Kahnawake — Wikipédia

Kahnawàːke
Kahnawake 14
Kahnawake
Kahnawake, au bord du fleuve Saint-Laurent, vue de Lachine.
Drapeau de Kahnawàːke
Administration
Pays Drapeau du Canada Canada
Province Drapeau du Québec Québec
Statut municipal Réserve indienne
Grande cheffe
Mandat
Kahsennenhawe Sky-Deer[1]
2021-2025
Code postal J0L 1B0
Constitution s. o.
Démographie
Gentilé Kahnawà:keronon
Population 10 178 hab. (2019)
Densité 215 hab./km2
Géographie
Coordonnées 45° 25′ 00″ nord, 73° 41′ 00″ ouest
Superficie 4 740 ha = 47,4 km2
Divers
Langue(s) Anglais, mohawk, français
Fuseau horaire Heure de l'Est (UTC-5)
Indicatif (+1) 450 et 579
Code géographique 67802
Localisation
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Kahnawàːke
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Kahnawàːke
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Kahnawàːke
Liens
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Kahnawake 14[2], dont le nom en mohawk est Kahnawà:ke[3], et anciennement connue sous le nom de Caughnawaga, est une réserve indienne où résident des autochtones de la Première Nation des Mohawks de Kahnawà:ke. Elle est située sur la rive-sud de Montréal, en Montérégie, au sud-ouest du Québec.

Géographie[modifier | modifier le code]

Carte
Dans la MRC : Roussillon.

La réserve indienne Kahnawake 14 est située dans la région administrative de la Montérégie au Québec[4]. Elle est reliée à l'arrondissement montréalais de LaSalle par le pont Honoré-Mercier.

Municipalités limitrophes[modifier | modifier le code]

Histoire[modifier | modifier le code]

Mission du Sault Saint-Louis, vers 1670.

Établie en 1667, la première mission iroquoise en Nouvelle-France était nommée Kentaké. Celle-ci fut déplacée en 1676 et rebaptisée Kahnawake ou « aux rapides ». En 1690, le village fut encore déplacé et renommé Kahnawakon, ou « dans les rapides ». En 1696, la mission revint « aux rapides » (à un endroit différent), un établissement ultérieurement nommé Kanatakwente, ou « le village tel que laissé ». Le village de Kahnawake atteint son endroit actuel en 1716[5] avec la construction du fort du Sault Saint-Louis. C'est le village d'origine du trappeur Ignace Francis La Mousse qui a aidé les jésuites belges à explorer les montagnes Rocheuses au XIXe siècle.

Le terme « Caughnawaga », issu d'une ancienne traduction anglaise et hollandaise, fut employé pour désigner le village jusque dans les années 1970, alors que le Centre culturel Kanien'kehaka Raotitiokwa commença à persuader les gens à revenir à l'épellation ancestrale du nom. En 1981, le Centre culturel adresse une requête au gouvernement du Québec afin que le nom original soit de nouveau utilisé. En 1985, les cartes et panneaux de signalisation furent modifiés.

Dans les années 1830, Kahnawake est le plus grand village autochtone du Bas-Canada, peuplé de près de 1000 agriculteurs, fermiers, chasseurs, guerriers et artisans. Presque toutes les familles possèdent un cheval, des cochons et des bovins. La plupart cultivent du maïs et des patates et d'autres cultivent aussi de l'orge, des pois et des fèves. Le blé cultivé est rare ; en fait la plupart des familles vivent de maïs, de chasse et d'artisanat (Recensement de 1831).

Alors que les autorités appellent les résidents de ce village « Native American of Caughnawaga » ou « Iroquois tribe of Caughnawaga », et que leurs voisins de Châteauguay les surnomment « Amérindiens du Sault », « Gens du Sault » ou « Sauvages du Sault », les habitants de Kahnawake préfèrent s'appeler « Iroquois du Sault-Saint-Louis ». Cette appellation renvoie à une identité collective qui s'exprime sur au moins quatre niveaux, et qui ne cesse d'évoluer au cours des décennies.

Au XIXe siècle, certains habitants de Kahnawake sont unilingues iroquois alors que la plupart parlent aussi le français et portent des noms iroquois agencés à des noms de famille français tels que de Lorimier, Giasson, Beauvais, Monique et Delisle.

