Laurus nobilis — Wikipédia

Laurus nobilis, Laurier noble, le Laurier vrai, Laurier-sauce ou simplement Laurier, est une espèce d'arbustes à feuillage persistant de la famille des Lauracées. Il est originaire du bassin méditerranéen. Il est parfois appelé Laurier d'Apollon.

Terminologie[modifier | modifier le code]

Le substantif masculin[1],[2],[3] « laurier » (prononcé : [loʁje] ou prononcé en français : [lɔʁje][2]) est dérivé, avec le suffixe -ier[2], de l'ancien français lor[2],[3], du latin laurus[1],[2],[3].

Le laurier est aussi appelé laurier commun, laurier franc, laurier noble, laurier d'Apollon ou laurier-sauce[1].

Description[modifier | modifier le code]

Le laurier est un arbuste dioïque mesurant de 2 à 6 m (en jardins et espace vert) et jusqu'à 20 m de haut (en environnement naturel), à feuilles persistantes, à tige droite et grise dans sa partie basse, verte dans le haut[4].

Les feuilles de forme lancéolée, alternes, coriaces, à bord ondulé, sont vert foncé sur leur face supérieure et plus claires à la face inférieure. Elles dégagent une odeur aromatique quand on les froisse.

Les fleurs, blanchâtres, groupées par 4 à 5 en petites ombelles, apparaissent en mars-avril. C'est une plante dioïque : les fleurs mâles et femelles sont sur des pieds séparés.

Le fruit est une drupe ovoïde, noir violacé et nue contenant une seule graine. Elle mesure de 10 à 15 mm et est mature en milieu d'automne.

Génétiquement, Laurus nobilis est une plante à différents niveaux de ploidie (2n = 36, 42, 48, 54, 60, 66, 72 chromosomes). Le caryotype le plus fréquent est la tétraploïdie à 48 chromosomes (2n = 4x = 48) d'une longueur moyenne de 4,01 μm[4].

Composition[modifier | modifier le code]

Les feuilles du laurier-sauce contiennent une huile essentielle représentant 1 à 3 % du poids sec. Cette huile renferme 30 à 70 % de cinéol, ainsi que plusieurs composés terpéniques : linalol, géraniol, eugénol, pinène, terpinène, phellandrène. En plus de cette huile essentielle, les feuilles du Laurier-sauce contiennent également des alcaloïdes aporphiniques, comme la cryptodorine ou l'actinodaphnine qui sont responsables d'une activité cytotoxique (in vitro), des lactones sesquiterpéniques, ainsi que 18 flavonoïdes dont certains dérivés du kaempférol.

Les fleurs du Laurier-sauce renferment également une huile essentielle contenant les composés suivants : β-caryophyllène, viridiflorène, β-élémène, germacradiénol, germacrène D.

Le fruit contient 30 % d'huile grasse et environ 1 % d'huile essentielle (terpènes, sesquiterpènes, alcools et cétones). Lorsque les fruits sont pressés et bouillis, le résultat est un mélange appelé huile de laurier. Elle est colorée en vert par la chlorophylle et ressemble à une pommade fondant à 36 °C.

De même, les racines contiennent une huile essentielle constituée de divers monoterpènes et sesquiterpènes, oxygénés ou non.

Écologie et distribution[modifier | modifier le code]

L'arbre.

Laurus nobilis est apparemment originaire d'Asie Mineure, mais il est présent depuis si longtemps en région méditerranéenne qu'il peut être originaire aussi de cette région[5]. Laurus nobilis est une relique des forêts qui couvraient à l'origine la plus grande part du bassin méditerranéen, qui connaissait un climat plus humide. Avec l'assèchement de la mer Méditerranée durant le Pliocène, les forêts de lauriers sauce ont peu à peu été remplacées par des plantes plus adaptées à des milieux secs. La plupart des dernières forêts de lauriers sauces ont visiblement disparu il y a environ 10 000 ans. Quelques-unes subsistent dans les montagnes du sud de la Turquie, au nord de la Syrie, le sud de l'Espagne, le centre-nord du Portugal, le nord du Maroc, dans les îles Canaries et à Madère[4].

La FAO propose[6] que l'espèce serait native sur une partie du pourtour méditerranéen : sur les côtes de Turquie, de Grèce, des Balkans, au sud de la péninsule ibérique et au nord du Maghreb. La répartition actuelle de l'espèce est plus large incluant l'Italie (jusque dans les Alpes) et la côte méditerranéenne française. Elle s'est également implantée sur la façade atlantique, de la Bretagne à l'Algarve. Le GBIF montre une distribution[7] au nord jusque sur le pourtour de la mer d'Irlande.

