Fanum — Wikipédia

Restitution du fanum d'Oisseau-le-Petit.

Un fanum (pluriel fanums[N 1]) est un petit temple gallo-romain ou britto-romain[N 2] de tradition indigène. Il présente un plan concentrique, le plus souvent carré ou circulaire, constitué d'une cella centrale fermée, entourée ou non d'une galerie. Il s'observe surtout dans les provinces Nord-Ouest de l'Empire romain.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le terme a été emprunté par les archéologues modernes au latin fanum, vocable désignant précisément le lieu consacré par la formule solennelle des augures (effatum) à quelque divinité[1]. Comme un édifice sacré était généralement élevé sur ces lieux, le même terme désignait aussi l'édifice ou temple avec le territoire consacré qui l'entourait.

Origine probable[modifier | modifier le code]

Plan d'un fanum avec son enclos sacré dans la Colonia Ulpia Traiana

Ce type de temple est une évolution des temples celtiques, qui en bois au départ, se sont peu à peu monumentalisés. Les sanctuaires de Ribemont-sur-Ancre, de Corent et de l'abbaye Saint-Georges-de-Boscherville constituent de bons exemples, puisque, sous les monuments religieux d'époque romaine, ont été retrouvés leurs équivalents en bois datés, pour les deux premiers, de l'époque gauloise. Ainsi les fouilles de Jacques Le Maho sur le site de l'abbaye de Boscherville ont révélé l'existence de sanctuaires successifs, dont en premier lieu, un temple en bois (sans galerie de circulation), suivi en second lieu, d'un autre temple en bois (avec galerie de circulation), en troisième lieu, d'un temple en bois reposant sur un soubassement de pierre, et pour finir, un fanum en pierre (avec galerie de circulation)[2].

Définition et localisation[modifier | modifier le code]

Pour les archéologues français et francophones, le terme de fanum s'applique spécialement aux temples gallo-romains mis au jour dans l'Ouest de l'Europe, dans les anciennes provinces romaines de Gaule, de Germanie et de Bretagne. Il s'agit de régions habitées par les Celtes (Gaulois, Belges et Brittons). On retrouve donc des fanums dans la majeure partie de la France, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse (une vingtaine de sanctuaires comportant des temples de ce type, par exemple ceux de Vidy, Avenches, Allmendingen-bei-Thun, Augst), une partie de l'Allemagne, ainsi qu'en Grande-Bretagne, aussi bien dans les villes que dans les campagnes. En revanche, le nom du sanctuaire préromain est nemeton en langue celtique, de nemeto- qui signifie originellement « bois, enclos sacré ». L'utilisation de ce terme dans les langues locales se prolongera vraisemblablement pour désigner les fanums gallo-romains jusqu'à la christianisation[N 3].

Ces temples auraient dû être fermés à la fin du IVe siècle sous le coup des lois impériales anti-païennes mais en réalité beaucoup sont progressivement abandonnés au cours de cette période, leur culte tombant en désuétude ou les personnes vivant autour de ces temples ayant migré[3].

L’étymologie du mot profane « qui n'est pas consacré, qui n'est pas initié, ignorant » est un emprunt direct au latin classique profanum (de pro « devant » et fanum « lieu consacré »)[4].

Description[modifier | modifier le code]

Restitution d'un fanum sur le Martberg dans l'Eifel, Allemagne.

Le fanum, de construction généralement simple, possède une cella « pièce où le dieu réside », le plus souvent carrée, mais qui peut être ronde ou rectangulaire, entourée d'une galerie, couverte ou non. On ignore l'utilité de cette galerie : elle pouvait servir à une déambulation des fidèles autour de la cella, qui pouvaient ainsi se rapprocher de la divinité. Cette disposition expliquerait la phrase de Strabon :

« Les Gaulois vénèrent leurs dieux en tournant autour. »

De plus, dans les religions antiques, le temple est la demeure sacrée du dieu et seuls les prêtres y pénètrent, les rites cultuels ayant lieu à l'extérieur du temple.

Cet édifice central est en principe toujours situé à l'intérieur d'un péribole qui délimite l'espace sacré. Cette limite est matérialisée par un fossé ou un mur. On appelle téménos en grec (templum ou area sacra en latin), l'espace sacré, tandis qu'on nomme péribole, la limite (mur ou fossé). L'espace sacré, ainsi délimité, est placé sous la protection de la divinité, contrairement à l'espace profane. Cette séparation sacré/profane n'est pas exclusive à la religion gallo-romaine, mais bien une caractéristique universelle du rituel religieux. De même, à l'époque gauloise, les fossés eux-mêmes entourant les sanctuaires sont considérés comme périboles délimitant des téménos[5].

