Luluwa (peuple) — Wikipédia

Luluas
(Bena-Lulua)
Description de cette image, également commentée ci-après
Effigie de chef portant un pagne en peau de léopard. Bois, pigment. H. 74 cm. Acquise sur le terrain en 1885

Populations importantes par région
R.D. Congo 4 à 5 million
Autres
Régions d’origine Kasai-Occidental
Langues Tshiluba
Ethnies liées Luba, Songe, Kanyok, Hemba, Kete, Lunda, Sanga, Koande, etc.

Les Luluwas sont une population d'Afrique centrale, surtout présente en république démocratique du Congo, dans le sud-centre de la province du Kasai-Occidental, entre la rivière Kasai à l'ouest et la frontière du Kasaï-Oriental à l'est[1]. Quelques-uns vivent également de l'autre côté de la frontière, dans le nord-est de l'Angola. C'est un sous-groupe et tribu des Luba du Kasai aux côtés des Bakwa-luntu tout comme des Baluba-lubilanji dont ils sont très proches, mais avec lesquels ils ont été en conflit au moment de l'accession à l'indépendance (1959-1961)[2]. On peut aussi le categoriser comme une tribu luba-kasai qui regrouperait différents clans.

Ethnonymie[modifier | modifier le code]

Selon les sources, on observe de multiples variantes : Bashilange, Beena Luluwa, Bena Lulua, Bena Luluwa, Bena Moyo, Kalebwe, Louloua, Loulouwa, Luba-Lulua, Lulua, Luluas, Luluwa, Luva, Shilange[3].

Langue[modifier | modifier le code]

Ils parlent le tshiluba du kananga (aussi appelé Cyena-Lulua ou Ciena-Lulua)[4].

Culture[modifier | modifier le code]

Les Luluwa étaient avant tout fermiers, hommes et femmes. Ils étaient aussi des chasseurs renommés, mais pratiquaient aussi le commerce[5]. Ils ont participé au commerce des esclaves avec la côte atlantique, ce qui a eu de nombreux impacts sur la société. Leur culture matérielle a été influencée par les interactions avec les marchands tshokwe et imbangala. Ainsi, au début du XXe siècle, certains villages comportaient des maisons construites selon les traditions tshokwe.

Selon l'anthropologue Constantin Petridis[6], le travail de terrain à visée artistique dans la région luluwa a été restreint, trop limité dans le temps comme dans l'espace. Dès les années 1990 il ne restait que peu de traces de l'art traditionnel. Ce constat était probablement le même déjà dans les années 1949-59. Par ailleurs, la région luluwa, qui montre une grande diversité culturelle, a été travaillée par des changements plus profonds concernant les Luluwa que pour d'autres populations comme les Tshokwe et les Kuba. Ainsi les conclusions apparentes pour une période ne peuvent, sans risque, être appliquées à une autre période. Pour ces raisons, écrire une anthropologie de l'art luluwa semble une entreprise quasiment impossible.

Malgré ces difficultés, selon cet auteur et pour prendre un exemple précis, on pourrait voir l'effigie de chef[7] portant un pagne en peau de léopard comme « un objet de culte et de pouvoir protecteur de la gouvernance », un objet porteur de pouvoir magique. La statue se trouvait chez un chef qui ne l'a cédée que sous la pression et les menaces, malgré l'opposition farouche de son peuple. Ce type de statue portait, chaque fois, un nom. Mais si leur appellation ne renvoie pas nécessairement à un personnage précis, la statue pourrait, quant à elle, se référer à une personne particulière et conserverait ainsi la mémoire d'un chef du passé.

Pour un autre type de sculpture, qui comprennent des représentations de femme enceinte et de femme tenant un enfant dans ses bras, en pied, ou en buste sur une base pointue, ces figures associées au bangwa bwa Cibola du sous groupe Bakwa Ndoolo [8] appartiennent à la vaste catégorie des objets de pouvoir et des cultes en rapport avec la protection des femmes enceintes, aux troubles qui peuvent affecter la femme, les nouveau-nés et les enfants. L'infortune de la femme, à la suite d'une relation sexuelle prénuptiale, nécessitait une initiation au bangwa bwa Cibola, avec une vie à part, des proscriptions alimentaires, etc[9]. « Le préparateur d'un bwanga (pl. manga) comptait parmi les rares personnes possédant les capacités et le savoir nécessaires pour influencer et manipuler le pouvoir ou l'énergie qu'il contenait »[10]. Ce culte cibola, qui réfère, donc, au culte de fertilité, avait aussi pour but de provoquer la réincarnation, dans un nouveau-né, d'un ancêtre décédé récemment[11]. Certaines de ces statues ont été attribuées à des artistes identifiés, et bien connus dans leur village.

