Lituaniens — Wikipédia

Lituaniens
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Populations importantes par région
Drapeau de la Lituanie Lituanie 3 000 000 (est.)
Drapeau des États-Unis États-Unis 660 000 ((rec. 2000))
Drapeau du Brésil Brésil 600 000
Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni 100 000
Drapeau de l'Irlande Irlande 50 000
Drapeau de l'Allemagne Allemagne 40 000
Drapeau de la Lettonie Lettonie 25 693 ((rec.2010))
Drapeau de la Pologne Pologne 15 000 à 25 000
Drapeau de la Russie Russie 45 000 ((rec; 2002))
Population totale 4 à 5 000 000
Autres
Langues Lituanien
Religions Catholicisme
Ethnies liées Baltes

En français, les Lituaniens (orthographe ancienne : Lithuaniens) sont :

À l'époque médiévale, ils vivaient dans un territoire plus vaste qu'aujourd'hui car ils étaient présents à Karaliaučius (ex-Königsberg, actuelle Kaliningrad), en Prusse-Orientale (Lituaniens de Prusse), dans le Nord-Ouest de la Biélorussie et dans le Nord-Est de la Pologne.

Histoire[modifier | modifier le code]

Avant le XIVe siècle : un peuple désuni[modifier | modifier le code]

Les peuples baltes vers 1200.

Les peuples baltes polythéïstes installés sur le territoire de l'actuelle Lituanie (Samogitiens, Sudoviens…) s'unirent en un grand-duché de Lituanie pour résister aux croisés germaniques, établis en Prusse et en Livonie, qui poursuivaient par le feu, la déforestation et le génocide la christianisation, la germanisation et la colonisation des provinces baltes.

En 1235, les chefs de clans lituaniens choisirent Mindaugas (1203-1263) comme grand duc. Toutefois, celui-ci, constatant la puissance militaire des États catholiques, choisit de se convertir au catholicisme : grâce à cela le pape Innocent IV le reconnut comme roi de Lituanie en 1251, mais les nobles demeurés « païens » l'assassinèrent et la guerre civile consécutive à cet assassinat restaura la division du pays.

Du XIVe siècle au XVIIe siècle : le Grand-duché, une puissance européenne[modifier | modifier le code]

Expansion du grand-duché de Lituanie du XIIIe au XVe siècle.
Expansion du grand-duché de Lituanie du XIIIe au XVe siècle.

En 1316, Gediminas (1275-1341) devint grand-duc et mit fin à la guerre civile, fondant un État catholique, puissant, bien organisé, que les croisés germaniques n'avaient plus de prétexte à conquérir, alors qu'ils s'étaient emparés de la plupart des autres territoires baltes.

À partir du XIVe siècle, les grands-ducs lituaniens, profitant de la division de l'ancienne Rus' de Kiev et de l'affaiblissement des principautés slaves orientales ravagées par l'invasion mongole, se posent en protecteurs de celles-ci et se lancent dans des conquêtes à l'Est, qui leur feront atteindre la mer Noire en 1412. Minsk devient lituanienne en 1326 ; l'Est de la Volhynie en 1340 ; Kiev en 1361. La conquête de ces vastes territoires (815 000 km² en 1582) peuplés de slavophones de rite orthodoxe byzantin et de langue liturgique slavonne, désormais soumis à une aristocratie catholique s'entourant d'artisans, marchands et gestionnaires ashkénazes, est bien acceptée tant qu'elle représente une protection contre les raids esclavagistes des Mongols et Tatars devenus musulmans et alliés de l'Empire ottoman. Mais avec l'émergence progressive du Tsarat de Russie comme puissance orthodoxe, et son expansion au détriment des musulmans au Sud et des catholiques à l'Ouest, les populations orthodoxes commencèrent à rejeter la domination lituanienne et à attendre leur émancipation de Moscou[3].

Pour faire face aux ordres germaniques à l'Ouest, à l'expansion moscovite à l'Est et aux Ottomans et Tatars de Crimée au Sud, le Grand-duché de Lituanie et le royaume de Pologne se rapprochent par l'Union de Krewo en 1383, par l'Union de Vilnius et Radom en 1401 qui instaure une dynastie commune, et surtout par l'Union de Lublin en 1569, qui fusionne les deux monarchies en un seul État, la république des Deux Nations, État dirigé par une monarchie élective.