Culture[modifier | modifier le code]

Conditions[modifier | modifier le code]

Le laurier sauce n'est que partiellement rustique. Il ne survit en région froide qu'avec une protection hivernale.

Il croit en climat tempéré froid, près de zones maritimes. Ses conditions optimum de température sont de 17 à 25 °C, en pouvant la tolérer de 8 à 30 °C. Les arbrisseaux peuvent survivre à - 5° C, mais la croissance est gravement perturbée à - 1 °C. Laurus Nobilis est donc absent en haute altitude, et sa distribution géographique a suivi les glaciations quaternaires[4].

La croissance de Laurus nobilis demande une pluviométrie annuelle de 600-1000 mm, en pouvant supporter 300-2200 mm[4].

Le laurier est une plante peu exigeante sur le sol mais elle préfère les sols frais et bien drainés. Le pH optimum est de 5 à 6, mais la plante peut supporter un pH de 4,5 à 8,2. Elle résiste bien aux vents (utilisée dans les jardins comme haie), mais pas aux vents extrêmes maritimes et aux vents secs et froids[4].

Il peut être multiplié par graines et par boutures de racines ou de rameaux (semi-aoutés). La croissance du semis est assez lente (plusieurs mois à une année pour germer), sa dormance est mal connue. La graine nécessite une stratification à froid et humide pendant 30 jours[4].

Le laurier supporte très bien la taille.

Maladies[modifier | modifier le code]

Il est sensible aux parasites qui le peuplent habituellement. Les plus courants sont:

  • Les punaises sont leur principal ennemi (90 % des lauriers les portent). Au-dessus de la mélasse sécrétée par ceux-ci, un champignon noir s’installe (comme Cladosporium[4]), ce qui nuit peu à la plante mais la rend très mauvaise à consommer.
  • D'autres sont des pucerons comme Aphidoidea, des cochenilles comme Pseudococcidae, ou des thrips comme Thysanoptera[4].
  • Le psylle du laurier (Trioza alacris), une peste qui produit des symptômes frappants. Les feuilles semblent froissées à la suite des morsures de ce petit insecte suceur. Il est difficile de voir la cause du mal car il ne reste pas statique sur la feuille.

Récolte et production[modifier | modifier le code]

La récolte des feuilles de laurier peut se faire toute l'année, car la plante est toujours verte. Toutefois, elles sont habituellement récoltées (à la main ou au râteau) lorsque la plante est en fleur, en dehors de la rosée ou d'un temps humide ou pluvieux, pour éviter une dégradation de qualité (une ou deux récoltes par an sont recommandées)[4].

Les feuilles de laurier sont classées selon leur forme, leurs dimensions, leur couleur et leur arôme avant emballage, selon les standards de qualité et les préférences des consommateurs. Les conditions recommandées de stockage sont 10-15 °C de température et 55-65 % d'humidité relative[4]

Outre leurs zones traditionnelles de culture, les feuilles de laurier sont produites aussi en Amérique du nord[5], mais le premier producteur mondial est la Turquie avec une production annuelle de 7 000 à 7 500 tonnes, soit près de 97 % de la production mondiale, exportée vers 67 pays[4].

Utilisation[modifier | modifier le code]

Alimentaire[modifier | modifier le code]

Feuilles de Laurier sauce

Pour leur arôme, les feuilles de laurier sont très utilisées en cuisine méditerranéenne, en faisant partie de la plupart des cuisines du monde. Fraiches, elles sont d'abord émiettées, et si elles sont sèches elles peuvent être entières, émiettées, ou en poudre[5].

En condiment, elles sont habituellement sèches et entrent dans la composition du bouquet garni, pour infusion ou cuisson dans la sauce. Les feuilles sont aussi ajoutées aux huiles et vinaigres, marinades et puddings[5]. En Saintonge, la feuille est employée fraîche pour les courts-bouillons, matelotes et ragoûts.

Les fleurs de laurier-sauce séchées peuvent aussi être employées en infusion avec une cuillère de miel, et les baies séchées ont les mêmes propriétés culinaires que les feuilles ; elles sont préparées avec une râpe, de la même manière que la noix de muscade. Il est préférable d'en user avec modération, car la présence de lactones et d'alcaloïdes peut procurer un goût amer.

En Inde, plusieurs espèces différentes, au parfum plus ou moins proche du Laurus nobilis, sont utilisées en cuisine, sous le nom de laurier, souvent sans distinction entre elles. Il s'agit le plus souvent de Cinnamomum tamala. Le L. nobilis n'est jamais utilisé en cuisine traditionnelle, mais parfois dans des plats occidentaux ou adaptés.

