Offensive dans le nord du Tchad en 2021 — Wikipédia

Offensive du Kanem

Informations générales
Date -
Lieu Régions de Kanem, Tibesti et Borkou, au nord-ouest du Tchad
Issue Victoire du gouvernement tchadien
Belligérants
Drapeau du Tchad Tchad FACT
Commandants
Idriss Déby
Mahamat Idriss Déby
Mahamat Mahdi Ali
Forces en présence
2 000 hommes[1] Inconnues
Pertes
11 morts au moins
58 blessés au moins
(selon l'armée tchadienne)[2],[3]
300 morts au moins[2]
454 à 500 prisonniers[4],[5]
(selon l'armée tchadienne)

Insurrection dans le nord du Tchad

Coordonnées 14° 07′ 10″ nord, 15° 18′ 48″ est
Géolocalisation sur la carte : Tchad
(Voir situation sur carte : Tchad)
Offensive du Kanem
Géolocalisation sur la carte : Afrique
(Voir situation sur carte : Afrique)
Offensive du Kanem

L'offensive du Kanem a lieu depuis le , dans les régions de Kanem, Tibesti et Borkou, au nord-ouest du Tchad. Elle est lancée depuis la Libye par les rebelles tchadiens du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) à la suite de l'élection présidentielle tchadienne de 2021. Le président tchadien Idriss Déby est mortellement blessé lors des combats.

Contexte[modifier | modifier le code]

Le président Idriss Déby, allié des puissances occidentales, devait prolonger son mandat de 30 ans au pouvoir. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) avait indiqué que Déby avait pris une large avance avec 30% des suffrages exprimés restant à compter. Déby a remporté tous les départements du pays sauf un. En ne reconnaissant pas les résultats, l'opposition avait appelé à boycotter l'élection du 11 avril avec Yacine Abderaman Sakine, du Parti réformiste, refusant de concéder la victoire à Déby. Les résultats préliminaires sont attendus pour le . Déby est considéré en Europe, aux États-Unis et Chine comme un allié dans la lutte contre les groupes djihadistes du Sahel affiliés à al-Qaïda ou à l'État islamique. Les forces françaises de l'opération Barkhane disposent notamment d'un poste de commandement et d'une base aérienne à N'Djamena[6],[7].

Dans les années 2010, les groupes rebelles tchadiens opposés à Idriss Déby profitent de la guerre civile en Libye pour établir leurs bases arrières dans le Fezzan[8]. Un nouveau groupe, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), est fondé en 2016, sous la direction de Mahamat Mahdi Ali, après avoir fait scission de l'Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD)[8]. Initialement proche de la Troisième Force, un groupe affilié au Gouvernement d'union nationale (GNA), le FACT s'allie en 2019 à l'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort du gouvernement de Benghazi[8]. Le FACT s'établit dans la base de Brak Al-Shati et profite de ses liens avec l'ANL et avec les mercenaires russes du Groupe Wagner pour bénéficier d'argent et d'armement[8]. En avril 2021, alors que la situation en Libye est apaisée et malgré l'alliance entre Haftar et Déby, le FACT lance son offensive au Tchad[8].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Le , le jour même de l'élection présidentielle, les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) lancent depuis la Libye une offensive dans la région du Tibesti, au nord-ouest du Tchad[9].

L'armée tchadienne engage son aviation dont des SU-25 et des hélicoptères contre les rebelles, mais au sol les militaires et les douaniers battent en retraite[10],[11]. Les villes de Zouarké et Wour sont envahies sans combats selon la rébellion[10],[11]. Le , le FACT revendique la « libération totale de la région du Tibesti »[9].

Une colonne rebelle d'environ 500 hommes et 100 véhicules se porte ensuite en direction du Sud et entre dans la région du Kanem en passant par la région de Borkou[10],[12]. Le , elle est signalée à Gouri, à 200 km au nord de Faya-Largeau[12].

