Missionnaire chrétien — Wikipédia

Le missionnaire anglican et marchand d'armes Thomas Kendall auprès du chef Waikato Hongi Hika, peinture à l'huile de James Barry (1820), bibliothèque nationale de Nouvelle-Zélande.

Un missionnaire chrétien est un chrétien qui fait de l’évangélisation dans le cadre d’une mission, généralement à l’étranger.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Un missionnaire est un croyant qui présente, annonce et diffuse sa croyance religieuse à une population ou des gens qui ne la connaissent pas ou qui ont d'autres croyances[1],[2]. Il a un appel à la mission et un mandat donné par une organisation missionnaire, un ordre religieux ou une Église, il se déplace géographiquement et ressent[1]. Concrètement, les missionnaires partagent l’Évangile à l’échelle individuelle en donnant leur témoignage et à l’échelle publique par des réunions, souvent en plein-air[3]. Le travail missionnaire peut inclure également du travail social ou humanitaire chrétien[4].

Origine[modifier | modifier le code]

L’origine du travail missionnaire chrétien peut être situé dans la mission donnée par Jésus-Christ à ses apôtres après la Résurrection dans l'Évangile de Matthieu : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit »[5],[6].

Si, dans le Nouveau Testament, le mot missionnaire n'apparaît pas, le terme grec « apôtre » et ses dérivés, très fréquents dans les Évangiles et autres écrits néo-testamentaires, a la même signification (« envoyé ») que le mot « missionnaire »[7].

Dans le christianisme, le missionnaire ou l'évangélisateur est un don de Dieu pour l'Église qui est « peuple de Dieu » : « Et il [Dieu] a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l'œuvre du ministère et de l'édification du Corps du Christ (l'Église) »[8],[9].

Histoire[modifier | modifier le code]

Du XVIe au XXe siècle, les missionnaires chrétiens ont souvent accompagné les explorateurs, la colonisation européenne[10],[11] puis le début des indépendances[12]. Un effet collatéral de cette activité missionnaire essentiellement européenne a été la collecte d'une importante base de connaissances linguistiques et ethnographiques[13]. En 2004, la Corée du Sud devient la deuxième source de missionnaires dans le monde, après les États-Unis et devant l’Angleterre[14],[15].

Catholicisme[modifier | modifier le code]

Saint François Xavier baptisant un enfant à Goa en Inde.

Dans le catholicisme, les missionnaires sont généralement des évêques, des prêtres, des frères religieux ou des sœurs religieuses[16].

Dans son décret Ad Gentes sur l’activité missionnaire de l'Église le concile Vatican II rappelle que tout chrétien est appelé par son baptême à être missionnaire, ne fût-ce que par le témoignage de sa vie personnelle inspirée par les valeurs de l’Évangile.

Lorsque les premières missions outre-mer furent entreprises, les missionnaires ont pu être bien accueillis[17], mais lorsque leurs liens avec le pouvoir colonial apparurent, comme ce fut le cas en Chine ou au Japon, les autorités les expulsèrent et les nouveaux chrétiens furent parfois persécutés. Les Jésuites ont eu une grande activité missionnaire, dès le XVIe siècle, importante et innovatrice, en Amérique latine, en Inde, en Chine et Extrême-Orient et en Afrique. Des essais poussés d’inculturation ont quelquefois causé de vives querelles et controverses. La plus célèbre est la « Querelle des rites chinois » au XVIIe siècle.

Au XIXe siècle, de nombreux instituts religieux masculins et féminins ainsi que des associations sont fondés avec vocation missionnaire explicite, en Afrique ou ailleurs. Ainsi l'Œuvre pontificale de la propagation de la foi créée par Pauline Jaricot en 1822 ; la fondation des Missionnaires d'Afrique (Pères blancs) en 1868 et celle des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d'Afrique en 1869 par le cardinal Charles Lavigerie, ou les pères Spiritains. Des missions ont également lieu en pays protestants, comme celle du jésuite Joseph Deharbe en 1840-1842 à Köthen dans la principauté d'Anhalt en Allemagne[18].

Au XXe siècle, Thérèse de Lisieux (1873-1897) est proclamée patronne des missions de l'Église universelle en 1997[19].

Protestantisme[modifier | modifier le code]

Les Églises protestantes ont été établies dans le courant du XVIe siècle au milieu de nombreuses guerres et luttes contre les princes catholiques ou des protestants différents (voir Guerre des Paysans Ce lien renvoie vers une page d'homonymie), ce qui ne leur a pas permis de se tourner vers la mission à cette époque[20]. C'est seulement au cours du XVIIIe siècle qu'on assiste à de premières et timides organisations de missionnaires, en particulier de la part des Frères moraves à partir de 1732 et de la part des calvinistes nord-américains auprès des Indiens mohicans du Massachusetts à Stockbridge en 1736[21].

