Nicole-Reine Lepaute — Wikipédia

Nicole-Reine Lepaute
Description de cette image, également commentée ci-après
Guillaume Voiriot, Portrait de Nicole-Reine Lepaute[note 1]
Nom de naissance Nicole-Reine Étable
Naissance
Paris, France
Décès (à 65 ans)
Paris, France
Nationalité française
Conjoint Jean André Lepaute
Domaines Astronomie
Mathématiques
Renommée pour Comète de Halley

Nicole Reine[note 2] Lepaute, née Étable, le à Paris, morte dans la même ville le , est une calculatrice[note 3] et astronome française. Elle est, avec Caroline Herschel et la marquise du Châtelet une des principales femmes scientifiques du siècle des Lumières.

Son travail est souvent inclus dans celui d'autres auteurs, dont Jérôme de Lalande et son mari, Jean André Lepaute. Mais, s'il faut en croire Lalande, qui l'aimait beaucoup, elle était « un maître plutôt qu'un émule[1] ». Elle a notamment aidé au calcul de la date précise du retour de la comète de Halley de 1759 et est une contributrice majeure au calcul de l'éphéméride astronomique La connaissance des temps.

Biographie[modifier | modifier le code]

Premières années[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Nicole Reine Étable[note 4] naît à Paris le , dans le palais du petit Luxembourg, où logent ses parents[note 5]. Elle est la sixième de neuf enfants. Plusieurs membres de la famille Étable sont alors au service de la famille d'Orléans, à Versailles, puis au palais du Luxembourg. Son père, Jean Étable, ancien valet de pied de la duchesse de Berry, Louise Élisabeth d'Orléans, reine douairière d'Espagne. Son enfance et sa jeunesse donnent à Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande des raisons de penser que, même jeune, « elle avait trop d'esprit pour n'avoir pas de la curiosité[2] » ; elle n'a pu être qu'autodidacte.

Calculs de Nicole-Reine pour le Traité d’horlogerie de son mari.

Épouse d'un horloger[modifier | modifier le code]

Nicole Reine fait la connaissance des frères Lepaute (on trouve aussi « le Paute ») lorsque ces derniers viennent installer au palais du Luxembourg une horloge d’un nouveau type. Le , à l’âge de vingt-six ans, elle épouse l'horloger Jean André Lepaute. En partageant le travail de son mari, elle fait la connaissance de Jérôme de Lalande, qui obtient peu de temps après un observatoire au-dessus du porche du palais du Luxembourg.

En 1753, Lalande est chargé par l’Académie des sciences d’étudier une horloge de Jean André Lepaute qui est munie d’un échappement d’un nouveau type. Encouragé par Lalande, Jean André Lepaute — qui devient horloger du roi en 1753 — se lance dans la conception et la construction de pendules astronomiques. Nicole Reine fait ses premières armes en calculant des tables d’oscillations du pendule pour le Traité d’horlogerie de son mari[3],[note 6].

Calculatrice : le retour de la comète de Halley[modifier | modifier le code]

Vient le temps du retour attendu de la comète de Halley. Lalande propose[4] à Alexis Clairaut d'appliquer à la prédiction d'Edmund Halley sa solution (approchée) du problème des trois corps[5]. Clairaut établira les modèles de calculs ; Lalande s'occupera, aidé de Lepaute, des monstrueux calculs que cela nécessite ; il s'agit principalement de mesurer l'effet des planètes Jupiter et Saturne sur la date de retour de la comète.

Le projet est une course contre la montre : il serait dommage que les calculs, même bons, paraissent après le passage de la comète. Lalande écrit : « Pendant plus de six mois, nous [Nicole Reine Lepaute et moi] calculâmes depuis le matin jusqu'au soir, quelquefois même à table[6] ». Finalement, Clairaut annonce, en , le retour de la comète pour le 13 avril de l’année suivante. Justifiant leurs calculs — et assurant la gloire d’Edmund Halley — la comète passe à son périhélie tout juste un mois avant la date annoncée, le . L'équipe a eu un franc succès, en prouvant non seulement que les comètes peuvent revenir[note 7], et qu'il est possible de prédire la date de leur retour. L'opération permit de prouver les Lois de Newton, sur lesquelles Halley s'était appuyé pour prédire le retour de la comète.

