Ligue anti-masque de San Francisco — Wikipédia

Personnes faisant la queue pour obtenir des masques anti-grippe
Personnes faisant la queue pour obtenir des masques anti-grippe à la rue Montgomery en 1918.
Barbiers portant des masques pendant l'épidémie.

La Ligue anti-masque de San Francisco (anglais : Anti-Mask League of San Francisco) était une organisation formée afin de protester contre l'obligation pour les habitants de San Francisco, en Californie aux États-Unis, de porter des masques pendant la pandémie de grippe de 1918.

Contexte[modifier | modifier le code]

Des cas de grippe espagnole ont commencé à apparaître à San Francisco à l'automne 1918. Un premier cas est signalé fin et à la mi-, la ville compte plus de 2 000 cas. Le Conseil sanitaire de la ville adopte alors diverses mesures pour tenter de lutter contre la maladie, telles que l'interdiction des rassemblements, la fermeture des écoles et des théâtres et la recommandation aux citoyens d'éviter les foules. Les travailleurs qui avaient un contact avec des clients (barbiers, employés d'hôtels et de maisons de chambres, caissiers de banque, pharmaciens, commis de magasin et toute autre personne servant le public) étaient tenus de porter un masque. Puis, le , la ville adopte une ordonnance demandant à chaque résident et visiteur de San Francisco de porter un masque en public et dans les groupes de deux personnes ou plus, sauf au moment des repas[1],[2].

Au départ, l'ordonnance sur les masques est globalement bien respectée, environ 4 personnes sur 5 portant des masques en public. La Croix-Rouge vend des masques au terminal pour les personnes arrivant par ferry. Les personnes ne portant pas de masque ou ne le portant pas correctement sont poursuivies pour « atteinte à la paix », puis peuvent recevoir un avertissement, être condamnées à une amende, voire emprisonnées. L'officier municipal de santé et le maire doivent tous deux payer une amende pour ne pas avoir porté de masques lors d'un match de boxe[1].

L'ordonnance sur les masques est annulée le , ce alors que les cas de grippe avaient recommencé à augmenter, puis une nouvelle ordonnance imposant des masques entre en vigueur le [2],[1].

Formation de la ligue[modifier | modifier le code]

Bien qu'il y ait eu quelques plaintes de citoyens pendant la période initiale de port du masque, la nouvelle ordonnance de 1919 galvanise une opposition plus sérieuse et une Ligue anti-masque est créée[2],[1]. Les membres de la ligue comprenaient des médecins, des citoyens[3], des libertariens civils[4], et au moins un membre du Conseil des superviseurs. On estime qu'entre 4 000 et 5 000 citoyens ont assisté à la réunion du [5],[6]. Certains membres de la ligue veulent recueillir des signatures pour une pétition demandant la fin à l'obligation de masque, tandis que d'autres veulent lancer des procédures de renvoi de l'officier municipal de santé. Le débat est houleux. Certaines objections à l'ordonnance se fondent sur des questions de données scientifiques tandis que d'autres considéraient l'obligation comme une atteinte aux libertés civiles[7].

En plus des plaintes de la Ligue anti-masque, certains agents de santé publique d'autres villes soutiennent également que les masques ne sont pas nécessaires[3]. L'officier municipal de santé de San Francisco critique le Conseil sanitaire du secrétaire d'État pour sa remise en question de l'efficacité des masques, affirmant que « l'attitude du conseil d'État encourage la Ligue anti-masques »[8].

Le , la Ligue présente une pétition signée par sa présidente E.C. Harrington au Conseil des superviseurs demandant l'abrogation de l'ordonnance sur les masques[9]. Des journaux du monde entier prennent note de l'apparition de cette organisation protestataire[10],[11],[12],[13]. San Francisco lève finalement l'obligation de port du masque à compter du , sur recommandation du Conseil sanitaire[3].

Analyse et débats historiques[modifier | modifier le code]

L'obligation de port du masque a contribué à faire diminuer le nombre de décès de la pandémie à San Francisco, selon les historiens de la médecine[14].

Lors de la pandémie de Covid-19, un parallèle est fait entre le mouvement d'opposition à la ligue anti-masque de San Francisco et les manifestations contre les mesures de confinement de 2020 aux États-Unis[15],[16], puis avec les mouvements anti-masque dans divers pays occidentaux[17].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d (en) « San Francisco, California », sur Influenza Encyclopedia, University of Michigan Center for the History of Medicine (consulté le ).
  2. a b et c (en) Sam Blanchard, « Lifting lockdown too soon was devastating for San Francisco in 1918 » [« Le cas de San Francisco dans la pandémie de grippe de 1918 est un avertissement contre une levée trop rapide du confinement »], sur Mail Online, (consulté le ).
  3. a b et c (en) Alfred W. Crosby, America's Forgotten Pandemic: The Influenza of 1918, Cambridge University Press, , 2e éd. (1re éd. 1989), 352 p. (ISBN 0-521-83394-9 et 0-521-54175-1, lire en ligne), p. 112-113.
  4. (en) E. Fuller Torrey et Robert H. Yolken, Beasts of the Earth: Animals, Humans, and Disease, New Brunswick, Rutgers University Press, , 191 p. (ISBN 0-8135-3571-9, lire en ligne).
  5. (en) « Big Mass Meeting Condemns Masks », Logansport Daily Tribune,‎ , p. 8.
  6. (en) Katie Canales, « Photos show how San Francisco emerged from a lockdown too soon during the 1918 Spanish flu pandemic, leading to an even deadlier second wave that rampaged through the city », Business Insider, (consulté le ).
  7. (en) Samuel K. Cohn Jr, Epidemics: Hate and Compassion from the Plague of Athens to AIDS, Oxford University Press, , 440 p. (ISBN 978-0-19-881966-0, lire en ligne).
  8. (en) « Influenza Decrease Follows Compulsory Masking », Municipal Journal, vol. 56, no 6,‎ , p. 111 (lire en ligne).
  9. (en) « Relative to Repeal of Influenza Mask Ordinance », Journal of Proceedings, Board of Supervisors, City and County of San Francisco, San Francisco, Recorder Printing and Publishing Company, vol. 14, no 4,‎ , p. 50 (lire en ligne).
  10. (en) « Anti-Mask League in San Francisco », Perth Truth,‎ , p. 11.
  11. (en) « ? », The Victoria Daily Times,‎ , p. 1 (lire en ligne, consulté le ).
  12. (en) « ? », Statesman Journal,‎ , p. 8 (lire en ligne, consulté le ).
  13. (en) « You Don't Say So », The Macleay Chronicle,‎ , p. 4.
  14. (en) Bruno J. Strasser et Thomas Schlich, « A history of the medical mask and the rise of throwaway culture », The Lancet, vol. 396, no 10243,‎ , p. 19–20 (PMID 32450110, PMCID PMC7255306, DOI 10.1016/S0140-6736(20)31207-1, lire en ligne, consulté le ).
  15. Antoine Droux, « Masque ou pas masque ? Confinement ou pas confinement ? Quand lʹhistoire rime… », Vertigo, RTS, (consulté le ).
  16. (en-GB) Peter Lawrence Kane, « The Anti-Mask League: lockdown protests draw parallels to 1918 pandemic », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. Thomas Andrei, « L'« Anti-Mask League », une révolte contre le masque qui remonte à la grippe espagnole », Slate,‎ (lire en ligne, consulté le ).