Liste des rois du Kent — Wikipédia

Photographie d'une pelouse où se dressent des bases de murs en ruine. Quatre petites stèles en briques, plus récentes, sont alignées au centre.
Les tombes de quatre rois du Kent à l'abbaye Saint-Augustin de Cantorbéry : Eadbald (mort en 640), Hlothhere (mort en 685), Wihtred (mort en 725) et Mul (mort en 687).

La liste des rois du Kent réunit les souverains du royaume anglo-saxon de Kent, de ses fondateurs légendaires, les frères Hengist et Horsa, qui auraient vécu au milieu du Ve siècle, jusqu'à son annexion au royaume de Wessex, au début du IXe siècle.

Grâce à l'Histoire ecclésiastique du peuple anglais de Bède le Vénérable, cette liste peut être établie avec précision jusqu'à la mort du roi Wihtred, en 725. Après cette date, l'histoire du Kent doit être reconstituée à partir de sources moins précises, comme les chartes et monnaies émises par les rois, dont la succession est par conséquent plus difficile à reconstruire, d'autant que la royauté est à cette époque régulièrement partagée entre deux monarques dont un gouverne la moitié orientale du royaume et un autre, la moitié occidentale.

Sources[modifier | modifier le code]

Photo des deux faces d'une pièce de monnaie usée. Les deux faces présentent des motifs similaires, des lettres majuscules en cercle autour d'une croix.
Une pièce frappée sous le règne de Baldred, dans les années 820. Ce roi est principalement connu grâce à ses émissions monétaires[1].

L'Histoire ecclésiastique du peuple anglais de Bède le Vénérable, achevée en 731, permet de retracer la succession des rois du Kent jusqu'à Wihtred (mort en 725). Bien qu'il vive en Northumbrie, dans le nord de l'Angleterre, Bède bénéficie d'une source d'informations locale en la personne d'Albinus, l'abbé du monastère Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Cantorbéry. Les données généalogiques qu'il propose sont confirmées et enrichies par les manuscrits de la « Collection anglienne », des recueils de listes qui retracent l'ascendance d'Æthelberht II (mort en 762) jusqu'à Hengist et, au-delà, jusqu'au dieu Woden[2].

Les chartes émises par les rois du Kent constituent des sources précieuses pour la période postérieure à l'œuvre de Bède. Ces documents, conservés dans les archives des principaux monastères du royaume (Cantorbéry, Rochester, Minster-in-Thanet, Lyminge et Reculver), posent néanmoins des problèmes. Elles sont souvent difficiles à dater précisément, et il n'est pas rare qu'elles aient été retouchées a posteriori pour diverses raisons. Certaines sont mêmes de complètes forgeries[2]. La numismatique joue également un rôle important pour établir la chronologie des rois de cette période, en particulier lorsque les pièces commencent à porter les noms des rois qui les ont émises, dans la deuxième moitié du VIIIe siècle[3].

Il existe par ailleurs une série de textes de nature hagiographique, dont le plus ancien remonte au XIe siècle, qui s'intéresse aux tribulations de certains descendants du roi Æthelberht de Kent, en particulier leur rôle dans la fondation du monastère de Minster-in-Thanet dans la deuxième moitié du VIIe siècle. Ces textes, regroupés par les historiens sous l'appellation collective de « légende royale du Kent », s'appuient vraisemblablement sur des documents antérieurs et offrent des informations supplémentaires sur la famille royale kentique[2].

La royauté du Kent[modifier | modifier le code]

Carte montrant le relief du Kent et les principaux établissements religieux de cette région, avec notamment d'ouest en est Rochester, Cantorbéry, Reculver et Minster sur l'île de Thanet
Carte du Kent à l'époque anglo-saxonne.

Bien que le récit de Bède et les listes de rois donnent l'impression d'une royauté unique, le Kent est dirigé par deux rois durant une grande partie de son existence : le premier siège à Cantorbéry et gouverne la partie orientale du royaume, tandis que le second gouverne la partie occidentale depuis Rochester. Ce dernier occupe généralement une position subalterne vis-à-vis de son homologue, et le royaume apparaît le plus souvent comme une entité unique. Cette royauté partagée est particulièrement bien attestée au VIIIe siècle dans les chartes des successeurs de Wihtred, mais on en trouve également des traces avant cette date : les rois Hlothhere et Eadric émettent ainsi un code de lois ensemble[4].

