Massacre de Shadian — Wikipédia

Massacre de Shadian
Image illustrative de l’article Massacre de Shadian
Province du Yunnan, Chine

Date 1975
Lieu district de Mengzi, Yunnan, Drapeau de la République populaire de Chine Chine
Morts 1 600
Motif Révolution culturelle

Le massacre de Shadian est un massacre qui a eu lieu en 1975 (pendant la révolution culturelle chinoise) dans le village de Shadian (commune de Jijie, district de Mengzi, au Yunnan), en Chine[1],[2],[3],[4],[5]. Le massacre a eu lieu dans sept villages de la province du Yunnan, en particulier dans la ville de Shadian dans la ville de Gejiu, en juillet et , causant la mort de plus de 1 600 civils (866 de Shadian seulement), dont 300 enfants, et détruisant 4 400 maisons[1],[3],[4],[6],[7],[8],[9].

Pendant la période « Boluan Fanzheng », l'incident a été considéré comme une "erreur" par le Parti communiste et les victimes ont été réhabilitées[10].

Contexte[modifier | modifier le code]

La Grande Mosquée de Shadian au Yunnan, Chine

Shadian est un village de la minorité hui, majoritairement musulmane, dont la population s'élevait à sept ou huit mille personnes, soit environ un millier de foyers. Il est un centre ancien de la culture musulmane en Asie du Sud-Est et dans le sud-ouest de la Chine[11]. Soumis au processus de collectivisation des terres, le village est obligé d'abandonner les cultures maraîchères, traditionnelles, pour la production céréalière en 1959. Ce changement plonge la population dans la misère de 1959 à 1961. C'est la raison de la revendication exprimée de manière continue par la population, entre 1969 et 1975, du retour à la production maraîchère, revendication jamais acceptée par les autorités[12].

Un autre motif de mécontentement est la présence de cadres corrompus, appartenant au Parti communiste chinois et à l'administration locale, que la justice refuse de condamner[13].

Enfin la politique antireligieuse de la république populaire de Chine, qui se manifeste d'abord par l'interdiction de la prière pendant le travail, s'accentue durant la Révolution culturelle, avec l'installation dans le village de « brigades de propagande » qui s'en prennent à la population. Pendant cette période, deux factions de gardes rouges s'opposent dans la province du Yunnan, la faction dite d'« Août » et celle dite du « Canon »[14]. En , l'armée intervient pour mettre un terme au conflit entre ces deux factions dans le village, mais le fait en s'en prenant aux chefs religieux[15].

En 1974, deux nouvelles organisations, majoritairement issues des deux précédentes, s'affrontent dans le Yunnan : l'« Antirestauration », qui a le soutien des autorités, et le « Contre-courant ». Les villageois de Shadian appartiennent à la seconde, les manifestations religieuses leur sont donc interdites, certains habitants sont torturés. Dans le même temps les graves troubles dans la province inquiètent les autorités de Pékin[16].

Le massacre[modifier | modifier le code]

Après une première tentative pour pénétrer dans le village en mai, le , l'Armée populaire de libération, chargée de la « pacification » avec environ 10 000 hommes, tente de nuit de l'investir. Les habitants mettent en échec l'opération et résistent durant quatre jours. L'APL décide alors de bombarder le village avant d'y pénétrer, en tirant sur les habitants. Le village est entièrement en ruines. Il n'existe pas de chiffres certains du nombre de tués, estimés cependant à un millier[17]. Pour justifier le massacre, l'armée présente par la suite de fausses preuves, destinées à faire croire à un projet de fondation de « république islamique »[18].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Le massacre de Shadian s'inscrit dans la série des nombreux massacres commis par l'Armée populaire de libération à partir de 1967, quand elle est chargée, seule institution stable, de remettre de l'ordre dans le pays[19]. En , le Parti communiste chinois a présenté des excuses[20] et attribué la responsabilité du massacre à Jiang Qing et son entourage[21], alors qu'en réalité la décision d'envoyer l'armée contre le village de Shadian a été prise par Deng Xiaoping[réf. à confirmer][22].


Article connexe[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Dru C. Gladney, Muslim Chinese : Ethnic Nationalism in the People's Republic, Harvard Univ Asia Center, , 481 p. (ISBN 978-0-674-59497-5, lire en ligne)
  2. (en) Roderick MacFarquhar et Michael Schoenhals, Mao's Last Revolution, Harvard University Press, , 693 p. (ISBN 978-0-674-02332-1, lire en ligne)
  3. a et b (en) Yongming Zhou, Anti-drug crusades in twentieth-century China : nationalism, history, and state building, Lanham, Md., Rowman & Littlefield, , 195 p. (ISBN 978-0-8476-9598-0, lire en ligne)
  4. a et b (en-US) « China's Puzzling Islam Policy », sur Stanford Politics, (consulté le )
  5. (en) Alice Su, « Harmony and Martyrdom Among China’s Hui Muslims », sur The New Yorker (consulté le )
  6. (en-US) World Peace Foundation, « China: the Cultural Revolution | Mass Atrocity Endings » (consulté le )
  7. « Shadian's Muslim communities and trans-local connectivities: observations from the field | IIAS », sur www.iias.asia (consulté le )
  8. (en) « Chronology of Mass Killings during the Chinese Cultural Revolution (1966-1976) | Sciences Po Mass Violence and Resistance - Research Network », sur chronology-mass-killings-during-chinese-cultural-revolution-1966-1976.html (consulté le )
  9. Zainab Khalid, Rise of the Veil : Islamic Modernity and the Hui Woman, SIT Graduate Institute - Study Abroad, (lire en ligne)
  10. « 骇人听闻的云南沙甸惨案 », sur www.yhcqw.com (consulté le )
  11. Dru C. Gladney, Muslim Chinese: ethnic nationalism in the People's Republic, Harvard, 1991, p. 137.
  12. Ma Ping, « Le génocide de musulmans dans le village de Shadian au Yunnan », pp. 409-411.
  13. Ma Ping, « Le génocide de musulmans dans le village de Shadian au Yunnan », p. 411.
  14. Ma Ping, « Le génocide de musulmans dans le village de Shadian au Yunnan », pp. 411-413.
  15. Dru C. Gladney, Muslim Chinese: ethnic nationalism in the People's Republic, p. 138.
  16. Ma Ping, « Le génocide de musulmans dans le village de Shadian au Yunnan », pp. 413-414.
  17. Michael Dillon, China's Muslim Hui community: migration, settlement and sects, Curzon Press, 1999, pp. 165-166.
  18. Ma Ping, « Le génocide de musulmans dans le village de Shadian au Yunnan », pp. 415-416.
  19. Song Yongyi, avant-propos aux Massacres de la Révolution culturelle, pp. 38-41.
  20. Susan McCarthy, Gods of Wealth, « Temples of Prosperity : Party State Participation in the Minority Cultural Revival », China, An International Journal, vol. 2, n° 1, 2004, p. 33.
  21. Ma Ping, « Le génocide de musulmans dans le village de Shadian au Yunnan », pp. 416-417.
  22. Kimberly E. Manning, compte-rendu de Roderick Macfarquhar et Michael Schoenhals, Mao's last revolution, Harvard University Press, 2006, dans Pacific Affairs, volume 80, n° 3, 2007, p. 507. [lire en ligne]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ma Ping, « Le génocide de musulmans dans le village de Shadian au Yunnan », dans Les Massacres de la Révolution culturelle (collectif), trad. Marc Raimbourg, Buchet-Chastel, 2008, rééd. Gallimard, coll. « Folio ».