Une étude empirique de 1991 sur les attitudes linguistiques de la communauté mohawk donne un aperçu de l'utilisation des langues officielles du Canada et de la langue mohawk [6]:

« Les attitudes négatives à l'égard du français et l'absence presque totale de contacts avec les Québécois expliquent en partie la faible connaissance et l'usage réduit de cette langue. L'anglais, par contre, est la langue la plus utilisée autant par les femmes que par les hommes, par les jeunes que par les personnes plus âgées. »

Groupe de Mohawks accompagnés du maire de Montréal, William Workman, Kahnawake, 1869.
Kahnawake en 1910.

En utilisant le terme « iroquois », les gens de Kahnawake du XIXe siècle s'identifient à la confédération iroquoise, dont les villages se trouvent encore dans l'État de New York et qui est formée de six nations distinctes : Mohawk, Cayuga, Onondaga, Oneida, Seneca et Tuscarora. Aujourd'hui, ce sentiment d'identité s'est précisée puisque les gens de Kahnawake s'identifient en tant que « Mohawks », l'une des six nations iroquoises.

Le terme « Sault-Saint-Louis » distingue Kahnawake des autres villages amérindiens du Bas-Canada, dont Saint-Régis (Akwesasne), Deux-Montagnes (Kanesatake-Oka), le village abénaki de Saint-François, et le village wendat-huron de Lorette. À l'époque, les sept principaux villages amérindiens du Bas-Canada sont regroupés dans ce qu'ils appellent la Fédération des Sept-Feux ou des Sept Nations. Kahnawake est le « chef-lieu » de ce pacte fédératif et sert à titre d'organisation politique centrale tout en respectant l'autonomie des communautés alliées. Le conseil de Kahnawake est d'ailleurs composé de sept chefs élus à vie par leurs clans respectifs. Le terme « Sault-Saint-Louis » demeure peu usité aujourd'hui, sauf dans le contexte de revendications territoriales.

Enfin, le terme « Sault-Saint-Louis » renvoie au nom de la seigneurie dans laquelle le village de Kahnawake se trouve depuis ses origines. En 1680, un terrain de 40 000 acres fut octroyé aux Jésuites afin d'y faire habiter des Iroquois convertis. Il était convenu que les Jésuites n'étaient pas les seigneurs du Sault et ne devaient pas concéder des terres à des Blancs. Toutefois, sous l'influence illicite des prêtres, les limites sud (seigneurie de La Salle) et est (seigneurie de la Prairie-de-la-Madeleine) du Sault-Saint-Louis devinrent rapidement outrepassées par des agriculteurs blancs.

Aujourd'hui, seulement 11 000 acres des 40 000 acres originaux demeurent dans les mains des Mohawks.

Les revendications territoriales[modifier | modifier le code]

Depuis 1760, les Iroquois de Kahnawake réclament une portion du territoire, la seigneurie du Sault-Saint-Louis, qui a été annexée à la seigneurie voisine de La Prairie-de-la-Madeleine. Au cours du XIXe siècle, la limite mal définie entre Sault St-Louis et La Prairie est devenue l'objet de nombreuses requêtes, pétitions et délégations de la part des chefs de Kahnawake. En 1829, le curé séculier de Kahnawake, Joseph Marcoux, rédigea un « résumé » de 15 « preuves en faveur des Sauvages du Sault St-Louis » dans l'espoir que la portion de terre réclamée leur soit remise. Toutefois, tout comme les autres demandes, ce texte tomba sur des oreilles de sourds.

Les revendications territoriales actuelles touchent les municipalités de Saint-Constant, Sainte-Catherine, Saint-Mathieu, Delson, Candiac et Saint-Philippe, tous s'étant graduellement établies sur la seigneurie du Sault-Saint-Louis. En 2018, malgré des contestations judiciaires de la part des municipalités concernées, des terres avoisinant l'autoroute 30 et au nord-ouest du territoire sont transférées des municipalités à la réserve de Kahnawake[7].

