Invention de la tradition — Wikipédia

L’invention de la tradition est un concept rendu populaire par les historiens marxistes Eric Hobsbawm et Terence Ranger selon lequel il existerait beaucoup de traditions qui auraient été forgées récemment alors qu’elles semblent ou se prétendent anciennes. D'après ces savants, les « traditions inventées » sont souvent des réponses à des temps de crise, à de nouvelles situations ; elles essaient de se gagner une certaine légitimité en se renvoyant au passé.

La tradition n’est pas la coutume. Elle n’est pas non plus la convention ou la routine, ni la règle, parce qu’elle possède un bagage symbolique.

Parfois, on distingue facilement qu’une tradition est inventée, comme dans le cas des boy-scouts de Robert Baden-Powell ou des cérémonies publiques de différents États, mais souvent il est plus difficile de comprendre la naissance d’une tradition inventée lorsqu’elle apparaît d’abord de manière informelle, dans des cercles privés ou qu’elle se greffe à une tradition antérieure.

L’invention de la tradition se focalise souvent sur des lieux de mémoire.

« [Les traditions inventées] semblent appartenir à trois types qui se recoupent : a) celles qui établissent ou symbolisent la cohésion sociale ou l’appartenance à des groupes, des communautés réelles ou artificielles ; b) celles qui établissent ou légitiment des institutions, des statuts ou des relations d’autorité ; c) celles dont le but principal [est] la socialisation, l’inculcation des croyances, des systèmes de valeur et des codes de conduite. »[1]

Le concept d’ « invention de la tradition » est utile pour comprendre les emplois idéologiques du passé et les utilisations politiques de la mémoire et de la commémoration.

On retrouve des exemples de traditions inventées tout au long de l'histoire, des cérémonies sanglantes à Sparte, n'ayant eu cours que pendant l'époque romaine, jusqu'à l'identification des clans écossais par des tartans au XIXe siècle[2].

Critiques[modifier | modifier le code]

Eric Hobsbawm a été critiqué pour la faiblesse épistémologique de sa différenciation entre coutume, tradition vraie et tradition inventée[3]. Mais cette critique est elle-même réfutée[4].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. E. Hobsbawm, Inventer des traditions, Enquête 2 (1995), p. 171-189, traduction par André Mary, Karim Fghoul et Jean Boutier, mis en ligne sur le site Revues.org
  2. Catherine Grandjean (dir.), Gerbert S. Bouyssou, Véronique Chankowsky, Anne Jacquemin et William Pillot, La Grèce classique : D'Hérodote à Aristote, 510-336 avant notre ère, Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , chap. 3 (« Sparte et Athènes : oligarchie, tyrannie, démocratie »), p. 104-107.
  3. Par exemple D. Chakrabarty dans Vlastos (éd.), Mirrors of Modernity
  4. Notamment par Alain Babadzan

Annexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Sous la direction de E. Hobsbawm & T. Ranger, The Invention of Tradition, Cambridge, 1983 (traduction française: L'invention de la tradition, trad. par Christine Vivier, Éditions Amsterdam, 2006)
  • S. Vlastos (ed.), Mirrors of Modernity : Invented Traditions of Modern Japan (Berkeley etc., 1998)
  • Babadzan Alain. L'invention des traditions et le nationalisme. In: Journal de la Société des océanistes, 109, 1999-2. pp.

13-35.