysée et le montre au prince de Galles : « Adressons-nous devers votre adversaire le roi de France, car en cette part gît tout le sort de la besogne. Bien sçait que par vaillance, il ne fuira point. » Jean II le Bon, sur une élévation de terrain appelée le champ Alexandre, entouré de ses plus fidèles, descend de cheval et fait mettre, à tous, pied à terre. Puis, saisissant une hache d'armes, il attend l'assaut.

L'essence du pouvoir des rois de France est censée être d'ascendance divine. Une attitude non chevaleresque discréditerait la branche des Valois déjà vaincue à Crécy. Or Philippe VI avait été choisi comme roi au détriment d'Édouard III, pourtant petit-fils de Philippe IV le Bel. Jean II le Bon ayant mis ses enfants à l'abri, choisit donc un sacrifice.

C'est ici que le commentaire de Jean-Michel Tourneur-Aumont, historien et professeur d'histoire à la Faculté des Lettres de Poitiers, prend un sens ésotérique[C'est-à-dire ?]. C'est le sacrifice du roi. « Pressé de toutes parts, il se bat jusqu'à l'épuisement de ses forces et l'on peut se demander dans quelle faible mesure, l'appât de la rançon a pu retenir la main de ces guerriers avides, mais farouches, tout sanglants des coups que le roi leur portait. La voix de son fils cadet âgé de 14 ans, Philippe (qui en gardera le surnom de Hardi) qui était revenu se glisser à ses côtés retentit encore dans l'épopée française : — Père, gardez-vous à droite ! — Père, gardez-vous à gauche ! »

La popularité et la considération envers le roi vaincu furent unanimes[réf. nécessaire]. Elles sont attestées par les faits les plus probants : les dons volontaires pour la rançon en des temps de crise économique, les entreprises de délivrance, la littérature sans publicité, les sentiments à Avignon, des funérailles en 1364. Jean le Bon est fait prisonnier par Denis de Morbecque. Il est le deuxième souverain français à être capturé sur un champ de bataille[6].

À deux lieues de là se dresse le tout neuf château de Chambonneau. Le Prince noir le prend par feinte. C'est au premier étage du donjon (encore existant) que se déroule le premier repas de captivité du roi et de son fils Philippe, le au soir. Devant eux, un capitaine anglais blessé dans le combat et moribond à Chambonneau, rend l'âme dans les bras du Prince noir. Il s'agit du sire Dandley[7]. Les Anglais poursuivent les fuyards jusqu’à Poitiers qui ferme ses portes. La bataille commencée à 6 heures, est finie à midi.

Bilan humain[modifier | modifier le code]

Les Français perdirent 17 comtes, 1 archevêque, 66 barons et bannerets et 2 000 hommes d'armes et 3 000 hommes d'armes furent tués dans la poursuite sans compter les comtes, vicomtes, barons, bannerets… Les Français laissèrent en tout sur le champ de bataille 8 000 hommes d'armes tandis que les Anglais ne perdirent que 190 hommes d'armes et 150 archers.

Conséquences[modifier | modifier le code]

Jean II de France et son fils Philippe à la bataille de Poitiers

La chevauchée du Prince noir en 1356 est une très grande victoire pour l’Angleterre, plus grande encore que celle d’Édouard III en 1346. Par rapport à la Bataille de Crécy, en 10 ans, les Français n’avaient pas su faire évoluer leur technique militaire. Comme en 1346, l’armée française comptait encore presque exclusivement sur sa cavalerie et n’avait pas d’archers dans ses rangs. La conception de guerre n'avait pas évolué et les Français se battaient, en un engagement où les chevaliers se ruaient les uns sur les autres : une stratégie militaire héritée du XIIIe siècle, mais totalement dépassée. La bataille de Poitiers n'avait été livrée que contre un corps expéditionnaire, mais bien loin de la force et de l'expérience des troupes royales. De plus, l’efficacité des archers gallois, après Crécy, ne pousse pas à la création d’unités d’archers par le futur roi de France Charles V. Celles-ci sont dissoutes sous la pression de la noblesse, mais l’idée est reprise un siècle plus tard (et après Azincourt) pour la création des compagnies d'ordonnance en 1445 et les francs-archers en 1448[pas clair]. À Crécy, Philippe VI, en constatant son échec, avait quitté le champ de bataille ; Jean le Bon réalisant que l’affrontement était un échec, décida cependant de rester. Ce comportement, va causer de grands troubles dans le royaume de France.