En dépit de cette double royauté, l'unité du royaume de Kent n'est jamais remise en question. Ainsi, la titulature la plus répandue dans les chartes est simplement « roi du Kent » (rex Cantiae) ou « roi des hommes kentiques » (rex Cantuariorum). Les références à la royauté partagée sont l'exception plutôt que la règle : Sigered est ainsi titré « roi d'une moitié de la province des hommes kentiques » (rex dimidie partis prouincie Cantuariorum) dans une charte[5].

L'indépendance du royaume est menacée à partir des années 760 par le puissant Offa de Mercie. Les rois du Kent ne sont plus aussi libres qu'avant : leurs donations de terres se font désormais avec l'accord explicite d'Offa. En 764, celui-ci émet même une charte en son nom concernant un domaine situé dans le Kent, comme s'il s'agissait d'une simple province de son royaume. Cette domination mercienne semble connaître un coup d'arrêt après la bataille d'Otford, un affrontement entre les deux royaumes que la Chronique anglo-saxonne date de 776 sans en préciser l'issue. Dans la mesure où Offa n'apparaît plus sur les chartes kentiques connues entre cette date et 785, les historiens modernes considèrent généralement que cette bataille correspond à une révolte couronnée de succès des habitants du Kent contre le joug mercien, qu'ils auraient réussi à repousser pour près de dix ans[6],[7].

Le retour d'Offa se traduit par une soumission complète du Kent. Durant la décennie 785-796, on ne connaît aucun roi local, et toutes les chartes kentiques connues sont émises par Offa en son seul nom. À sa mort, en 796, le royaume recouvre brièvement son indépendance sous Eadberht Præn, mais le successeur d'Offa, Cenwulf, rétablit l'autorité mercienne dans la région, d'abord en confiant le royaume à son frère Cuthred, puis en l'administrant directement comme Offa de 807 à sa mort, en 821. Un dernier sursaut d'indépendance sous Baldred prend fin en 825. Après sa victoire sur la Mercie à la bataille d'Ellendun, le roi Ecgberht de Wessex envoie son fils Æthelwulf chasser Baldred et soumettre le Kent. Avec les autres royaumes du sud-est de l'Angleterre, le Kent forme un sous-royaume qui est confié à un fils du roi du Wessex jusqu'en 860[8].

Liste des rois du Kent[modifier | modifier le code]

