Dévaluations du franc français — Wikipédia

Les dévaluations du franc français sont l'ensemble des dévaluations décidées par les autorités publiques françaises à l'égard du franc français.

Ces dévaluations ont été nombreuses après la Première Guerre mondiale, ayant pour objectif de restaurer temporairement la compétitivité économique du pays, en rendant les exportations françaises meilleur marché mais en prenant le risque que les importations, plus chères, ne se traduisent par de l'inflation, en particulier en période de choc pétrolier. Certaines dévaluations ont également pour origine l'endettement du pays et la perte de confiance des investisseurs financiers internationaux dans le franc comme monnaie refuge.

Au cours du XXe siècle, le franc français a connu dix-sept dévaluations[1],[2],[3] dont la plupart au cours des années 1950. La dernière a eu lieu en . Les dévaluations des années 1980 ont été effectuées par rapport au mark allemand, considéré comme un modèle de stabilité monétaire.

Concept[modifier | modifier le code]

À partir de , la dévaluation signifie la baisse de la valeur d'une devise par rapport à une ou plusieurs autres. La livre sterling, puis le dollar américain, étaient souvent pris comme référence. C'est une procédure voulue par la banque centrale de la monnaie en question contrairement à la dépréciation qui est un phénomène spéculatif entre autres. Avant cette date, la dévaluation se faisait par rapport à un équivalent en masse d'or par unité de monnaie (étalon or)[4].

L'objectif est généralement de restaurer la compétitivité économique de la France[5].

En matière de change, la valeur relative du franc français pour l'année 1912 par rapport à trois devises types[6] s’établissait comme suit :

Troisième République[modifier | modifier le code]

Dévaluation de 1928[modifier | modifier le code]

Le (franc Poincaré)[7], le franc est dévalué. Il s'agit d'une réponse à la difficile situation financière de la France. Depuis , le franc a cours forcé : la convertibilité en or est suspendue. À partir de , l'Angleterre et les États-Unis demandent remboursement de leurs créances, la France étant endettée à hauteur de 20 milliards. Les investisseurs ne souhaitant pas détenir de franc, la devise s'effondre sur le marché des changes. Finalement, le , Raymond Poincaré décide la fin du franc germinal : sa valeur est divisée par cinq par rapport à celle de . La convertibilité en or est rétablie.

Dévaluation de 1936[modifier | modifier le code]

Le (franc Auriol)[7],[8]. Le , la livre sterling est dévaluée et se met à flotter, le gouvernement britannique suspend sa convertibilité en or. En , le dollar est dévalué. En , le franc est attaqué sur le marché des changes. Le , le Front populaire dévalue le franc de 35 %. Un décret interdit le commerce de l'or et les propriétaires de plus de 200 grammes d'or peuvent les céder à la Banque de France au cours antérieur à la dévaluation ou devront s'acquitter d'une taxe.

Dévaluation de 1937[modifier | modifier le code]

Le (franc Bonnet)[9],[10], le franc est déprécié à nouveau au départ du gouvernement Blum.

Dévaluation de mai 1938[modifier | modifier le code]

Le (franc Marchandeau)[10], le franc est dévalué de 10 %[11].

Dévaluation de novembre 1938[modifier | modifier le code]

Le (franc Reynaud)[10]. Le franc est rattaché à la livre sterling, et non plus à l'or. Cela permet une forte dépréciation du franc, qui donne un avantage commercial à la France[12].

Dévaluation de février 1940[modifier | modifier le code]

Le (franc Reynaud), une nouvelle dévaluation a lieu. Elle permet d'alléger le coût des emprunts passés par Paul Reynaud en préparation de la guerre[13]. À l'issue de cette dévaluation, une livre vaut 186 francs, contre 125 en 1928[14].

Régime de Vichy[modifier | modifier le code]

Dévaluation allemande de 1940[modifier | modifier le code]

En , l'occupant allemand impose un taux prohibitif de 20 francs pour 1 reichsmark (il était de 13 F en ).

