Céphalophorie — Wikipédia

Évêque céphalophore musée des Augustins de Toulouse.

Une céphalophorie est un épisode où un personnage, généralement un saint décapité, dit céphalophore, porte la tête dans les mains et se met en marche.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Une céphalophorie, du grec képhalê (tête) et phorein (porter), est un épisode où un personnage décapité se relève et prend la tête entre les mains avant de se mettre en marche. Le personnage lui-même s'appelle céphalophore. Le terme céphalophore a été utilisé pour la première fois par Marcel Hébert, dans son article « Les martyrs céphalophores Euchaire, Elophe et Libaire », in Revue de l'Université de Bruxelles, v. 19 (1914). Depuis ce terme a été repris par les pays anglo-saxons.

Saints céphalophores[modifier | modifier le code]

C'est un thème courant de l'hagiographie chrétienne. Le céphalophore est généralement un saint, martyr par décapitation. Dans ce cas, l'auréole de sainteté peut être placée soit sur le cou (à l'emplacement où la tête aurait dû se trouver), soit autour de la tête que le saint tient dans ses mains, soit un halo double, sur le cou et autour de la tête. Aussi bien les hommes que les femmes peuvent être céphalophores, mais la grande majorité des céphalophores sont masculins.

Il y a aussi des thèmes proches. L'un de ces thèmes est celui des têtes qui restent vivantes et parlent après la décapitation, mais sans que le corps les déplace. Il existe plusieurs exemples comme celui de saint Nicaise, qui continue de réciter après avoir été décapité. On peut aussi mentionner saint Juste de Beauvais : quand ce garçon se fait décapiter, il se lève et donne sa tête à son père en lui demandant de la remettre à sa mère pour qu'elle puisse l'embrasser. Il est retenu dans les céphalophores parce qu'il continue de prêcher après décapitation. Il attend aussi son père avec sa tête entre ses mains. Cependant, il n'a pas réellement accompli de déplacement ; c'est son père qui a ramené sa tête à Auxerre.

Un autre thème proche est celui de saint Paul l'apôtre, dans La Légende dorée. Pour prouver que le chef trouvé est le sien, son corps le rejoint. On peut le représenter la tête à ses pieds.

Saint Cuthbert de Lindisfarne est parfois représenté avec deux têtes, une sur son cou et une entre ses mains, mais il n'est en aucun cas céphalophore ; il tient la tête de saint Oswald.

De nombreux saints céphalophores faisaient l'objet d'un culte. Leurs reliques, et en particulier leur chef, étaient réputées guérir les maladies mentales (liées à la « tête ») ou des maux de tête.

Le chemin des saints[modifier | modifier le code]

Les céphalophores semblent suivre un schéma pour leurs déplacements[1],[2]. Souvent, ils traversent ou suivent une rivière, un cours d'eau ou un lac. À l'endroit où ils entrent dans l'eau, ou dans une source proche, ils y lavent leur tête. Une trace de ce passage sera laissée dans le paysage ; ils posent la tête parfois sur une pierre qui sera marquée de leur sang, ou alors leur pas (ou genou) restera gravé dans la pierre... Ensuite, ils gagnent un lieu élevé, comme une colline, où ils trouvent le repos éternel. Souvent, une église, une cathédrale ou une chapelle est bâtie à cet endroit en leur mémoire. Ce schéma est par exemple suivi par saint Denis, saint Wyllow, saint Lucain et saint Gohard de Nantes.

Grande-Bretagne[modifier | modifier le code]

Sainte Haude, église de Kersaint en Landunvez

France[modifier | modifier le code]

Saint Denis, par Jean Bourdichon.Horae ad usum parisensem,ca.1480,BNF.

Espagne[modifier | modifier le code]

Suisse[modifier | modifier le code]

Allemagne[modifier | modifier le code]

  • Saint Theonistus de Mayence (aussi Theonist, Teonesto, Thaumastus, Thaumastos, Theonestus, Thonistus, Onistus, Teonisto, Tonisto). Compagnon de saint Ours. Fêté le 23 ou

Italie[modifier | modifier le code]

  • Saint Gemolo ou Gemolus (XIe siècle). Avec son frère saint Himerius (Imerio, Imier) de Bosto, ils se sont lancés à la poursuite de brigands qui avaient attaqué leur oncle, évêque, lors d'un pèlerinage. Ils sont décapités par les brigands. Gemolo ramasse sa tête, monte sur son cheval et rejoint son oncle avant de mourir. Fêté le .
  • Saint Minias de Florence.
  • Saint Emygdius (aussi Emidius, Æmedius, Emigdius, Hemigidius) (IIIe siècle) décapité par Polymius. Fêté le 5 ou le .
  • Saint Donnino de Fidenza.

Irlande / Pays de Galles[modifier | modifier le code]

  • Saint Wyllow, il a traversé un cours d'eau et déposé sa tête à un endroit où on lui a bâti une chapelle.
  • Sainte Winefride de Treffynnon est céphalophore dans le folklore du Pays de Galles.

En littérature[modifier | modifier le code]

  • Dans la littérature grecque antique, toute une discussion se fait autour de la crédibilité des têtes parlantes que l'on retrouve dans la mythologie grecque. Cette discussion est, entre autres, lancée par Aristote[3] qui chante la tête d'Orphée et de Homère qui semblent encore parler. Cette discussion est reprise dans le De Bello Troiano de Joseph d'Exeter (XIIe siècle) : Hector agite la tête de Patrocle, qui susurre « Ultor ubi Aeacides » (« où est Achille mon vengeur ? »). On ne peut pas encore parler de céphalophorie.
  • Dans la Divine Comédie de Dante, Bertran de Born est décapité au huitième cercle de l'Enfer, mais il tient sa tête par les cheveux. On ne peut donc pas parler de céphalophorie.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Philippe GABET, « La céphalophorie », Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 140.
  2. Philippe GABET, « Recherche sur les Saintes "Céphalophores" », Bulletin de la Société de mythologie française n° 119, et Mélanges de mythologie française, Paris, Maisonneuve et Larose, 1980.
  3. De partibus animalium 3.10.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Henri Moretus Plantin, Les Passions de saint Lucien et leurs dérivés céphalophoriques, Namur : secrétariat des publications des Facultés universitaires & Louvain : Éditions Nauwelaerts & Paris : J. Vrin, 1953.
  • Henri Fromage, Légende et paysage, dans le Colloque franco-espagnol : La Légende, anthropologie, histoire, littérature, Madrid : Casa de Velázquez, 1989.

Liens externes[modifier | modifier le code]