Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient — Wikipédia

Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient
Image illustrative de l’article Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient
Insigne du CEFEO.

Création 1945
Dissolution 28 avril 1956
Pays Drapeau de la France Union française
Guerres Guerre d'Indochine
Commandant historique Général Leclerc
Général de Lattre
Général Salan
Insigne d'épaule du CEFEO.
Combat au FM 24/29 en 1952.
Parachutistes français en Indochine en .
Hommes de la 1re compagnie étrangère parachutiste de mortiers lourds en 1953/1954 avec 2 mortiers mortier Brandt 120 mm type A.M. 50.

Le corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) est une force des armées françaises prévue initialement pour combattre l'empire du Japon en Indochine française durant la Seconde Guerre mondiale, mais qui s'illustre surtout lors de la guerre d'Indochine contre le Việt Minh.

Origines (1943-1945)[modifier | modifier le code]

En , le Comité français de la Libération nationale d'Alger décide d'une participation des Forces françaises combattantes à la guerre du Pacifique avec, dans l'esprit du général de Gaulle, un double objectif : participer à la guerre contre le Japon aux côtés des Alliés et rétablir l'autorité de la France sur ses possessions indochinoises, que les Japonais avaient envahies partiellement en 1940, puis totalement en détruisant l'administration coloniale française lors du coup de force de 1945. Sa mise sur pied est laborieuse et la France manque d'équipements et de bateaux pour l'acheminement et doit faire appel à l'aide américaine.

En , Leclerc est placé à la tête de ce corps expéditionnaire. Son prestige va être utilisé en France pour contribuer au recrutement de volontaires. Mais, la capitulation du Japon est annoncée le alors que ce corps expéditionnaire n'a pas encore quitté la France. Déjà, en métropole, certains se font écho des doutes sur les objectifs de ce corps expéditionnaire et des changements intervenus dans l'Empire français lors de la guerre. Ainsi, le journal Le Monde du indique-t-il que : « La France n'a pas été la dernière à constater que la politique coloniale ne pourrait être menée après la guerre dans les mêmes conditions qu'auparavant. »

L'affiche de recrutement des Forces expéditionnaires françaises d'Extrême-Orient (FEFEO) ne présente pas la campagne indochinoise comme une guerre coloniale, mais comme la poursuite de la libération du territoire français, faisant écho au « devoir de guerre » dont parlait le général de Gaulle dans son allocution du lors de la libération de Paris, seulement quelques mois plus tôt. Ainsi, les Français qui se sont portés volontaires pour le corps expéditionnaire pouvaient lire sur l'affiche en question : « Hier Strasbourg, demain Saïgon, engagez-vous dans les FEFEO » ; le héros national qu'était alors le général Leclerc des FFL y était représenté sur un char Sherman de la prestigieuse 2e DB[1].

L'empire du Japon annonce sa capitulation à la mi-août, prenant de court le gouvernement français et permettant en Indochine une prise de pouvoir par les indépendantistes vietnamiens. Leclerc, arrivé à Kandy (Sri Lanka) le pour préparer le débarquement de ses troupes, s'entend dire par Lord Mountbatten qu'en application des accords de Potsdam, Britanniques (au sud) et Chinois (au nord) pénètreront les premiers en Indochine. Leclerc demande à Charles de Gaulle d'obtenir que Harry Truman revienne sur cette décision, mais les États-Unis refusent, ne souhaitant pas, entre autres, mécontenter Tchang Kaï-chek[2]. Les premiers éléments du corps expéditionnaire, le Corps léger d'intervention, arrivent en Indochine à la mi-septembre et participent, avec les Britanniques et les Chinois[3], au désarmement des troupes japonaises. Le gros des troupes du corps expéditionnaire ne peut débarquer que début octobre, notamment grâce à l'aide de la Royal Navy, Leclerc lui-même débarquant le . Le corps expéditionnaire est ensuite bientôt engagé dans des combats contre le Việt Minh, dans ce qui va devenir la guerre d'Indochine. Des commandos français de la DGER (constitués d'anciens participants à l'opération Jedburgh), parachutés par la Force 136 britannique, étaient toutefois déjà sur place depuis plusieurs mois, travaillant avec le concours de tribus montagnardes hmongs du Laos.

Le génocide des Hmongs qui se poursuit de nos jours, comme l'atteste le reportage de Grégoire Deniau en 2005 pour Envoyé Spécial[4], résulte de ce soutien apporté par les Hmongs à la France, d'abord contre les Japonais, puis contre le Viet minh, et enfin aux États-Unis, toujours contre le Viet minh (guerre civile laotienne et guerre du Viêt Nam).