Quatrième République[modifier | modifier le code]

Dévaluation de 1944[modifier | modifier le code]

Le , Pierre Mendès France dévalue le franc par rapport à l'or, de 13 %. Le cours du dollar s'établit à 43,80 francs[15].

Dévaluation de 1945[modifier | modifier le code]

(franc Pleven)[7] : la dévaluation est de 60 % par rapport au dernier cours de . Ce même jour, la France ratifie les accords de Bretton Woods et fait sa première déclaration de parité au Fonds monétaire international (FMI). Le franc CFA est créé, sur la parité de 1 franc CFA = 1,70 franc français (anciens francs)[16]. Cette dévaluation dope les exportations et l'inflation.

Dévaluation de 1948[modifier | modifier le code]

(franc Mayer)[7] : la dévaluation se monte à 80 %. Le cours du dollar US passe de 119 à 214 francs[17], obligeant Robert Schuman à réagir.

Dévaluation de 1949[modifier | modifier le code]

(franc Queuille)[7] : dévaluation de 22,27 % par le gouvernement d'Henri Queuille, le dollar coûte 350 francs[18].

Dévaluation de 1957[modifier | modifier le code]

(franc Gaillard)[7] : dévaluation « déguisée » de 20 % par le président du Conseil Félix Gaillard, laquelle fut légalisée en .

Cinquième République[modifier | modifier le code]

Présidence de Charles de Gaulle[modifier | modifier le code]

Dévaluation de juin 1958[modifier | modifier le code]

En , Charles de Gaulle valide une dévaluation de 20 %[5]. Elle est considérée comme une réussite[19].

Dévaluation de décembre 1958[modifier | modifier le code]

Le (franc Pinay)[7], une nouvelle dévaluation, de 17,55 %, est décidée. Elle s'insère de manière plus large dans le plan Pinay-Rueff. Avec la dévaluation précédente, cette nouvelle dévaluation consolide le commerce extérieur français, et s'accompagne de la création d'un « franc lourd » qui vaut 100 anciens francs. Cette dévaluation a pour objectif de faire entrer du mieux possible la France dans le marché commun[20].

Présidence de Georges Pompidou[modifier | modifier le code]

Dévaluation d'août 1969[modifier | modifier le code]

Georges Pompidou arrive au pouvoir. Il annonce une dévaluation du franc le (franc Giscard)[7], à l'issue d'un Conseil des ministres extraordinaire. Le premier ministre Jacques Chaban-Delmas, qui avait refusé la dévaluation en , accepte une dévaluation de 11,1 % du franc. Il s'agit d'une réussite : la bourse de Paris est fermée ce jour-là, et aucune pression spéculatrice ne s'exerce sur le franc[21]. Les effets sont renforcés par la réévaluation du mark allemand le , contre toutes les autres monnaies[22].

Présidence de François Mitterrand[modifier | modifier le code]

Dévaluation de 1981[modifier | modifier le code]

[23] : quelques mois après l'entrée en fonctions de François Mitterrand, le gouvernement dévalue le franc de 3 %.

Dévaluation de 1982[modifier | modifier le code]

Le [24], le président Mitterrand acte une nouvelle dévaluation du franc de 5,75 %. Elle est assortie d'un plan de rigueur et marque à ce titre le début du tournant de la rigueur. La dévaluation est actée dans le cadre d'une négociation européenne : les ministres des Finances des dix pays de la Communauté européenne s'accordent sur une réévaluation de 4,25% du mark et du florin, contre une dévaluation de 2,75 % de la lire et de 5,75 % du franc[25].

Dévaluation de 1983[modifier | modifier le code]

 : le mark allemand et le florin néerlandais sont réévalués de 4,25 % contre toutes les monnaies du Système monétaire européen. La lire italienne est dévaluée de 2,75 % face à toutes les monnaies du Système monétaire européen. Le franc perd 8 % par rapport au mark[26].

Dévaluation de 1986[modifier | modifier le code]

Le [27], la France dévalue de 3 % le franc. Cette dévaluation est faite dans le cadre du système monétaire européen. En effet, les ministres de l'Economie et des Finances des douze pays de la Communauté européenne, réunis aux Pays-Bas, acceptent, à la demande de la France, un réajustement des parités des monnaies appartenant au SME[28].

