Guerre de Tripoli — Wikipédia

Guerre de Tripoli
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Informations générales
Date -
Lieu Mer Méditerranée, côtes d'Afrique du Nord-Ouest
Issue Victoire suédoise et américaine
Belligérants
Drapeau des États-Unis États-Unis
Drapeau de la Suède Suède (1800-1802)
Royaume de Sicile[1],[2]
Régence de Tripoli
Drapeau du Maroc Maroc[3],[4]
Commandants
Richard Dale
Richard Valentine Morris
William Eaton
Edward Preble
Yusuf Karamanli
Slimane ben Mohammed
Forces en présence
13 frégates
4 goélettes
500 mercenaires arabes et grecs (bataille de Derna)
Nombreux volontaires
11-20 canonnières
Plusieurs croiseurs
4 000 soldats
Pertes
États-Unis :
35 tués
64 blessés
Mercenaires grecs et arabes:
Inconnues
Régence de Tripoli : ≈ 800 morts
1,200 blessés à Derna
Nombreux navires et marins perdus Sultanat du Maroc : Aucun.

Batailles

Stephen Decatur abordant un navire tripolitain durant une bataille navale, 3 août 1804.
L'USS Enterprise combattant un navire tripolitain, par William Bainbridge Hoff, 1878

La guerre de Tripoli (en anglais Tripolitan War), aussi appelée première guerre barbaresque (First Barbary War) ou guerre de la côte barbaresque (Barbary Coast War), est la toute première guerre déclarée et engagée par les États-Unis après leur indépendance, et la première de leurs deux guerres contre les États du Maghreb, alors connus sous le nom d'États barbaresques (les trois régences d'Alger, de Tunis et de Tripoli, — dans les faits quasiment indépendantes — de l'Empire ottoman).

Les raisons de cette guerre étaient que les pirates barbaresques saisissaient les navires marchands américains et tenaient les équipages en rançon, demandant ensuite aux États-Unis de payer un tribut. Le président des États-Unis, Thomas Jefferson, refusa de payer ce tribut. En outre, la Suède, qui était en guerre avec les Tripolites depuis 1800, et le Royaume de Sicile participèrent à ce conflit aux côtés des États-Unis[5].

La guerre dura du au .

Contexte[modifier | modifier le code]

Les pirates barbaresque d'Alger, de Tunis, de Tripoli, et du Maroc étaient les fléaux de la Méditerranée[6], capturant les navires marchands, et soumettant en esclavage, ou rançonnant les équipages. L'ordre trinitaire a opéré en France pendant des décennies avec la mission de collecter des fonds pour racheter les prisonniers de ces pirates. Selon Robert Davis, 1 250 000 Européens ont été capturés par les pirates barbaresques, et vendus en esclavage entre 1530 et 1780[7][réf. incomplète].

Des lettres et des témoignages divers par des marins capturés décrivent leur captivité comme une forme d'esclavage, même si l'emprisonnement de la côte de Barbarie était différent de celui pratiqué par les pouvoirs publics et américains de l'époque[8]. De même qu'en Amérique des esclaves pouvaient accéder à la liberté, quelques rares prisonniers de la côte de Barbarie ont pu obtenir des postes à responsabilité. De tels exemples sont James Leander Cathcart, devenant conseiller du bey[9], et Hark Olufs, qui devint trésorier puis commandant au service du bey de Constantine.

En mer Méditerranée, les nations d'Europe se voyaient dans l'obligation de payer un tribut aux États barbaresques (Tripoli, Tunis, Alger, Maroc) pour protéger leurs intérêts commerciaux sous peine de voir leurs navires attaqués par les corsaires barbaresques. À l'indépendance des États-Unis, les navires de commerce américains perdirent la protection de la Royal Navy.

