Jules Renard — Wikipédia

Jules Renard
Description de l'image Jules Renard circa 1900.jpg.
Nom de naissance Pierre-Jules Renard
Naissance
Châlons-du-Maine,
Drapeau de l'Empire français Empire français
Décès (à 46 ans)
8e arrondissement de Paris,
Drapeau français République française
Activité principale
Distinctions
Légion d'honneur (1900), membre de l'Académie Goncourt (1907)
Auteur
Langue d’écriture français
Genres
Roman, journal, théâtre

Œuvres principales

Jules Renard par Dornac.

Pierre-Jules Renard, dit Jules Renard, né le à Châlons-du-Maine (Mayenne) et mort le (à 46 ans) dans le 8e arrondissement de Paris[1], est un écrivain et auteur dramatique français.

Biographie[modifier | modifier le code]

La jeunesse[modifier | modifier le code]

Pierre-Jules Renard naît à Châlons-du-Maine en Mayenne : son père, François Renard (1824-1897), est entrepreneur de travaux publics et travaille alors à la construction du chemin de fer de Laval à Caen[2] ; il a épousé le Anne-Rosa Colin, fille de Victor Colin, quincaillier à Langres, élevée par son oncle Émile Petit, l'associé de François Renard[3]. Si sa mère est une catholique dévote, son père est républicain, franc-maçon et anticlérical[4]. Jules Renard est le dernier de la fratrie, après une fille aînée, Amélie (décédée en 1858), une seconde fille également prénommée Amélie[5] (née en 1859) et un troisième enfant, son frère Maurice[6] (né en 1862). La mère de Jules Renard a vingt-huit ans lors de la naissance de son dernier enfant. Elle ne supporte plus son mari et elle aura la même attitude envers son dernier fils.

En 1866, la famille s'installe à Chitry-les-Mines, lieu de naissance de François Renard, le père de Jules, qui en devient le maire[7]. La scolarité de Maurice et de Jules se déroule à Nevers où tous deux sont en pension. Jules est reçu bachelier ès lettres en 1883 au lycée Charlemagne à Paris, mais il abandonne le projet de se présenter au concours de l'École normale supérieure, préférant fréquenter les cafés littéraires, les théâtres et certains milieux du journalisme[8]. « Je suis de la vieille école, moi, de l'école qui ne sait pas lire », écrit-il dans son ouvrage Bucoliques.

Les débuts et le mariage de Jules Renard[modifier | modifier le code]

Jules Renard ne connaît pas un succès immédiat comme auteur : il fait de nombreuses lectures, fréquente les milieux littéraires, collabore à des journaux, publie des poèmes (Les Roses, plaquette publiée à compte d'auteur en 1886) et des nouvelles (Crime de village en 1887 dans la Revue de Paris de Léo d'Orfer). Le début de son roman Les Cloportes caractérise ces années au cours desquelles Jules survit grâce à la petite pension que lui versent ses parents. Début 1888, il habite l’Hôtel des Étrangers, 24, rue Tronchet, près de sa fiancée, Marie Morneau (1871-1938), qui habite 44, rue du Rocher (ce sera son adresse parisienne toute sa vie). En 1888, il conclut un mariage de raison avec Marie, qui lui apporte une dot qui s'avère précieuse pour lui. Malgré tout, ce mariage se révèle heureux. De cette union naissent un garçon, Jean-François (Fantec) en février 1889, et une fille, Julie Marie (Baïe) en mars 1892[9].

Premiers succès[modifier | modifier le code]

Portrait de Jules Renard par Félix Vallotton paru dans Le Livre des masques de Remy de Gourmont (1898).

