Danse macabre (Saint-Saëns) — Wikipédia

Danse macabre
op. 40 (R 171)
Image illustrative de l’article Danse macabre (Saint-Saëns)
Page de titre du manuscrit autographe.

Genre poème symphonique
Musique Camille Saint-Saëns
Effectif orchestre symphonique
Dates de composition 1874
Création
Théâtre du Châtelet (Paris)
Interprètes Concerts Colonne, Édouard Colonne (dir.)
Fichier audio
Camille Saint-Saëns, Danse macabre.
noicon
Orchestre Colonne,
Louis Fourestier, direction (18 février 1953).
Danse macabre (1922) : Adolph Bolm (La Jeunesse), Ruth Page (L'Amour) et Olin Howland (La Mort)

La Danse macabre, opus 40, est un poème symphonique en sol mineur composé en 1874 par Camille Saint-Saëns d'après le poème d'Henri Cazalis Égalité-Fraternité, tiré des Heures sombres, quatrième partie de son recueil L'Illusion paru en 1875. Elle est jouée pour la première fois à Paris le , sous la direction d'Édouard Colonne. Contrairement à la légende, la Danse macabre n'a été ni chahutée ni sifflée à la première de Colonne, ni à la seconde audition, le . Colonne dut même la bisser[1]. En revanche, elle le fut chez Pasdeloup, lorsque ce dernier la présenta le de la même année[2]. C'est aujourd'hui un morceau célèbre.

Histoire[modifier | modifier le code]

Cette danse macabre est une version pour orchestre d'une mélodie écrite par Saint-Saëns en 1872 et publiée en 1873, dédiée à Gustave Jacquet.

La première audition en 1875 surprit par l'emploi du xylophone, inutilisé à l'époque dans un orchestre symphonique[3].

Saint-Saëns lui-même cite le thème principal dans son Carnaval des animaux - no 12 « Fossiles », avec l'indication « Allegro ridicolo ». Il en a aussi écrit un arrangement pour deux pianos.

Franz Liszt, ami du compositeur, en a effectué une réduction pour piano seul, qui a été ensuite réarrangé par Vladimir Horowitz.

De très nombreuses autres transcriptions de cette œuvre populaire ont été réalisées pour différentes formations.

Scénario[modifier | modifier le code]

Minuit sonne. Satan va conduire le bal. La Mort paraît, accorde son violon, et la ronde commence, presque furtivement au début, s'anime, semble s'apaiser et repart avec une rage accrue qui ne cessera qu'au chant du coq. Le sabbat se dissout avec le lever du jour.

Analyse[modifier | modifier le code]

Tout comme dans son Carnaval des animaux, tous les instruments utilisés viennent jouer un rôle, ce sont de véritables acteurs. La harpe sonne les douze coups de minuit, les pizzicati des violoncelles représentent la Mort qui frappe du talon pour réveiller les défunts, avant « d'accorder » son violon solo sur le Diabolus in musica (nom donné, d'après le système de Guido d'Arezzo, à la quinte diminuée ou « triton », ici : la-mi bémol) et de lancer la danse sur un tempo de valse. Le xylophone représente le son des os des squelettes qui dansent et s'entrechoquent durant la nuit. Les violons marquent la cadence sur des quintes criardes et rappellent le vent d'hiver et la quinte diminuée du début (la-mi bémol) pourrait aussi suggérer la sécheresse et l'aigreur de la saison.

Trois thèmes sont développés : l'un rythmique, exposé par la flûte ; le second mélodique, énoncé par le violon solo ; enfin, la citation du motif mélodique du premier vers de la Séquence liturgique Dies iræ, mais il s'agit ici d'un Dies iræ transposé en mode majeur sautillant qui sonne bizarrement à la trompette, appuyée par les cymbales ; les esprits infernaux semblent ridiculiser cette phrase solennelle de la liturgie des morts. Ces trois motifs sont valsés. Le thème A se développe sous la forme de variations, le thème B est traité en fugue et, à un certain moment, les deux se superposent. On soulignera aussi le déchaînement de l'orchestre, à grand renfort de clameurs dues aux cuivres, exprimant le frénétique, forcené, de ce monde souterrain. Et, quand le hautbois fait entendre le cocorico, les morts se dispersent.

