Colchique — Wikipédia

Colchicum

Colchicum (le colchique) est un genre de plantes herbacées vivaces de la famille des Liliaceae selon la classification classique de Cronquist (1981)[1] ou des Colchicaceae selon la classification phylogénétique. La World Checklist (World Checklist of Selected Plant Families (WCSP) (26 juil. 2010)[2]) en répertorie une centaine d'espèces.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le nom Colchicum est dérivé de Colchide, Colchis ou Kolchis (dans les langues géorgienne et laze : კოლხეთი, k'olkhéti ; en grec Κολχίς, Kolchis, sans doute lié au khalkos désignant le cuivre) ancien État, royaume puis région de Géorgie.

Le plus grand nombre d'espèces se rencontre en effet dans les Balkans et en Asie mineure. Le colchique est également connu sous les noms « safran bâtard », « safran des prés » ou encore, de par sa grande toxicité, « tue-chien »[3].

Description[modifier | modifier le code]

Fruits de Colchicum autumnale entre les feuilles au printemps

Les colchiques sont des plantes à corme. Comme chanté dans la ritournelle Colchiques dans les prés, c'est la fin de l'été[4], les fleurs de la plupart des espèces apparaissent à l'arrière-saison. La fleur disparaît ensuite jusqu'au printemps suivant, lorsque les feuilles ainsi que les fruits émergent (Filium ante patrem ou « Mères Filles de leurs filles » dans Les Colchiques un poème de Guillaume Apollinaire).

Quelques espèces cependant, comme Colchicum bulbocodium Ker Gawl. des Alpes occidentales, Colchicum hungaricum Janka des Balkans et Colchicum luteum Baker d'Asie centrale — la seule espèce à fleurs jaunes —, fleurissent à la fin de l'hiver parmi des feuilles déjà bien développées.

La plupart des espèces ont la partie inférieure du périanthe soudée en un long tube. Leurs fleurs, qui ressemblent à celles des crocus, possèdent six étamines (contre trois pour le crocus).

Nomenclature[modifier | modifier le code]

La nomenclature du genre Colchicum est actuellement confuse.

L'identification correcte d'une espèce nécessite souvent un examen attentif des fleurs et des feuilles, ce qui est en pratique difficile à réaliser sur le terrain car, comme mentionné ci-dessus, les feuilles et les fleurs de la plupart des espèces apparaissent à des saisons différentes.

  • Les fleurs automnales de Colchicum autumnale, Colchicum lusitanum et Colchicum neapolitanum sont très semblables. Les feuilles printanières sont par contre très différentes.
  • À l’inverse, les feuilles printanières de Colchicum cilicium et Colchicum speciosum sont très semblables. Leurs fleurs automnales sont par contre différentes.

De nombreuses espèces ont ainsi reçu deux ou trois noms par différents auteurs et un même nom a été par ailleurs donné à des espèces différentes par ces mêmes ou d'autres auteurs.

Les phylogénies publiées par Vinnersten et Reeves[5] indiquent que les espèces à tépales entièrement libres, placées jusqu’il y a peu dans les genres Merendera — styles entièrement libres (environ quinze espèces) — et Bulbocodium — styles soudés sauf au sommet (deux espèces), doivent être (ré)intégrées dans le genre Colchicum. Les travaux les plus récents suggèrent en outre que le genre Androcymbium devrait également être intégré dans le genre Colchicum[6]. Androcymbium est un genre méditerranéen et africain comportant quelque 40 espèces, dont deux existent en Europe :

  • Androcymbium europaeum (Lange) K.Richt. (Espagne)
  • Androcymbium rechingeri Greuter (Crète)

Liste d'espèces[modifier | modifier le code]

Les espèces suivantes sont incluses dans le genre Colchicum .  De nombreuses espèces précédemment classées dans Androcymbium , Bulbocodium et Merendera ont été déplacées à Colchicum sur la base de preuves génétiques moléculaires . Androcymbium est actuellement considéré comme un genre séparé par certains.