Guerre d'Indochine (1946-1954)[modifier | modifier le code]

Retrait français du Sud-Viêt Nam (1954-1956)[modifier | modifier le code]

L'appellation de corps expéditionnaire pour les troupes françaises dans le Sud-Viêt Nam va perdurer jusqu'au , jour de la liquidation et de la dissolution du corps expéditionnaire opérées par le général Jacquot.

En effet, bien que les accords de Genève soient signés en , marquant le cessez-le-feu officiel et la partition du Viêt Nam, l'évacuation des troupes françaises en Indochine n'est effective que le [5]. Durant ce laps de temps, le corps expéditionnaire fort de plus de 100 000 hommes complète la formation de l'Armée nationale vietnamienne (créée en 1949), et dont les cadres sont majoritairement pro-français, à l'image de son chef, le général Nguyễn Văn Hinh, qui rejoindra la Légion étrangère en 1956[6]. Les États-Unis, qui aidaient déjà matériellement les Français, prennent le relais du fait de la guerre du Viêt Nam.

La France et les États-Unis se livrent lors de cette période une lutte d'influence qui débouche sur une « guerre secrète » par services d'action interposés où les GCMA restent actifs (opération X)[6].

Les tout derniers militaires français quittent Saïgon en , soit environ un siècle après les débuts de la colonisation française en Indochine.

Commandement[modifier | modifier le code]

Commandants supérieurs des troupes en Extrême-Orient[modifier | modifier le code]

  • - : général Leclerc ;
  • - : général Valluy ;
  • - : général Salan (intérim).

Commandants en chef[modifier | modifier le code]

  • - : amiral Georges Thierry d'Argenlieu ;
  • Après le départ de d'Argenlieu, Émile Bollaert est nommé haut commissaire mais ne reprend pas le titre de commandant en chef. Il a, à ses côtés, un commandant supérieur des troupes, le général Valluy puis, par intérim, le général Salan ;
  • - : général Blaizot ;
  • - : général Carpentier ;
  • - : général de Lattre (il est également haut-commissaire) ;
  • - : général Salan[7] ;
  • - : général Navarre ;
  • - : général Ély ;
  • - : général Jacquot.

Commandants du Tonkin[modifier | modifier le code]

Commandants du Sud[modifier | modifier le code]

  • - : général Nyo ;
  • - : général Boyer de la Tour ;
  • - : général Chanson ;
  • - : général Bondis.

Composition et statistiques[modifier | modifier le code]

Le CEFEO a été constitué d'unités provenant de l'ensemble de l'Union française, aidées par les forces des États associés d'Indochine. En 1954, le CEFEO comprenaient 177 000 hommes dont 59 000 autochtones. Les soldats coloniaux représentaient une part très importante des effectifs. Entre 1947 et 1954, 122 900 Maghrébins et 60 340 Noirs d'Afrique débarquèrent en Indochine soit 183 240 Africains au total. Le , ils représentaient 43,5 % des 127 785 hommes des Forces terrestres (autochtones non compris).

De au cessez-le-feu en , 488 560 hommes et femmes débarquèrent en Indochine[8] :

  • 223 467 Français de métropole ;
  • 122 920 Algériens, Tunisiens ou Marocains ;
  • 72 833 Légionnaires ;
  • 60 340 Africains.

Auxquels, il faut ajouter environ 8 000 militaires déjà basés en Indochine en 1945, internés par les Japonais lors du coup de force du , non rapatriés après leur libération.

Matériels[modifier | modifier le code]

Au terme de quatre ans d'aide militaire américaine, il dispose en 1954 de 452 chars et chasseurs de chars, 1 985 voitures blindés, half-tracks et véhicules amphibies[9]. Des trains blindés de la Légion étrangère sont mises sur pied à partir de 1948.

Voici l'évolution de l'armement du CEFEO[10] :

Type d'armement 1945 1947 1948 1950 1951 1954
Scout-cars 40 140 208 253 191 103
Automitrailleuses 19 376 224 225 225 227
Chars 47 - 21 26 104 204
Obusiers 9 64 32 73 82 73
Half-tracks et Universal Carrier 28 183 179 207 422 468
Vedettes - - - 36 42 80
Amphibies - - - 136 169 230
Total 143 763 664 956 1 234 1 385

Les premières unités[modifier | modifier le code]

Le premier détachement français, constitué d'une compagnie du 5e RIC/CLI, débarque à Saigon le , dans le cadre du Corps léger d'intervention, avec les troupes britanniques du major général Gracey (20e division indienne)[11].

