Champenois — Wikipédia

Champenois
Champaignat
Image illustrative de l’article Champenois
Aire linguistique du Champenois et ses différents dialectes.
Pays France, Belgique.
Région Champagne-Ardenne, sud de l’Aisne, Nord de l'Yonne, Partie orientale de la Seine-et-Marne, Province de Namur, Province de Luxembourg
Classification par famille
Statut officiel
Langue officielle non officielle en France, langue régionale endogène de Belgique
Codes de langue
Linguasphere 51-AAA-hg
Glottolog cham1332
Carte
Image illustrative de l’article Champenois
Situation du champenois parmi les langues d'oïl.

Le champenois (Champaignat en langue champenoise) est une langue d'oïl principalement parlée en Champagne[1],[2].

Elle l'est aussi dans le nord de l'Yonne, dans la moitié orientale de la Seine-et-Marne, mais aussi en Belgique, dans plusieurs villages de la Basse-Semois[3],[4].

Reconnue en France comme « langue de France »[5],[6], c'est une des langues présentées dans le rapport du professeur Bernard Cerquiglini, en vue d'une reconnaissance éventuelle des langues régionales par la France[7]. Le champenois est qualifié de langue sérieusement en danger[8].

En Belgique, le champenois bénéficie du décret protégeant les langues régionales endogènes en Communauté française[9],[10],[11].

Classification[modifier | modifier le code]

Pour Prosper Tarbé, un des principaux spécialistes de la langue champenoise, il y a cinq grand dialectes : l'ardennais au nord (Ardennes), le rémois au centre-nord (Marne), le troyen au centre-sud (Aube), le langrois au sud-est (Haute-Marne), et le dialecte de l'Yonne au sud-ouest (région de Sens)[12].

L'Observatoire linguistique Linguasphere distingue différentes variantes du champenois[13] :

Histoire[modifier | modifier le code]

Thibaut de Champagne, dit Le Chansonnier est un des plus grands trouvères de langue d'oïl et compositeurs en champenois.

Le champenois a une longue tradition littéraire depuis sa naissance au Moyen Âge.

Plusieurs trouvères, des poètes médiévaux de langue d'oïl, ont utilisé le champenois pour leur texte, comme Eustache Le Peintre, Chardon de Reims et Thibaud le Chansonnier, comte de Champagne et roi de Navarre[15],[16].

Éléments de grammaire[modifier | modifier le code]

Les parlers champenois présentent des particularités originales, bien qu’à des degrés divers et avec de nombreuses variations.

L’article défini[modifier | modifier le code]

De nombreux parlers champenois ont conservé l’article masculin singulier le avec un timbre plus postérieur et fermé, comme cela était le cas dans les textes champenois médiévaux.

Concrètement, on trouve à travers toute la Champagne des formes lo ou lou au lieu de le en français pour l’article défini masculin (« lo pus grand village », « lou vieux langaige champaignat »). Il en va de même pour le pronom, comme est mentionné ci-dessous.

La forme el, parfois écrite eul, est également très répandue.

Le pronom lou ou lo[modifier | modifier le code]

Comme expliqué ci-dessus, le en tant que pronom se rencontre également sous les formes lo et lou dans toute la Champagne : je lo vois, lou faites taire ! (« faites-le taire ! », voir le point suivant sur la place du complément à l'impératif).

L’impératif en champenois[modifier | modifier le code]

On rencontre deux types de formation de l’impératif avec complément à travers la Champagne. On peut aussi bien dire montrez-lou-moi que lou me montrez, taisez-vous ! que vous taisez !.

Négations en champenois[modifier | modifier le code]

Le champenois a conservé quelques formes de négations anciennes (rencontrées dans les textes médiévaux) mais on y trouve aussi des originalités :

  • ne ... mie : « je ne sais mie », forme très courante dans de nombreuses régions de langue d’oïl ;
  • ne ...-me : « je ne suis-me » pour « je ne suis pas », -me est une forme atone de mie et s’emploie comme négation après les formes verbales terminées par une syllabe ouverte (sans consonne prononcée à la fin).
  • ne ... mais : « je n’ai mais fait çou » pour « je n’ai jamais fait ça », mais est une ancienne forme alternative de jamais.

