Dégoût — Wikipédia

Jeune enfant éprouvant un fort dégout.

Le dégoût ou dégout est une émotion de base (comme la colère, la joie, la peur, la surprise, la tristesse...) éprouvée par une personne confrontée à ce dont elle n'a pas le goût[1] et/ou qu'elle rejette instinctivement ou culturellement avec une certaine violence pour se protéger.

Ce phénomène a des racines à la fois biologiques et culturelles. Le sociologue français Claude Fischler, spécialiste de l'alimentation humaine, considère le dégoût comme « bio-culturel »[2], avec une forte composante émotionnelle[3].

Terminologie[modifier | modifier le code]

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le terme « dégoût » est attesté avec le sens d’« aversion pour quelqu’un ou quelque chose » depuis 1636[4]. Il s’agit du déverbal du verbe « dégoûter »[4], lui-même dérivé de « goût » avec le préfixe « dé- » et la désinence verbale « -er »[5]. La forme « dégout », sans accent circonflexe, date de la réforme orthographique de 1990[6].

Usages[modifier | modifier le code]

La notion est particulièrement utilisée dans le domaine de l'alimentation pour désigner des nourritures que le mangeur ne saurait ingérer du fait de raisons socioculturelles ou biologique. Néanmoins elle peut s'appliquer à toute chose, événement ou objet qu'une personne peut ne pas apprécier du tout, tels que:

  • l'odeur (la mémoire olfactive joue un rôle majeur dans certaines formes de dégout) ;
  • les aliments (phobie alimentaire du fait de l'apparence, de l'odeur ou d'un souvenir associé à l'aliment , etc. en situation de grossesse ou dans le cas de certaines maladies[7],[8]), des phénomènes naturels de « néophobie alimentaire » sont observés chez les animaux et chez l'enfant[9] ;
  • l'image ou vision ; pour des raisons esthétiques ou de bon goût (du fait de ses couleurs, de formes utilisées, des personnages ou de leur position , etc.)[10],[11] ;
  • une personne (du fait de sa saleté, ou des propos qu'il tient ou parce qu'elle est malade ou très âgée[12]) ;
  • situation interpersonnelle (inceste par exemple[13] ou certaines formes de psychoses conduisant au dégoût de l'autre[14]) ;
  • la situation d'une personne qui se voit imposer de faire quelque chose contre son gré[15]etc.
  • la situation évoquant le sentiment de souillure ou une souillure réelle (sang menstruel par exemple[16]).

Fonction première[modifier | modifier le code]

Les études récentes sur le dégoût se rejoignent pour affirmer que sa fonction première est celle d’un mécanisme d’évitement des maladies[17]

Aspects médicaux[modifier | modifier le code]

Tout comme le plaisir correspond à l'activation de certains centres du cerveau, le dégout semble avoir des correspondances neuronales[réf. nécessaire].

Et de même que dans le cas de faciès exprimant le plaisir, l'angoisse ou le rire, la vision d'une expression de dégoût sur un visage active facilement chez celui qui la voit une empathie via l'activation des systèmes de neurones miroirs[18].

Aspects philosophique et sociologique[modifier | modifier le code]

Mimiques de dégoût. Illustration du livre L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux de Charles Darwin (1872).

De nombreux philosophes et des écrivains se sont intéressés au jugement de goût, qui a des relations avec les notions de bien, de bon et de mal[19],[20].

Une étude sociologique suggère que les femmes ont des scores bien plus élevés que les hommes sur l'échelle de sensibilité au dégoût[21].

L'ethnologue Christiane Vollaire montre (notamment dans un livre publié en 2011) que dans certains métiers (médecine notamment) et dans certaines situations (face à la maladie par exemple), il existe un véritable « tabou du dégoût »[22].

Un autre thème d'étude est l'impact de l'image d'une entreprise sur son succès commercial ou les réactions de certains consommateurs (« La colère, le dégoût et le mépris conduisent-ils à des formes similaires de résistance du consommateur par rapport à la marque? » s'interrogent par exemple Perrin-Martinenq S et R Hussant-Zébian[23].

Leon kass (en) croit en la sagesse du dégoût : une réaction instinctivement négative (comme le dégoût) envers un objet, une idée ou un comportement peut être interprétée comme la preuve de ce que cette chose est intrinsèquement nuisible ou mauvaise[réf. nécessaire].

Le dégoût dans les arts[modifier | modifier le code]

Dans la peinture[modifier | modifier le code]

Tableau du peintre flamand Adriaen Brouwer Gorgée amère

Le tableau Gorgée amère du peintre flamand Adriaen Brouwer qui représente un homme écœuré par le breuvage qu'il vient de goûter est une représentation assez fidèle du dégoût tel qu'il est connu.

Dans la littérature[modifier | modifier le code]

Au cinéma[modifier | modifier le code]

2015 : Vice-versa est le 133e long métrage d'animation des studios Disney. Disgust (Dégoût) est un des personnages du film.

Dans la bande dessinée[modifier | modifier le code]

Le dégoût est une bande dessinée de Dante Ginevra (dessinateur) et Diego Agrimbau (scénariste) publié par les éditions INSULA[24].