Clairaut publie en 1760 sa Théorie des comètes, mais en oubliant de mentionner le nom de Mme Lepaute parmi les calculateurs ; cet oubli est motivé par la jalousie de son amie du moment, Mlle Goulier, qu’il ne veut pas froisser en vantant les mérites d’une autre[3]. Ce faisant, il met à mal sa longue amitié avec Lalande, qui préfère se ranger aux côtés de l’offensée. Clairaut supprima toute mention de Lepaute, écrira Lalande, pour « plaire à une femme jalouse du mérite de Madame Lepaute, prétentieuse mais dépourvue de quelque connaissance que ce fût. Elle parvint à faire commettre cette injustice par un homme de science judicieux mais faible, qu’elle avait subjugué ». Les deux hommes ne seront plus jamais aussi proches qu'auparavant ; Clairaut poursuivra seul ses recherches en astronomie.

Astronome[modifier | modifier le code]

La connaissance des temps[modifier | modifier le code]

En 1759 Jérôme Lalande se voit confier par l'Académie des sciences la charge des éphémérides astronomiques qu'elle publie et qui s'appellent La connaissance des temps. Il a besoin de calculateurs, qu'il engage[note 8]. Il a aussi besoin — il est très occupé — de quelqu'un pour le seconder ; il choisit Lepaute. Deux ans plus tard, en 1761, Mme Lepaute se fait admettre à l'académie de Béziers ; elle avait auparavant fait présent aux académiciens de tables astronomiques, compilées par elle, pour leur ville[note 9].

Cassini de Thury, un rival et un critique acerbe de Lalande, présente cette équipe comme une « manufacture d'astronomie », dont il dit de plus qu'« elle est dirigée en second par une académicienne de je ne sais plus quelle académie[7] ». Si nous n'avions pas les publications astronomiques de Lepaute, cela suffirait à établir son rôle.

« Madame Lepaute, morte en 1788, écrira pour sa part Lalande, a calculé plus de dix ans les éphémérides de l'académie [des sciences][8] ». Les éphémérides de La connaissance des temps serviront par exemple de base au calcul du transit de Vénus de 1761 et à celui de 1769[3].

Page des Éphémérides pour l'année 1775. La colonne « Saturne » a été calculée par Nicole-Reine Lepaute.

Éphémérides[modifier | modifier le code]

En 1774, Lalande prend la suite de l'abbé de Lacaille et passe, emmenant avec lui Mme Lepaute, à une publication qui s'appelle Éphémérides, dont deux tomes paraîtront sous sa direction : en 1774 (tome 7, pour les années 1775 à 1784) et en 1783 (tome 8, pour les années 1785 à 1792)[9].

Lalande, dans ses préfaces, reconnaît le travail de Nicole Lepaute :

  1. tome 7 : « Les calculs de Saturne ont été faits par Madame le Paute [sic], qui, depuis bien des années, s'occupe avec succès du calcul astronomique[10] » ;
  2. tome 8 : « Madame le Paute qui, depuis plus de 20 ans, s'occupe d'astronomie, a fait elle seule les calculs du Soleil, de la Lune et des planètes[11],[3] ».

Lalande porte également au crédit de Lepaute le calcul des éléments de la comète observée en 1762[12], ainsi que les éléments de l’éclipse annulaire du , pour laquelle elle dressera une carte de visibilité donnant la progression de quart d’heure en quart d’heure pour toute l’Europe.

Passage de l'ombre de la lune au travers de l'Europe dans l'éclipse de soleil centrale et annulaire qui s'observera le .

Saturne ?[modifier | modifier le code]

Grâce à l'honnêteté de Lalande et à sa grande estime pour Nicole Lepaute, nous en savons beaucoup. Mais pas assez. Voir le cas suivant, où les citations sont de Lalande dans sa préface aux Éphémérides parues en 1774.

  • « J'avais annoncé d'avance, en partant des observations de 1714, les jours où l'anneau de Saturne devait disparaître, et reparaître ensuite[13] ».
    C'est-à-dire que la Terre sera dans le même plan que les anneaux. Ceux-ci deviendront donc invisibles à partir de notre planète. Prédiction réalisée « au commencement d'octobre 1773[14] ».
  • « Les calculs de Saturne ont été faits par Madame le Paute [sic], qui, depuis bien des années, s'occupe avec succès du calcul astronomique. »
    Dans le tome suivant, elle s'occupera de toutes les planètes.
  • Dans un passage sur Saturne dans la même préface : « Je m'étais transporté à Béziers, où l'on a communément le plus beau ciel de la France[15]. »
    On peut ajouter : et où Mme Lepaute, académicienne de cette ville, connaît d'autres académiciens (Lalande mentionne « M. Bouillet, M. Claurade, M. Bertholon[15] »), qui assisteront Lalande dans son travail.