En 1886, le Student Volunteer Movement for Foreign Missions (Mouvement volontaire étudiant pour les Missions étrangères) est créé pour promouvoir l'idée missionnaire et recruter des missionnaires parmi les étudiants américains[22], ce qu'il fait pendant près de 80 ans, recrutant des milliers de missionnaires protestants au sein des universités américaines.

Christianisme évangélique[modifier | modifier le code]

Dans le christianisme évangélique, les églises mettent beaucoup d’importance à l’engagement de chaque fidèle dans l’évangélisation comme missionnaire, au niveau local et à l’étranger[23],[24].

En 1960, plus de la moitié des missionnaires américains protestants sont évangéliques[25]. Les missions américaines et européennes pentecôtistes sont également nombreuses, mais le pentecôtisme va surtout se développer de façon autonome, par des résidents non-étrangers, dans diverses régions du monde, notamment en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie[26].

En 2007, il y avait plus 10 000 missionnaires baptistes dans des missions outre-mer dans le monde[27].

Critiques[modifier | modifier le code]

En 1949, le gouvernement communiste de Mao Zedong a expulsé les missionnaires en raison de leur influence hégémonique étrangère dans le pays et a fondé en 1954 le mouvement patriotique des trois autonomies, une organisation protestante gouvernementale de la République populaire de Chine, afin d’assurer une compatibilité de la religion avec le communisme[28].

Dans les années 1950, des érudits arabes et indiens, ont critiqué les missionnaires chrétiens pour leur impérialisme culturel occidental et leur matérialisme[29].

Au XXe siècle, plusieurs sociologues ont dénoncé la place des missionnaires chrétiens dans la colonisation et l’assimilation culturelle des peuples autochtones[30]. En 1974, lors du Premier congrès international sur l'évangélisation mondiale à Lausanne, les églises chrétiennes évangéliques ont confessé leur passé colonial et leur impérialisme et ont plaidé en faveur d’un mouvement de « contextualisation » qui consiste à être plus sensible aux dimensions culturelles locales[31].