Éléments de vocabulaire[modifier | modifier le code]

  • mout ou moult : « très », « beaucoup ». Cet adverbe, tombé en désuétude en français standard et dans la plupart des régions de langue d’oïl, est cependant resté très vivace en Champagne. Prosper Tarbé note que les patoisants utilisent systématiquement « moult » (prononcé mou et non moulte comme la mode fautive le répand) pour traduire « très » et, dans certains cas, « beaucoup » : il pleut moult, j’étois moult aise, il n’y a-me moult longtemps que je vous sers, du pain moult dur etc.
  • tout-là : « maintenant », commun dans toute la Champagne.

Beaucoup de termes champenois sont passés dans le français « standard » local, et même dans la littérature. Des mots ardennais sont ainsi passés dans les textes d'Arthur Rimbaud[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Hervé Abalain, Le français et les langues historiques de la France, Quintin, Éditions Jean-Paul Gisserot (lire en ligne)
  2. Bernard Popelineau, « Langues d'Oïl et langue champenoise », Lou Champaignat, no 5,‎
  3. « Atlas sonore des langues régionales de France », sur atlas.limsi.fr ; site officiel de l'Atlas sonore des langues régionales de France, Paris, CNRS, .
  4. Il s'agit des communes de Sugny, Vresse-sur-Semois, Membre et Bohan.
  5. Les langues de France, Paris, Délégation générale à la langue française et aux langues de France du Ministère de la Culture (France), (lire en ligne)
  6. Bernard Popelineau, « Le champenois langue de France », Lou Champaignat,‎
  7. Jean Sibille, « « Langues de France » et territoires : raison des choix et des dénominations », Langue et espace, Pessac, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, vol. 7 « Multilinguisme et langues minoritaires »,‎ , p. 85-107 (EAN 9782858923977, DOI 10.4000/books.msha.6444, lire en ligne)
  8. « Champenois », sur languesdoil.org ; site officiel de Défense et promotion des langues d'oïl, .
  9. Michel Francard, Wallon, Picard, Gaumais, Champenois. Les langues régionales de Wallonie, De Boeck, Bruxelles, 2013.
  10. Michel Francard, Langues d’oïl en Wallonie, Bruxelles, Bureau européen pour les langues moins répandues, (ISBN 1-870675-17-7)
  11. Michel Francard, « La frontière entre les langues régionales romanes et le français en Wallonie », La lexicographie différentielle du français et le "Dictionnaire des régionalismes de France,‎ , p. 45-61
  12. Prosper Tarbé, Recherches sur l'histoire du langage et des patois de Champagne, vol. 2 : Glossaire de Champagne ancien et moderne, Reims, Imprimerie de P. Régnier, , Abréviations - p. 11
  13. (en) Linguasphere Observatory, The Linguasphere Register : The indo-european phylosector, Linguasphere Observatory, 1999-2000 (lire en ligne)
  14. Bernard Poplineau, Vieux parlers et chansons de nos grands-pères Ardennais, éditions CPE, (ISBN 2-84503-936-0)
  15. Daniel Poirion, Le milieu littéraire en Champagne sous les Thibaudiens. (1200-1270) (Thèse de doctorat en Littérature française), Paris, Université Paris-Sorbonne, (présentation en ligne)
  16. Yvonne Bellanger, Danielle Quéruelle (dir.), Thibaut de Champagne : Prince et poète au XIIIe siècle, La Manufacture, coll. « Archives de Champagne », (lire en ligne)
  17. Jean-Pierre Chambon, « Régionalismes rimbaldiens ? », Parade sauvage, Paris, Éditions Classiques Garnier, vol. 5,‎ , p. 20-27 (lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie Document utilisé pour la rédaction de l’article[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]