En 1409, la Samogitie, région lituanienne cédée à l'Ordre Teutonique en 1404, se révolte contre ces derniers et en 1410 à Tannenberg, la Lituanie et la Pologne libèrent les Samogitiens et repoussent les Teutoniques qui doivent cesser définitivement leurs tentatives d'unir leurs fiefs prussiens et livoniens[4].

Du XVIIIe siècle au XIXe siècle : dominations étrangères[modifier | modifier le code]

En 1795, le troisième partage de la Pologne met fin à la république des Deux Nations : le territoire de l'actuelle Lituanie est annexé par l'Empire russe, à la seule exception du port de Klaipeda qui est alors prussien.

En 1812, la France déclare la guerre à la Russie et remporte plusieurs victoires au début de la campagne, occupant Vilnius. Le duché de Varsovie, État polonais créé par Napoléon en 1807, envisagea d'inclure la Lituanie, mais l'Empereur des français ne donna pas suite à ce projet et sa défaite, suivie par le Congrès de Vienne en 1815, consacra l'appartenance de la Lituanie à l'Empire russe ; au sein de ce dernier, la « Pologne du Congrès » inclut une faible portion du territoire lituanien, sur la rive gauche (Sud) du Niémen.

En 1830-1831 (insurrection de Novembre) et en 1863 (insurrection de Janvier), les Lituaniens et les Polonais s'insurgent contre la domination russe mais les insurgés, inférieurs en nombre et en armes, sont battus ce qui entraîne une politique de russification menée principalement par le tsar Alexandre II de Russie. Cette politique n'empêche pas une renaissance culturelle lituanienne qui, comme en Lettonie, s'exprime dans la langue et la poésie[5].

Sur le plan économique, les paysans sont délivrés du servage en 1861. Mais en pratique, pauvres et endettés, ils restent de simples ouvriers agricoles soumis aux « arendashes » (intendants à bail des terres seigneuriales des « szlachecki » polonais et des « barons baltes » allemands qui possèdent encore la majorité des terres) ; comme une partie des « arendashes » sont des ashkénazes confinés dans la « zone de résidence » voulue par l'Empire russe pour empêcher leur émancipation et leur intégration, cela fait monter l'antisémitisme et se multiplier les pogroms[6].

Le XXe siècle  : l’indépendance et les répressions[modifier | modifier le code]

La Première Guerre mondiale permet aux Lituaniens d'obtenir leur indépendance. L'armée impériale russe est vaincue par l'armée impériale allemande à la bataille de Tannenberg et à plusieurs reprises ensuite, et les régions baltes sont libérées de la domination russe mais soumises à une rude domination prussienne entre 1915 et 1917. Par le traité de Brest-Litovsk de , les bolchéviks cèdent cette région à l'Empire allemand qui ne peut profiter de cette victoire, car il doit signer la paix (armistice) du .

Les pays baltes connaissent alors une période sanglante de deux ans. Les Armées blanches espérant rebâtir l'Empire russe, l'Armée rouge espérant soviétiser les trois états baltes, et les armées indépendantistes soutenues par le Royaume-Uni et la France, s'affrontent : aucune n'applique les conventions de Genève et les atrocités, réquisitions, tueries de classe des commissaires politiques et pogroms des nationalistes s'enchaînent.

En 1920, la Lituanie est reconnue indépendante mais elle perd Vilnius (peuplée majoritairement par des ashkénazes et Polonais) qui est occupée par la Pologne (1920-1939).

En 1940, la Lituanie est occupée par l'URSS conformément au pacte germano-soviétique (qui cependant l'avait initialement placée dans l'orbite nazie), puis envahie de nouveau par le Troisième Reich en 1941. Le Generalplan Ost nazi envisageant la déportation ou l'extermination de 85 % de la population lituanienne, classée comme les slaves parmi les sous-hommes[7].

Incorporée de nouveau à l'URSS en 1944, la Lituanie, qui avait été prospère pendant l'entre-deux-guerres, était alors un pays ravagé (plus de 300 000 morts ; déportation au Goulag de dizaines de milliers de Lituaniens de Lituanie et de Prusse-Orientale). De plus, elle fut soumise à une russification forcée (arrivée de dizaines de milliers de colons russophones ; langue lituanienne remplacée par le russe dans les services publics et l'enseignement supérieur) ; l'Église catholique fut persécutée et son clergé en grande partie déporté[8].