Politique d'expulsions des « non-Mohawks » de la réserve de Kahnawake[modifier | modifier le code]

Dès la création de la réserve au XVIIe siècle, l'identité collective des habitants de Kahnawake est régulièrement une source de débats[8]. Dès 1850, une lettre du chef Martin Tekanasontie au Gouverneur-général du Canada, Lord Elgin, relate des règles controversées similaires sur l'attribution des droits mohawks, différant selon le genre de la personne mohawk impliquée dans l'union : « il n'est pas permit a un blanc qui se marie à une sauvagesse de jouir des droits des Sauvages, qu'en se mariant a un blanc elle perd ainsi que ses enfants, tous droits comme membres de Tribu a la quelle elle appartenoit [...]; un Sauvage qui se marie à une blanche peut emmener sa femme dans sa cabane et elle et ses enfants jouissent de tous les droits des membres de la Tribu a laquelle appartient, le Sauvage avec qui elle se marie [...]; il n'est pas permis a un blanc de s'établir parmi nous et de jouir de nos droits. [Ces] droits nous ont été transmis par nos pères, ils ont toujours été respectés. »[9]. En 1981, des premières expulsions de personnes que le conseil considère comme étant non-mohawk se sont produites[10]. Cette politique d'expulsion finira par obtenir le surnom de « Marry Out, Get Out »[10].

Dès 1993, des contestations au tribunal apparaissent contre ces décisions de la part de Mary Deer, habitante mohawk, dont le mari non-mohawk fut visé pour expulsion avec 200 autres personnes. Encore en 2010, le cas n'était toujours pas réglé[11].

En , le conseil de bande de la réserve de Kahnawake décide d'expulser toute personne qui n'est pas considérée Mohawk de celle-ci, y compris ceux qui ont un conjoint de cette tribu et interdit aux étrangers de s'y installer[12]. La décision fut ouvertement critiquée par le ministre fédéral des affaires indiennes, Chuck Strahl, ainsi que par le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff bien que Strahl ajouta que c'était légal et qu'il ne pouvait directement intervenir et qu'Ignatieff disait comprendre l'objectif de la préservation culturelle mais pas la décision[11]. La critique fut rejointe par un organisme de droits des femmes autochtones du Québec, Femmes autochtones du Québec inc., sa présidente mohawk Ellen Gabriel ajoutant que ces évictions ne respectaient pas les « coutumes et traditions mohawk » et, qu'au contraire, tout conseil de bande comme celui de Kahnawake faisant ce genre d'évictions perpétuait les politiques de la Loi sur les indiens, les plaçant « dans le camp des oppresseurs »[11]. À l'inverse, ces avis d'expulsions furent défendus par l'ancien secrétaire général du Conseil exécutif du Québec, Louis Bernard, dans un article du Devoir où il voit en ces expulsions un effort de survie culturelle et identitaire comparable à la Commission Bouchard-Taylor pour la nation québécoise[11].

En 2014, le rédacteur en chef Steve Bonspiel du journal de la réserve Eastern Door, mohawk natif de la réserve de Kanesatake, fut expulsé d'une réunion de son journal parce que n'étant pas considéré comme inscrit dans le registre de la bande de la réserve en vertu d'une loi de 2003 réservant l'appartenance mohawk à ceux ayant au moins quatre arrière-grands-parents mohawk[13]. Bonspiel critiqua le fait que les pleins pouvoirs dans ces décisions furent laissés au conseil des ainés, disant que certains parmi ceux-ci interprétaient la loi pour ne pas compter les personnes qui ne parlaient pas la langue mohawk ou qui ne se « comportait pas en mohawk », excluant leurs descendants de leur appartenance à la réserve et des services qui s'y trouve[13].

Cinq résidents de la réserve se sont plaints devant la Commission canadienne des droits de la personne pour avoir été victimes de discrimination avec leur avis d'expulsion ainsi que des allégations de s'être vu refusé des emplois et des services à Kahnawake pour des motifs similaires, Commission qui leur donna raison d'y voir discrimination en 2016 et relégua l'affaire au Tribunal canadien des droits de la personne[14]. Le porte-parole du conseil de bande de Kahnawake, Joe Delaronde, dit que celui-ci était « peu surpris » devant la décision de la Commission, réfutant les allégations des plaintifs et disant que les personnes mariées ou vivant avec des autochtones mohawk n'avaient pas le droit de vivre dans la réserve[14].

En 2018, la Cour supérieure du Québec juge discriminatoire en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et basée « sur des stéréotypes au sujet des mariages mixtes » la politique d'expulsion des personnes jugées non-mohawk, ordonnant le dédommagement de 7 des 16 plaignants avec des montants allant de 1000 à 25 000$[10]. Le juge Thomas M. Davis ajoute également que le conseil de bande échoua à offrir des preuves que « la présence de partenaires allochtones puisse limiter la capacité du conseil à gérer son territoire » et que ces politiques « remplissaient l'objectif de protéger la culture et le territoire mohawk » mais laisse au conseil des ainés de Kahnawake la liberté d'examiner les demandes de réintégration des membres expulsés[10]. Le chef de Kahnawake, Joe Norton, contesta cette décision, indiquant qu'aucun tribunal ne pouvait décider sur ce qu'il considère comme « des affaires intrinsèquement liées à notre identité »[10].