Poème d'Henri Cazalis[modifier | modifier le code]

Le poème entier d'Henri Cazalis (alias Jean Lahor) est utilisé pour le chant. Le livret, accompagnant la première représentation et publié en exergue de la partition, ne comportait que les parties en gras :

Zig et zig et zig, la mort en cadence
Frappant une tombe avec son talon,
La mort à minuit joue un air de danse,
Zig et zig et zag, sur son violon.

Le vent d'hiver souffle, et la nuit est sombre,
Des gémissements sortent des tilleuls ;
Les squelettes blancs vont à travers l'ombre
Courant et sautant sous leurs grands linceuls,

Zig et zig et zig, chacun se trémousse,
On entend claquer les os des danseurs,
Un couple lascif s'assoit sur la mousse
Comme pour goûter d'anciennes douceurs.

Zig et zig et zag, la mort continue
De racler sans fin son aigre instrument.
Un voile est tombé ! La danseuse est nue !
Son danseur la serre amoureusement.

La dame est, dit-on, marquise ou baronne.
Et le vert galant un pauvre charron —
Horreur ! Et voilà qu'elle s'abandonne
Comme si le rustre était un baron !

Zig et zig et zig, quelle sarabande !
Quels cercles de morts se donnant la main !
Zig et zig et zag, on voit dans la bande
Le roi gambader auprès du vilain!

Mais psit ! Tout à coup on quitte la ronde,
On se pousse, on fuit, le coq a chanté
Oh ! La belle nuit pour le pauvre monde !
Et vivent la mort et l'égalité !

Programme de la première[modifier | modifier le code]

Le , le programme du concert de la première exécution sous la direction d'Édouard Colonne comprenait [4] :

  1. Symphonie en si bémol de Joseph Haydn ;
  2. Ballet de l'opéra Le Dernier Jour de Pompéi de Victorin de Joncières (Pas de la séduction, fanfare, danse arabe) ;
  3. Cortège des funérailles du Saül de Georg Friedrich Haendel ;
  4. Danse macabre, 1re audition de Camille Saint-Saëns : le solo de violon par M. C. Lelong ;
  5. Fragments symphoniques de la tragédie Le Comte d'Egmont de Beethoven.

Postérité[modifier | modifier le code]

Critiques[modifier | modifier le code]

La Danse macabre de Saint-Saëns n'est pas toujours appréciée. Nicolas Slonimsky cite la critique suivante du London Daily News (3 juin 1879) dans son Lexicon of Musical Invective (Lexique d'invectives musicales), anthologie de critiques négatives appliquées à des œuvres de musique classique reconnues par la suite comme des chefs-d'œuvre[5] :

« Among the special instruments in the score was the xylophone, the effect of which inevitably suggested (as doubtless intended) the clattering of the bones of skeletons. Another, and scarcely less hideous device, was the tuning of the first string of the solo violin half a note lower than usual, and the reiteration of the imperfect fifth many times in succession. The piece is one of many signs of the intense and coarse realism that is entering into much of the musical composition (so-called) of the day. »

« Parmi les instruments spéciaux, on trouve le xylophone dont la sonorité évoque inévitablement (et délibérément, sans doute) l'entrechoquement des os des squelettes. Un autre effet, à peine moins hideux, était l'accord de la première corde du violon soliste un demi-ton plus bas que d'ordinaire, et la répétition de cette quinte diminuée plusieurs fois de suite. La pièce montre les signes d'un intense et grossier réalisme qui entre aujourd'hui dans la composition musicale (ou prétendue telle). »

Utilisation dans d'autres domaines[modifier | modifier le code]

Elle a été utilisée comme générique de la série britannique de la BBC One Jonathan Creek, dans la série américaine Grimm, saison 1, épisode 5 : « Le Joueur de violon », ou encore dans le film d'animation Shrek le troisième. La série Buffy contre les vampires s'est aussi servie de cette musique pour une scène du 10e épisode « Un silence de mort » (Hush) de la 4e saison, tout comme la série Numb3rs, dans l'épisode 5 de la saison 6 « Le Clone » (Hydra), dans lequel elle est jouée lors de l'introduction.