Lorsque, en 1889, de jeunes écrivains fondent le Mercure de France, Renard est un des principaux actionnaires : il est à la fois critique et prosateur, rédacteur en chef et administrateur. Le succès arrive avec L'Écornifleur, publié en 1892, qui raconte l'histoire d'un littérateur parasite. Alphonse Allais, Edmond Rostand, Courteline, les Goncourt, Tristan Bernard, Lucien Guitry et Sarah Bernhardt font partie de son entourage[8]. En 1894, il entre à la Société des gens de lettres et rédige Le Vigneron dans sa vigne ainsi que Poil de Carotte. « Je cours les dangers du succès », note-t-il dans son Journal qu'il rédige entre 1887 et 1910, mais qui n'est publié que de façon posthume, de 1925 à 1927, et constitue un témoignage précieux sur la vie littéraire de la Belle Époque[10]. Dans cette œuvre majeure dont le manuscrit a été amputé puis brûlé par sa veuve, Jules Renard manifeste une grande lucidité, un humour féroce qui cache une infinie tendresse mais aussi une misanthropie[11].

La controverse de La Demande[modifier | modifier le code]

On attribue souvent à Renard La Demande. En réalité, il signe cette pièce avec Georges Docquois. Mais ce dernier, dans un article postérieur de deux ans à la mort de Jules Renard, explique que, s'inspirant de la nouvelle de Jules Renard, les deux amis composèrent chacun un acte. Un arbitre préféra celle de Docquois, et ce fut celle-ci qui fut jouée au théâtre municipal de Boulogne-sur-Mer en . Jules Renard regretta vite de s'être prêté « à cette aventure médiocre »[12].

Renard et Rostand[modifier | modifier le code]

En 1895, Renard se lie d'amitié avec Edmond Rostand ; c'est une amitié difficile, mêlée d'envie qui, si elle ne gêne pas l'admiration de Jules Renard pour Cyrano de Bergerac, se dévoile peu à peu dans le ton un peu aigre de ses écrits. Dans un passage de son Journal, Jules Renard raconte la première de Cyrano ; il y détecte immédiatement un chef-d'œuvre. Mais à son enthousiasme se mêle aussitôt une tristesse littéraire : celle de n'avoir pas réussi à faire aussi bien que Rostand. Renard connaîtra à son tour le succès, en 1897, avec Le Plaisir de rompre (pièce à référence autobiographique, qui évoque la rupture de Renard et de Danièle Davyle, pensionnaire de la Comédie-Française, après une liaison de plusieurs années, lorsque Renard s'est marié[13]). La pièce Le Pain de ménage, en 1898 est un nouveau succès, mais Edmond Rostand n'assiste à aucune représentation, malgré l'insistance de Jules Renard. Certaines analyses, celles de Léon Guichard notamment, font état à cet égard de l'admiration de Jules Renard pour Mme Rostand comme, dans la pièce, Pierre admire Marthe.

Le militant républicain[modifier | modifier le code]

À partir de 1896, Renard passe plusieurs mois par an à Chaumot, proche de Chitry-les-Mines (Nièvre), dans une petite maison de curé nommée La Gloriette. En 1897, son père, malade depuis quelque temps et se sachant incurable, se suicide d'un coup de fusil de chasse en plein cœur[14]. En 1900, Jules Renard accepte la Légion d'honneur[15] et devient conseiller municipal de Chaumot le . Entre 1901 et 1903, il rédige de nombreux articles pour le journal L'Écho de Clamecy : la tonalité est laïque, anticléricale et républicaine. Succédant à son père, il devient maire de Chitry le . Élu sur une liste républicaine, il s'engage dans la lutte contre l'ignorance et une de ses mesures les plus spectaculaires sera la gratuité des fournitures scolaires[16]. Lors de l'affaire Dreyfus, il soutient Émile Zola et critique sévèrement sa condamnation. Il se révèle un admirateur enthousiaste et presque délirant de Victor Hugo[17].