Colchicum alpinum
dans les Grandes Rousses
Colchicum speciosum
Colchicum bulbocodium

Espèces à tépales soudés[modifier | modifier le code]

Espèces européennes[modifier | modifier le code]

  • Colchicum alpinum DC., - le Colchique des Alpes ; espèce miniature des Alpes occidentales, de Corse et d'Italie
  • Colchicum autumnale L., - le Colchique d'automne ; répandu dans toute l'Europe moyenne. Les exemplaires à plus grandes fleurs d'Europe orientale sont appelés Colchicum pannonicum Griseb. & Schenk.
  • Colchicum bivonae Guss., espèce méditerranéenne à grandes fleurs
  • Colchicum corsicum Baker, espèce endémique de Corse proche de Colchicum alpinum
  • Colchicum cupanii Guss., espèce méditerranéenne miniature dont les fleurs apparaissent parmi les jeunes feuilles
  • Colchicum hungaricum Janka, espèce miniature des Balkans à floraison printanière
  • Colchicum lusitanum Brot. (Syn. Colchicum tenorii Parl.), espèce d'Italie et de la péninsule ibérique, proche de Colchicum autumnale
  • Colchicum multiflorum Brot., espèce très florifère de la péninsule ibérique, proche de Colchicum autumnale
  • Colchicum neapolitanum (Ten.) Ten. (Syn. Colchicum longifolium Castagne), espèce méditerranéenne proche de Colchicum autumnale qu'on rencontre notamment en Provence
  • Colchicum parnassicum Sart., Orph. & Heldr. ex Boiss., espèce endémique des montagnes de Grèce
  • Colchicum variegatum L., espèce miniature de Grèce et de Turquie, dont les tépales qui s’étalent en étoile présentent un fin motif en damier, un peu comme celui de la fritillaire pintade (Fritillaria meleagris).

Espèces d'Asie mineure[modifier | modifier le code]

  • Colchicum baytopiorum C.Brickell, espèce miniature dont les fleurs apparaissent parmi les jeunes feuilles
  • Colchicum cilicicum (Bois.) Dammer - le colchique de Cilicie, espèce légèrement parfumée très florifère
  • Colchicum speciosum Steven, espèce variable à grandes fleurs en calice à tube robuste, qui résistent bien aux intempéries.
    • var. bornmuelleri (Freyn) Bergmans, souvent élevé au rang d'espèce (Colchicum bormuelleri Freyn), a de plus grandes fleurs en coupe à large gorge blanche, étamines brunâtres (jaunes chez le type) et tube émeraude.
    • Le taxon appelé Colchicum giganteum S. Arn. est une forme à très grandes fleurs.

Espèces à tépales libres[modifier | modifier le code]

Floraison printanière[modifier | modifier le code]

  • Colchicum bulbocodium Ker Gawl., la campanette - Syn. Bulbocodium vernum L., Colchicum vernum (L.) Stef. : Pyrénées orientales, Alpes occidentales. La campanette, qui fleurit parmi les jeunes feuilles à la fonte des neiges, ressemble à un crocus.
    • subsp. versicolor (Ker Gawl.) K.Perss. - Syn. Bulbocodium versicolor (Ker Gawl.) Spreng., Colchicum versicolor Ker Gawl. : Europe orientale jusqu'au Caucase. À plus petite fleur.
  • Colchicum androcymbioideum (Valdés) K.Perss. – Syn. Merendera androcymbioides Valdés : endémique du sud de l’Espagne (Torre del Campo)
  • Colchicum soboliferum (Fisch. et C.A.Mey.) Stef. - Syn. Merendera sobolifera C.A.Mey. : Balkans et Asie mineure. Les cormes filles apparaissent au bout de stolons ; d'où son nom d'espèce.
  • Colchicum trigynum (Adams) Stearn - Syn. Merendera trigyna (Steven ex Adams) Stapf, Merendera caucasica M.Bieb. : Balkan, Asie mineure
  • Colchicum kurdicum Stef. - Syn. Merendera kurdica Bornm. : Asie mineure
  • Colchicum robustum (Bunge) Stef. - Syn. Merendera persica Boiss., Merendera hissarica Regel : Asie mineure et Asie centrale.

Floraison automnale[modifier | modifier le code]

  • Colchicum montanum L., le colchique des Pyrénées - Syn. Merendera montana Lange, Merendera pyrenaica (Pourr.) P. Fourn. : Pyrénées centrales et péninsule ibérique. Les feuilles canaliculées apparaissant en fin de floraison.
  • Colchicum atticum Spruner ex Tommas - Syn. Merendera attica (Spruner ex Tomm.) Boiss. & Spruner, Merendera rhodopaea Velen. : endémique de Bulgarie et de Grèce
  • Colchicum filifolium (Cambess.) Stef. - Syn. Merendera filifolia Cambess. : région méditerranéenne occidentale, à feuilles filiformes ; très rare et protégée en France : littoral des Bouches-du-Rhône (Côte Bleue)

Photos d’autres espèces[modifier | modifier le code]

Sélections horticoles[modifier | modifier le code]

Cultivars[modifier | modifier le code]

  • Il existe des sélections de Colchicum autumnale à fleurs doubles (‘Pleniflorum’), blanches simples (‘Album’) et doubles (‘Albumplenum’), et vineuses (‘Atropurpureum’).
  • Colchicum speciosum 'Album' est une sélection à fleurs blanches en forme de tulipe et à tube émeraude.