L'armée tchadienne envoie alors une colonne de 2 000 hommes avec plusieurs véhicules blindés dans le Kanem[1]. Le président Idriss Déby se rend lui-même sur le front à la tête de ses troupes[13]. Le , les rebelles sont signalés à Birr Dom, mais ils en repartent le lendemain matin[1]. La colonne gouvernementale se lance alors à la poursuite de la colonne rebelle qu'elle rejoint dans l'après-midi du , à Zigueï, à 100 ou 200 km au nord de la ville de Mao[9],[12],[14]. Les combats s'engagent à 15 h 30 et s'achèvent deux heures plus tard sur une victoire des forces gouvernementales[12],[1]. L'armée tchadienne affirme avoir « complètement détruit » la colonne rebelle[9].

Après la bataille de Zigueï, une partie de la colonne rebelle décroche alors en direction de l'Ouest, vers la frontière nigérienne[9]. Deux autres colonnes gouvernementales sont alors détachées pour se lancer à sa poursuite[9]. Les 18 et 19 avril, des combats ont lieu près de Nokou, à 50 km de Mao[15]. Le FACT reconnaît alors effectuer un « repli stratégique »[15]. Le chef du FACT, Mahamat Mahdi Ali, accuse également la France d'avoir engagé son aviation pour fournir au gouvernement tchadien des renseignements sur les mouvements de ses troupes[15].

Le président Idriss Déby est cependant mortellement blessé entre le 17 et le au Kanem et succombe le , à h du matin, à N'Djamena[13],[16]. Selon Ouest-France, le lundi 19 avril au soir, une rencontre entre Déby et les chefs des FACT aurait eu lieu à Mao, au nord de la capitale. Cette réunion aurait dégénéré en bataille rangée provoquant la mort de Déby et de quatre de ses généraux[17].

Un conseil militaire de transition (CMT) constitué de quinze généraux et dirigé par un de ses fils, Mahamat Idriss Déby, commandant de la garde présidentielle, est chargé de le remplacer[13]., en contradiction avec la Constitution Tchadienne qui prévoit qu'en cas de vacance du poste de chef de l'État c'est le président de l'Assemblée nationale qui assure l'intérim. Un deuil national de quatorze jours est décrété, un couvre-feu est instauré et toutes les frontières terrestres et aériennes sont fermées[16]. Le gouvernement et le Parlement sont dissous et le CMT s'engage à organiser des élections « libres et démocratiques », à l'issue d'une « période de transition » de dix-huit mois[18].

De son côté, le FACT affirme que ses positions les plus avancées se situent dans le département de Dababa, dans la région de Hadjer-Lamis, à une centaine de kilomètres de la capitale, et promet de marcher sur N'Djamena « dans les heures ou les jours qui viennent »[18]. Cependant le 24 avril, le FACT fait une proposition de cessez-le-feu[19], que le CMT rejette[20].

L'armée envoie de nombreux renforts à Mao et le 27 avril les combats reprennent dans le Nord Kanem[21]. Le 29 avril, les rebelles affirment avoir abattu un hélicoptère et être entrés dans la ville de Nokou[22]. Le 30, l'armée tchadienne affirme que l'attaque rebelle sur Nokou a été repoussée[23]. Selon le conseil militaire de transition (CMT), le bilan de cette bataille est de plusieurs centaines de morts et de 60 prisonniers pour les rebelles, contre six tués et 22 blessés pour ses propres forces[23],[3].

Le 6 mai, le ministre de la Défense Daoud Yaya Brahim affirme que la rébellion est en « débandade »[24],[25]. Le 9 mai, l'armée tchadienne annonce la fin de ses opérations militaires contre le FACT[26],[27]. Le même jour, des centaines de véhicules de militaires regagnent la capitale[26].

Pertes[modifier | modifier le code]

Le , l'armée tchadienne affirme que ses pertes sont de cinq morts et 36 blessés, contre 300 morts, 150 prisonniers, dont trois « responsables », et 24 véhicules capturés du côté des rebelles[2]. Le 9 mai, 156 prisonniers sont présentés à la presse par l'armée tchadienne[26].

