Opoku Fofie — Wikipédia

Opoku Fofie
Fonction
Asantehene
-
Biographie
Naissance
Vers 1775
Empire ashantiVoir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Père
Adu Twum (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Fratrie
Osei Bonsu (frère utérin)
Osei Kwame Panyin (frère adoptif)
Opoku Kwame (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Représentation d’un porc-épic : surnom donné au royaume de Kumasi et emblème de l'Empire ashanti.

Opoku Fofie, né vers 1775 et mort en , est le sixième asantehene (monarque) de l'Empire ashanti, appartenant à la maison dynastique d'Opoku Ware du clan Oyoko. Fils cadet de l'asantehemaa (reine-mère) Konadu Yaadom et d'Adu Twum Kaakyire, il accède au trône conformément au principe d'alternance dynastique en vigueur depuis la fondation de l'empire, après la crise qui oppose sa mère à son prédécesseur Osei Kwame de 1797 à 1803.

La destitution d'Osei Kwame, puis la bataille de Barnabou contre ses soutiens armés musulmans des États tributaires de Gyaman et de Kong ouvrent la voie de son accession au trône. Débuté en , son règne coïncide avec le suicide rituel de son prédécesseur et ne dure pas plus de soixante jours. Cette situation donne naissance au mythe de l'esprit vengeur (saman) d'Osei Kwame. Osei Bonsu lui succède en 1804.

Les versions officielles de la généalogie ashanti diffèrent fortement des recherches historiques en raison des nombreuses modifications généalogiques visant à effacer l'existence d'Akyaama dans la lignée. En effet, les asantehemaa sont garantes des traditions, de la généalogie officielle ainsi que des successions au trône de l'asantehene. Ce conflit est à l'origine de ces nombreuses divergences.

Biographie[modifier | modifier le code]

Contexte dynastique[modifier | modifier le code]

Opoku Fofie, né vers 1775[1], est le deuxième fils de l'asantehemaa (reine-mère) Konadu Yaadom et d'Adu Twum Kaakyire, fils d'Opoku Ware Ier, asantehene de 1718 à 1750[2]. En conséquence, il appartient au ntoro (dynastie patrilinéaire) Bosommuru d'Opoku Ware du clan Oyoko[3] et son accession au trône respecte le principe d'alternance dynastique des asantehene de l'Empire ashanti[2].

Durant le règne d'Osei Kwame (1777-1801), un conflit dynastique important oppose l'asantehene à la reine-mère Konadu Yaadom. Ce conflit est la conséquence du bannissement d'Akyaama, mère d'Osei Kwame et précédente asantehemaa, et des modifications généalogiques effectuées par Konadu Yaadom[4],[5]. Celle-ci a adopté les enfants de la reine déchue afin de préserver leur droit de succession et d'effacer le souvenir de sa prédécesseure de la mémoire collective[6]. L'exil d'Akyaama provoque une succession d'autres déchéances et de manœuvres visant à écarter ses futurs descendants du trône d'or[4].

Dans les années 1790, à la suite de ces différentes réécritures du lignage royal, Opoku Kwame, le frère aîné d'Opoku Fofie, est nommé hériter du trône[7],[8]. Bien que cet accord permette d'apaiser le conflit entre les deux dynasties, Opoku Kwame meurt dans des circonstances suspectes en 1797[9]. Konadu Yaadom accuse alors le cadet Osei Kwame d'avoir empoisonné son aîné. Après une tentative de meurtre contre sa personne, l'asantehemaa fuit la capitale Kumasi pour se réfugier à Kokofu avec son fils Opoku Fofie[7],[10]. De par les prérogatives qui reviennent à sa fonction, elle nomme ce dernier nouvel héritier légitime du trône[9].

Règne éphémère[modifier | modifier le code]

Carte ancienne en noir et blanc représentant les principales villes de la Côte de l'Or.
Carte partielle de la Côte de l'Or avec délimitation de l'Empire ashanti au début du XIXe siècle. À l'ouest, le royaume de Gyaman (Gaman) et au nord-ouest de Kong.

En 1801, Konadu Yaadom ordonne la destitution d'Osei Kwame, mais ce dernier s'enfuit à Juaben et envisage de continuer à y exercer le pouvoir de plein droit[7]. Les musulmans de Gyaman et de Kong, dont il est proche, se soulèvent afin de réclamer son rétablissement sur le trône. Opoku Fofie, qui gouverne depuis Kumasi en tant qu'héritier, apprend que les armées musulmanes se dirigent vers lui. Pour y faire face, il obtient un large soutien des districts qui entourent Kumasi ainsi que des États tributaires akan de Banda, Takyiman et Nkoransa[11]. Il crée un nouveau fekuw (compagnie) composé d'unités militaires musulmanes qui lui sont fidèles afin de renforcer l'Ankobea (institution de l'armée de l'Empire)[12].

Face au risque d'une guerre civile, Osei Kwame accepte d'abdiquer courant 1803[13]. Les armées rebelles qui le soutiennent continuent néanmoins d'avancer sur Kumasi[11]. La confrontation se déroule à Barnabou vers le village de Boabeng, à 15 km au nord-est de Techiman. Opoku Fofie remporte la bataille et y fait plusieurs milliers de prisonniers, dont environ 5 000 musulmans. Aucun d'entre eux n'est exécuté dans un sacrifice humain ou vendu comme esclave, car ils rachètent leur liberté ou sont rachetés moyennant le paiement d'une rançon par des États voisins de confession musulmane[11]. Selon Ivor Wilks, Opoku Fofie coordonne la campagne militaire qui dure quinze mois, et n'accède au trône royal Ashanti qu'au terme de cette bataille, en [11].

