Jean Vanier — Wikipédia

Jean Vanier, né le à Genève et mort le à Paris, est un militant catholique franco-canadien. Il s'est consacré aux personnes ayant une déficience intellectuelle : il crée la communauté de l'Arche en 1964, fonde en 1968 l'association Foi et Partage puis Foi et Lumière. Il est aussi à l'origine de la création de l'association Intercordia en 2000.

Selon les enquêtes menées après sa mort, il a agressé sexuellement vingt-cinq femmes entre 1952 et 2019.

Biographie[modifier | modifier le code]

De nationalité canadienne[1], Jean Vanier naît en 1928, en Suisse, quatrième et avant-dernier enfant de la famille[2]. Son père, Georges Vanier, alors en mission auprès de la SDN, plus tard gouverneur général du Canada de 1959 à 1967, a fait carrière dans la diplomatie, entraînant sa famille au gré de ses fonctions en France et en Angleterre où Jean passe son enfance. En 1942, Jean rejoint la Marine royale britannique en tant que cadet au Collège naval de Dartmouth au Royaume-Uni. Il a alors 13 ans. Le jeune garçon s’embarque pour huit ans dans la marine anglaise, puis canadienne à partir de [3], en pleine Seconde Guerre mondiale. En 1950, il choisit de démissionner de la marine canadienne.

L'Eau vive[modifier | modifier le code]

Son père, le général Georges Vanier, l'oriente alors en 1950 vers l'Eau vive, un centre de formation catholique international créé en 1946 et dirigé par le père dominicain Thomas Philippe[4]. Jean Vanier devient son « fils spirituel ». Impliqué en 1952 dans un scandale d'abus sexuel, Thomas Philippe est rappelé à Rome pour rendre compte de ses agissements. Jean Vanier prend à sa suite la direction de l'Eau vive.

Malgré l'interdiction du Saint-Office chargé de l'enquête sur Thomas Philippe, Jean Vanier garde des contacts avec son « père spirituel » et sept femmes de l'Eau vive avec lesquelles il entretient des liens érotico-mystiques[5]. Le Saint-Office dissout l'Eau vive en 1956. Thomas Philippe est condamné à la peine vindicative de déposition qui lui interdit à vie d'exercer son ministère. Le noyau de l'Eau vive formé autour de Jean Vanier a interdiction de se reformer, mais perdure cependant[6].

L’Arche[modifier | modifier le code]

Logo des communautés de l'Arche (Jean Vanier).

En quête d'une vitrine honorable sous laquelle reformer le groupe de l'Eau vive autour de Thomas Philippe[5], Jean Vanier s'installe en 1964 avec lui et les autres femmes[7], en toute discrétion dans une maison près de Trosly-Breuil où ils accueillent deux handicapés mentaux rencontrés à l'asile psychiatrique de Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux[8]. C'est ainsi que naît l'Arche dont Thomas Philippe devient l'aumônier, malgré la sentence de déposition de 1956[6].

Foi et Lumière[modifier | modifier le code]

Parallèlement, Jean Vanier a cofondé Foi et Lumière avec Marie-Hélène Mathieu, « des communautés de rencontres » qui se tissent autour des personnes, enfants ou adultes ayant une déficience intellectuelle[9].

Intercordia[modifier | modifier le code]

En 1999, Jean Vanier participe à la création de l’association Intercordia[10].

Enquête sur des abus sexuels[modifier | modifier le code]

Jean Vanier meurt à Paris le [11]. Le 22 février 2020, une enquête[12] diligentée par l'Arche est rendue publique[13]. Elle conclut que Jean Vanier avait poursuivi ses relations avec le père Thomas Philippe, qu'il était au courant de ses agissements, et qu'il a lui-même abusé sexuellement d'au moins six femmes adultes entre 1970 et 2005[6]. Selon les termes du rapport, Vanier « a usé de son ascendant pour profiter d'elles à travers divers comportements sexuels »[14],[15].

Jean Vanier et Thomas Philippe « ont non seulement partagé des proies mais ils pourraient aussi avoir entretenu une relation homosexuelle. « Cette question est posée. Elle est légitime et fera partie du champ de la recherche », confirme Stephan Posner. »[6].