À la suite de la perestroïka et de la glasnost de Mikhaïl Gorbatchev, la Lituanie tente de proclamer son indépendance en 1990 mais la « répression de Janvier » à Vilnius (13 civils tués) l'en empêche : elle redevient effectivement indépendante à la fin de la même année. Cela a été facilité par le fait que l'incorporation forcée de la Lituanie (ainsi que de la Lettonie et de l'Estonie) par l'URSS, contrairement à celle des douze autres républiques soviétiques, n'a jamais été diplomatiquement reconnue par les Alliés de la Seconde Guerre mondiale, par l'Organisation des Nations unies, par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies[9], par le droit international[10],[11],[12], par le Parlement européen[13], et par la Cour européenne des droits de l'homme[14],[15],[16],[17],[18],[19],[20]. Cette politique de non-reconnaissance a donné naissance au principe de la continuité juridique des États baltes, qui rend illégale l'occupation soviétique tout au long de la période de 1940 à 1991[21],[22].

Peuplée à plus de 80 % de Lituaniens, la Lituanie a eu moins de problème de citoyenneté que ses voisines lettone et estonienne et a donc pu accorder la pleine nationalité lituanienne sans restrictions à tous les ressortissants de l'ex-URSS.

Diaspora[modifier | modifier le code]

Il existe une importante diaspora lituanienne en raison  :

Des persécutions du XIXe siècle jusque dans les années 1950[modifier | modifier le code]

Les Lituaniens émigrent principalement aux États-Unis et au Brésil dans le but d'améliorer leur sort (la paysannerie a été très pauvre lorsque les terres appartenaient à la noblesse).

Dès les premiers jours de l'occupation soviétique de 1940, des milliers de Baltes furent déportés au Goulag et les occupations soviétiques (1940 et 1944) obligent de nombreux lituaniens patriotes ou bien des collaborateurs de occupant nazi à s'enfuir. Après la guerre, beaucoup parviennent en Allemagne de l'Ouest ou au Canada ainsi que les Lituaniens de Prusse (luthériens et bilingues lituanien-allemand, indistinctement considérés comme « nazis » par le KGB). Quant aux survivants du Goulag, une fois libérés après la déstalinisation (1956), ils constituèrent une communauté lituanophone en Russie.

Après 1950[modifier | modifier le code]

Les émigrés baltes aidèrent leur peuple à lutter contre l'occupation soviétique en fournissant des armes à la guérilla des Frères de la forêt et en plaidant la cause de leur peuple devant l'ONU (appel baltique de 1979).

Depuis l'indépendance, la diaspora, comme pour la république sœur de Lettonie, joue un grand rôle politique (Valdas Adamkus, président de la Lituanie de 1998 à 2003 et depuis 2004 était un haut fonctionnaire américain) et économique.

De même, depuis l'entrée de la Lituanie dans l'Union européenne en 2004, des dizaines de milliers de Lituaniens ont émigré au Royaume-Uni et en Irlande.

Lituaniens en Lettonie[modifier | modifier le code]

Les Lituaniens sont très nombreux à vivre près de la frontière entre les 2 pays frères (34 000 soit 1,4 % de la population). Très intégrés (42 % ont le letton comme langue maternelle, 39 % le lituanien et 16 % le russe), ils sont un pont entre les deux pays, culturellement et ethniquement très proches, voire complémentaires.

Certains d'entre eux aspirent à la création d'un État balte unique (panbaltisme).

Ils sont surtout présent dans :

  • le district de Bauska (6,8 %) ;
  • le district de Liepāja (6,1 %, la première ethnie après leurs frères lettons) ;
  • le district de Jelgava (3,4 %).

Il existe également des communautés dans les districts de Aizkraukle (3,1 %), de Kuldīga (2 %) et de Jēkabpils (1,7 %).

Lituaniens de Pologne et de Biélorussie[modifier | modifier le code]

Il y a entre 15 et 40 000 Lituaniens en Pologne, notamment dans la voïvodie de Podlachie et quelques centaines, voire milliers en Biélorussie (près de 20 000 selon certaines estimations).

Ils sont présents dans :

  • Gmina Punsk : 75 % (3 300 sur 4 400).
  • Sejny : environ 30 % (près de 2 000).