Ornementale[modifier | modifier le code]

Laurier, début du XXe siècle, Henri Bergé, Musée de l'École de Nancy

Cet arbuste est aussi très cultivé pour l'ornementation, notamment pour l'art topiaire : la Belgique est connue pour ses pépinières spécialisées dans la culture de laurier noble qui est mentionnée depuis le 1554. Le laurier flamand (Vlaamse laurie) possède ainsi une Indication Géographique Protégée[8]. Hors des régions de climat méditerranéen, il peut être sensible au gel, et est souvent cultivé en bacs ; cependant certaines variétés, undulata notamment, se révèlent rustiques, et sont marcescentes ou repartent à partir de leur souche après une période de gel importante.

La branche de laurier-sauce était appréciée aussi comme ornement par les Romains qui confectionnaient des couronnes pour les vainqueurs : les « lauréats ».

Médicinale[modifier | modifier le code]

En tant que plante aromatique, Laurus nobilis a été utilisée comme plante médicinale traditionnelle, notamment contre les maladies fébriles et le « mauvais air » (anti-miasmatique). Les feuilles de laurier entraient dans la composition des plantes contenues dans le masque à bec des médecins de peste, avec la lavande, le thym, le romarin[9]

Les principes actifs reconnus les plus importants sont des monoterpènes (comme l'eucalyptol, le limonène, et l'α-pinene) qui ont des propriétés antioxydantes, antimicrobiennes et antifongiques[4].

De nombreux métabolites secondaires du laurier-sauce ont des effets répulsifs sur les arthropodes. En huile essentielle, fumigation ou autres extraits, L. nobilis exerce une action répulsive contre Ephestia kuehniella, Rhyzopertha dominica, Tribolium castaneum qui infestent les stocks de céréales ; de même contre Varroa destructor qui parasite les abeilles[4].

Au Maroc, en Algérie et en Tunisie, on frictionne les chevaux avec des feuilles fraîches afin d'en éloigner les mouches. On utilise également la feuille broyée en poudre pour lutter contre les fortes migraines : la poudre est alors prisée. Les feuilles du laurier-sauce contiennent du benzaldéhyde, de la pipéridine et du geraniol à une concentration de 50 ppm ; ces molécules sont toutes trois connues pour leurs qualités de répulsion des insectes[10]. Cependant, elles sont sans effets sur leurs propres parasites (comme Trizoza alacris) et les prédateurs de ces parasites (comme Antocoris nemoralis)[4].

Il existe un important travail de recherches sur L. nobilis qui intéresse les industries agroalimentaires, pharmaceutiques, et des cosmétiques. Ce domaine reste toutefois à clarifier car il présente encore beaucoup d'inconnues (bases moléculaires de la production d'arômes par la plante, mode d'action, toxicité, mode d'utilisation...)[4].

Histoire et symbolique[modifier | modifier le code]

Cet organisme végétal possède une caractéristique commune avec le sapin, l'épicéa, ou le houx : il demeure vert en hiver. Cette caractéristique a été prise en compte pour faire de cette plante un symbole d'immortalité ; la Lune, selon les Chinois, contiendrait un laurier et un immortel.

Branche de laurier (peinture académique de William Bouguereau - XIXe siècle)

Le laurier est le symbole d'Apollon. Selon Ovide, Daphné nymphe de la mythologie grecque, qui fut le premier amour d'Apollon, le fuyait et allait, après une longue poursuite, être attrapée, quand, au dernier moment, son père, le dieu fleuve Pénée, la métamorphosa en laurier. Dès lors, Apollon en fit son arbre et le consacra aux triomphes, aux chants et aux poèmes.

En Grèce, cet arbuste dédié à Apollon représentait l'immortalité acquise par la victoire, ainsi que les conditions mêmes de la victoire : la sagesse unie à l'héroïsme. D'où l'origine de la couronne de laurier qui ceignait la tête des héros, des génies et des sages. Toujours en rapport avec Apollon, la Pythie et les devins mâchaient ou brûlaient du laurier pour Apollon, afin d'attirer ses facultés divinatoires, et ceux qui recevaient de la Pythie une divination favorable retournaient chez eux avec une couronne de laurier[11].

Dans l'Œdipe de Sénèque, c'est ce laurier prophétique qui menace Œdipe[12]. Selon Pline l'Ancien, la foudre ne frappe jamais l'arbuste du laurier, il rapporte que l'empereur Tibère se couronnait de laurier pour se protéger sous le tonnerre[13].