Responsable international de l'Arche, ce dernier déclare : « Notre histoire fondatrice vole en éclat, tout comme notre mythe fondateur »[16]. Pierre Jacquand, responsable de l'Arche en France exprime son désarroi : « L'écart est si vertigineux entre l'homme que j'ai connu et celui que je découvre… je lutte pour accepter, alors même que je sais les faits indiscutables »[16]. Louis Pilotte, responsable national de l'Arche au Canada, se déclare sous le « choc », « abasourdi » par cette nouvelle concernant un homme qu'il connaissait personnellement : « c'est pire que tout ce qu'on aurait pu imaginer »[14].

Selon François-Xavier Maigre, rédacteur en chef du Pèlerin Magazine, « Le choc de ces révélations est double : contrairement à ce qu’il a toujours clamé, Jean Vanier a su dès les années 1950 que son père spirituel, le dominicain Thomas Philippe, avait été condamné par l’Église en raison de ses pratiques sexuelles, et de la mystique déviante qui les sous-tendait. Pire : il y a lui-même pris part, et perpétué, jusqu’à une période récente, ces relations d’emprise avec des femmes auxquelles il imposait des relations intimes, sous couvert de justifications mystiques »[17].

La Conférence des évêques de France exprime sa « stupeur » et sa « douleur » face à ces révélations[18].

En novembre 2020, une commission pluridisciplinaire d'études est mise en place par l'Arche qui doit remettre ses conclusions en octobre 2022 : « [...] ces révélations ne mettent pas un terme aux interrogations importantes qu’elles génèrent et exigent de l’Arche une compréhension rigoureuse et profonde lui permettant de tirer toutes les conséquences possibles quant à son histoire, sa culture et son fonctionnement d’hier et d’aujourd’hui. »[19].

Jean Vanier en 2009.

Le rapport de la commission indépendante mandatée par l’Arche est publié le 30 janvier 2023. Celui-ci mentionne des agressions sexuelles contre vingt-cinq femmes entre 1952 et 2019. Selon les responsables de l'Arche : « Certaines se sont présentées comme victimes d’une relation abusive, d’autres plutôt comme des partenaires consentantes d’une relation transgressive. Ces relations (…) s’inscrivent toutes dans un continuum de confusion, d’emprise et d’abus »[20].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Décorations[modifier | modifier le code]

Prix[modifier | modifier le code]

Hommages[modifier | modifier le code]

Œuvres[modifier | modifier le code]

