Liberté de conscience — Wikipédia

La liberté de conscience est le droit accordé à une personne d'avoir les valeurs, les principes, les opinions, les religions et les croyances qu'elle veut. Ces choix vont conduire son existence. Cette liberté est plus ou moins reconnue et respectée par les lois inscrites dans les textes constitutionnels des différents pays et par la jurisprudence. Tous les pays ne respectent pas cette liberté.

Droit international[modifier | modifier le code]

Déclaration universelle des droits de l'Homme[modifier | modifier le code]

La Déclaration universelle des droits de l'Homme adoptée en 1948 par les Nations unies, mais qui n'a pas de portée contraignante, définit la liberté de conscience et de religion dans son article 18 :

« (1) Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.

(2) Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix.

(3) La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui[1]. »

Convention européenne des droits de l'homme[modifier | modifier le code]

« Art. 9 : Liberté de pensée, de conscience et de religion

  1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
  2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Il ne faut pas confondre la liberté de conscience et la liberté de religion. La liberté de religion fait partie de celle de conscience, mais pour la Cour européenne des droits de l'homme, la liberté de religion n'est qu'une partie de la liberté de conscience[réf. nécessaire].

D'après la Cour européenne des droits de l'homme, une personne morale peut se prétendre victime d’une violation de sa liberté de pensée et de religion, mais contrairement à une personne physique, elle ne peut prétendre à la liberté de conscience (Kontakt-Information-Therapie et Hagen c. Autriche, décision de la Commission)[2].

Pour la Cour européenne des droits de l'homme, la liberté religieuse se compose de deux éléments : la liberté de conscience ou de pensée, une liberté intérieure ne pouvant faire l’objet d’aucune restriction d'une part, et d'autre part la liberté de manifester sa religion et de pratiquer son culte, qui ne peut être limitée que pour des motifs tenant à la sauvegarde de l’ordre public[3].

Par pays[modifier | modifier le code]

Canada[modifier | modifier le code]

D'après l'article 2 de la Charte des droits et libertés, les canadiens ont le droit à la liberté de conscience, de religion, de pensées, de croyances ainsi que d'opinion. Elles font partie des libertés fondamentales.

Le Canada différencie la liberté de conscience de la liberté de pensée.

« 2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

a) liberté de conscience et de religion;
b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;
c) liberté de réunion pacifique;
d) liberté d'association. »

— Article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés

Chine[modifier | modifier le code]

En Chine, dans l'article 36 de la constitution de 1982, la liberté de conscience est autorisée par le gouvernement[4]. Mais la situation religieuse reste complexe.

États-Unis[modifier | modifier le code]

La liberté de conscience est l'un des principes fondateurs des États-Unis. Elle est inscrite dans la Constitution des États-Unis. Dans le premier amendement, il est écrit "le Congrès n’adoptera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice "[5].

Dans différents États, la liberté de conscience a été invoquée en 2013 par des organisations catholiques s'opposant à l'obligation — introduite par l'ObamaCare — de payer à leurs employés une couverture d'assurance pour la contraception considérées par les personnes considérées comme violation de la liberté religieuse[6].

France[modifier | modifier le code]

En France, la liberté de conscience fait partie des Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR), qui sont des principes dégagés par le Conseil constitutionnel français et par le Conseil d'État, qui figurent dans le bloc de constitutionnalité, elle recouvre notamment le droit de ne pas être croyant, la liberté de culte du croyant, le droit de changer de religion ou de conviction, l'objection de conscience et le droit à l'éducation en accord avec ses convictions religieuses et philosophiques.

Elle découle :

Articles fondateurs en France[modifier | modifier le code]

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi »

— article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789[7]

« La laïcité garantit la liberté de conscience à tous. Chacun est libre de croire ou ne pas croire (...) »

— article 3 de la Charte de laïcité à l'École de 2013

« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public »

— article 1er de la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905[8]

Droit européen en France[modifier | modifier le code]

Par ailleurs, comme d'autres pays européens, la France est liée à la #Convention européenne des droits de l'homme:

  • l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme définit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cela comprend aussi la liberté de changer de religion ou de convictions, et de manifester sa religion ou ses convictions individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites et l'objection de conscience selon la jurisprudence de la cour.

La Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République parle de la liberté de conscience comme du « second pilier de la laïcité »[10].

Maroc[modifier | modifier le code]

Les marocains avaient presque conclu un accord de liberté religieuse durant la commission Mennouni mais il n'a pas été inscrit à leur texte constitutionnel[11].