Hybrides[modifier | modifier le code]

  • Colchicum ×agrippinum hort. ex Baker, est un hybride très ancien de formule probable Colchicum autumnale × Colchicum variegatum. C. agrippinum a des fleurs plus claires et à motif en damier moins marqué que celles de C. variegatum. Il fleurit plus tôt et est plus rustique que ce dernier.
  • Colchicum ×byzantinum Ker Gawl. (Syn. Colchicum autumnale 'Major'), le colchique de Byzance, est un taxon stérile très florifère, connu depuis le XVIIe siècle, qu'on met souvent fleurir 'à sec' sur une tablette de fenêtre. On considère actuellement que c'est un hybride de formule probable Colchicum autumnale × Colchicum cilicicum. 'Album' est une sélection à fleurs blanches avec un soupçon de rose.
  • Les hybrides à grandes fleurs, comme 'Lilac Wonder' et 'Giant', sont issus de croisement entre principalement Colchicum bivonae Guss. et Colchicum speciosum Steven.
  • 'Waterlily' - à fleur double ressemblant à un nymphéa miniature - a été obtenu au début du XXe siècle en pollinisant Colchicum speciosum 'Album' par du pollen de Colchicum autumnale 'Alboplenum'[8].

Toxicité et usage thérapeutique[modifier | modifier le code]

Les éleveurs craignent le colchique tout comme les animaux. Le bétail le dédaignera isolé dans les champs, mais il peut arriver qu'une vache en mange lorsqu'il est mélangé à d'autres plantes en fourrage. Les vétérinaires connaissent bien les effets de cette plante hautement toxique, même à faible dose[9].

Les médecins arabes s'en servaient au Moyen Âge[9]. À doses non infinitésimales, la plante crée des troubles nerveux, des convulsions, du délire. Elle peut aussi provoquer l'arrêt cardiaque, la paralysie respiratoire.

Les symptômes de l'empoisonnement sont une irritation très forte des voies urinaires (c'est un diurétique) et digestives (selles sanguinolentes), tremblements, suffocation, l'abaissement de la température corporelle, le pouls imperceptible, la salivation excessive, les convulsions[9].

La mort peut survenir jusqu'à 10 jours après l'ingestion[3].

Aux pages 624 et 625 du tome troisième du Dictionnaire raisonné universel d'histoire naturelle[10] on peut lire :

Toutes les parties de cette plante ont une odeur plus ou moins forte & qui cause quelquefois des nausées. La racine excite la salive & la fait paroître un peu amere : prise intérieurement elle est un poison ; car elle gonfle comme une éponge dans la gorge & dans l’estomac, en sorte qu'elle suffoque : on éprouve en même temps une pesanteur & une chaleur considérables autour de l'estomac, un déchirement dans les entrailles, des démangeaisons par tout le corps ; on rend du sang par les selles avec des morceaux de la racine même : indépendamment de l'émétique, l'usage du petit lait & des lavemens adoucissans & émolliens sont très-salutaires en pareil cas.

Le colchique pris intérieurement est, comme nous venons de le dire ci-dessus, un poison très-violent; mais comme les plus grands poisons peuvent devenir de grands remedes, quand ils sont maniés comme il convient, celui-ci paroît être à présent dans ce cas. C'est à M. Stork, Médecin à Vienne en Autriche, que nous sommes redevables d'avoir découvert les vertus médicinales du colchique. Cet habile Médecin digne de la reconnoissance de tous les hommes, après avoir reconnu les effets du colchique, par des épreuves faites sur lui-même, a découvert que la racine de cette plante à la dose d'une once dans une livre de vinaigre, qu'on réduit ensuite en oxymel, peut être prise intérieurement sans danger ; & que cet oxymel est un des plus puissans diurétiques qu'on puisse employer. M. Stork a guéri avec ce remede, & comme par miracle, plusieurs hydropisies qui paroissoient désespérées. La dose d'oxymel de colchique est d'un gros, une ou plusieurs fois par jour, suivant les cas, dont le Médecin est seul en état de juger. La Dissertation que M. Stork a publiée à ce sujet a été traduite en François. M. Haller dit que l'onguent de colchique n'a pas réussi en Angleterre.