Nom Dates de règne Notes
Yorke[9] ODNB[10] Keynes[11]
Hengist 449 – 488 ? vers 455 – 488 ? Personnage légendaire[12].
Horsa 449 – 455 ? Personnage légendaire. Frère de Hengist[12].
Œric ou Oisc 488 ? – 512 ? 488 – 512 ? Personnage légendaire. Fils de Hengist selon Bède, son petit-fils selon l'Historia Brittonum et la Collection anglienne. Il donne son nom à la dynastie de Kent, les Oiscingas[12].
Octa vers 512 ? Personnage légendaire. Fils d'Oisc selon Bède, mais fils de Hengist et père d'Oisc selon l'Historia Brittonum et la Collection anglienne[12].
Eormenric 550 × 600 512 ? – vers 560 ou après Fils d'Octa ou d'Oisc, il est décrit comme « roi en Kent » par Grégoire de Tours. C'est le premier de sa lignée à se voir attribuer ce titre[13].
Æthelberht Ier ? – 616 après 589 ? – 616 ? 560 ou vers 585 – 616 Fils d'Eormenric, il est le premier roi chrétien du Kent. Considéré comme l'un des sept bretwaldas par la Chronique anglo-saxonne. Mort le [14].
Eadbald 616 – 640 616 – 640 616 – 640 Fils d'Æthelberht Ier. Des chartes falsifiées impliquent qu'il aurait pu régner conjointement avec son père avant 616[15]. Il règne peut-être ensuite avec son frère Æthelwald, dont l'existence est incertaine[N 1]. Mort le [14].
Eorcenberht 640 – 664 640 – 664 640 – 664 Fils d'Eadbald. Il règne peut-être conjointement avec son frère Eormenred, qui n'est connu que par la légende royale du Kent[16],[15]. Mort le [14].
Ecgberht Ier 664 – 673 664 – 673 664 – 673 Fils d'Eorcenberht. Mort le [14].
Hlothhere 673/674 – 685 673 – 685 673 – 685 Fils d'Eorcenberht. Il règne conjointement avec son neveu Eadric avant d'être renversé par lui[17]. Mort le [14].
Eadric 685 – 687 685 – 686 685 – 686 Fils d'Ecgberht Ier. Il règne conjointement avec son oncle Hlothhere avant de le renverser avec l'aide des Saxons du Sud. Il est à son tour victime d'un raid des Saxons de l'Ouest Cædwalla et Mul[18].
Mul 687 686 – 687 Frère de Cædwalla de Wessex, il meurt brûlé vif par ses sujets[19].
Swæfheard 688 – 694 vers 688 – vers 694 Fils de Sæbbi, roi des Saxons de l'Est, il règne sur le Kent occidental. Il faut peut-être l'identifier au Suabertus (Swaberht) qui apparaît sur une charte à la même époque, à moins qu'il ne s'agisse d'un autre prince d'Essex[20].
Oswine 688 – 690 688/689 – 690 Membre de la famille royale d'ascendance inconnue, il règne sur le Kent oriental. Il est chassé du pouvoir par Wihtred[19].
Wihtred 690/691 – 725 691 ? – 725 690 – 725 Fils d'Ecgberht Ier. Il règne d'abord sur le Kent oriental jusqu'à la disparition de Swæfheard, puis seul sur l'ensemble du royaume[19].
Æthelberht II 725 – 762 725 – 762 725 – 762 Fils de Wihtred, il règne sur le Kent oriental. Sa mort est datée de 762 par la Chronique anglo-saxonne[21],[22].
Eadberht Ier 725 – 762 ? 725 – 748 725 – 748 Fils de Wihtred, il règne sur le Kent occidental. Sa mort est datée de 748 par la Chronique anglo-saxonne[23]. Un troisième frère, Alric, pourrait avoir partagé le pouvoir avec Æthelberht et Eadberht, mais il n'existe aucune trace de son éventuel règne[21].
Eardwulf vers 747 – 762 ? 748 – avant 762 748 ? – 762 ou avant Fils d'Eadberht Ier, il règne sur le Kent occidental[21].
Le roi Offa de Mercie commence à exercer sa suzeraineté sur le Kent à partir du milieu des années 760[21].
Sigered vers 762 – vers 764 762 × 765 762 ou avant – vers 764 Il règne sur le Kent occidental sous la suzeraineté d'Offa. Son nom suggère un lien de parenté avec les rois des Saxons de l'Est[21].
Eadberht II 762 × 763 762 – vers 764 Ses chartes l'identifient à Eadberht Ier, mais il semble s'agir en fait d'un autre roi, qui règne sur le Kent oriental sous la suzeraineté d'Offa, et dont les chartes auraient été falsifiées pour l'identifier à son homonyme[N 2].
Eanmund vers 762 – vers 764 763 × 764 vers 764 – ? Il règne sur le Kent oriental sous la suzeraineté d'Offa[21].
Heahberht vers 764 – vers 765 764 vers 765 ? – ? Il règne sur le Kent oriental sous la suzeraineté d'Offa[21].
Ecgberht II vers 764 – vers 785 765 – 779 vers 764 – 779 ou après Il règne sur le Kent occidental sous la suzeraineté d'Offa, puis peut-être sur tout le Kent après la défaite mercienne d'Otford en 776[21].
Ealhmund vers 784 784 784 Père supposé du roi Ecgberht de Wessex, il n'est connu que par une seule charte et une mention dans la Chronique anglo-saxonne[21],[24].
Offa de Mercie règne directement sur le Kent de 784 ou 785 à sa mort, en 796[25].
Eadberht Præn 796 – 798 796 × 798 796 – 798 Exilé à la cour de Charlemagne du vivant d'Offa, il prend le contrôle du Kent à sa mort. Il est vaincu et capturé par Cenwulf, le successeur d'Offa[26].
Cuthred 798 – 807 798 – 807 798 – 807 Il est placé sur le trône par son frère Cenwulf et règne sous sa suzeraineté jusqu'à sa mort[25].
Cenwulf de Mercie règne directement sur le Kent de 807 à sa mort, en 821[25].
Baldred vers 823 – 825 vers 823 × 827 821 ? – vers 825 Peut-être placé sur le trône par Beornwulf, le successeur de Cenwulf, dont il pourrait être un parent. Il est détrôné par une armée envoyée par Ecgberht de Wessex[15].
Après la victoire du Wessex à la bataille d'Ellendun en 825, le Kent et les autres royaumes du sud-est de l'Angleterre forment un sous-royaume confié à Æthelwulf (825-839), puis Æthelstan (839 – vers 851) et enfin Æthelberht (vers 851 – 860). La pratique consistant à confier ce domaine à un autre membre de la maison de Wessex prend fin lorsque Æthelberht monte sur le trône du Wessex, en 860[8].