Suisse[modifier | modifier le code]

En Suisse, la Constitution fédérale prévoit que « La liberté de conscience et de croyance est garantie. Toute personne a le droit de choisir librement sa religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté » (article 15)[12].

Tunisie[modifier | modifier le code]

Depuis 2014, la liberté de conscience est respectée en Tunisie.

Algérie[modifier | modifier le code]

Dans le texte de la nouvelle constitution adopté en novembre 2020, le droit à la liberté de croyance, un élément fondamental de chaque constitution de l’Algérie depuis que ce pays a obtenu son indépendance en 1962, a été supprimé[13].

Union européenne[modifier | modifier le code]

D'après la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne

Article 10[modifier | modifier le code]

« Article 10

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

2. Le droit à l'objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui en régissent l'exercice[14]. »

Liberté de conscience et fanatisme[modifier | modifier le code]

Le fanatique religieux est-il suffisamment libre pour bénéficier du droit à la liberté de conscience ? Selon le philosophe Henri Peña-Ruiz, le principe de liberté de conscience est une invention laïque et un rempart contre le fanatisme[15].

Ainsi, se fondant sur l'interdiction de l'abus de droit, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a dénié le droit d'association à des mouvements prônant la charia car contraires aux valeurs de la convention[16].

Limites[modifier | modifier le code]

Dans certains pays, la liberté de conscience est limitée par la mise en avant d'une religion : 40 pays au monde ont une religion officielle, et 40 autres une religion qui est favorisée sans avoir de statut officiel. Certains chefs d'État doivent suivre la religion du pays[17].

Dans certains pays, des lois contre le blasphème très strictes interdisent l'expression différente de la norme ou la conversion depuis une religion spécifique[17].

Autres limites supposées[modifier | modifier le code]

D'après Os Guinness (en), la liberté de conscience est ce qui permet de concilier des différences profondes religieuses et idéologiques[18]

Pour lui, la liberté de conscience est la première des libertés, nécessaire à la liberté d'expression et d'assemblée[18].

Il considère que cette liberté est menacée par le mariage du séparationisme [sic] avec un strict sécularisme, par un activisme islamique qui veut être privilégié, et par un radicalisme homosexuel[18].

Il considère que les chrétiens ne défendent pas suffisamment la liberté de conscience en se fondant excessivement sur la loi et insuffisamment sur l'émotion, en défendant des intérêts spécifiques plutôt que des intérêts communs[18].

Selon lui, beaucoup d'accords occidentaux anciens et acceptés sur la religion et la vie publique sont confrontés à de nouvelles réalités déstabilisant leur fonctionnement[18].

Christianisme[modifier | modifier le code]

Historique[modifier | modifier le code]

Daniel Olivier et Alain Patin considèrent que l'origine de la liberté de conscience se trouve dans la décision de Martin Luther de s'opposer à l'Église de Rome et au pape au sujet du commerce des indulgences (95 thèses, 1517), décision qui fut à l'origine de la naissance du protestantisme. À Worms, en 1521, Luther déclara : « Ma conscience est prisonnière des paroles de Dieu. Je ne veux ni ne puis me rétracter. Agir contre sa conscience est grave ; ce n'est ni sûr ni honnête ». Par cette déclaration, la conscience individuelle se révèle plus importante que le jugement d'un autre (le pape), et même d'un ensemble (le concile). Ce primat de la conscience individuelle est devenu pour une bonne part un acquis de l'homme moderne, même si grâce aux sciences humaines et aux enseignements de l'histoire, on en mesure mieux les limites du fait de différents types de pressions auxquelles on peut être soumis. Au début de la Réforme, dans les pays germaniques, le principe cujus regio, ejus religio (à chaque pays sa religion), a singulièrement réduit la liberté individuelle.

En France, Montaigne donne le titre "De la liberté de conscience" à l'un des chapitres de son livre, les Essais[19].

La Révolution française a finalement entériné le principe de liberté de conscience, contenu notamment dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (article 10 : « Nul de doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses... »[20],[21].

Dans l'Église catholique, la place de la liberté de conscience vis-à-vis du magistère et de l'autorité cléricale a historiquement fait l'objet de polémiques. Elle est dénoncée dans l'encyclique Mirari Vos en 1832 par le pape Grégoire XVI qui y voit un deliramentum (« une absurdité »[22]) et la seule cause de la déchéance des anciens États puissants « pour amener la destruction des États les plus riches, les plus puissants, les plus glorieux, les plus florissants, il n'a fallu que cette liberté sans frein des opinions, cette licence des discours publics, cette ardeur pour les innovations »[23]. Dans le Syllabus Errorum (1864), le pape Pie IX a qualifié la liberté de conscience de « délire »[24].