Famille et retraite[modifier | modifier le code]

Mme Lepaute n'a pas eu d'enfant, mais elle accueille en 1768 l’un des neveux de son mari, Joseph Lepaute Dagelet (1751-1788), alors âgé de dix-sept ans[16], et lui enseigne si bien l’astronomie[1] qu’il deviendra professeur de mathématiques à l’École militaire en 1777, avant d’être élu adjoint astronome en 1785 à l’Académie royale des sciences ; Lalande compte cela comme une contribution de Lepaute à l'astronomie[note 10].

Elle consacre ses sept dernières années à s’occuper de son mari, atteint d’une grave maladie et qui avait abandonné l’horlogerie vers 1774[17]. Au même moment, sa propre santé décline et elle perd la vue peu à peu. Précédant son mari de quelques mois, elle meurt à Paris[note 11] le , à l’âge de soixante-cinq ans.

Publications[modifier | modifier le code]

Contributions à La connaissance des temps[modifier | modifier le code]

Contributions aux Éphémérides[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  1. « Nicole Reine Lepaute et l'hortensia » — Biographie d'après Guy Boistel.
  2. « 6 décembre 1788 : mort de Nicole-Reine Lepaute, mathématicienne et astronome » — Biographie d'après Guy Boistel.

Compléments[modifier | modifier le code]

Hommages[modifier | modifier le code]

Poème à Nicole Reine[modifier | modifier le code]

Des tables de sinus toujours environnée,
Vous suivez avec nous Hipparque et Ptolémée ;
Mais ce serait trop peu que de suivre leurs traces
Et d'être au rang de ceux que nous comblons d'honneurs
REINE, si vous n'étiez et le sinus des grâces
Et la tangente de nos cœurs.

Lalande cite[20] ces vers d'un poète qui « a pris soin de cacher son nom » et qu'il trouve aussi prétentieux que singuliers ; mais c'est peut-être pour dissimuler qu'il en est lui-même l'auteur.