Le plan particulier des fanums est éloigné des modèles méditerranéens (le temple romain), il devait ainsi répondre aux besoins spécifiques de rituels résultant de la rencontre entre religions celtique et romaine. Sa forme est variable : circulaire à la tour de Vésone, carrée à Autun, avec une cella octogonale à Sanxay ou associant un cella circulaire à une galerie octogonale à Aulnay[6].

Toponymie[modifier | modifier le code]

Villes dont le nom est issu du terme fanum[modifier | modifier le code]

Villes ayant porté le terme fanum dans leur nom[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Un pluriel savant fana est parfois utilisé. Son usage est cependant déconseillé par l'Académie française.
  2. Terme se référant aux Britons ou Bretons insulaires de l'Île de Bretagne, aujourd'hui la Grande-Bretagne.
  3. Xavier Delamarre indique pour nemeton le sens général de « sanctuaire » qui a fini par signifier « temple ». Il cite par exemple Venance Fortunat en latin : « loco nomine Vernemetis ("grand temple") … quod quasi fanum ingens Gallica lingua refert » in Dictionnaire de la langue gauloise, Errance 2003, p. 232 - 233.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Varro, L.L. VI, 54 ; Liv. X, 37 ; Cic. Div. I, 41.
  2. Jacques Le Maho et Nicolas Wasylyszyn, Saint-Georges de Boscherville, 2000 ans d'histoire, 2e éditions GRAPC, 2008.
  3. Vincent Charpentier, émission Le Salon noir sur France Culture, 23 janvier 2013.
  4. Site du CNRTL : origine du mot « profane ».
  5. Patrice Méniel (2000) « Des os dans les fossés et des animaux dans les enclos : diversité des fonctions et limite des interprétations », in : Jean-Louis Brunaux (dir.), « Les enclos celtiques », Actes de la table ronde de Ribemont-sur-Ancre (1999), Revue archéologique de Picardie, no 1-2, p. 267-270.
  6. Isabelle Fauduet, Les temples de tradition celtique en Gaule romaine, Paris, Errance, , 159 p. (ISBN 2-87772-074-8), p. 53-54.
  7. François de Beaurepaire, Les Noms des communes et anciennes paroisses de l'Eure, éditions Picard 1981 (ISBN 2-7084-0067-3).
  8. Albert Dauzat et Charles Rostaing, Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, Librairie Guénégaud, Paris 1978 (ISBN 2-85023-076-6).
  9. Page touristique.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alfred Haffner (Hrsg.), Heiligtümer und Opferkulte der Kelten. Archäologie in Deutschland, Sonderheft 1995. Konrad Theiss, Stuttgart (ISBN 3-8062-1147-7)
  • Christian Goudineau et al., dir., Les sanctuaires de tradition indigène en Gaule romaine, 1994
  • Friedrich Schlette, Kelten zwischen Alesia und Pergamon. Eine Kulturgeschichte der Kelten, Urania, Leipzig - Jena - Berlin 1976
  • Gilbert Argoud (Hrsg.) in Archéologie des sanctuaires en Gaule romaine, textes réunis et présentés par William Van Andringa, Publications de l'université de Saint-Étienne, 2000
  • Isabelle Fauduet, Atlas des sanctuaires romano-celtiques de Gaule, 1993
  • Isabelle Fauduet, Les Temples de tradition celtique en Gaule romaine, éd. Errance, 1993 édition revue et augmentée en 2010 (ISBN 978-2-87772-416-6)
  • Jean-Louis Brunaux, dir., Les sanctuaires celtiques et leurs rapports avec le monde méditerranéen, 1991
  • Thomas Lobüscher, Tempel- und Theaterbau in den Tres Galliae und den germanischen Provinzen. 2001
  • Michael Altjohann, Bemerkungen zum Ursprung des gallo-römischen Umgangstempels. In: Provinzalrömische Forschungen. Festschrift für Günter Ulbert zum 65. Geburtstag. 1995
  • Michael Altjohann, Gallorömische Umgangstempel und Bauten in Viereckschanzen. In: G. Wieland (Hrsg.): Keltische Viereckschanzen. Einem Rätsel auf der Spur. 1999

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]