Guerre sino-vietnamienne — Wikipédia

Guerre sino-vietnamienne
(Troisième Guerre d'Indochine)
Description de cette image, également commentée ci-après
Théâtre des opérations.
Informations générales
Date -[1]
Lieu Frontière entre la république populaire de Chine et le Viêt Nam
Casus belli Occupation du Cambodge par l'armée populaire vietnamienne
Issue

Victoire tactique vietnamienne[2]

Belligérants
Drapeau de la République populaire de Chine Chine Drapeau de la République socialiste du Viêt Nam Viêt Nam
Soutien non-combattant :
Drapeau de l'URSS Union soviétique
Commandants
Drapeau de la République populaire de Chine Deng Xiaoping
Drapeau de la République populaire de Chine Yang Dezhi
Drapeau de la République populaire de Chine Xu Shiyou
Drapeau de la République socialiste du Viêt Nam Võ Nguyên Giáp
Drapeau de la République socialiste du Viêt Nam Lê Duẩn
Drapeau de la République socialiste du Viêt Nam Phạm Văn Đồng
Drapeau de la République socialiste du Viêt Nam Văn Tiến Dũng
Forces en présence
200 000 à 600 000 soldats
400 chars (arrivant des districts militaires de Kunming et de Guangzhou)
70 000 à 100 000 soldats
150 000 miliciens et irréguliers
Pertes
26 000 tués
37 000 blessés
420 chars détruits
sources chinoises :
8 531 tués et 21 100 blessés[4]
30 000 tués
32 000 blessés
185 chars détruits.
sources vietnamiennes :
10 000 civils tués[4]

Guerre sino-vietnamienne

La guerre sino-vietnamienne (en vietnamien : Chiến tranh biên giới Việt-Trung), également appelée troisième guerre d'Indochine, est une guerre courte, pouvant être qualifiée de conflit frontalier, qui oppose le Viêt Nam à la république populaire de Chine du au 16 mars 1979. La Chine ouvre les hostilités avec une expédition punitive en réponse à l'invasion et à l'occupation du Cambodge par le Viêt Nam en 1978, qui met fin au règne des Khmers rouges appuyés par la Chine.

Les forces chinoises entrent dans le nord du Viêt Nam et occupent plusieurs villes près de la frontière. Le , la Chine déclare que la route de Hanoï est ouverte, que sa mission punitive est désormais accomplie. Les troupes chinoises se retirèrent alors, les belligérants déclarant tous deux avoir remporté la victoire à l'issue de cette dernière guerre d'Indochine.

Les troupes vietnamiennes étant restées au Cambodge jusqu'en 1989, la Chine ne parvint pas à dissuader le Viêt Nam de s'impliquer au Cambodge, mais avait réussi à démontrer que son rival communiste de la guerre froide, l'Union soviétique, était incapable de protéger son allié vietnamien. Après la fin et la dissolution de l'URSS en 1991, la frontière sino-vietnamienne fut enfin finalisée.

Contexte géopolitique[modifier | modifier le code]

Cette guerre d’une durée de quelques semaines est essentiellement une « guerre de proximité de basse intensité ». L'origine de ce conflit s'inscrit dans le cadre de la rupture sino-soviétique, le Viêt Nam communiste étant soutenu par l'Union soviétique. Il marque également la volonté chinoise de réaffirmer sa prédominance en Asie, à la suite de l'invasion du Cambodge par le Viêt Nam qui provoque la fin du Kampuchéa démocratique, le régime Khmer rouge proche des maoïstes.

Les relations sino-russes puis sino-soviétiques ont longtemps été houleuses autant d'un point de vue idéologique que politique. Ces relations furent rythmées par des cassures et des réconciliations successives, jusqu'à la rupture définitive provoquée par l'incompatibilité de leurs politiques, incompatibilité invoquée par les deux États après 1956.