Arbre généalogique d'Eormenric à Eardwulf[modifier | modifier le code]

Page d'un manuscrit portant la liste des ancêtres d'Æthelberht II ; le texte est à l'encre noire, sauf les initiales de chaque ligne, qui alternent le rouge et le vert
L'ascendance d'Æthelberht II dans le Textus Roffensis, un manuscrit du XIIe siècle qui comprend l'une des quatre recensions de la Collection anglienne.

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Une lettre adressée par le pape Boniface III à l'archevêque Juste dans la première moitié des années 620 mentionne un roi Aduluald, forme latinisée du nom anglo-saxon « Æthelwald ». Barbara Yorke (Yorke 1990, p. 32-33, 36) considère que cet Aduluald pourrait être un frère d'Eadbald régnant sur le Kent à ses côtés, mais D. P. Kirby (Kirby 2000, p. 32) n'y voit qu'une erreur de copiste pour Audubald, c'est-à-dire « Eadbald ».
  2. S. E. Kelly (Kelly 2004) et Simon Keynes (Keynes 2014, p. 523) distinguent deux Eadberht, le premier étant mort en 748, tandis que Barbara Yorke (Yorke 1990, p. 30-31) et D. P. Kirby (Kirby 2000, p. 136) n'en voient qu'un seul, qui aurait régné de 725 aux années 760.

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) S. E. Kelly, « Baldred (fl. c.823–827) », dans Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, (lire en ligne Inscription nécessaire).
  2. a b et c Yorke 1990, p. 25.
  3. Yorke 1990, p. 41.
  4. Yorke 1990, p. 32-34.
  5. Yorke 1990, p. 34.
  6. Yorke 1990, p. 31.
  7. (en) S. E. Kelly, « Æthelberht II (d. 762) », dans Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, (lire en ligne Inscription nécessaire).
  8. a et b Yorke 1990, p. 33, 148.
  9. Yorke 1990, p. 33.
  10. (en) « Rulers of Anglo-Saxon kingdoms (5th cent.–924) », sur Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, (consulté le ).
  11. Keynes 2014, p. 523-524.
  12. a b c et d Yorke 2004.
  13. Yorke 1990, p. 28.
  14. a b c d et e Keynes 2014, p. 523.
  15. a b et c Yorke 1990, p. 32.
  16. Kirby 2000, p. 37.
  17. Yorke 1990, p. 29.
  18. Yorke 1990, p. 29-30.
  19. a b et c Yorke 1990, p. 30.
  20. Yorke 1985, p. 21-22.
  21. a b c d e f g h et i Kelly 2004.
  22. Swanton 1996, p. 50-51.
  23. Swanton 1996, p. 46-47.
  24. Swanton 1996, p. 52.
  25. a b et c Keynes 2014, p. 524.
  26. Yorke 1990, p. 31-32.

Bibliographie[modifier | modifier le code]