  • Ma faiblesse, c'est ma force : un aperçu de la vie intérieure du général Georges P. Vanier, gouverneur général du Canada de 1960 à 1967, 1970
  • Ton silence m'appelle, 1971
  • Ouvre mes bras, 1973
  • Disciple de Jésus, 1977
  • Ne crains pas, 1978
  • La Communauté, lieu du pardon et de la fête, 1979
  • Je rencontre Jésus : il me dit "je t'aime" : histoire de l'amour de Dieu à travers la Bible, 1982
  • Je rencontre Jésus, 1983
  • “Homme et femme, Il les fit” : pour une vie d'amour authentique, 1984
  • Ils sont nos piliers, 1988
  • Le corps brisé : retour vers la communion, 1989
  • Le Bon Berger, 1989
  • Une porte d'espérance, 1993
  • Jésus, le don de l'amour, 1994
  • Toute personne est une histoire sacrée, 1994
  • Aimer jusqu'au bout : le scandale du lavement des pieds, 1996
  • Dans la souffrance, ouvrir des chemins d'espérance, 1998
  • Dieu choisit la faiblesse, 1998
  • Accueillir notre humanité, 1999
  • La dépression, 1999
  • Ensemble vers une terre d'unité : une vision de l'œcuménisme, 1999
  • Le goût du bonheur : au fondement de la morale avec Aristote, 2000
  • Visages de Marie : dans la littérature et la peinture, 2001
  • Recherche la paix, Le Livre ouvert, 2003
  • Entrer dans le mystère de Jésus : une lecture de l'Évangile de Jean, Bayard, 2005
  • Lettres à des amis : d'après les rendez-vous d'“Ombres et Lumière”, 2008
  • La fragilité, faiblesse ou richesse ?, ouvrage collectif de Marie Balmary, Lytta Basset, Xavier Emmanuelli, Éric Geoffroy, Elena Lasida, Lama Puntso, Bernard Ugeux et Jean Vanier, Paris, Albin Michel, 2009.
  • Leur regard perce nos ombres, avec Julia Kristeva, Fayard, 2011
  • Plus jamais seuls, Presses de la Renaissance, 2011
  • Tous Intouchables, Manifeste coécrit avec Philippe Pozzo di Borgo et Laurent de Cherisey, Bayard Editions, 2012
  • Les signes des temps : à la lumière de Vatican II, Albin Michel, 2012
  • Entrer dans le mystère de Jésus, une lecture de l'évangile de Jean, Salvator, 2013 (ISBN 978-2706710803)
  • La source des larmes : Une retraite d'alliance, Parole et Silence, 2014 (ISBN 978-2889182138)
  • Un cri se fait entendre, avec François-Xavier Maigre, Bayard Culture, 2017 (ISBN 978-2227489172)
  • Jésus vulnérable, Salvator, 2019 (ISBN 978-2706718540)
  • J'ai besoin de toi, Édition Scriptura, 2019 (ISBN 978-2375590089)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Jean Vanier », sur Evene.fr (consulté le ).
  2. Qui était Jean Vanier ?.
  3. Michel et Mourges 2023, p. 57
  4. « Frédérique Bedos : « Jean Vanier, un géant de notre temps, un héros humble du monde entier » », sur vivrefm.com (consulté le ).
  5. a et b Antoine Mourges, [vidéo] L'Arche - Traverser notre histoire - 2020 sur Vimeo
  6. a b c et d « Les noirs secrets de Jean Vanier, le fondateur de l’Arche : « Il a joué avec son corps et a fait mal à des femmes » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Céline Hoyeau, « Douloureuses révélations sur Jean Vanier », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. « L'Arche en France et dans le Monde | L'Arche à Lyon », sur arche-lyon.org (consulté le ).
  9. « Jean Vanier et Marie-Hélène Mathieu, à l'origine de Foi et Lumière - Le Jour du Seigneur », sur web.archive.org, (consulté le ).
  10. « Notre identité », sur Intercordia (consulté le ).
  11. Anne-Bénédicte Hoffner et Martine de Sauto, « Jean Vanier, le fondateur de l’Arche, est mort », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  12. L'arche internationale, « Rapport de synthèse »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur larche.org.
  13. « Révélations sur Jean Vanier : comment l’Arche a géré la crise », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  14. a b et c Thomas Gerbet et Alain Crevier, « Des abus sexuels commis par Jean Vanier, fondateur de L'Arche », sur Radio-Canada.ca, .
  15. « Abus sexuels : les témoignages de six femmes mettent en cause Jean Vanier, fondateur de l’Arche », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. a et b Sophie Lebrun, « Révélations sur la face cachée de Jean Vanier », sur La Vie.fr, .
  17. « Jean Vanier, de la lumière à l’abîme »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Le Pèlerin, (consulté le ).
  18. Le Point magazine, « Abus sexuels : une enquête accable Jean Vanier, fondateur de l'Arche », sur Le Point, (consulté le ).
  19. « L'Arche internationale constitue une Commission d'Etudes sur son fondateur », sur arche-france.org, .
  20. « Violences sexuelles : « l’emprise » du fondateur de l’Arche, Jean Vanier, confirmée dans une nouvelle enquête », Le Monde, (consulté le ).
  21. « Le fondateur de L'Arche, Jean Vanier, s'éteint à 90 ans », sur La Presse, (consulté le ).
  22. « Jean Vanier – Ordre national du Québec », sur ordre-national.gouv.qc.ca (consulté le ).
  23. « Une université catholique américaine retire un prix décerné à Jean Vanier », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  24. (en) « Pacem in Terris Past Recipients », sur Diocese of Davenport.
  25. Associated Press, « Jean Vanier reçoit le prix Templeton », Le Devoir,‎ (ISSN 0319-0722, lire en ligne).
  26. Base JPL de la NASA, accès à la notice par « 8604 » ou par « Vanier ».
  27. « L'École secondaire Jean-Vanier à Welland change de nom », sur Radio-Canada.ca, .

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles de presse[modifier | modifier le code]

  • Céline Hoyeau / « Le mystère des frères Philippe », Enquête, dans « Cahier central » du journal La Croix, Lundi 22 février 2021, Quotidien N° 41942, édition papier p. 13-20, [lire en ligne]
  • Marie-Béatrice Baudet et Cécile Chambraud, « Les noirs secrets de Jean Vanier », Le Monde,‎ , p. 20-21 (lire en ligne Accès payant)

Vidéos[modifier | modifier le code]

DVD[modifier | modifier le code]

  • Jean Vanier, Coffret Jean Vanier : Le sacrement de la tendresse, Jupiter Films, coll. « (Stéréo), Français », , 236 minutes (ASIN B07XW7G7KR)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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