Dans la chanson[modifier | modifier le code]

C'était l'dégoût,
L'dégoût d'quoi ? J'sais pas, mais l'dégoût.
Tout petit déjà, c'est fou
Comme tout me foutait l'dégoût !

Autres évocations[modifier | modifier le code]

Bloody Disgusting (jeux de mot sur les termes dégoutant et sanglant mais aussi un dégout poussé à une limite supérieure) est un site web consacré à l'horreur au cinéma, à la télévision et dans les jeux vidéo.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Talon-Hugon, C. (2002). Goût et dégoût (Doctoral dissertation).
  2. Fischler, C. (1989). Le dégoût: un phénomène bio-culturel. Cahiers de nutrition et de diététique, (5), 381-384.
  3. Merdji, M. (2002) L'imaginaire du dégoût: une approche anthropologique de l'univers émotionnel de l'alimentation ; Thèse de Doctorat de l'Université Paris 9 (résumé
  4. a et b « DÉGOÛT : Définition de DÉGOÛT », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  5. « DÉGOÛTER : Définition de DÉGOÛTER », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  6. « Rectifications de l'orthographe de 1990 : règles | Dico en ligne Le Robert », sur dictionnaire.lerobert.com (consulté le )
  7. Naudeau, J. (1789). Observations sur une maladie nerveuse accompagnee d'un degout extraordinaire pour les aliments. J Med Chir Pharmacol, 79, 197-200.
  8. Pezeril, C. (2011). Le dégoût dans les campagnes de lutte contre le sida. Ethnologie française, 41(1), 79-88.
  9. Hanse, L. (1994). La néophobie alimentaire chez l'enfant ; Thèse de Doctorat de l'université Paris 10 (résumé)
  10. Michaud, Y. (1999). Critères esthétiques et jugement de goût. Chambon.
  11. Talon-Hugon, C. (2003). Goût et dégoût: L'Art peut-il tout montrer?: les limites affectives de l'esthétisable. J. Chambon.
  12. Marché-Paillé, A. (2011). Le dégoût dans le travail d'assistance aux soins personnels, s'en défendre mais pas trop. Travailler, (2), 35-54.
  13. Faucher, L. (2007). Les émotions morales à la lumière de la psychologie évolutionniste; le dégoût et l’évitement de l’inceste. C. CLAVIEN et al, 108-141.
  14. Devallet, J., & Scherrer, P. (1939). Un cas de psychose de dégoût conjugal avec réaction infanticide. Ann. Med. Psy., 97e année, Tome II, (1), 80-88.
  15. Schmitt, M. P. (2006). École et dégout littéraire. Lidil. Revue de linguistique et de didactique des langues, (33), 161-170.
  16. Mardon, A. (2011). Honte et dégoût dans la fabrication du féminin. Ethnologie française, 41(1), 33-40.
  17. (en) Megan Oaten, Richard J. Stevenson et Trevor I. Case, « Disgust as a disease-avoidance mechanism. », Psychological Bulletin, vol. 135, no 2,‎ , p. 303–321 (ISSN 1939-1455 et 0033-2909, DOI 10.1037/a0014823, lire en ligne, consulté le )
  18. RIZZOLATTI, G. (2006, December). Les systèmes de neurones miroirs. In Conférence à l'Académie des sciences, Paris (Vol. 12)
  19. Guillermit, L., & Kant, I. (1986). L'élucidation critique du jugement de goût selon Kant: suivie d'une traduction nouvelle de la première partie de la Critique du jugement (Critique de la faculté de juger esthétique). CNRS.
  20. Barrère J.B (1972) L'Idée de gout de Pascal a Valéry ; Paris: Klincksieck 1972. 308 S. 8° (Vol. 1). Klincksieck.
  21. (en) Jonathan Haidt, Clark McCauley, Paul Rozin, « Individual differences in sensitivity to disgust: A scale sampling seven domains of disgust elicitors », Personality and Individual Differences, vol. 16, no 5,‎ , p. 701–713 (DOI 10.1016/0191-8869(94)90212-7)
  22. Vollaire, C. (2011). Le tabou du dégoût. Ethnologie française, 41(1), 89-97.
  23. Perrin-Martinenq, D., & Hussant-Zébian, R. (2008, November). La colère, le dégoût et le mépris conduisent-ils à des formes similaires de résistance du consommateur par rapport à la marque? . In 1er Colloque international Consommation et résistance (s) des consommateurs (Vol. 28).
  24. Site canal BD, page sur "Le dégoüt", consulté le 22 décembre 2018
  25. site la boîte aux paroles, paroles de la chanson C’t’écœurant (le prix de l’argent), consulté le 16 décembre 2018

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Berger, A. E. (1991). A vue de nez. Fragment d’une esthétique du dégoût. Europe, 69, 111-19.
  • Bourdieu, P. (1979). Le dégoût du “facile”. Bourdieu, Pierre, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 566.
  • Hennion, A. (2006). Affaires de goût. Se rendre sensible aux choses. In Sensibiliser. La sociologie dans le vif du monde. Actes du colloque du CRESAL, Saint-Étienne, 20-22 octobre 2004 (pp. 161-174).
  • Richet, C. (1884). Les causes du dégoût. L’homme et l’intelligence. Fragments de physiologie et de psychologie, 41-84.