Derniers honneurs[modifier | modifier le code]

Jules Renard est élu membre de l'académie Goncourt le , au couvert de Huysmans grâce à Octave Mirbeau, qui a dû menacer de démissionner pour assurer son succès. Son élection est aussi appuyée par les frères J.-H. Rosny : après de nombreux votes, ajournements et retournements de situation, Jules Renard devient enfin membre de l’Académie Goncourt en 1907. Il succède à Joris-Karl Huysmans, grâce au soutien des frères Rosny : « Alors, dit Justin Rosny, il faut que Renard ait l’unanimité. Il faut bien accueillir un artiste tel que lui. » (Journal, ). Il précise d'ailleurs, le même jour : « Ayant la voix des Rosny, auxquels je tenais » » et rajoute, quelques jours plus tard : « Je pensais à l’Académie : tout le monde y pense, mais je n’espérais pas être élu. » (Journal, )[18].

Il prend sa nouvelle charge très au sérieux et participe à toutes les réunions[19].

Sa mère, travaillée par le spectre de la folie, meurt en 1909 en tombant dans le puits de la maison familiale, accidentellement ou suicidée[20]. Le , Jules Renard meurt d'artériosclérose à l'âge de 46 ans, au 44, rue du Rocher dans le 8e arrondissement de Paris. Il est enterré civilement le à Chitry-les-Mines[21],[22]. Sa tombe en forme de livre ouvert[23], que Jules Renard a fait tailler en 1900 après la mort subite de son frère Maurice, est notamment entretenue par l’association Les Amis de Jules Renard[24]. Un monument qui lui est dédié, œuvre de Charles-Henri Pourquet, se dresse aussi dans le centre de la commune.

En 1933, la place Jules-Renard dans le 17e arrondissement de Paris est créée en hommage.

Jules Renard avait fait graver un ex-libris parlant par Toulouse-Lautrec, représentant un renard.

Distinctions[modifier | modifier le code]

Jugements et citations[modifier | modifier le code]

Jules Renard (vers 1900).

De nombreux auteurs ont exprimé leur admiration pour Jules Renard[réf. nécessaire] :

  • Marcel Proust considérait Jules Renard comme l'un des plus grands écrivains de son temps. Il a dit de lui : « Jules Renard est de ces rares êtres qui ont un goût sûr, un sens précis de la réalité, une intelligence fine et mordante, une sensibilité très vive et très juste. »
  • André Gide a également salué le talent de Jules Renard, affirmant qu'il était « l'un des plus grands prosateurs de notre temps ».
  • Colette, qui était une amie proche de Jules Renard, a été profondément influencée par son style d'écriture. Elle a déclaré que « la lecture de Jules Renard est une nourriture et un stimulant pour les artistes ».
  • Albert Camus a écrit que Jules Renard était l'un de ses auteurs préférés et qu'il aimait son style concis et précis.

Il est, selon Charles Du Bos, « un Montaigne minuscule dont La Bruyère aurait affûté le style »[25], jugement conforme au modèle idéal qu'il définissait lui-même dans son Journal le  : « Un La Bruyère en style moderne, voilà ce qu'il faudrait être. »[26]

Par ailleurs, on l'accuse de misogynie. Il écrit, par exemple, dans son Journal en  : « À quoi bon tant de science pour une cervelle de femme ! Que vous jetiez l'Océan ou un verre d'eau sur le trou d'une aiguille, il n'y passera toujours qu'une goutte d'eau. »[27]

« Il faut dire aux femmes des compliments mêlés de choses dures : ça les amollit, les pétrit, les prépare à l'empreinte. »[28]

Publications[modifier | modifier le code]

Œuvres romanesques[modifier | modifier le code]

Théâtre[modifier | modifier le code]

Journal[modifier | modifier le code]

Correspondance[modifier | modifier le code]

Éditions de bibliophilie[modifier | modifier le code]

