Méprobamate — Wikipédia

Méprobamate
Image illustrative de l’article Méprobamate
Identification
Nom UICPA carbamate de 2-carbamoyloxyméthyl-2-méthylpentyle
No CAS 57-53-4
No ECHA 100.000.306
No CE 200-337-5
Code ATC N05BC01
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C9H18N2O4  [Isomères]
Masse molaire[1] 218,250 2 ± 0,010 1 g/mol
C 49,53 %, H 8,31 %, N 12,84 %, O 29,32 %,
Données pharmacocinétiques
Demi-vie d’élim. 10 heures

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Le méprobamate, anciennement commercialisé sous le nom Equanil ou Miltown, est un médicament faisant partie de la famille des carbamates primaires[2], famille dont il a été le plus répandu. Il est toujours utilisé dans une dizaine de pays pour le traitement de l'anxiété ou de l'insomnie sévère[3], y compris parfois en médecine vétérinaire[4].

Historique et utilisation[modifier | modifier le code]

Introduit sur le marché américain durant les années 1950, il connut un succès fulgurant[5] en tant que remplaçant des médicaments barbituriques[6], connus pour engendrer des effets secondaires fréquents et une dépendance problématique. Aux États-Unis, il prit largement la place de ces produits dans tous leurs usages hormis la gestion de l'épilepsie, jusqu'à l'arrivée des benzodiazépines[7].

Il était utilisé en France depuis 1987 pour ses propriétés myorelaxantes (relaxation musculaire) et anxiolytiques[8], ainsi que pour assister le sevrage alcoolique jusqu'à son retrait du marché en 2012. Il était produit par le groupe Sanofi pour la France[8], et par Wyeth ou Wallace Laboratories à en Amérique[9].

Le produit a pendant un certain temps été considéré par le public tant que par les médecins comme un tranquillisant mineur[10],[11], en opposition aux barbitals considérés comme sédatifs à part entière, comme en témoignent encore certaines publications récentes[12],[13]. Cette distinction ne repose pas sur une claire différence en termes d'activité pharmacologique, si ce n'est que la famille des carbamates ne présente pas d'activité anti-glutamate à des doses thérapeutiques[14] (contrairement aux barbitals[15]) ce qui modère la sensation d'ivresse ressentie pour une sédation comparable[16].

Publicité vantant les mérites du méprobamate comme tranquillisant pour mineurs

Le méprobamate était souvent consommé à hauteur de 400mg par prise, voire 800mg si utilisé comme hypnotique[17],[18].

Pharmacologie et pharmacocinétique[modifier | modifier le code]

L'activité pharmacologique sédative du méprobamate repose en majorité sur la modulation positive des récepteurs GABA-A[14], de sous-types alpha et beta[19]. De ce fait, il augmente la réaction des récepteurs à leur activation par le GABA naturellement produit (ou par un autre agoniste, comme l'alcool[20]); ceci amplifie l'ouverture du canal ionique du chlore responsable de l'absorption par les neurones cibles de charges électriques négatives. Les neurones en question seront donc moins faciles à exciter par l’absorption d'ions positifs, et auront plus de mal à produire un courant électrique par dépolarisation[21]. Le composé est aussi capable d'activer seul ces récepteurs, il est donc lui-même un agoniste GABA-A à des doses thérapeutiques[14]. Il partage en grande partie cette activité avec son précurseur et analogue carisoprodol[22],[23]. À titre de comparaison, les benzodiazépines qui ont largement remplacé les carbamates ne sont que des modulateurs positifs de récepteurs GABA-A, et pas des agonistes en tant que tels[24].

La molécule agit à un rythme intermédiaire avec un pic plasmatique (Tmax) atteint en plus ou moins 2 heures[25],[26]. Ce tempo d'action rapproche le méprobamate de l'oxazépam[27] qui l'a en partie supplanté. Sa demi-vie d'élimination plutôt courte se situant entre 6 et 17 heures selon les patients[25] lui confère un profil polyvalent, ce qui explique son utilisation à la fois comme anxiolytique et comme hypnotique. Il était d'ailleurs aussi disponible en association avec d'autres hypnotiques anti-histaminiques[28] tels que l'acéprométazine.

Effets secondaires et risques[modifier | modifier le code]

Les effets indésirables rencontrés sont en particulier une certaine somnolence diurne, des nausées et une faiblesse musculaire[29], bien que ces effets ne soient réellement dérangeants que chez une minorité de patients[30], hormis les cas de dyskinésie chez les personnes âgées[31].

Son utilisation à long-terme pouvait induire une tolérance, dépendance et syndrome de sevrage non négligeable[32]. Tout comme pour les autres anxiolytiques et hypnotiques, l'apparition ou non d'une dépendance est largement influencée par quantités consommées[33]. Le méprobamate était globalement moins utilisé à des fins récréatives ou détournées que les barbituriques[34] ou la méthaqualone[35].

Les cas de surdose mortelle de méprobamate sont rares avec une incidence de moins de 5% parmi les personnes hospitalisées pour ce motif[36]. Le risque est cependant supérieur à celui lui de la surdose de benzodiazépines, ce qui explique en partie le retrait du méprobamate du marché européen[37].

Une utilisation simultanée de méprobamate, de benzodiazépines, d'alcool et/ou de narcotiques augmente fortement les risques encourus et les effets secondaires ressentis[38].

Propriétés physico-chimiques[modifier | modifier le code]

Le méprobamate ne possède pas d'atome de carbone asymétrique car deux des substituants attachés au C3 sont identiques.

Meprobamate
Informations générales
Princeps
  • Probamyl, Pertranquil, Sopanil (Belgique),
  • Équanil (France),
  • (Belgique, France),
  • Pertraquil, Miltown, Oasil (Suisse)
Classe Carbamate
Identification
No CAS 57-53-4 Voir et modifier les données sur Wikidata
No ECHA 100.000.306
Code ATC N05BC01
DrugBank 00371 Voir et modifier les données sur Wikidata

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. « Carbamates - DrugBank », sur www.drugbank.ca (consulté le )
  3. (en) « Meprobamate », sur Drugs.com (consulté le )
  4. « Med'Vet - Médicament NERVICANIS® Méprobamate », sur www.med-vet.fr (consulté le )
  5. (en) James H. Kocsis, « Happy pills in America: From Miltown to Prozac », The Journal of Clinical Investigation, vol. 119, no 7,‎ , p. 1744–1744 (ISSN 0021-9738, DOI 10.1172/JCI39766, lire en ligne, consulté le )
  6. (en-US) Gilbert Cant, « Americans are spending almost half a billion dollars a year on a drug to relieve their anxiety—a fact that is in itself considerable cause for anxiety. », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  7. (en-US) « Valium had many ancestors », sur Los Angeles Times, (consulté le )
  8. a et b HAS, COMMISSION DE LA TRANSPARENCE, « Avis du 17 novembre 2010 » (consulté le )
  9. (en) « Rubrique nécrologique de Frank Berger - Nature » (consulté le )
  10. (en) Dilip Ramchandani, Francisco López-Muñoz et Cecilio Alamo, « Meprobamate–Tranquilizer or Anxiolytic? A Historical Perspective », Psychiatric Quarterly, vol. 77, no 1,‎ , p. 43–53 (ISSN 1573-6709, DOI 10.1007/s11126-006-7960-z, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Mortimer Ostow, « Meprobamate Sedative or Tranquilizer », JAMA, vol. 193, no 3,‎ , p. 249–249 (ISSN 0098-7484, DOI 10.1001/jama.1965.03090030071033, lire en ligne, consulté le )
  12. « Acides aminés médiateurs – Complément historique », sur Pharmacorama, (consulté le )
  13. « Les tranquillisants mineurs », sur uriic.uqat.ca (consulté le )
  14. a b et c (en) Rho Jm et Donevan Sd, « Barbiturate-like Actions of the Propanediol Dicarbamates Felbamate and Meprobamate », sur The Journal of pharmacology and experimental therapeutics, 1997 mar (PMID 9067327, consulté le )
  15. (en) Wolfgang Löscher et Michael A. Rogawski, « How theories evolved concerning the mechanism of action of barbiturates », Epilepsia, vol. 53, no s8,‎ , p. 12–25 (ISSN 1528-1167, DOI 10.1111/epi.12025, lire en ligne, consulté le )
  16. Niladri Banerjee, « Neurotransmitters in alcoholism: A review of neurobiological and genetic studies », Indian Journal of Human Genetics, vol. 20, no 1,‎ , p. 20–31 (ISSN 0971-6866, PMID 24959010, PMCID 4065474, DOI 10.4103/0971-6866.132750, lire en ligne, consulté le )
  17. « Meprobamate Tablets 400mg - Summary of Product Characteristics (SmPC) - (emc) », sur www.medicines.org.uk (consulté le )
  18. (en) J.M.HINTON and E.MARLEY, « THE EFFECTS OF MEPROBAMATE AND PENTOBARBITONE SODIUM ON SLEEP »,
  19. Manish Kumar et Glenn H. Dillon, « Assessment of direct gating and allosteric modulatory effects of meprobamate in recombinant GABAA receptors », European journal of pharmacology, vol. 775,‎ , p. 149–158 (ISSN 0014-2999, PMID 26872987, PMCID 4806799, DOI 10.1016/j.ejphar.2016.02.031, lire en ligne, consulté le )
  20. « LE CERVEAU À TOUS LES NIVEAUX! », sur lecerveau.mcgill.ca (consulté le )
  21. « Le GABA : un neurotransmetteur bien excitant ! », sur www.echosciences-grenoble.fr (consulté le )
  22. Lorie A. Gonzalez, Michael B. Gatch, Cynthia M. Taylor et Cathy L. Bell-Horner, « Carisoprodol-Mediated Modulation of GABAA Receptors: In Vitro and in Vivo Studies », The Journal of Pharmacology and Experimental Therapeutics, vol. 329, no 2,‎ , p. 827–837 (ISSN 0022-3565, PMID 19244096, PMCID 2672873, DOI 10.1124/jpet.109.151142, lire en ligne, consulté le )
  23. Manoj Kumar, Lorie A. González et Glenn H. Dillon, « ASSESSMENT OF SUBUNIT-DEPENDENT DIRECT GATING AND ALLOSTERIC MODULATORY EFFECTS OF CARISOPRODOL AT GABAA RECEPTORS », Neuropharmacology, vol. 97,‎ , p. 414–425 (ISSN 0028-3908, PMID 25896767, PMCID 4737552, DOI 10.1016/j.neuropharm.2015.04.007, lire en ligne, consulté le )
  24. Elisabeth Bacon - Françoise Viennot, « Le système complexe des récepteurs GABA/benzodiazépine »
  25. a et b « Méprobamate », sur pharmacomedicale.org (consulté le )
  26. Laszlo Prokai, Petr Fryčák, Vien Nguyen et Michael J. Forster, « Mass spectrometric analysis of carisoprodol and meprobamate in rat brain microdialysates », Journal of mass spectrometry : JMS, vol. 51, no 10,‎ , p. 900–907 (ISSN 1076-5174, PMID 27747995, PMCID 5315026, DOI 10.1002/jms.3799, lire en ligne, consulté le )
  27. Dr Anne CHIFFOLEAU, « Pharmacologie des traitements psychiatriques, risque fœtal et néonatal »
  28. « MEPRONIZINE - Méprobamate - Posologie, Effets secondaires, Grossesse », sur Doctissimo (consulté le )
  29. (en) « Side Effects of Meprobamate (Meprobamate), Warnings, Uses », sur RxList (consulté le )
  30. (en) « Meprobamate Side Effects: Common, Severe, Long Term », sur Drugs.com (consulté le )
  31. (en) « Drugs & Medications », sur www.webmd.com (consulté le )
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  33. (en-US) « Miltown, Equanil (Meprobamate) Addictions », sur Drug Addiction Treatment, (consulté le )
  34. (en) Zawertailo La et Busto Ue, « Comparative Abuse Liability and Pharmacological Effects of Meprobamate, Triazolam, and Butabarbital », sur Journal of clinical psychopharmacology, 2003 jun (PMID 12826989, consulté le )
  35. (en) Robert J. Kempton et Thomas Kempton, « Methaqualone Abuse: An Epidemic for the Seventies », Journal of Drug Education, vol. 3, no 4,‎ , p. 403–413 (ISSN 0047-2379, DOI 10.2190/QTFK-7D1P-G59B-C42T, lire en ligne, consulté le )
  36. « UpToDate », sur www.uptodate.com (consulté le )
  37. « Spécialités per os contenant du méprobamate seul, suspension des AMM en janvier 2012 », sur VIDAL (consulté le )
  38. « The Perfect Storm: Opioid Risks and 'The Holy Trinity' », sur Pharmacy Times (consulté le )