Culture[modifier | modifier le code]

Religion[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Constitution de la Lituanie
  2. Élisée Reclus, chapitre « Lithuaniens » de l’Europe Scandinave et Russe tome 5 de la Nouvelle Géographie Universelle, la Terre et les Hommes, Hachette 1880.
  3. Suzanne Champonnois, François de Labriolle, Dictionnaire historique de la Lituanie, éd. Armeline, Crozon 2001, (ISBN 2-910878-17-1)
  4. S. Champonnois, F. de Labriolle, Op. cit., 2001, (ISBN 2-910878-17-1)
  5. Daniel Beauvois, Histoire de la Pologne, Paris, Hatier, coll. « Nations d'Europe », , chap. V (« Un État disparu, une nation tenace »), p. 201-248.
  6. Lidia Miliakova, Le livre des pogroms, antichambre d'un génocide, éd. Calmann-Lévy 2010, traduit du russe et préfacé par Nicolas Werth, Patrice Bensimon, Claire Le Foll, Ekaterina Pichugina (ISBN 9782702 141519).
  7. HITLER'S PLANS FOR EASTERN EUROPE Selections from Janusz Gumkowkski and Kazimierz Leszczynski POLAND UNDER NAZI OCCUPATION
  8. Romuald J. Misiunas, Rein Taagepera, Georg von Rauch, The Baltic States: Years of Dependence, 1940-80, University of California Press 1983, page 48.
  9. [1]
  10. [2]
  11. Daniel Fried, « Relations entre les États-Unis et les pays baltes : célébration des 85 ans d'amitié » [archive du ] [PDF], (consulté le ) : « Depuis la déclaration de Sumner Wells du 23 juillet 1940, selon laquelle nous ne reconnaîtrions pas l'occupation. Nous avons logé les délégations diplomatiques baltes en exil. Nous avons accrédité leurs diplomates. Nous avons hissé leurs drapeaux dans le Hall des drapeaux du Département d'État. Nous n'avons jamais reconnu, en acte, en parole ou en symbole, l'occupation illégale de leurs terres. ».
  12. E. Lauterpacht et C. J. Greenwood, Recueil international des lois, Cambridge University Press, , 62–63 p. (ISBN 0521463807, lire en ligne [archive du ]) :

    « La Cour a déclaré : (256 N.Y.S.2d 196) « Le gouvernement des États-Unis n'a jamais reconnu l'occupation forcée de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie par l'Union soviétique des républiques socialistes, ni leur absorption et incorporation dans l'Union des républiques socialistes soviétiques. La légalité des actes, lois et décrets des régimes fantoches mis en place dans ces pays par l'URSS n'est pas reconnue par les États-Unis » »

  13. Parlement européen, « Résolution sur la situation en Estonie, Lettonie, Lituanie », Journal officiel des Communautés européennes, c, vol. 42/78,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le ).
  14. Affaires de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'occupation des États baltes
  15. Lauri Mälksoo, Annexion illégale et continuité de l'État : le cas de l'incorporation des États baltes par l'URSS, Leiden & Boston, Brill, (ISBN 9041121773).
  16. (en) « Russia and Estonia agree borders », BBC News, (consulté le ) : « Cinq décennies d'occupation presque ininterrompue des États baltes de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie ont pris fin en 1991 ».
  17. L'Encyclopédie mondiale (ISBN 0716601036).
  18. L'histoire des États baltes par Kevin O'Connor (ISBN 0313323550).
  19. Irina Saburova, « L'occupation soviétique des États baltes », Blackwell Publishing, vol. 14, no 1,‎ , p. 36–49 (DOI 10.2307/126075, JSTOR 126075).
  20. Voir, par exemple, la position exprimée par le Parlement européen, qui a condamné « le fait que l'occupation de ces États autrefois indépendants et neutres par l'Union soviétique a eu lieu en 1940 à la suite du pacte Molotov/Ribbentrop, et se poursuit. » Parlement européen, « Résolution sur la situation en Estonie, Lettonie, Lituanie », Journal officiel des Communautés européennes, vol. 42/78,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le ).
  21. Bruce Parrott, Construction de l'État et puissance militaire en Russie et dans les nouveaux États de l'Eurasie, M.E. Sharpe, , 112–115 (ISBN 1563243601, lire en ligne), « Inverser l'occupation militaire soviétique ».
  22. Peter Van Elsuwege, Minorités russophones en Estonie et en Lettonie : Problèmes d'intégration au seuil de l'Union européenne, Flensbourg, Allemagne, Centre européen pour les questions de minorités, (lire en ligne [archive du ]), p. 2 :

    « L'incorporation forcée des États baltes dans l'Union soviétique en 1940, sur la base des protocoles secrets du pacte Molotov–Ribbentrop, est considérée comme nulle et non avenue. Bien que l'Union soviétique ait occupé ces pays pendant cinquante ans, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont continué d'exister en tant que sujets du droit international. »

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]