Dérivée de Lie — Wikipédia

La dérivée de Lie est une opération de différentiation naturelle sur les champs de tenseurs, en particulier les formes différentielles, généralisant la dérivation directionnelle d'une fonction sur un ouvert de ou plus généralement sur une variété différentielle.

On note ici M une variété différentielle de dimension n, ΩM l'espace des formes différentielles sur M et X un champ de vecteurs sur M.

Définitions[modifier | modifier le code]

On peut définir la dérivée de Lie des formes différentielles sur M essentiellement de deux façons.

Dérivée de Lie en suivant le flot[modifier | modifier le code]

Soit une forme différentielle sur M de degré p. En chaque point x de M, on peut considérer que permet de donner une mesure des parallélogrammes formés de p vecteurs tangents à M en x. Lorsque l'on part de x et que l'on suit les lignes du champ X, cette mesure varie et la dérivée de Lie donne le taux de variation de cette mesure.

Soit le flot de X, c'est-à-dire la fonction telle que, pour tout x de M, , et pour t assez proche de 0, . L'expression représente la position à l'instant t d'une particule se trouvant en x à l'instant initial, et qui suit les lignes de champs à la vitesse X. Entre les instants 0 et t, la forme différentielle varie de à . Si ,, ..., sont des vecteurs tangents à M en x, les vecteurs correspondants en sont , , ..., , où désigne la différentielle en x de . La forme différentielle qui, en chaque x de M, associe aux vecteurs ,, ..., la quantité s'appelle le pullback ou l'image réciproque de par , et est notée .

On définit alors la dérivée de Lie de la forme différentielle par :

On définit de même la dérivée de Lie d'un champ de tenseurs covariant K par :

Cas des fonctions, formes de degré 0[modifier | modifier le code]

Si est de degré 0, il s'agit d'une fonction numérique f différentiable de la variété différentielle M dans . Dans ce cas, n'est autre que . La règle de dérivation des fonctions composées donne :

(voir également la règle en provenance de l'article Image réciproque (géométrie différentielle))

C'est l'image du vecteur par la différentielle de f en x. Si la variété est munie d'une structure riemannienne, il est encore possible d'écrire ce calcul à l'aide du gradient de f :

En coordonnées locales, et en utilisant les conventions de sommation d'Einstein, on peut encore l'écrire ainsi :

Définition axiomatique[modifier | modifier le code]

On montre qu'il existe une unique application linéaire vérifiant les hypothèses suivantes :

  1. Pour toute fonction f différentiable sur M à valeur réelles,
  2. est une dérivation de l'algèbre , i.e., pour toutes formes différentielles et , , où désigne le produit extérieur des deux formes différentielles
  3. et la dérivée extérieure d commutent.

On montre que la dérivation de Lie en suivant le flot vérifie ces trois conditions, ce qui assure l'équivalence des deux définitions. La définition axiomatique permet une approche calculatoire plus efficace. Elle permet également de montrer des identités entre dérivées de Lie ; il suffit de montrer que les deux membres de l'identité vérifient les mêmes trois hypothèses.

Propriétés[modifier | modifier le code]

Formule de Cartan[modifier | modifier le code]

On désigne par le produit intérieur et par d la dérivée extérieure. On a alors :

On en déduit que :

Naturalité[modifier | modifier le code]

Pour toute forme différentielle  :

Définition de la divergence[modifier | modifier le code]

Dans on a la formule suivante :

qu'on peut généraliser en définition de la divergence d'un champ de vecteurs sur toute variété munie d'une forme volume , en particulier les variétés riemanniennes :

Cette définition a bien un sens car en tout point x de M l'espace des formes multilinéaires alternée en degré maximal est de dimension 1.

Vu la définition en suivant le flot donnée plus haut, le flot local du champ X préserve la forme volume si et seulement si sa divergence est nulle.

Pour la forme volume associée à une métrique riemannienne g on a :

Dérivée de Lie d'un champ de vecteur[modifier | modifier le code]

Identification des dérivations et des champs de vecteurs[modifier | modifier le code]

Soit de nouveau une variété différentielle M, F l'anneau commutatif des fonctions numériques indéfiniment différentiables sur M.

Une dérivation est une application linéaire D de F dans F qui vérifie la formule de Leibniz :

Notamment, pour tout champ de vecteurs X, la dérivation de Lie définit une dérivation. La réciproque est vraie : toute dérivation de M est une application de la forme pour un certain champ de vecteurs X. On peut donc identifier l'espace vectoriel des dérivations et celui des champs de vecteurs.

La composée de deux dérivations n'est plus une dérivation. Le théorème de Schwarz de l'analyse à plusieurs variables ne se généralise pas : si X et Y sont deux champs de vecteurs, les dérivées secondes X.(Y.f) et Y.(X.f) ne sont pas nécessairement égales. Ce défaut de commutation est à l'origine de la définition du crochet de Lie qui coïncide avec la dérivée de Lie des champs de vecteurs.

Définition du crochet de Lie[modifier | modifier le code]

Soit V une variété différentielle, X et Y deux champs de vecteurs sur V.

Alors l'expression :

est une dérivation sur V, ce qui permet de parler du champ de vecteurs associé. On le note [X,Y] (crochet de Lie de X et Y), ou encore (dérivée de Lie de Y selon X), de sorte que :

qui se traduit, pour toute fonction indéfiniment différentiable f, par :

Il définit en effet sur l'espace vectoriel des champs de vecteurs une structure d'algèbre de Lie.

(Attention, il n'y a pas associativité : d'une part d'autre part et les deux sont bien évidemment différents : la différence est .)

En coordonnées locales, toujours dans le cadre des conventions d'Einstein

Extension aux champs de tenseurs de la définition axiomatique[modifier | modifier le code]

Une fois définie pour les fonctions et les champs de vecteurs, la dérivée de Lie s'étend aux champs de tenseurs en stipulant les propriétés suivantes :

  • C'est une dérivation sur l'algèbre tensorielle : si S et T sont deux champs de tenseurs,

  • Compatibilité avec les contractions :

si Y est un champ de vecteurs et une 1-forme,

On vérifie que l'on aboutit au même résultat pour les formes différentielles.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]