Le , les troupes valides du 11e RIC (1 400 hommes), internées dans leur caserne depuis le coup de force japonais du , sont libérées et réarmées.

Le , le commando Ponchardier et le reste du 5e RIC débarquent à leur tour en Indochine.

Le gros des troupes, endivisionné ou non, arrive ensuite :

  • du 15 au  : GM/2e DB (groupement de marche de la 2e DB) aux ordres du lieutenant-colonel Massu (2 000 hommes)[12] ;
  •  : 9e DIC du général Valluy[13] ;
  • fin  : BEO (brigade d'Extrême-Orient, 1 200 hommes)[14] ;
  •  : 3e REI ;
  •  : 3e DIC du général Nyo[15] ;
  •  : 1er bataillon de parachutistes SAS du chef d'escadron Mollat ;
  •  : 13e DBLE ;
  •  ; 2e bataillon de parachutistes SAS du chef de bataillon Mollat.

En , après le départ du colonel Massu et de la 2e DB, 120 soldats démobilisables de la prestigieuse unité choisissent de s'installer dans le Sud de l'Indochine pour mettre en valeur des terres vierges et créer leur propre exploitation agricole. Après le refus de l'administration pour s'implanter au plateau du Tran-Ninh, une nouvelle demande de concession à Dakmil, dans la province du Darlac (Sud-Annam), est acceptée. Elle est accordée au Groupement de colonisation militaire, pour assurer la sécurité et le développement économique d'une partie des plateaux sud indochinois peuplés d'ethnies non-vietnamiennes (Moïs). L'opération Dakmil est soutenue par Leclerc et Massu, les 120 pionniers reçoivent de l'armée le matériel de première installation (tentes, groupes électrogènes), et l'aide de l'agronome Castagnol. Après défrichage de la forêt, sont plantés théiers, caféiers et abrasins, et des routes sont ouvertes. Aux tentes de l'armée succèdent des cases sur pilotis. En 1950, une cinquantaine de colons (anciens de la 2e DB) sont encore membres de la Société d'exploitation agricole du Darlac. Les populations montagnardes prêtent allégeance à Bao Dai et les plateaux montagnards sud indochinois deviennent domaine de la Couronne. Longtemps à l'écart de la guerre d’Indochine, les plateaux montagnards sud indochinois subissent une offensive vietminh en . En 1955, le gouvernement du Sud-Vietnam abolit le statut de domaine de la Couronne et entreprend la vietnamisation brutale des montagnards. Les planteurs subissent les attaques vietminhs, les bombardements américains et la difficulté d'évacuer leur production. En 1965, les 3 derniers vétérans de Dakmil abandonnent leurs plantations et mettent fin à l'aventure[16].

Évolution et pertes annuelles[modifier | modifier le code]

Allée dans le mémorial des guerres en Indochine.
Années Effectifs Pertes[17]
1945 19 400 367
1946 68 400 2 828
1947 88 625 4 081
1948 86 800 4 821
1949 98 550 4 872
1950 122 785 7 150
1951 142 008 3 443
1952 200 993 ??
1953 190 000 ??
1954 245 000 ??
1955 ?? ??

Les valeurs de 1945 à 1951 de ce tableau sont issues du Journal Officiel du [18]. Celles de 1952 à 1954 proviennent de l'ouvrage Guerre d'Indochine[19].

La nécropole des guerres d'Indochine se trouve à Fréjus ; environ 34 000 noms y sont inscrits.

Pertes globales durant le conflit[modifier | modifier le code]

L'ouvrage Guerre d'Indochine estime le nombre de tués et disparus, hors Indochinois, à 47 674 hommes répartis comme suit[20] :

Origine Tués Pourcentage
Métropolitains 20 524 43 %
Nord-Africains 12 256 26 %
Légionnaires 11 493 24 %
Africains 3 401 7 %
TOTAL 47 674 100 %

Jacques Dalloz[21], annonce un total des pertes du CEFEO égal à 37 800 réparties comme suit :

Origine Tués Pourcentage
Métropolitains 18 000 48 %
Nord-Africains 8 000 21 %
Légionnaires 9 000 24 %
Africains 2 800 7 %
TOTAL 37 800 100 %

Compositions des effectifs[modifier | modifier le code]

Effectifs en 1946-1949[modifier | modifier le code]

Origine Effectifs Pourcentage
Métropolitains 43 700 38 %
Nord-Africains 13 800 12 %
Africains 8 050 7 %
Indochinois 35 650 31 %
Légionnaires 13 800 12 %
TOTAL 115 000 100 %

Effectifs en 1954[modifier | modifier le code]

Le , les soldats d'Afrique (Maghrébins et Noirs) engagés dans le corps expéditionnaire français en Extrême-Orient représentaient 43,5 % des 127 785 hommes des forces terrestres (autochtones non compris)[22].