Le 13 février 2023, le procès de 454 membres du FACT s'ouvre dans la prison de Klessoum, à N'Djamena[4],[5]. Le 21 mars, plus de 400 rebelles sont condamnés à la prison à vie, certains par contumace[5]. Seuls 24 accusés sont acquittés[5]. Le 25 mars, Mahamat Idriss Déby accorde une grâce présidentielle à 380 condamnés[28]. Mahamat Mahdi Ali et 55 rebelles condamnés par contumace ne sont cependant pas concernés par cette grâce[28].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Madjiasra Nako, Tchad: l'armée annonce une centaine de prisonniers après un affrontement avec le Fact, RFI, 18 avril 2021.
  2. a b et c Tchad : plus de 300 rebelles et cinq militaires tués samedi dans le Nord, annonce l'armée, Le Figaro avec AFP, 19 avril 2021.
  3. a et b Bataille de Nokou : le bilan du CMT, Tchadinfos, 30 avril 2021.
  4. a et b Tchad: à peine ouvert, le procès des rebelles du Fact renvoyé à mercredi, RFI, 13 février 2023.
  5. a b c et d Tchad: plus de 400 rebelles du Fact condamnés à la prison à vie, RFI, 21 mars 2023.
  6. Elise Vincent et Morgane Le Cam, Avec la mort du président tchadien Idriss Déby, la France perd un allié clé de l’opération « Barkhane » au Sahel, Le Monde, 21 avril 2021.
  7. https://chinaafricaproject.com/2021/04/21/whats-at-stake-for-china-in-chad-following-the-unexpected-death-of-president-idriss-deby/
  8. a b c d et e Frédéric Bobin,Mort d’Idriss Déby : le Sud libyen, troublante base arrière des rebelles tchadiens, Le Monde, 20 avril 2021.
  9. a b c d e et f Au Tchad, l’armée affirme avoir « détruit » la colonne de rebelles venus de Libye, Le Monde avec AFP, 18 avril 2021.
  10. a b et c L'armée tchadienne confirme des frappes aériennes contre des rebelles à Zouarké, RFI, 12 avril 2021.
  11. a et b Tchad: montée de fièvre dans le Nord à la suite d’une offensive des rebelles du Fact, RFI, 13 avril 2021.
  12. a b c et d Madjiasra Nako, Tchad: affrontements entre l'armée et des rebelles du Fact dans la province de Kanem, RFI, 17 avril 2021.
  13. a b et c Le président du Tchad, Idriss Déby, est mort des suites de blessures reçues « sur le champ de bataille » ce week-end, Le Monde avec AFP, 20 avril 2021.
  14. Tchad: les rebelles du Fact progressent à l’intérieur du pays, RFI, 18 avril 2021.
  15. a b et c Affrontements au Tchad: le Fact reconnaît avoir opéré un «repli stratégique» dans le Kanem, RFI, 19 avril 2021.
  16. a et b Mathieu Olivier, Tchad : décès du président Idriss Déby Itno, tué au combat selon l’armée, Jeune Afrique avec AFP, 20 avril 2020.
  17. http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2021/04/20/tchad-22061.html
  18. a et b Cyril Bensimon et Christophe Châtelot, Après la disparition d’Idriss Déby, une période d’incertitude s’ouvre au Tchad, Le Monde, 21 avril 2021.
  19. Tchad : Les rebelles du FACT proposent un cessez-le-feu, 20 Minutes avec AFP, 25 avril 2021.
  20. Tchad: le Conseil militaire de transition refuse de négocier avec les rebelles du Fact, RFI, 25 avril 2021.
  21. Tchad: les combats reprennent dans le Nord Kanem entre l'armée et les rebelles du Fact, RFI, 24 avril 2021.
  22. Tchad: les rebelles affirment être entrés dans la ville de Nokou dans le Kanem, RFI, 29 avril 2021.
  23. a et b Mahamat Ramadane, Chad army says rebels repelled in battle, Australian Associated Press, 1er mai 2021.
  24. André Kodmadjingar, La rébellion est "en débandade", selon le ministre tchadien de la Défense, VOA, 6 mai 2021.
  25. Tchad: l'armée affirme que les opérations contre les rebelles du Fact continuent, RFI, 4 mai 2021.
  26. a b et c Au Tchad, l’opération contre les rebelles est « finie », affirme l’armée, Le Monde avec AFP, 10 mai 2021.
  27. Tchad: Mahamat Idriss Déby au Niger, l’armée annonce la fin des opérations contre le Fact, RFI, 10 mai 2021.
  28. a et b Tchad: le président signe la grâce de 380 rebelles du Fact condamnés à la prison à vie, RFI, 26 mars 2023.