En 1784, un navire américain, le Betsby, est capturé par des pirates marocains, son équipage est libéré après 6 mois de détention. En 1785, des pirates d'Alger capturent 2 navires américains : le Dauphin et le Maria. De 1786 à 1793 le Portugal fait la guerre aux États barbaresques, ce qui empêche toute nouvelle capture. En 1787, les Américains contactent l'ordre français des Mathurins connus pour ses négociations de rachats d'esclaves aux barbaresques depuis des siècles. Mais les pourparlers ne donnent rien : un seul Américain est libéré jusqu'en 1790, année de dissolution de l'ordre des Mathurins prononcée par la Révolution française. En 1793, le Portugal cesse sa guerre, et les États barbaresques continuent leur piraterie : 10 navires américains furent capturés pour la seule année 1793. Cette fois, les États-Unis réagissent : ils décident de payer le tribut, 2 millions de dollars de 1794 à 1800 pour libérer les équipages capturés, et signèrent différents traités (voir le traité de Tripoli, le traité de paix et d'amitié avec le bey d’Alger et celui avec le bey de Tunis). Mais en même temps, il fut décidé par le Naval Act of 1794 de construire des navires de guerre pour protéger le commerce américain : 6 frégates, prévues pour 1800[10],[11].

Quand le bey de Tripoli augmenta le montant de la protection en demandant 225 000 dollars de plus — le budget fédéral s'élevait à 10 millions de dollars en 1800 —, la tension s'accrut et les États-Unis, par la voix de leur nouveau président Thomas Jefferson, refusèrent de payer le tribut pour le passage de leurs navires en 1801[12]. La flotte américaine était prête. Le bey de Tripoli incita alors ses alliés de Tunis et d'Alger à déclarer la guerre aux jeunes États-Unis qui semblaient lointains et encore fragiles[13].

La guerre[modifier | modifier le code]

Une escadre de l’United States Navy fut envoyée sur place. La nouvellement formée Mediterranean Squadron se composait de trois frégates et d'une goélette. Arrivée en juillet, elle bloqua Tripoli. La goélette Enterprise de l'United States Navy remporta le premier combat naval de Tripoli contre la polacre tripolitaine Tripoli le [14].

La frégate USS Philadelphia s'échoua contre un récif le [15]. Son capitaine William Bainbridge dut se rendre et la frégate fut capturée pour être intégrée à la flotte du pacha de Tripoli[16]. Le navire fut ensuite détruit dans le port de Tripoli le , à l'occasion d'un raid audacieux mené par l’Intrepid. Six mois plus tard, un ketch tripolitain fut capturé sous le commandement de Stephen Decatur[15].

Ce succès militaire ne règle pas la question des attaques de piraterie, mais renforce la confiance des Américains pour leur marine encore balbutiante ; l'amiral Nelson, le futur vainqueur deux ans plus tard de la célèbre bataille de Trafalgar, couvre d’éloges l’entreprise[12]. Cette opération est en outre perçue comme la première opération spéciale américaine en terre étrangère, préfigurait ce qui constitue la mission actuelle des « SEALs » de la marine militaire américaine[12].

En mai 1804, William Eaton, ancien consul à Tunis, arrive à Tripoli, avec pour mission de destituer le pacha Youssouf Karamanli et sollicitant l'aide de son frère Hamet Karamanli, écarté du pouvoir et exilé en Égypte[12]. Allant à la rencontre de ce dernier, il lui promet un retour au pouvoir et constitue un groupe de combattants de 500 mercenaires arabes et grecs, conseillés par le lieutenant Presley O’Bannon[12]. Tripoli est bombardée les , et et le [17].

En avril 1805, l'armée de William Eaton et Hamet Bey prend d’assaut la forteresse de Derna, qui tombe en deux semaines, marquant la première victoire militaire américaine en terre étrangère[12]. Cette action suffit pour inciter les dirigeants de Tripoli à signer un traité de paix ; William Eaton, reçoit l'ordre de ne pas aller jusqu'au bout de son plan (le renversement du pacha Youssouf Karamanli et son remplacement par son frère), et d'accepter un accord de paix proposé par leur ennemi vaincu[12]. Condition de ce traité de paix, l'équipage de l'USS Philadelphia est libéré, marquant la fin de la première guerre barbaresque[12].