Maurice Vaïsse donne les effectifs suivants en [23] :

Origine Effectifs Pourcentage
Indochinois 59 000 33 %
Métropolitains 50 000 28 %
Nord-Africains 35 000 20 %
Africains 19 000 11 %
Légionnaires 14 000 8 %
TOTAL 177 000 100 %

Personnalités ayant servi en Indochine[modifier | modifier le code]

Sources et bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Collectif, Guerre d'Indochine - 1945-1954, éditions Trésors du Patrimoine, .
  • Jacques Dalloz, Dictionnaire de la guerre d'Indochine, éditions Armand Colin, .
  • Jacques de Folin, Indochine 1940-1955 - La fin d'un rêve, éditions Perrin, .
  • Henri Navarre, Agonie de l'Indochine (1953-1954), éditions Plon, .
  • Raoul Salan, Mémoires - Fin d'un empire (Tomes 1 à 4), éditions Presses de la Cité, .
  • Michel Bodin, Les Africains dans la guerre d'Indochine 1947-1954, l'Harmattan, .

Dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

Au cinéma[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Affiche de recrutement.
  2. Jacques Dalloz, La Guerre d'Indochine, Seuil, 1987, page 79.
  3. Voir : South East Asia Command.
  4. Envoyé Spécial : « Guerre secrète au Laos ».
  5. Philippe Franchini, Les mensonges de la guerre d'Indochine, Paris, Perrin, , 478 p. (ISBN 978-2-262-02345-4)
  6. a et b « 1954, la guerre secrète franco-américaine en Indochine », Patrick Pesnot, France inter, samedi 12 mars 2005.
  7. Mémoires - Fin d'un empire, Raoul Salan, tome 2, pages 285 et 412.
  8. Les Forces Françaises en Extrême-Orient.
  9. (en) Donn A. Starry, « MOUNTED COMBAT IN VIETNAM Chapter I: Introduction », sur Centre d'histoire militaire de l’US Army, (consulté le ).
  10. Michel Baudin, « La cavalerie en Indochine, 1945-1954 », Guerres mondiales et conflits contemporains, no 225,‎ (lire en ligne)
  11. Leclerc et l'Indochine, page 95.
  12. Le GM/2e DB comprend : 4e bataillon du RMT, 1re compagnie du 501e RCC, 7e escadron du 1er RSM et éléments du 71e bataillon du génie, Cf. hors série no 1 de la revue Bataille, page 33.
  13. La 9e DIC comprend : le 6e RIC, le 21e RIC, et le 23eRIC, Cf. hors série no 2 de la revue 39-45 Magazine, Indochine 1945-1954, 1. La reconquête, page 67.
  14. Constituée à Madagascar, elle comprend après divers remaniements 1 000 Européens et 200 Indochinois (Cf. hors série no 1 de la revue Bataille pages 29 à 33) et finit par atteindre l'effectif de 4 000 hommes à son arrivée en Indochine grâce à des compléments venant de France (Cf. Leclerc et l'Indochine, page 98).
  15. La 3e DIC (ex 2e DICEO) : comprend le 22e RIC, le 43e RIC, et le 2e REI, Cf. hors série no 2 de la revue 39-45 Magazine, Indochine 1945-1954, 1. La reconquête, page 67.
  16. Charles Meyer, Historia 604 : « des anciens de la 2e DB deviennent planteurs de thé », Tallandier, , 112 p., p. 88 à 93.
  17. Le terme pertes comptabilise les tués et disparus.
  18. JO du 21/3/1952, page 1396, retranscrit dans le livre Jean de Lattre mon mari de Simone de Lattre, éditions Presses de la Cité, page 307.
  19. Guerre d'Indochine, page 198, hors Armée des États associés et supplétifs.
  20. Guerre d'Indochine, page 200. Les pertes comprennent les tués au combat, les décès en Indochine ainsi que les disparus au 1/09/54.
  21. Dictionnaire de la guerre d'Indochine, page 194.
  22. Michel Bodin, Les Africains dans la guerre d'Indochine 1947-1954, l'Harmattan, 2000, p. 1.0
  23. Maurice Vaïsse, L'Armée française dans la guerre d'Indochine (1946-1954) : adaptation ou inadaptation?, Éditions Complexe, 2000, p. 146.
  24. Stephen Smith, Oufkir, un destin marocain, Hachette Littératures, 2002.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]