Khamsa (symbole) — Wikipédia

Khamsa utilisée comme pendentif.

La khamsa (arabe : خمسه, hébreu : חמסה), parfois transcrit khmissa ou khomsa, aussi appelée afust en Grande Kabylie (kabyle : ⴰⴼⵓⵙⵜ), ou main de Fatma, main de Fatima ou main de Myriam, est un symbole représentant une main, utilisé comme amulette, talisman et bijou par les habitants d'Afrique du Nord (dont il est originaire) et du Moyen-Orient pour se protéger contre le mauvais œil. Ce symbole apotropaïque est souvent associé à la déesse Tanit, déesse punique et berbère.

Dans les langues berbères, le terme « afust » signifie « main »[1]. Le terme « khamsa » signifie quant à lui « cinq » en arabe et en hébreu, en référence aux cinq doigts de la main, nombre qui joue un rôle fondamental dans les systèmes de numération (système quinaire).

Symbole[modifier | modifier le code]

En plus d'être un symbole très présent dans les coutumes et croyances berbères, des représentations de la khamsa se retrouvent dans des sites d'art rupestre partout à travers le monde, et elles peuvent êtres peintes ou gravées[2].

Certains ont tendance à associer le signe des cinq doigts aux cinq livres de la Torah pour les Juifs, aux cinq piliers de l'islam ou aux cinq du manteau (Ahl al-Kisa, à savoir le Prophète, sa fille Fatima et son époux Ali, ainsi que leurs deux fils Hassan et Hussein) pour les musulmans. Cette symbolique a sans doute évolué dans le temps au regard des preuves archéologiques suggérant que la khamsa ait précédé la naissance des deux religions. En effet, ce symbole existait déjà dans les religions polythéistes punique et libyque où il était associé à la déesse Tanit.

Toutefois, certains musulmans la considèrent simplement comme un symbole de superstition, pensant que seul Dieu les protège et que la khamsa peut être interprétée comme un totem (ou une amulette) lié à une forme de shirk[3].

Les doigts pointent vers le haut ou vers le bas selon les goûts ou la décoration qui y est associée. Cette symbolique a sans doute évolué dans le temps au regard des preuves archéologiques.

Histoire[modifier | modifier le code]

Représentation symétrique : trois « doigts » dans un « calice ».

Elle tient ses origines dans la représentation de la main de Tanit, déesse de la fécondité dans la civilisation punique, présente dans une bonne partie de la Méditerranée occidentale. La forme symétrique garde la mémoire d'un symbolisme sexuel, où les trois « doigts » centraux représentent le sexe masculin, accueilli dans le creux des deux « doigts » latéraux représentant le sexe féminin (ce qui en ferait un symbole de fécondité et de vie, équivalent à la magen David).[réf. nécessaire]

À partir du Ve siècle avant notre ère, on peut voir cette main de Tanit gravée sur des stèles funéraires afin de protéger le défunt, le défendre et repousser ce que l'on nommera bientôt, le « mauvais œil ». Cette main devenant un symbole est adoptée par les religions monothéistes telle que le judaïsme puis l'islam et est l'ancêtre directe de la khamsa[4].

Tradition nord-africaine[modifier | modifier le code]

Khamsa en or du sud de la Tunisie.

La khamsa est essentiellement répandue dans le monde nord-africain et se voit vendue sous différentes formes, en Tunisie, en Algérie, au Maroc, mais aussi en Libye et en Égypte. Elle est souvent peinte sur les façades des maisons et des plaques, souvent réalisées en céramique de couleur turquoise, qui sont très communes dans la Tunisie et l'Égypte modernes.

La khamsa est un symbole lié à l’Afrique du nord sans être forcément rattaché à la religion, musulmane ou juive. Elle est ainsi présente dans le logo de plusieurs régiments de l'armée française (par exemple le 1er régiment de tirailleurs) ou encore dans celui du Cercle algérianiste (association créée en 1973 qui entretient une mémoire « pied-noire »).