La rupture idéologique prend forme au XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique, lorsque Nikita Khrouchtchev énonce les trois principes de sa nouvelle politique soviétique, avec laquelle la Chine se trouve en total désaccord :

  1. La « coexistence pacifique » qui devient un principe essentiel de la politique extérieure soviétique alors que la Chine prône la guerre contre le capitalisme et l'impérialisme ;
  2. Le passage du socialisme au communisme. Nikita Khrouchtchev reste persuadé que cette transition peut s'effectuer en douceur au sein même de la société, alors que Mao prône une révolution immédiate, en bouleversant les structures politiques et sociales de la société ;
  3. La stratégie mondiale à adopter pour implanter le communisme. Khrouchtchev se démarque clairement de son voisin chinois en annonçant les débuts de la déstalinisation et la condamnation du culte de la personnalité, culte que prolonge le président Mao.

Parallèlement, les frontières entre l'Union soviétique et la Chine restent un foyer constant de tension entre les deux nations, particulièrement pendant le conflit frontalier sino-soviétique de 1969.

À ces querelles des frontières du Nord s’ajoute la rivalité d’influences sur les marches méridionales de la Chine, dont le Viêt Nam, soutenu par les Soviétiques qui y entretiennent une base navale à partir de 1975.

Le conflit frontalier sino-vietnamien s’inscrit dans un complexe jeu d’alliances. Les États-Unis, dans la deuxième moitié du XXe siècle, souhaitent normaliser les rapports avec la Chine. Concurremment, Pékin et Tokyo signent un traité de paix et d’amitié en août 1978. Ces trois puissances trouvent une opposition commune envers la possibilité d'une hégémonie soviétique en Asie[5].

D'un autre côté, les liens entre le Viêt Nam et l'URSS se solidifient. Le 3 novembre 1978, le Viêt Nam et l'Union soviétique s'entendent sur un Traité d'Amitié et de Coopération, visant principalement à contrer les rapprochements sino-américains[6]. Entre 1978 et 1979, l’alliance unissant les États-Unis, la Chine, le Japon se confirme, au même titre que celle entre l’URSS et le Viêt Nam, juste avant le déclenchement du conflit frontalier sino-vietnamien[5].

Conflit[modifier | modifier le code]

C’est une guerre de proximité sur deux fronts pour le Viêt Nam, au sud avec le Kampuchéa démocratique soutenu par la Chine, et au nord contre la Chine. Le , la Chine annonce publiquement son intention d’envahir le Viêt Nam. Cette date marque l’expiration du Pacte sino-soviétique de 1950 : la Chine ne peut ainsi attaquer un allié de l’Union soviétique sans rompre ses engagements à l'égard de celle-ci.

Les raisons invoquées pour cette invasion sont les mauvais traitements subis par la minorité chinoise au Viêt Nam et l’occupation vietnamienne des îles Spratleys, revendiquées par la Chine. Deux jours plus tard, le 17 février, environ 120 000 soldats et 400 chars Type 59 de l’armée populaire de libération chinoise entrent dans les provinces vietnamiennes de Cao Bằng et Lạng Sơn par les routes traditionnelles des invasions chinoises. La Chine présente cette attaque comme une « contre-attaque d'auto-défense » répondant à des « provocations vietnamiennes »[7].

Les Chinois attaquent sur 26 points le long des 750 km de frontière défendus par la milice locale vietnamienne, les troupes régulières étant principalement occupées par la campagne militaire au Cambodge contre les Khmers rouges. Les forces vietnamiennes au nord se composent essentiellement de 100 000 miliciens locaux (Tu Vê). En 17 jours de combat, les Chinois parviennent à pénétrer de 30 à 40 km et à capturer les deux capitales provinciales, au prix de pertes évaluées à 7 000 tués et 13 à 15 000 blessés. Les troupes chinoises évacuent le territoire vietnamien le en pratiquant la politique de la terre brûlée, laissant derrière elles des débris qui deviennent des monuments de commémoration.