Éponymie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Détail d'un portrait par Guillaume Voiriot : Sagan et Druyan, p. 133. Voiriot a aussi fait des portraits de Jean André et de Jean-Baptiste Lepaute. Il ne s'agit pas du portrait de Lepaute décrit dans Lalande 1803, p. 680.
  2. On ne mettait pas alors systématiquement de traits d'union dans les prénoms composés.
  3. Un calculateur humain était quelqu'un qui avait de très bonnes dispositions pour le calcul et qui pouvait se charger, par exemple, de la partie fastidieuse du travail d'astronome. La langue anglaise a encore le même mot (« computer ») pour le calculateur humain et pour l'ordinateur.
  4. Lalande lui attribuera faussement un nom de naissance « Étable de la Brière », qui n'était pas le sien. « Il ne s'agit pas d'un nom de naissance, mais d'une « rallonge » tardive » (Demouzon). Ce patronyme rallongé fut celui choisi par l'un de ses frères, Jean Jacques, né à Versailles en 1716 et devenu inspecteur des bâtiments du roi sous le nom de « Monsieur de la Brière ». Quand, en 1757, Mme Lepaute signe le contrat où Lalande prête de l'argent à son ménage, elle signe « Nicole Reine Étable » ; pas de mention de « Brière ». Voir Demouzon.
  5. Les rectifications et précisions sur les origines familiales de Nicole Reine Lepaute proviennent principalement des registres d'état civil de Paris, de Versailles, de Saint-Cloud et du minutier notarial des Archives nationales. Demouzon, « De la bruyère dans l'étable ».
  6. Pierre Larousse, dont l'article (dans le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, t. 10, p. 382) fourmille d'erreurs, ne dit pas pourquoi il affirme que le Traité d'horlogerie de Jean André Lepaute « est en grande partie l'œuvre de sa femme ».
  7. Sénèque dans l'Antiquité et Fienus l'avaient pressenti : Tabitta Van Nouhuys, The ages of two-faced Janus : The comets of 1577 and 1618…, Brill, 1998, p. 263.
  8. Il semble y avoir eu plusieurs calculatrices parmi les calculateurs. Marguerite U. Briquet mentionne aussi les sœurs d'Eustachio Manfredi de même que Christine Kirch et sa sœur Margaretha, qui ont aidé leur frère Christfried : Dictionnaire historique, littéraire et bibliographique des Françaises, 1804, p. 207.
  9. Madame Lepaute avait offert à l'académie de Béziers, pour préparer son élection, « une table très exacte du lever et du coucher du Soleil sur notre horizon [celui de Béziers] pour chaque jour de cette année ». Mercure de France, 1762, p. 120. Cité par Demouzon.
  10. Embarqué comme astronome sur les frégates l'Astrolabe et la Boussole, Lepaute Dagelet périra en 1788 dans l’île de Vanikoro avec le reste de l’expédition de Jean-François de La Pérouse.
  11. Saint-Cloud est souvent mentionné (par exemple par Pierre Larousse), mais c'est une erreur. Le registre paroissial de Saint-Cloud ne signale rien, alors que l'état civil parisien reconstitué en fait mention dans la paroisse Saint-Roch[réf. nécessaire].
  12. Aussi dans l'Exposition du calcul astronomique (1762) de Lalande. Ce sujet occupait les astronomes de l'époque (voir par exemple Jean-Charles Houzeau de Lehaie, Bibliographie générale de l'astronomie ou catalogue méthodique…, 1882, p. 503). Lalande a consacré trois mémoires à la parallaxe de la Lune : 1752 ; 1753 ; 1756.
  13. Le titre est de Wikipédia.
  14. Camille Flammarion (Astronomie populaire : Description générale du ciel, livre 5 (« Les comètes »), 1881, p. 609) a cru que Mme Lepaute s'appelait Hortense ; c'est une erreur : Borg et Levasseur-Legourd 2018.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Cité dans Astronomie populaire, p. 123.
  2. Lalande 1803, p. 677.
  3. a b c et d Borg et Levasseur-Legourd 2018.
  4. « À ma sollicitation » : Lalande, Nécrologie.
  5. Astronomie populaire, p. 135.
  6. Lalande 1803, p. p. 678.
  7. Cité dans « De l'espace domestique à l'espace académique : le cas des calculatrices de Jérôme Lalande », 2016.
  8. Jérôme de Lalande, Astronomie des dames, 4e  éd., p. 6.
  9. Elisabeth Connor, p. 317.
  10. Lalande, dans la préface du t.  7, p. iv.
  11. Lalande, dans la préface du t.  8, p. iv.
  12. Le Lay, p. 306.
  13. Lalande, dans la préface du t. 7, p. xxix.
  14. Lalande, dans la préface du t. 7, p. xviii.
  15. a et b Lalande, dans la préface du t. 7, p. xxx.
  16. « [Né] en 1752, il vint à Paris en 1769 pour s'occuper d'astronomie avec moi ». Jérôme de Lalande, Éphémérides des mouvements célestes…, vol. 8, 1783, p. lxxii. On trouve généralement 15 ans.
  17. « [D]epuis sept ans Mme le Paute a fait voir l'héroïsme de la vertu dans les soins qu'elle a pris d'un mari malade, perclus et séparé de la société, auquel elle a sacrifié son temps, ses occupations, ses plaisirs et même sa santé » : Lalande, « Nécrologie ».
  18. « [G]ravé par Mme Lattré » (qui porte le même nom que l'éditeur) ; « les gravures d'ornement sont de Mde. Tardieu » p. 1534.
  19. Recension contemporaine dans le « Journal de Trévoux ».
  20. Ernest Maindron, « Le prix d'astronomie fondé par Jérôme Lalande à l'Académie des sciences, dans La Revue scientifique, vol. 40, p. 459.
  21. Guy Boistel, « Nicole-Reine Lepaute et l'Hortensia », Cahiers Clairaut, no 108,‎ (lire en ligne)
  22. « Planetary Names: Crater, craters: Lepaute on Moon », sur planetarynames.wr.usgs.gov (consulté le )
  23. « IAU Minor Planet Center », sur www.minorplanetcenter.net (consulté le )
  24. Page, site de la ville de Paris.
  25. Dans Google Maps.
  26. Dans Google Maps.
  27. Dans Google Maps.