Démographie[modifier | modifier le code]

Kahnawake refuse de participer aux recensements du Canada depuis plusieurs années. Il n'existe donc aucune donnée démographique officielle sur la communauté. Cependant, en 2006, la population était de 8 550 habitants.[réf. souhaitée]

Personnalités liées[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Maud Cucchi, « Kahsennenhawe Sky-Deer, première femme grande cheffe de Kahnawake », sur ici.radio-canada.ca, (consulté le ).
  2. « Détails de la réserve/établissement village », sur Affaires autochtones et du Nord Canada (consulté le ).
  3. « Kahnawake », Banque de noms de lieux du Québec, sur Commission de toponymie (consulté le ).
  4. Gouvernement du Québec, « Kahnawake », Répertoire des municipalités, sur Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire
  5. Toponymie : Kahnawake
  6. Hanny Feurer, « Attitudes langagières de la communauté mohawk de Kahnawake et leur impact sur l’emploi du mohawk de 1971 à 1990 », Revue québécoise de linguistique, vol. 20, no 2,‎ , p. 249–260 (ISSN 0710-0167 et 1705-4591, DOI 10.7202/602713ar, lire en ligne, consulté le )
  7. Valérie Lessard, « Des terres désormais propriétés de Kahnawake », sur Le Soleil de Châteauguay, (consulté le )
  8. Matthieu Sossoyan: The Kahnawake Iroquois and the Lower-Canadian Rebellions, 1837-1838, McGill University, Master's Thesis in Anthropology, 1999: p. 82-85 http://de.scientificcommons.org/7829560
  9. Martin Tekanasontie et al. à Lord Elgin, 18 septembre 1850, Archives Nationales du Canada RG10, vol. 607: p. 51857, cité dans Matthieu Sossoyan, Les Indiens, les Mohawks et les Blancs.
  10. a b c d et e Marie-Michèle Sioui, « L'expulsion des couples mixtes de Kahnawake est jugée discriminatoire », Le Devoir,‎ (lire en ligne)
  11. a b c et d Hélène Buzzetti, « L'expulsion des Blancs de Kahnawake indispose Ottawa », Le Devoir,‎ (lire en ligne Accès limité)
  12. (fr) Si vous n'êtes pas mohawk... dehors, tous !, Cyberpresse, 4 février 2010
  13. a et b Caroline Montpetit, « Kahnawake veut de nouveau expulser les non-Mohawks », Le Devoir,‎ (lire en ligne)
  14. a et b Radio-Canada, « Cinq résidents de Kahnawake menacés d'expulsion remportent une première manche », sur ICI Radio-Canada, (consulté le )
  15. « Rencontre autour du film Hochelaga, Terre des Âmes », sur Films du Québec (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alfred, Gerald R., 1995a: Heeding the Voices of our Ancestors: Kahnawake Mohawk Politics and the Rise of Native Nationalism. Toronto: Oxford University Press.
  • Alfred, Gerald R., 1995b: To Right Certain Wrongs: A Report on Research into Lands Known as the Seigniory of Sault St. Louis. Kahnawake: Kahnawake Seigneury Office.
  • Devine, Edward James, 1922: Historic Caughnawaga. Montreal: Messenger Press
  • Kanien'kehaka Raotitiokwa Cultural Center, 1979: Tewaterihwarenia'tha: the Journal of Kanien'kehaka Raotitiokwa Cultural Center 2 (1).
  • Kanien'kehaka Raotitiokwa Cultural Center, 1980: Tewaterihwarenia'tha: the Journal of Kanien'kehaka Raotitiokwa, Cultural Center 3 (5).
  • Kanien'kehaka Raotitiokwa Cultural Center, 1991: Old Kahnawake; an Oral History of Kahnawake. Kahnawake: Kanien'kehaka Raotitiokwa Cultural Center
  • Sossoyan, Matthieu, 1999 : The Kahnawake Iroquois and the Lower-Canadian Rebellions, 1837-1838. Université McGill, Département d’Anthropologie, Mémoire de maîtrise. [1]

Liens externes[modifier | modifier le code]