Traité de paix et suites[modifier | modifier le code]

Une seconde guerre barbaresque oppose en 1815 la marine américaine à la régence d'Alger pour compléter l'objectif de la première : la fin des attaques de corsaires barbaresques contre des navires marchands américains, et la liberté de circulation en Méditerranée de ces derniers. Cette guerre menée coté américain sous le commandement de Stephen Decatur, voit une victoire rapide aux cours de deux batailles navales les 17 et 19 juin 1815. Cette deuxième guerre victorieuse contre l'empire ottoman permet aux États-Unis d'obtenir une indemnité de 10 000 dollars de la régence d'Alger, et un traité qui leur exclut tout tribut à venir, et leur reconnait le droit de transport maritime plein et entier en mer Méditerranée.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Tripolitan War », Encyclopedia.com (from The Oxford Companion to American Military History), (consulté le ).
  2. (en) « War with the Barbary Pirates (Tripolitan War) », veteranmuseum.org (consulté le ).
  3. (en) Joseph Wheelan, Jefferson's War: America's First War on Terror 1801-1805, PublicAffairs, (ISBN 978-0-7867-4020-8, lire en ligne)
  4. Spencer C. Tucker, The Encyclopedia of the Wars of the Early American Republic, 1783–1812: A Political, Social, and Military History [3 volumes]: A Political, Social, and Military History, ABC-CLIO, (ISBN 978-1-59884-157-2, lire en ligne), 430
  5. (en) Woods, Tom, « Presidential War Powers: The Constitutional Answer », sur Libertyclassroom.com (consulté le )
  6. Masselman, George. The Cradle of Colonialism. New Haven: Yale University Press, 1963. (OCLC 242863). p. 205. Inscription nécessaire
  7. Davis, Robert. Christian Slaves, Muslim Masters: White Slavery in the Mediterranean, the Barbary Coast and Italy, 1500–1800.
  8. Rojas, 168–9.
  9. Rojas, Martha Elena. "'Insults Unpunished' : Barbary Captives, American Slaves, and the Negotiation of Liberty." Early American Studies: An Interdisciplinary Journal. 1.2 (2003): 159–86, p. 163
  10. Parton, James. "Jefferson, American Minister in France." Atlantic Monthly. 30.180 (1872): 405–24.
  11. Miller, Hunter. United States. "Barbary Treaties 1786–1816 : Treaty with Morocco June 28 and July 15, 1786". The Avalon Project, Yale Law School.
  12. a b c d e f g et h Alexis Varende, « Quand Tripoli déclarait la guerre aux États-Unis - La première intervention extérieure américaine », sur Orient XXI, (consulté le )
  13. (en) Nathan Miller, The U.S. Navy : a history, Naval Institute Press, , 324 p. (ISBN 978-1-55750-595-8, lire en ligne), p. 46
  14. Tucker, Glenn. Dawn like Thunder: The Barbary Wars and the Birth of the U.S. Navy. Indianapolis, Bobbs-Merrill, 1963. (OCLC 391442). p. 293.
  15. a et b (en) « USS Philadelphia (1800-1803) », sur The Naval History and Heritage Command (consulté le ).
  16. « La première guerre barbaresque en Méditerranée », Orient XXI, , consulté le 25 février 2017.
  17. Moulin 2003, p. 23.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) James Tertius De Kay, A rage for glory : the life of Commodore Stephen Decatur, USN, New York, Free Press, , 237 p. (ISBN 978-0-7432-4245-5, lire en ligne)
  • (en) Joshua E. London, Victory in Tripoli : how America's war with the Barbary pirates established the U.S. Navy and built a nation, Hoboken, Wiley Pub., , 276 p. (ISBN 978-0-471-44415-2)
  • (en) Jean Moulin, L'US Navy : 1898-1945 du Maine au Missouri, t. 1, Rennes, Marines éditions, , 512 p. (ISBN 978-2-915379-02-0)
  • (en) David Smethurst, Tripoli : the United States' first war on terror, New York, Ballantine Books, , 308 p. (ISBN 978-0-89141-859-7)
  • (en) Joseph Wheelan, Jefferson's war : America's first war on terror, 1801-1805, New York, Carroll & Graf Publishers, , 414 p. (ISBN 978-0-7867-1232-8)
  • (en) Richard Zacks, The pirate coast : Thomas Jefferson, the first marines, and the secret mission of 1805, New York, Hyperion, , 432 p. (ISBN 978-1-4013-0003-6)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]