Dévaluation de 1987[modifier | modifier le code]

Le [29], la France négocie avec ses partenaires du système monétaire européen afin que l'Allemagne et les Pays-Bas réévaluent le deutschemark et le florin, de 3 % et de 2 % chacun. Cela permet une dévaluation tacite du franc[30].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Asselain 2005, p. 65.
  2. Breton 2005, p. VII.
  3. Prate 1987, p. 7.
  4. John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, 1936.
  5. a et b « Les grandes dates de l'histoire du franc », sur L'Obs, (consulté le ).
  6. Tableaux de change publié dans la revue Je sais tout, janvier 1912.
  7. a b c d e f g et h Eck 2009, p. 209.
  8. Conreur 2005, p. 237.
  9. Eck 2009, p. 14.
  10. a b et c Conreur 2005, p. 250.
  11. François Paulhac, Les accords de Munich et les origines de la guerre de 1939, Vrin, (ISBN 978-2-7116-4262-5, lire en ligne)
  12. BOSC SERGE, COMBES ALAIN et ECHAUDEMAISON CLAUDE-DANIELLE, L'économie aux concours des grandes écoles - 1re et 2e années, NATHAN (ISBN 978-2-09-812364-9, lire en ligne)
  13. Fernand Braudel et Ernest Labrousse, Histoire économique et sociale de la France (4): L'ère industrielle et la société d'aujourd'hui (1880-1980) : le temps des guerres mondiales et de la grande crise de 1914 à 1950, Presses universitaires de France (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-13-065639-5, lire en ligne)
  14. Vincent Adoumié, Histoire de France : De la république à l'État français 1918-1944, Hachette Éducation, (ISBN 978-2-01-181885-0, lire en ligne)
  15. René Courtin, « L'évolution économique et financière depuis la guerre » in Le Monde, 27 décembre 1947.
  16. Histoire du Franc CFA
  17. François Caron, « Le plan Mayer : un retour aux réalités : trois personnalités de l'après-guerre face à l'action (1945-1946) », Histoire, économie et société, no 3,‎ , p. 431 (lire en ligne, consulté le ).
  18. Jean-Guy Mérigot et Paul Coulbois, « Le problème monétaire français depuis la fin du deuxième conflit mondial », Revue économique, vol. 1, no 3,‎ , p. 265 (lire en ligne, consulté le ).
  19. Bertrand Blancheton et Christian Bordes, « Débats monétaires autour de la dévaluation du franc de 1969 », Revue européenne des sciences sociales. European Journal of Social Sciences, no XLV-137,‎ , p. 213–232 (ISSN 0048-8046, DOI 10.4000/ress.236, lire en ligne, consulté le )
  20. Pierre-Hubert Breton et Armand-Denis Schor, La Dévaluation: Théorie et pratique des dévaluations et des réévaluations, Presses universitaires de France (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-13-067901-1, lire en ligne)
  21. Alfred Grosser, Affaires extérieures: la politique de la France, 1944-1989, Flammarion, (ISBN 978-2-08-081209-4, lire en ligne)
  22. « Débats monétaires autour de la dévaluation du franc de 1969 », par Bertrand Blancheton et Christian Bordes, Revue des sciences sociales, pages 213 à 232.
  23. Feiertag 2013, § 18.
  24. Feiertag 2013, § 19.
  25. « 9-28 juin 1982 - France. Dévaluation du franc, blocage des prix et des salaires - Événement », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  26. Feiertag 2013, § 20.
  27. Feiertag 2013, § 29.
  28. « 5-24 avril 1986 - France. Dévaluation du franc et adoption d'un collectif budgétaire - Événement », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  29. Feiertag 2013, § 30.
  30. « Interview de M. Edouard Balladur, ministre de l'économie des finances et de la privatisation, dans "Die Welt" le 19 janvier 1987, notamment sur la stabilisation des taux de changes entre les monnaies européennes et la politique économique française (texte », sur vie-publique.fr (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Textes officiels[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]