Islam[modifier | modifier le code]

La vision de nombreux musulmans sunnites est que selon le Coran seul Allah protège les croyants et c'est à lui que toute personne doit demander de l'aide : le faire par le moyen de la khamsa relèverait selon eux d'une forme de polythéisme (shirk) car le risque serait de croire que la khamsa apporte par elle-même une protection, ce qui reviendrait à la diviniser.

En revanche, contrairement au sunnisme, le chiisme reconnaît une place à un signe qui se réfère à Dieu. Chez les musulmans, les doigts de la khamsa sont fréquemment gravés des cinq noms très respectés : Mahomet, Ali, Fatima, Hassan et Hussein. Louis Massignon[5] explique que, pour certains courants musulmans, appartenant au chiisme ou même à certains courants soufis, cette main serait un rappel du nombre des prières à pratiquer quotidiennement, chacune de ces prières étant selon eux plus ou moins liée à l'un de ces cinq noms fondateurs.

Judaïsme[modifier | modifier le code]

Les Juifs la surnomment « main de Myriam », en référence à la sœur de Moïse et d'Aaron appelée Myriam. Le terme « khamsa » est autant hébreu que arabe.

Certains pensent que la khamsa se réfère à la légende des dix plaies d'Égypte qui veut qu'avant sa sortie d'Égypte, Moïse eut ordonné à ses disciples de peindre la porte de toutes les maisons juives avec du sang de mouton[6].

La khamsa est populaire en Israël auprès des Juifs. Les Juifs ne la considèrent pas comme ayant des attaches islamiques autres que le nom partagé entre l'hébreu et l'arabe. Chez les Juifs, le poisson peut être considéré comme un symbole de chance, c'est pourquoi beaucoup de khamsas y sont complétées par des figures de poissons. Les khamsas sont également incorporées dans des plaques murales, des trousseaux et des colliers. Parfois, elles portent une inscription de prières juives comme la Chema Israël, la Birkat HaBayit (en) (bénédiction du foyer) ou la Tefilat HaDerech (en) (prière du voyage).

Il existe une khamsa sur un mur portant l'inscription behatzlacha, littéralement « bonne chance » ou « puisses-tu réussir ».

Drapeaux[modifier | modifier le code]

Insignes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Henriette Camps-Fabrer, « Afus (motif décoratif) », Encyclopédie berbère, no 2,‎ , p. 224–227, article no A83 (DOI 10.4000/encyclopedieberbere.896, lire en ligne).
  2. Henriette Camps-Fabrer, « Main (Berb. : afus*, pl.  ifassen ; cf. EB II) », Encyclopédie berbère, no 30,‎ , p. 4508–4518, article no M16 (DOI 10.4000/encyclopedieberbere.415, lire en ligne, consulté le ).
  3. von Kemnitz et Inloes 2023, chap. 2.4 « Amulets in Islamic Law and Practice », p. 18–22.
  4. « La main de Fatma, se garder du mauvais œil », Faire l'histoire, Arte, .
  5. Louis Massignon (textes établis, présentés et annotés sous la dir. de Christian Jambet par François Angelier, François L'Yvonnet et Souâd Ayada), Écrits mémorables, vol. 1, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 926 p. (ISBN 978-2-221-10572-6), p. 249.
  6. Zineb Zel, « La main de Fatma », sur lorientexpressif.com, (version du sur Internet Archive).
  7. (en) « Algeria: Independence war (1954-1962) - Nationalist flags », sur Flags of the World.
  8. a et b (en) « Algeria: Liberation movements (1944-1954) - Democratic Union of the Algerian Manifesto (Union démocratique du manifeste algérien - UDMA) », sur Flags of the World.
  9. (en) « Algeria: Liberation movements (1944-1954) - The Sétif revolt (1945) », sur Flags of the World.
  10. (en) James B. Minahan, Encyclopedia of Stateless Nations: Ethnic and National Groups around the World, Greenwood, , 2e éd., 568 p. (ISBN 978-1-61069-953-2), p. 26.
  11. (en) William Crampton (en), The Complete Guide to Flags, Gallery Books, (ISBN 0-8317-1605-3), p. 73.

Sources[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]