Au Moyen Âge, on couronnait de laurier les savants distingués dans les universités. Dans les écoles de médecine, la couronne dont on entourait la tête des jeunes docteurs était faite de rameaux feuillés de laurier avec des baies, d'où le nom « baccalauréat » (bacca laurea : baie de laurier) donné encore de nos jours en France au diplôme qui sanctionne la fin des études secondaires. En Italie, la fin d'études s'appelle encore « Laurea », et les jeunes italiens participent à la cérémonie couronnés de lauriers.

Autrefois on pensait que le tubercule de l'arum tacheté enveloppé dans une feuille de laurier d'Apollon favorisait les entreprises juridiques[14]. L'Arum maculatum était considéré dans les temps reculés comme une plante magique associée à la magie blanche.

Dans le calendrier républicain, le Laurier était le nom attribué au 13e jour du mois de pluviôse[15].

Dans le langage des fleurs, le laurier symbolise la gloire[16]. Le laurier est encore un symbole de paix.

Les autres lauriers[modifier | modifier le code]

Il serait dangereux de confondre le laurier rose avec le Laurier. Quand on parle de laurier à fleurs, il s'agit en fait de laurier rose. Celui-ci n'est pas utilisé en cuisine, car il est toxique. Beaucoup d'autres plantes sont également appelées lauriers, mais n'appartiennent ni au genre Laurus, ni même, pour la plupart, à la famille des Lauracées. On peut citer :

Parmi tous les lauriers, le laurier rose est une des plantes les plus dangereuses et toutes ses parties sont toxiques. L'ingestion d'une simple feuille peut s'avérer mortelle pour un adulte, en raison des troubles cardiaques provoqués. Cet arbre vivace possède d'élégantes fleurs parfumées qui peuvent être blanches, rouge-rose, jaune, orangées ou rouge-orangé.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c « Laurier », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 3 novembre 2016].
  2. a b c d et e Informations lexicographiques et étymologiques de « laurier » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 3 novembre 2016].
  3. a b et c Entrée « laurier », sur Dictionnaires de français en ligne, Larousse [consulté le 3 novembre 2016].
  4. a b c d e f g h i j k l m n o et p Antonello Paparella, Bhagwat Nawade, Liora Shaltiel-Harpaz et Mwafaq Ibdah, « A Review of the Botany, Volatile Composition, Biochemical and Molecular Aspects, and Traditional Uses of Laurus nobilis », Plants (Basel, Switzerland), vol. 11, no 9,‎ , p. 1209 (ISSN 2223-7747, PMID 35567209, PMCID 9100900, DOI 10.3390/plants11091209, lire en ligne, consulté le )
  5. a b c et d (en) Kenneth F. Kiple, The Cambridge World History of Food, t. 2, New York, Cambridge University Press, , 2153 p. (ISBN 0-521-40215-8), p. 1728.
  6. (en) Nadine Wazen et Bruno Fady, Geographic distribution of 24 major tree species in the Mediterranean and their genetic ressources, FAO, , 56 p. (ISBN 978-92-5-109469-3, lire en ligne), p. 36
  7. (en) « Laurus nobilis L. », sur www.gbif.org (consulté le )
  8. VLAM, « Laurier flamand » (consulté le )
  9. Pierre Delaveau, Histoire et renouveau des plantes médicinales, Paris, Albin Michel, coll. « Sciences d'aujourd'hui », , 354 p. (ISBN 2-226-01629-5), p. 244.
  10. Compounds from leaves of bay (Laurus nobilis L.) as repellents for Tribolium castaneum (Herbst) when added to wheat flour - Nora Saim, Clifton E. Meloan - Department of Chemistry, Kansas State University, Manhattan, KS 66506, U.S.A.
  11. Stella Georgoudi, « Questions pythiques : retour sur le(s) trépied(s) et le laurier d’Apollon », dans Chemin faisant : Mythes, cultes et société en Grèce ancienne. Mélanges en l'honneur de Pierre Brulé, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 215–232 p. (ISBN 978-2-7535-6696-5, lire en ligne)
  12. « Oedipe de Sénèque. », sur www.roma-quadrata.com (consulté le )
  13. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, livre II, chapitre 51, et livre XV, chapitre 40.
  14. guide de visite, les plantes magiques, du jardin des neuf carrés de l'abbaye de Royaumont
  15. Ph. Fr. Na. Fabre d'Églantine, Rapport fait à la Convention nationale dans la séance du 3 du second mois de la seconde année de la République Française, p. 23.
  16. Anne Dumas, Les plantes et leurs symboles, Éditions du Chêne, coll. « Les carnets du jardin », , 128 p. (ISBN 2-84277-174-5, BNF 37189295).

Liens externes[modifier | modifier le code]

Personnification du laurier par Grandville (extrait de Les Fleurs animées, tome 1, 1847, Bibliothèque de Nancy).

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