Elles continuent d'occuper environ 60 km2, ce qui conduit à plusieurs escarmouches au cours de conflits jusqu'en 1990.

Le conflit est donc bref. Les résultats de l'APL ne sont pas ceux attendus. Malgré quelques succès militaires et une écrasante supériorité numérique, l'Etat-major chinois est confronté à de lourdes défaillances dans le commandement des troupes, les techniques de combat et le renseignement militaire qui ont entravé ses capacités à évoluer en territoire vietnamien[8]. Ses opérations sont contrecarrées par une résistance vietnamienne plus solide que prévue, mieux organisée et avec une meilleure connaissance du terrain. Officiellement, les deux camps clament la victoire. Pourtant, en interne, le leader politique chinois Deng Xiaoping, à l'initiative de cette guerre, aurait été tenu responsable de l'échec de la guerre au sein du bureau politique du PCC. Pour se défendre, il évoque la faiblesse de l'armée populaire chinoise sur le plan technique et mécanique. Validant ainsi sa politique de réformes économiques visant à sortir la Chine du communisme par une économie « socialiste » de marché. Le retrait prématuré des troupes chinoises (annoncé dès le 5 mars) vient également soutenir la thèse d'une armée dépassée par les évènements[2]. Les médias occidentaux attribuent généralement la victoire au Viêt Nam, et donnent à cette guerre le nom de « guerre pédagogique » (Teach-a-lesson War).

Stratégies[modifier | modifier le code]

La stratégie chinoise[modifier | modifier le code]

Les services de renseignements vietnamiens s’attendent à un schéma classique identique à celui de la guerre de Corée, fait d’infiltrations suivies d’un mouvement d'enveloppement par des attaques massives. Prenant le contre-pied, les Chinois ont recours à une approche frontale directe en lançant l’offensive sur les cols avec un barrage d’artillerie intense, suivi de l’infanterie appuyée par des chars utilisés comme appui feu dans une tactique divergente sur un large front, avant de se concentrer sur les objectifs choisis en un mouvement de pince à branches multiples qui se divise en 3 phases :

  1. bataille des cols pour le passage ;
  2. bataille des objectifs divisionnaires pour la pénétration à 16 km ;
  3. percée et prise des capitales provinciales.

Cette stratégie a subi plusieurs défaillances, comme le manque de renseignements, une mauvaise appréciation de l'adversaire et des techniques de combat et de commandement obsolètes.

L'armée parie également sur la concentration des effectifs de l'APV au Cambodge, rendant plus vulnérable le nord du Viêt Nam.

La stratégie vietnamienne[modifier | modifier le code]

Les Vietnamiens gardent en réserve leurs forces principales (Chu Luc) pour défendre Hanoï, dans le cas où les Chinois se seraient tournés vers Hanoï dans un schéma en forme de triangle où la base serait formée par la frontière avec la Chine et dans lequel Hanoï serait le sommet.

Le sabotage des puits d'eau potable et de toutes les ressources d'eau potable par les Vietnamiens ont complexifié l'approvisionnement en eau des troupes chinoises. Bien que le Viêt Nam soit un pays d'eau, la chaine de logistique de l'armée chinoise, pas assez mécanisée, a éprouvé les plus grandes difficultés pour compenser le manque d'eau.

D'un point de vue historique, les invasions terrestres chinoises des Han ont toujours été arrêtées aux cols avant leur déploiement dans les régions montagneuses frontalières et leur éparpillement dans les basses terres du delta, malgré l'avantage du plus grand nombre. Les invasions maritimes, elles, étaient arrêtées à l'embouchure des cours d'eau ou près de la ligne côtière, avant le débarquement des troupes.

Le dispositif défensif en profondeur a permis un déploiement rapide et souple des unités de réserve en fonction de l’observation des lignes d’attaque aux frontières. Le stratège Giáp tend à privilégier la prudence aux coups d’audace par une longue préparation pour une exécution rapide et complète.