Colchicine[modifier | modifier le code]

Formule de la colchicine

La plante entière produit un alcaloïde très toxique, la colchicine, qui possède des propriétés mutagènes et antimitotiques (qui bloque les mitoses). [11] La colchicine, dont l'indice thérapeutique est étroit, est utilisée :

La colchicine est présentée en janvier 2021 comme un candidat potentiel dans le traitement de la Covid-19[13],[14] mais quelques mois plus tard, les espoirs fondés en elle semblent marquer le pas puisque jugée inefficace par une étude britannique[15].

En horticulture, la colchicine est utilisée comme agent mutagène pour modifier génétiquement des plantes, sans insertion de gènes étrangers, afin de produire au hasard de nouvelles variétés parmi les sujets viables produits. C'est un moyen de doubler ou quadrupler le nombre de chromosomes (polyploïdie). Ce type de molécule pourrait éventuellement jouer dans la nature un rôle en produisant de nouvelles variétés, voire de nouvelles espèces, mais les mutations induites par cette molécule sont rarement viables.

La démécolcine (en) est une molécule proche de la colchicine, mais n'est guère utilisée de nos jours. Le thiocolchicoside (Coltramyl, Miorel), un dérivé semi-synthétique, est utilisé comme myorelaxant.

Liste des espèces[modifier | modifier le code]

Selon World Checklist of Selected Plant Families (WCSP) (4 septembre 2017)[16] :

Divers[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Arthur Cronquist, An Integrated System of Classification of Flowering Plants, New York, Columbia University Press, (ISBN 0-231-03880-1, OCLC 1136076363, lire en ligne)Voir et modifier les données sur Wikidata
  2. WCSP. World Checklist of Selected Plant Families. Facilitated by the Royal Botanic Gardens, Kew. Published on the Internet ; http://wcsp.science.kew.org/, consulté le 26 juil. 2010
  3. a et b « Annuaire des plantes toxiques - Le Colchique »
  4. Colchiques dans les prés est une chanson des guides (scoutes) Francine Cockenpot (mélodie) et Jacqueline Debatte (paroles), chantée par Francis Cabrel en 1977
  5. A. Vinnersten & G. Reeves. Phylogenetic relationships within Colchicaceae. Amer. J. Bot. 90:1455-1462, 2003
  6. J. Manning, F. Forest, A. Vinnersten. The genus Colchicum L. redefined to include Androcymbium Willd. based on molecular evidence. Taxon, 56 (3): 872-882, 2007 - (ISSN 0040-0262)
  7. « Colchicum atropurpureum Stapf ex Stearn — The Plant List », sur www.theplantlist.org (consulté le )
  8. Royal Horticultural Society : Parentage de Colchicum 'Waterlily'
  9. a b c et d Hyma La Hyène, « Les plantes dont il faut se méfier », Survival n°5,‎ décembre 2016 / janvier 2017, p. 39
  10. Jacques Christophe Valmont de Bomare, Dictionnaire raisonné universel d'histoire naturelle (4e édition), 1791, Bruyset Frère, Lyon.
  11. Animaux
  12. « Des plantes-poisons : aconit, belladone, ciguë et digitale », sur Futura Santé, (consulté le )
  13. « Coronavirus. Colchicine : réel traitement contre le Covid-19 ou faux espoir ? », sur www.republicain-lorrain.fr (consulté le )
  14. « La colchicine, "premier médicament oral" anti-Covid ? Attention aux faux espoirs », sur LCI (consulté le )
  15. « La colchicine jugée inefficace chez les malades du Covid-19 hospitalisés », sur L'Obs (consulté le )
  16. WCSP. World Checklist of Selected Plant Families. Facilitated by the Royal Botanic Gardens, Kew. Published on the Internet ; http://wcsp.science.kew.org/, consulté le 4 septembre 2017
  17. Ph. Fr. Na. Fabre d'Églantine, Rapport fait à la Convention nationale dans la séance du 3 du second mois de la seconde année de la République Française, p. 19.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sources[modifier | modifier le code]

  • Paul Schauenberg, Les plantes bulbeuses, Delachaux & Nestlié, 1964
  • L. Jellito & W. Schacht, Hardy Herbaceous perennials, Volume I, Timber Press, 1995 - (ISBN 0-88192-159-9)
  • John E Bryan, Bulbs (revised edition), Timber press, 2002 – (ISBN 0-88192-529-2)
  • Réginald Hulhoven, Les bulbes rustiques à floraison automnale, Les Jardins d'Eden, 15: 88-95, 2002

Liens externes[modifier | modifier le code]

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