Édouard III exige une rançon considérable d'un montant de quatre millions d'écus d'or pour sa libération. Son prestige est au plus haut contrairement à celui de la noblesse française. Pendant la captivité du roi Jean, le royaume de France est en proie à des troubles politiques sévères. Les états généraux de langue d'oïl sont réunis peu après. Ils décident de libérer Charles II, dit le Mauvais, roi de Navarre, cousin et beau-frère du roi captif, dans l'espoir qu'il protège le pays dans la défaite. Mais le Navarrais entre en contact avec les Anglais pour s'approprier de nouveaux fiefs. Finalement, en 1360, le traité de Brétigny, négocié pour le compte des Anglais par John Chandos, et par Bonabes IV, sire de Rougé et de Derval, pour le compte des Français, rend la liberté au roi Jean le Bon contre une rançon de 3 millions d'écus d'or (à sa mort, le , à peine un tiers de la rançon aura été versé)[8]. En outre, la France abandonne aux Anglais la partie du royaume correspondant aux anciennes possessions des Plantagenêt en Aquitaine, soit quasiment tout le Sud-Ouest de la France.

Dans la culture[modifier | modifier le code]

La Bataille de Poitiers
Eugène Delacroix, 1830
Musée du Louvre, Paris[9]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sources primaires[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) A History of the life of Edward the Black Prince par G.P.R. James, pages 170 et suivantes.
  • (en) Peter Hoskins, In the Steps of the Black Prince, the Road to Poitiers 1355-1356.
  • (fr) Peter Hoskins, Dans les traces du Prince noir : le chemin vers Poitiers 1355-1356.
  • (en) C. J. Rogers, War Cruel and Sharp: English Strategy under Edward III, 1327–1360, Woodbridge, Boydell Press, 2000. (ISBN 0-85115-804-8), présentation en ligne.
  • Hardy de Périni (colonel), Batailles françaises, volume 1.
  • Françoise Autrand, « La déconfiture : la bataille de Poitiers (1356) à travers quelques textes français des XIVe et XVe siècles », dans Philippe Contamine, Charles Giry-Deloison et Maurice H. Keen (dir.), Guerre et société en France, en Angleterre et en Bourgogne, XIVe – XVe siècle, Villeneuve-d'Ascq, Centre d'histoire de la région du Nord et de l'Europe du Nord-Ouest, coll. « Histoire et littérature régionales » (no 8), , 360 p. (ISBN 2-905637-11-0, lire en ligne), p. 93-121.
  • Françoise Bériac-Lainé et Chris Given-Wilson, Les prisonniers de la bataille de Poitiers, Paris, Honoré Champion, coll. « Études d'histoire médiévale » (no 6), , 485 p. (ISBN 978-2-745-30638-8).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Françoise Autrand, Charles V, Librairie Arthème Fayard, 1994, p. 196., 207-207.
  2. Chroniques de Froissart, chapitre XLVII.
  3. Paul G. Dumas, La Boule de Canton : le roman vrai de l'écologie humaine, 2007, p. 107.
  4. Le est un samedi.
  5. Bataille au sens corps de combat.
  6. Le premier était Saint Louis à la bataille de Fariskur puis viendront François Ier à la bataille de Pavie et Napoléon III à la bataille de Sedan.
  7. Ces précisions sont données par la lettre de condoléances adressée le à la veuve Dandley.
  8. Michel Pastoureau, La guerre de Cent ans et le redressement de la France, Larousse 1986, p. 41.
  9. Delacroix, Base Joconde