L'étude conduite par Constantin Petridis[20] tend à distinguer deux types d'objets associés à des styles différenciés. L'un, à tendance naturaliste stylisé, raffiné et détaillé, s'accompagnerait d'une professionnalisation des artistes et appartiendrait au domaine du politique. Ce serait un art de célébration, « confirmateur », en rapport avec la célébration de l'autorité et la préservation de l'ordre existant. L'autre, un art de processus, « transformateur », conçu pour provoquer le changement ou résoudre les problèmes liés au changement. Ces objets sont, alors, de nature principalement religieuse et d'aspect rudimentaire, leur formes et fonctions sont variées, la plupart des masques entre dans ce groupe. Pour ce groupe d'objet il s'agit d'un art populaire. Mais les preuves manquent d'une division sociale, en cours de formation au XIXe siècle, entre gens ordinaires et gouvernants, ou un début de hiérarchisation de la société dont ces deux types d'objets seraient le reflet. Il pourrait simplement s'agir d'une distinction fonctionnelle entre objets impliqués dans un processus et objets qui participeraient à la déclaration, ou l'affirmation des personnes chargées de l'autorité.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) J. S. Olson, « Lulua », in The Peoples of Africa: An Ethnohistorical Dictionary, Greenwood Publishing Group, 1996, p. 348
  2. (fr) « Congo-Kinshasa: La fin du conflit Lulua-Luba (1961) » [1]
  3. Source RAMEAU, BnF [2]
  4. (en) Fiche langue[lua]dans la base de données linguistique Ethnologue.
  5. C. Petridis, 2018, p. 34-35
  6. C. Petridis, 2018, p. 14-18
  7. C. Petridis, 2018, p. 58
  8. C. Petridis, 2018, p. 67
  9. C. Petridis dans Julien Volper dir., 2018, p. 35
  10. C. Petridis, 2018, p. 46
  11. C. Petridis dans Julien Volper dir., 2018, p. 33
  12. a et b Musée ethnologique de Berlin
  13. Tropenmuseum
  14. Musée royal de l'Afrique centrale. C. Petridis, 2018, p. 210 : "Cette sculpture parait unique dans le corpus luluwa " [...] "Il est impossible de confirmer que cette sculpture ait jamais été portée, car elle ne possède aucune trace d'usure."
  15. Masque facial (nkota) des Luluwa, utilisé dans les rituels de circoncision (mukanda). Bois, pigment, fibres. Musée royal de l'Afrique centrale
  16. Figure anthropomorphe bwanga bwa Cibola. Bois, enduit huileux, traces de pigment rouge tukula. 19e siècle. Honolulu Museum of Art
  17. Figurine destinée à protéger les enfants des sorciers (baloji) ; la lance plantée dans le corps de la statuette est censée tuer les sorciers ; le panier dissimulera les enfants à leurs yeux. Musée royal de l'Afrique centrale
  18. Musée royal de l'Afrique centrale
  19. Figurine protectrice faite de fibres tressées couvertes d'argile (bwaya) ; placée au confluent de deux cours d'eau pour assurer la prospérité du groupe. Musée royal de l'Afrique centrale
  20. C. Petridis, 2018, p. 218-220

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Basuakuamba, La fille du python : mythes lulua, Ceeba, Bandundu, 1979, 166 p. (texte bilingue).
  • Les Beena Luluwa : éléments du patrimoine culturel, Centre de recherches sur le Kasayi, Kananga, République du Zaire, 1988, 106 p.
  • T. K. Biaya, « À propos de la conception du rêve en milieu traditionnel Lulua », in Cahiers de sociologie économique et culturelle, 1985, no 4, p. 165-176
  • (de) Leo Frobenius, Ethnographische Notizen aus den Jahren 1905 und 1906 (éd. scientif. Hildegard Klein), F. Steiner Verlag Wiesbaden, Stuttgart, 1985, chap. III : Luluwa, Süd-Kete, Bena Mai, Pende, Cokwe (ISBN 3515042717)
  • Mabika Kalanda, Baluba et Lulua : une ethnie à la recherche d'un nouvel équilibre, Éditions de Remarques congolaises, Bruxelles, 1959, 106 p.
  • Mabika Kalanda, La révélation du Tiakani, Lask, Kinshasa, 1992, 173 p.
  • Ntambwe Luadia-Luadia, « Les Luluwa et le commerce luso-africain (1870-1895) », in Études d'histoire africaine, 1974, VI, p. 55-104
  • Ngindu Lukusa, Le mariage et ses implications chez les Luluwa de la République démocratique du Congo, L'Harmattan, Paris, 2009, 152 p. (ISBN 978-2-296-09517-5) (texte remanié d'une thèse de 3e cycle)
  • Jean Oscar N'galamulume, Luluwa : tribu du Kasaï occidental au Zaïre (réflexion aux petits jaloux), Esprit nouveau, chance nouvelle, fin des années 1970, 52 p.
  • Luntumbue Muenamuabo Wa Mafuala " Histoire de la Luluwa" Editions Jeune afrique/ Edition Conseil (ISBN 2-85258-272-4)
  • (en) James Stuart Olson, « Lulua », in The Peoples of Africa: An Ethnohistorical Dictionary, Greenwood Publishing Group, 1996, p. 54 (ISBN 9780313279188)
  • C. Petridis, Luluwa : Art d'Afrique centrale entre ciel et terre, Bruxelles, Fonds Mercator, , 239 p., 31 cm (ISBN 978-94-6230-213-6)
  • Julien Volper (commissaire de l'exposition) et al., Art sans pareil : Objets merveilleux du Musée royal de l'Afrique centrale, Anvers/Tervuren, Éditions BAI et Musée royal de l'Afrique centrale, , 176 p., 25 cm (ISBN 978-90-8586-777-7), p. 32-35 : Constantin Petridis

Discographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Kanyok and Luba : southern Belgian Congo : 1952 & 1957 (Hugh Tracey, collecteur), International Library of African Music, Grahamstown (Afrique du Sud), 1998, 1 CD (68 min 53 s) + 1 brochure (16 p.)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :