Mansplaining — Wikipédia

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Le mansplaining (de l'anglais « man », homme, et « explaining », explication) est un concept féministe né dans les années 2010 qui désigne une situation dans laquelle un homme explique à une femme quelque chose qu'elle sait déjà, voire dont elle est experte, souvent sur un ton paternaliste ou condescendant[1],[2],[3].

Le terme est apparu en 2008 aux États-Unis dans un article de Rebecca Solnit paru sur le site TomDispatch. L’article, intitulé Ces hommes qui m’expliquent ma vie, raconte comment un homme a voulu lui expliquer le sens d'un livre qu'elle avait elle-même écrit, sans l'écouter quand elle disait en être l'autrice. Elle voit dans ce phénomène une combinaison d'excès de confiance et d'ignorance de la part de l'interlocuteur[4],[5].

Lily Rothman, du magazine The Atlantic, définit cette notion comme une explication, souvent donnée par un homme à une femme, qui ne prend pas en compte le fait que la personne qui reçoit l'explication en sait plus que celui qui la donne[6]. Pour le site Madmoizelle.com, il s'agit d'un homme expliquant à une personne concernée, alors que lui-même n'est pas affecté par la question, ce qu'elle doit faire ou penser, sans prendre en compte le vécu personnel de son interlocutrice[7].

Des équivalents en français ont été proposés : mecsplication en France[8] et en Belgique[9], pénispliquer au Québec[10] ; mais aucune forme ne s'est imposée.

Concept[modifier | modifier le code]

Histoire[modifier | modifier le code]

Il s'agit d'un mot-valise qui tire son étymologie des mots anglais man (homme) et explaining (qui explique).

Le terme « splaining » et le verbe « splain » en anglais existent depuis 1989 et décrivent en général des explications condescendantes qu'elles soient courtes ou étendues. Dès lors, le terme a connu plusieurs préfixes se référant à la personne qui fait l'explication[11]. Le terme « mansplaining » est celui qui est le plus communément utilisé et serait apparu en 2008 après la publication d'un article de l'écrivaine Rebecca Solnit dans le Los Angeles Times, où elle racontait comment son interlocuteur lui avait longuement parlé d'un livre, sans qu'elle parvienne à lui expliquer qu'elle en était l'auteure[12],[13]. Elle n'utilise pas le terme « mansplaining » mais décrit le phénomène comme quelque chose que toutes les femmes connaissent, et les premières occurrences du mot apparaissent sur Internet à ce moment-là[14].

À l'occasion de la publication en français en 2018 de son livre Ces hommes qui m’expliquent la vie, Rebecca Solnit déclare que « tandis que j’hésitais toujours à en faire usage, une jeune étudiante à l’université de Berkeley m’a fait remarquer que ce mot était important, voire précieux, parce qu’il permettait de nommer une expérience qu’elle - comme beaucoup d’autres - avait connue. Nommer, identifier ce phénomène permet de comprendre que c’est un schéma, un syndrome, pas seulement une expérience personnelle malheureuse. Diagnostiquer un mal est la première étape nécessaire pour commencer à l’endiguer. Je suis heureuse d’y avoir contribué. Désormais je valide le terme - quand il est employé à bon escient, bien sûr - sans toutefois l’utiliser souvent »[15].

Au départ, le terme est devenu populaire sur les blogs féministes, et est devenu courant au fil du temps[6]. D'ailleurs en 2010, il est apparu dans la liste des « mots de l'année » dans le The New York Times[16], il a également été nommé pour le mot le plus créatif par l’American Dialect Society en 2012[17], et a été ajouté en 2014 dans le dictionnaire en ligne Oxford Dictionaries[18].

Vocabulaire associé[modifier | modifier le code]

D'autres termes comme « gaysplaining » existent et n'ont pas cette connotation négative, mais décrivent une explication au sens d'origine du mot[pas clair][19]. On peut aussi parler de « dadsplaining » pour plus de précision sur l'application exacte d'un cas de « mansplaining ».

Certains considèrent qu'il existe un comportement symétrique qu'on peut nommer « womansplaining ». Dans une discussion entre femmes et hommes, ce terme désigne le comportement d'une femme qui se considère de par son genre comme détenant la vérité sur un ou plusieurs sujets abordés[20],[21]. L'emploi du terme womansplaining se fait aussi dans une discussion lorsqu'un interlocuteur note que son point de vue est dévalorisé de par le genre masculin qu'il porte. Il fut employé avec ce sens par le sénateur Mitch Fifield (en) (libéral) lors d'un débat au Sénat australien en 2016[22]. Selon certaines personnes, le mot « womansplaining » nierait le problème sexiste à l'origine du mansplaining[23].

Le concept est à mettre en relation avec d'autres termes comme celui de « manspreading » ou « manslamming », dont les concepts ont trait à la place occupée par les hommes dans l'espace public[24], ou encore avec le manterrupting, et au fait que les hommes auraient tendance à couper la parole aux femmes plus souvent que l'inverse[25].

Exemples[modifier | modifier le code]

Le journal The Atlantic cite comme exemple historique de « mansplaining » les propos du théologien Lyman Abbott, lequel affirmait que les femmes ne voulaient pas du droit de vote, en dépit de la montée des mouvements suffragistes.

Un exemple historique plus récent est celui de Ronald Reagan expliquant, en 1980 lors du débat pour la présidence face à Jimmy Carter, que la discrimination en matière d'emploi était dans l'intérêt des femmes[14].

Critiques[modifier | modifier le code]

Une critique dans les milieux féministes du mot mansplaining est que l'utilisation de mots-valises de ce genre permet d'avoir une expression toute simple, qui ne pousse pas à la réflexion sur pourquoi le phénomène existe. De plus, accuser son adversaire de mansplaining permet de couper court à tout débat sous prétexte de sexisme. Enfin, l'idée de « mansplaining » semble empêcher de réfléchir plus largement aux oppressions au-delà du dualisme homme-femme[26].

Un autre reproche couramment évoqué est l'utilisation de néologismes très fréquents sur les réseaux sociaux, mais peu dans les médias et le quotidien, et qui simplifient une réalité plus complexe[27].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Les nouveaux mots du féminisme », sur Le Monde, (consulté le ).
  2. « Pénispliquer, Manspreading… Le lexique des féministes dernière génération », sur RTL, (consulté le ).
  3. « Mansplaining : «Les mots sont liés au pouvoir» », sur Libération, (consulté le ).
  4. (en) Rebecca Solnit, « Men Still Explain Things to Me », sur thenation.com, (consulté le ).
  5. « Mansplaining, slutshaming, dick picking… Les mots de la domination masculine », sur L'Obs (consulté le )
  6. a et b (en) Rothman Lily, « A Cultural History of Mansplaining », sur theatlantic.com, (consulté le ).
  7. « Je veux comprendre… le mansplaining », madmoiZelle.com,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. « La mecsplication, vous connaissez ? - Les Glorieuses », sur Les Glorieuses (consulté le ).
  9. Camille Hanot, « La "mecsplication": cette manie des hommes à nous expliquer ce que l'on sait », sur Flair.be, (consulté le )
  10. « En Français SVP: remplacer mansplaining par « pénispliquer » », sur On dira ce qu'on voudra, (consulté le ).
  11. (en) « "Mansplaining" Spawns a New Suffix », sur vocabulary.com, (consulté le ).
  12. Rebecca Solnit, « Why "Mansplaining" Is Still a Problem », AlterNet,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. (en-US) Hugo Schwyzer, « Five Tips for the Mansplainers in Your Life », Jezebel,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. a et b (en) « A cultural history of mansplaining », sur The Atlantic, .
  15. Virginie Ballet, « Mansplaining : «Les mots sont liés au pouvoir» », sur liberation.fr, (consulté le ).
  16. (en) « Mansplaining, Explained », .
  17. (en) « Tag, You're It! "Hashtag" Wins as 2012 Word of the Year », .
  18. (en) « New words added to OxfordDictionaries.com today include binge-watch, cray, and vape », .
  19. (en) « Welcome to Outward », .
  20. (en) Caroline Turner, « Mansplaining and Womansplaining: When Women Talk Down to Men », sur HuffPost, (consulté le ).
  21. (en) « Urban Dictionary: Womansplaining », sur Urban Dictionary (consulté le ).
  22. « "What's mansplaining?" Senator Mitch Fifield offended by Senator Katy Gallagher's allegation ».
  23. (en-US) « New word alert: Mansplaining », Breaking Copy,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  24. (en-US) « From Manspreading to Mansplaining — 6 Ways Men Dominate the Spaces Around Them », Everyday Feminism,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  25. « Le manterrupting : quand le sexisme coupe la parole aux femmes », sur positivR.fr, .
  26. (en-GB) « Allow me to explain why we don't need words like 'mansplain' », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
  27. « Puis-je mecspliquer? », Lesoir.be,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Anne-Charlotte Husson. Feminist Thought and Online Lexical Creativity: the Case of "Mansplaining". Feminist Thought - Politics of Concepts. 5th Christina Conference on Gender Studies, May 2013, Université d'Helsinki, Finlande. <hal-01250695>
  • Imperatori-Lee, Natalia. “Father Knows Best: Theological ‘Mansplaining’ and the Ecclesial War on Women.” Journal of Feminist Studies in Religion, vol. 31, no. 2, 2015, p. 89–108. JSTOR
  • Poland, Bailey. “Don't Feed the Trolls: Why Advice about Cybersexism Fails.” Haters: Harassment, Abuse, and Violence Online, University of Nebraska Press, Lincoln, 2016, p. 61–88, JSTOR
  • Rebecca Solnit, Ces hommes qui m'expliquent la vie, éditions de l'Olivier, 2018.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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