Musique[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Acte de décès à Paris 8e, n° 1041, vue 14/22.
  2. Marcel Pollitzer, Jules Renard, 1864-1910, La Colombe, , p. 9
  3. Jules Renard, Dans la vigne de Jules Renard : inédits recueillis et présentes par Léon Guichard, Presses universitaires de France, , p. 214
  4. Jules Renard, Dans la vigne de Jules Renard : inédits recueillis et présentes par Léon Guichard, Presses universitaires de France, , p. 93
  5. C'est« sœur Ernestine » dans Poil de Carotte.
  6. C'est « grand frère Félix » dans Poil de Carotte.
  7. Serge Zeyons, Monsieur Poil de Carotte, Les Éditeurs français réunis, , p. 209
  8. a et b « Biographie », sur pour-Jules-Renard.fr (consulté le )
  9. Dans la vigne de Jules Renard, op. cité, p. 213
  10. Jules Renard, Journal : 1897-1910, Gallimard, , 1426 p.
  11. Toesca 1976, p. 341
  12. Jules Renard, Œuvres, Gallimard, , p. 570
  13. Léon Guichard, L'œuvre et l'âme de Jules Renard, Nizet et Bastard, , p. 139
  14. Jules Renard, Correspondance de Jules Renard, Typographie François Bernouard, , p. 174
  15. « Oui, je porte ma décoration. Il faut avoir le courage de ses faiblesses. »
  16. Jules Renard, Conseil général de la Nièvre, , p. 38
  17. Léon Guichard, L'œuvre et l'âme de Jules Renard, Nizet et Bastard, , p. 254
  18. Fabrice Mundzik, Les Âges farouches de J.-H. Rosny aîné, Bibliogs,
  19. Henri Bachelin, Jules Renard, 1864-1910, La nouvelle revue critique, , p. 23
  20. Sylvain Ferez, Le corps déstabilisé, L'Harmattan, , p. 142
  21. Toesca 1976, p. 314
  22. « Les obsèques de Jules Renard », sur Gallica, Gil Blas, Paris, (consulté le ), p. 2.
  23. Chitry-les-Mines (58) : cimetière
  24. Anita Six, Le patrimoine des communes de la Nièvre, Flohic, , p. 19
  25. Charles Du Bos, France Culture, , p. 90.
  26. Jules Renard, Les Œuvres complètes de Jules Renard : 1864-1910, vol. 11 : Journal inédit 1887-1895, Paris, Typographie François Bernouard, , 397 p. (BNF 32248143, lire en ligne), p. 49.
  27. Jules Renard, Les Œuvres complètes de Jules Renard : 1864-1910, vol. 11 : Journal inédit 1887-1895, Paris, Typographie François Bernouard, , 397 p. (BNF 32248143, lire en ligne), p. 22.
  28. Jules Renard, Les Œuvres complètes de Jules Renard : 1864-1910, vol. 13 : Journal inédit 1900-1902, Paris, Typographie François Bernouard, , 313 p. (BNF 32248143, lire en ligne), p. 786.

Annexes[modifier | modifier le code]

A écouter[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Michel Autrand, L’Humour de Jules Renard, thèse de doctorat, Paris, Klincksieck, 1978
  • Henri Bachelin, Jules Renard, 1864-1910. Son œuvre, Paris, 1930
  • Léon Guichard, L'Œuvre et l'Âme de Jules Renard, thèse de doctorat, Paris, Nizet et Bastard, 1935
  • Maurice Mignon, Jules Renard. L'Écrivain. L’auteur dramatique. L’apôtre, Les Cahiers du Centre, Moulins, novembre-décembre 1913
  • Pierre Nardin, La Langue et le Style de Jules Renard, Paris, Droz, 1942
  • Marcel Pollitzer, Jules Renard. Sa vie. Son œuvre, Paris, La Colombe, 1956
  • Pierre Schneider, Jules Renard par lui-même, Paris, Le Seuil, 1956
  • Maurice Toesca, Jules Renard, Paris, Éditions Albin Michel, , 347 p. (ISBN 2-226-00414-9, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Serge Zeyons, Monsieur Poil de carotte, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1976
  • Henri Raczymow, « Le Puits et la Vérité. Passion de Jules Renard » in Les Temps modernes no 611-612,

Liens externes[modifier | modifier le code]

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