Le deuxième épisode de la deuxième saison de la série télévisée d'animation Mickey Mania sortie en 1999 aux États-Unis, mettant en scène Mickey Mouse et Minnie Mouse intitulé Hansel & Gretel en référence au conte des frères Grimm, sous-titre La Maison en Sucre, reprend la Danse macabre de Saint-Saëns dans une version revisitée d'environ 7 minutes et réalisée par Tony Craig et Roberts Gannaway[6].

Le groupe suédois de Black Metal Marduk se serait également inspiré du poème (ainsi donc de l'œuvre musicale de Saint-Saëns) pour l'un de leurs albums, La Grande Danse macabre.

Elle sert également de bande son pour l'attraction hantée Spookslot à Efteling.

Francis Blanche en a écrit une adaptation humoristique, la Danse Macchab', interprétée par Les Quatre Barbus, puis Entre 2 Caisses.

Dans le livre d'artiste de Serge Chamchinov, La Danse macabre, est créée dans la collection Fête des fous. Il s'agit d'une œuvre graphique originale à sept variantes différenciées, dont l’artiste interprète la mélodie de Camille Saint-Saëns, le poème d’Henri Cazalis, Égalité-Fraternité 1872, et le thème de la danse de la Farandole. La variante conservée au département du patrimoine à la bibliothèque Louis-Nucéra, à Nice, comporte trois cahiers dans un portfolio avec 21 pages au format du 31 x 43 cm : Partition, Paroles, Farandole[7].

Cinéma[modifier | modifier le code]

La Danse macabre a été utilisée dans de nombreux films d'horreur ou de mystère, notamment dans :

Télévision[modifier | modifier le code]

  • 2020 : dans la série télévisée Ratched, la Danse macabre est jouée pendant le générique.

Bande dessinée[modifier | modifier le code]

  • Dans Les Helvétiques, aventure de Corto Maltese écrite et dessinée par Hugo Pratt, le marin croise la route de squelettes musiciens qui lui proposent de danser. Il récite alors des extraits du poème Égalité-Fraternité.

Jeux vidéo[modifier | modifier le code]

Dans l'univers des jeux vidéo, la Danse macabre a été utilisée dans :

Jeux de rôle[modifier | modifier le code]

  • La Danse macabre sert de point de départ à un scénario[9] écrit pour le jeu de rôle français Maléfices[10].

Web-série[modifier | modifier le code]

Discographie sélective[modifier | modifier le code]

  • Ehzod Abduraimov, piano. CD Decca 2012. Choc de Classica

Références[modifier | modifier le code]

  1. Revue et Gazette Musicale de Paris, éditions des 31 janvier et 14 février 1875
  2. Camille Saint-Saëns, biographie par Jean Gallois, éditions Mardaga, page 161
  3. Charles Koechlin, Traité de l'orchestration, vol. I, Paris, Éditions Max Eschig, , 322 p. (BNF 39725857), p. 117
  4. Le Ménestrel, 41e année, no 8, du 24 janvier 1875
  5. (en) Nicolas Slonimsky, Lexicon of Musical Invective, New York, W. W. Norton & Company, (1re éd. 1953), 325 p. (ISBN 978-0-393-32009-1), p. 147.
  6. Chronique Disney, page Mickey Mania.
  7. cf. : Anne Arc, Postface pour la danse macabre, in Bulletin des livres d’artistes, année 2015, Paris, 2015 (ISBN 979-10-91274-44-9).
  8. Ridiculon
  9. scénario
  10. Maléfices
  11. [1]

Liens externes[modifier | modifier le code]