La milice locale d’autodéfense s'avère apte à bloquer les cols et à effectuer une contre-offensive sur un terrain montagneux qu'elle connaît bien. L’armée vietnamienne échange du terrain contre du temps, affaiblissant les divisions chinoises et les dissuadant de continuer plus avant dans l’offensive. Elle décide de concentrer ses efforts autour des villes et non pas à l’intérieur et ce avec des points d’appui pour menacer les unités ennemies sur plusieurs axes. Elle n’engage pas ses réserves alors que les troupes chinoises sont affaiblies et épuisées à compter du [9].

Bilan humain[modifier | modifier le code]

Établir le bilan humain de ce conflit est difficile : les chiffres maximaux dépasseraient 50 000 morts pour les deux parties, en contraste flagrant avec les chiffres officiels des deux pays qui sont de moins de 20 000 morts. Il faut noter l'absence de journalistes occidentaux (surtout américains) au Viêt Nam, pays qui sortait de la guerre du Viêt Nam avec les États-Unis. En ce qui concernait la Chine, la situation n'était guère meilleure : ce pays connaissait tout juste la fin du règne de Mao, décédé en 1976, et la présence d'observateurs étrangers y était tout aussi sensible et non désirée. Au Viêt Nam, proche de l'URSS, il y avait des conseillers et formateurs militaires soviétiques. On ignore le nombre des morts parmi les ressortissants de cet État. Ce conflit ressemble au conflit frontalier sino-soviétique de 1969 sur le fleuve Amour pour l'île Damiansky, dont on ignore aussi la véritable ampleur et le véritable bilan humain.

Deuxième guerre sino-vietnamienne de 1984[modifier | modifier le code]

Cette deuxième guerre sino-vietnamienne de 1984 s’est résumée à la seule bataille du mont Laoshan. Elle eut pour objectif la conquête d’un observatoire.

Le mont Laoshan a une altitude de 1 422 mètres. Il se trouve en territoire vietnamien, proche de la frontière chinoise. « Laoshan » signifie « Vieille Montagne » en chinois et en vietnamien. Après la guerre sino-vietnamienne de 1979, le mont Laoshan est utilisé par les forces vietnamiennes comme observatoire pour diriger des coups de main (raids) de grande envergure en Chine. En février-, des incidents frontaliers conduisent à une bataille en règle avec préparations d’artillerie et charges d’infanterie. La milice locale des paysans et montagnards vietnamiens se sont chargés de mettre en œuvre les positions défensives. Les Chinois occupent cette position et s'en retirent quelques heures après.

Les deux guerres sino-vietnamiennes provoquent des départs en masse de boat-people parfois d'origine Hoa.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Chronologie » [livre], sur journals.openedition.org, Demopolis, (consulté le ).
  2. a et b « A history of the modern Chinese army » [livre], sur Google books, Demopolis, (consulté le ).
  3. http://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/research_reports/RR700/RR768/RAND_RR768.pdf
  4. a et b (en) China's War With Việt Nam, King V. Chen, Hoover Institution Press, Stanford University 1987, page 114
  5. a et b Pierre Grosser, « Le grand tournant de 1978-1979 », L’histoire du monde se fait en Asie,‎ , p. 485
  6. Céline Marangé, « Alliance ou interdépendance inégale? Les relations politiques de l'Union soviétique avec le Vietnam de 1975 à 1991. », Outre-mers, tome 94,‎ , p. 153 (lire en ligne Accès libre)
  7. Le Monde, « CHINE VIETNAM:Les grandes dates d'une rupture de dix-huit ans », Le Monde,‎ (lire en ligne Accès payant, consulté le ).
  8. « Guerre sino-vietnamienne - 1979 » [blog], sur L'écho du champ de bataille.
  9. Frédéric Jordan, « Le conflit sino-vietnamien 17 février - 16 mars 1979 », sur L’écho du champ de bataille (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]