En 2021, lors de la pandémie du Covid-19, des missionnaires évangéliques ont été critiqués au Brésil pour leur opposition au vaccin contre cette maladie dans des communautés indigènes[32].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) William H. McNeill, Jerry Bentley et Christian, Berkshire Encyclopedia of World History, USA, Berkshire Publishing Group, , 2e éd., p. 1718.
  2. Dictionnaire Larousse, Missionnaire, consulté le 4 juin 2020.
  3. (en) Paula L. Aymer, Evangelical Awakenings in the Anglophone Caribbean, Springer, USA, , p. 94
  4. (en) John Stott, Christian Mission in the Modern World, InterVarsity Press, USA, , p. 41
  5. Matthieu au chapitre 28 : 19-20
  6. (en) Michael W. Goheen, Introducing Christian Mission Today: Scripture, History and Issues, InterVarsity Press, USA, , p. 61
  7. (en) Patrick Johnstone, The Future of the Global Church: History, Trends and Possiblities, InterVarsity Press, USA, , p. 226
  8. Ep 4,11-12
  9. (en) Stanley James Grenz, Theology for the Community of God, Wm. B. Eerdmans Publishing, USA, , p. 662
  10. (en) Dana L. Robert, Christian Mission: How Christianity Became a World Religion, John Wiley & Sons, USA, , p. 46-47
  11. Voir, par exemple, Michel Bée, « La Christianisation de la basse Côte d'Ivoire », Revue française d'histoire d'outre-mer, t. 62, no 229,‎ 4e trimestre 1975, p. 619-639 (DOI 10.3406/outre.1975.1874, lire en ligne)
  12. Annie Lenoble-Bart (dir.), Missionnaires et Églises en Afrique et à Madagascar (XIXe et XXe siècles), Anthologie de textes missionnaires, Turnhout (Belgique), Brepols, , 733 p.
  13. Voir par exemple Yvonne Munnick, « La mission de Paris au Lesotho : évangélisation et indépendance politique », Protestantisme et autorité, Revue Anglophonia, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, no 17,‎ , p. 396 (ISBN 2858167761).
  14. (en) Norimitsu Onishi, « Korean Missionaries Carrying Word to Hard-to-Sway Places », New York Times,‎ (lire en ligne)
  15. (en) Quentin J. Schultze et Robert Herbert Woods Jr., Understanding Evangelical Media: The Changing Face of Christian Communication, InterVarsity Press, USA, , p. 244
  16. (en) William J. Collinge, Historical Dictionary of Catholicism, Scarecrow Press, USA, , p. 290
  17. Ainsi le roi de Bungo (Yamaguchi au Japon) donne à François Xavier la permission de prêcher (1551) (dans (en) Georg Schurhammer, Francis Xavier: His life, His Times, vol. IV : Japan and China (1549-1552), Rome, Institut historique S.I., 1973-1980. En 1578 l’empereur Akbar invite les jésuites à sa cour de Fatehpur-Sikri (lettre d’invitation dans (en) John Correia-Afonso, Letters from the Mughal court, Anand, , p. 1). Vers 1626, le roi de Gugé (Tibet occidental) insiste pour que Antonio de Andrade revienne chez lui (cf. : (en) C. Wessels, Early Jesuit travellers in Central Asia (1603-1721), La Haye, , p. 66. Il y a également l’édit de tolérance de l’empereur de Chine,Kangxi (22 mars 1692). Également au Congo, en Éthiopie…
  18. Paul Bailly, « Deharbe (Joseph), jésuite, 1800-1871 », dans Dictionnaire de spiritualité, Beauchesne, (lire en ligne Inscription nécessaire), tome 3, col. 104.
  19. Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, Thérèse de Lisieux, docteur de l'Église (+ 1897) sur le site Nominis de l'Église catholique
  20. (en) Olivier Roy, Holy Ignorance : When Religion and Culture Part Ways, New York, Columbia University Press, , 48–56 p. (ISBN 978-0-231-70126-6)
  21. (en) J. Gordon Melton, Encyclopedia of Protestantism, Infobase Publishing, USA, , p. XV11
  22. « Guide to the Student Volunteer Movement for Foreign Missions Records, historical overview », sur le site de la Bibliothèque de l’Université de Yale (consulté le )
  23. « Islam-christianisme : l’activité missionnaire évangélique dans le monde musulman », sur saphirnews.com, France,
  24. (en) Donald M. Lewis et Richard V. Pierard, Global Evangelicalism: Theology, History & Culture in Regional Perspective, InterVarsity Press, USA, , p. 206
  25. (en) Samuel S. Hill, Charles H. Lippy et Charles Reagan Wilson, Encyclopedia of Religion in the South, Mercer University Press, États-Unis, , p. 304
  26. (en) Allan Anderson, An Introduction to Pentecostalism: Global Charismatic Christianity, Cambridge University Press, Royaume-Uni, , p. 175
  27. (en) William H. Brackney, Historical Dictionary of the Baptists, Scarecrow Press, USA, , p. 391
  28. (en) Stanley D. Brunn, The Changing World Religion Map: Sacred Places, Identities, Practices and Politics, Springer, USA, , p. 2063
  29. (en) Dana L. Robert, Christian Mission: How Christianity Became a World Religion, John Wiley & Sons, USA, , p. 96-97
  30. (en) Steven Kaplan, Indigenous Responses to Western Christianity, NYU Press, USA, , p. 15-16, 155
  31. (en) David R. Swartz, Facing West: American Evangelicals in an Age of World Christianity, Oxford University Press, USA, , p. 113
  32. « Brazil: missionaries 'turning tribes against coronavirus vaccine », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Samuel Gance, Anton ou la trajectoire d'un père : L'histoire romancée du père Anton Docher, Paris, L'Harmattan, , 208 p. (ISBN 978-2-336-29016-4)
  • Paul-André Turcotte, « Pour une sociologie du migrant - La figure du missionnaire », Incursions, no 4,‎ .
  • Paul-André Turcotte, Le regard de l’autre, les Viateurs français en Bas-Canada (1847-1870) : le missionnaire comme migrant et étranger, Claretianum, Role, , 56 p.
  • Élisabeth Dufourcq, Les aventurières de Dieu : Trois siècles d'histoire missionnaire française, Librairie Académique Perrin, , 784 p. (ISBN 978-2262030926)
  • François Blanchetière, Les premiers chrétiens étaient-ils missionnaires ?, Paris, Éd du Cerf, coll. « Initiations générales, », , 240 p. (ISBN 978-2-2040-7010-2)
  • Madhya Pradesh, Vindicated by time: The Niyogi Committee report on Christian missionary activities, New Delhi, Voice of India,
  • (en) S. R. Goel, History of Hindu-Christian encounters, AD 304 to 1996, (ISBN 8185990352)
  • (en) A. Shourie, Missionaries in India: Continuities, changes, dilemmas, New Delhi, ASA Publications,
  • Amédée Nagapen, La Naturalisation du Père J.-D Laval et des missionnaires spiritains - Un volet de la politique coloniale britannique à l'île Maurice, Port-Louis, Diocèse de Port-Louis, .
  • Joseph Janin, Le clergé colonial de 1815 à 1850, Imprimerie H. Basuyau, Toulouse, , 421 p. (lire en ligne).
  • Paul Mury, Les jésuites à Cayenne : histoire d'une mission de vingt-deux ans dans les pénitenciers de la Guyane, Strasbourg, F.-X. Le Roux, , 264 p. (lire en ligne).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]