Concile Vatican II[modifier | modifier le code]

Saint Jean XXIII a tenu à ce que la question de la liberté religieuse soit inscrite au programme du concile Vatican II, de même que la question du judaïsme. Le concile, par la déclaration Dignitatis Humanae (1965), reconnaît la liberté religieuse :

« Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part soit d’individus, soit de groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou en association avec d’autres » (§ 2)[24].

Comme le précise le catéchisme de l'Église catholique, « Le droit à la liberté religieuse n’est [A] ni la permission morale d’adhérer à l’erreur, [B] ni un droit supposé à l’erreur, [C] mais un droit naturel de la personne humaine à la liberté civile, c’est-à-dire à l’immunité de contrainte extérieure […] ». Un débat a cours entre les théologiens pour savoir si les condamnations des papes du XIXe siècle sont devenues sans objet ou si elles restent d'actualité car portant sur le rejet des thèses [A] et [B] mentionnées dans le catéchisme[25].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Isabelle Michaud, « Liberté religieuse: sources juridiques - humanrights.ch », sur rd.humanrights.ch (consulté le )
  2. https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_9_FRA.pdf
  3. « Liberté de conscience et liberté religieuse en droit public français », sur Conseil d'État (consulté le ).
  4. « Republique populaire Chine, Constitution chinoise, 1982, MJP », sur mjp.univ-perp.fr (consulté le )
  5. Mark Trainer, « Pourquoi la liberté de religion est sacrée pour les Américains », sur ShareAmerica, (consulté le )
  6. « États-Unis : «la liberté de conscience doit être protégée» - Vatican News », sur Vaticannews.va, (consulté le ).
  7. Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 sur le site du Conseil constitutionnel
  8. Loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l'État sur le site de l'Assemblée nationale
  9. Ainsi la Cour européenne a sanctionné la Norvège pour avoir forcé un enfant n'étant pas d'obédience chrétienne à recevoir des cours sur le christianisme, ce qui ne correspondait pas aux normes pluralistes établies sur le continent et violait l'article 2 du protocole additionnel no 1 permettant aux parents d'éduquer leurs enfants en accord avec leurs convictions religieuses et philosophiques décision violation droit des parents d'assurer à leurs enfants une éducation conforme à leurs convictions religieuses et philosophiques
  10. Sur le site de la documentation française
  11. « Liberté de conscience », sur Telquel.ma (consulté le )
  12. Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) du (état le ), RS 101, art. 15.
  13. « Le droit qui a été supprimé de la Constitution algérienne », sur Human Rights Watch, (consulté le ).
  14. « Article 10 - Liberté de pensée, de conscience et de religion », sur Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, (consulté le )
  15. Henri Pena-Ruiz : « Le fanatique ne tient aucune distance entre son être et ses croyances », L'Humanité.
  16. [PDF] Cour européenne des droits de l'homme, fiche sur le discours de haine, affaire Hizb Ut-Tahrir contre Allemagne, discours de haine religieuse tendant au renversement des gouvernements non islamiques et affaire Refah Partisi (Parti de prospérité) voulant instaurer la charia en Turquie dissous au motif qu'il était devenu un centre d'activités contraires au principe de laïcité.
  17. a et b http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2019/642277/EPRS_BRI(2019)642277_FR.pdf
  18. a b c d et e « La liberté de conscience - The Schuman Centre for European Studies », sur The Schuman Centre for European Studies (consulté le ).
  19. « Essais de Montaigne (Nouvelle édition collationnée sur les meilleurs textes) », sur Gallica, (consulté le ).
  20. article 10 : « Nul de doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses... ».
  21. Daniel Olivier et Alain Patin, Luther et la Réforme, tout simplement, Les éditions de l'Atelier, p. 165-167
  22. Traduction du latin sur le site Latin Word Study Tool
  23. Lettres apostoliques de Pie IX, Grégoire XVI, Pie VII, encycliques, brefs, etc., texte latin et traduction française, p. 212-213
  24. a et b La liberté religieuse à Vatican II
  25. Les termes de la controverse selon Sandro Magister sur le site chiesa (journal L'Espresso) : Liberté religieuse. L'Église avait-elle raison même quand elle la condamnait?

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Amedro Samuel, De Luther à Luther King Une histoire protestante de la liberté de conscience, éditions Olivétan, 2017
  • Dominique Avon, La liberté de conscience : Histoire d’une notion et d’un droit. PUR (Presses universitaires de Rennes), Hors collection, 1171 pages. 30 janvier 2020. (ISBN 978-2753578944).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]