C'est également en qu'Osei Kwame se suicide[14]. Selon Thomas McCaskie, l'accession au trône d'Opoku Fofie se serait déroulée soit le 5/, soit le 16/. Cependant, vu que plus de la moitié des « royaux »[note 1] du clan Oyoko se déplacent à son intronisation tandis que l'autre moitié assiste aux funérailles d'Osei Kwame, il en conclut que ces événements se déroulent à proximité immédiate. Du fait des périodes d'hommage prévues dans la tradition ashanti pour ces deux événements, il privilégie les deux dates possibles en [15].

Le règne d'Opoku Fofie s'achève de manière brutale soixante jours après son couronnement, à la suite de son décès soudain[15]. En 1817, Thomas Edward Bowdich indique qu'Opoku Fofie ne règne que quelques semaines. Les archives coloniales notent que la nouvelle de son décès parvient aux gouverneurs européens de la Côte de l'Or en [15]. Dans la version officielle ashanti, son décès se situe en 1799, afin de respecter l'ordre généalogique révisé. Cependant, les recherches d'Ivor Wilks croisées aux documents contemporains permettent de confirmer que la fin de son règne se situe avant ou durant le mois de [16].

Postérité[modifier | modifier le code]

Trône noir[modifier | modifier le code]

La tradition ashanti prévoit que les funérailles d'un asantehene s'accompagnent du noircissement de son trône. Celui-ci est dès lors appelé akonwa tuntum (trône noir) et rejoint la maison des trônes, un mausolée dédié aux asantehene[17]. Si les Ashantis disent que le trône est enduit de sang humain, il s'agit en réalité d'un mélange de suie, de jaune d'œuf et de sang de mouton[18],[note 2]. En raison du contexte de la fin de règne d'Osei Kwame, aucun trône noir ne lui est dédié, ce qui signifie que ses rites funéraires ne sont pas entièrement accomplis. À l'inverse, Opoku Fofie en possède bien un, malgré son règne éphémère[20].

Symbolique[modifier | modifier le code]

Dessin d'un homme en tenue cérémonielle africaine et tenant un chapelet en main.
Les féticheurs jouent un rôle capital dans les rituels de sorcellerie ashanti.

Malgré un règne très bref, Opoku Fofie laisse une empreinte forte dans la tradition orale ashanti ainsi que dans l'héritage culturel. Cela découle de plusieurs facteurs : un contexte dynastique houleux, la proximité entre l'intronisation d'Opoku Fofie et les funérailles d'Osei Kwame, et son décès soudain et rapproché[15].

Les Ashantis pensent qu'Opoku Fofe aurait été tué par le saman (fantôme) de son prédécesseur pour avoir couché avec Firempomaa Tanowaa, une de ses favorites, avant la fin de ses funérailles[2],[15]. La mort d'Opoku Fofie est perçue comme une nouvelle conséquence du conflit qui oppose les membres yafunu (branche dynastique issue d'une même matrice) d'Akyaama et ceux de Konadu Yaadom, si bien qu'on attribue également la mort de cette dernière au fantôme d'Osei Kwame[21]. Joseph Dupuis rapporte en 1820 les causes présentées par la tradition orale, évoquant la sorcellerie, et parle également d'une maladie chronique qui l'aurait emporté[22].

La symbolique de ce récit fait le lien entre le caractère incomplet des rituels funéraires octroyés à Osei Kwame et la mort prématurée de son successeur. En effet, la proximité immédiate du couronnement d'un nouvel asantehene et l'enterrement de l'ancien n'est pas conventionnelle dans la tradition ashanti où les rituels funéraires sont censés s'achever préalablement[15].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Selon la règle de succession, c'est à la maison Osei Tutu de succéder. Les trois candidats, Osei Kofi, Osei Bonsu et Osei Badu, sont tous trois les enfants de Konadu Yaadom, issus du mariage avec Owusu Ansah, fils d'Osei Kwadwo. Osei Bonsu accède à la succession et permet de confirmer le principe de rotation dynastique tout en renforçant l'influence de l'asantehemaa. Grâce aux modifications généalogiques, elle parvient à parachever l'effacement dynastique d'Akyaama[23],[24]. Pour résoudre les conflits dynastiques, Osei Bonsu décrète une nouvelle loi où les fils ou petit-fils de l'asantehene obtiennent le statut d'héritiers présomptifs au trône royal[20].

Le règne éphémère d'Opoku Fofie a également pour conséquence d'affaiblir la cohésion entre les États de l'Empire ashanti en renforçant les forces rebelles actives. Cette période profite notamment au Gyaman qui s'attaque aux petits États environnants alliés de l'Empire. D'autres États tributaires cessent également de payer leur tribut. La situation dans la région ne se calme qu'après 1819[25].

Les causes de décès potentiellement liées à la sorcellerie sont tellement ancrées dans la tradition orale et la culture ashanti qu'elles sont à l'origine de l'émergence de trois cultes anti-sorcellerie entre 1879 et 1920. En effet, l’attribution du décès d'Opoku Fofie à la sorcellerie se fait en écho à l'intérêt grandissant pour celle-ci depuis la fin du XVIIIe siècle[26].

Divergence généalogique[modifier | modifier le code]

Un homme africain en vêtement traditionnel kente, assis avec des bagues en or.
Opoku Ware II, descendant direct d'Opoku Fofie, est le 15e asantehene (1970-1999).

Parmi les frères et soeurs d'Opoku Fofie se trouvent deux autres asantehene : Osei Bonsu et Osei Yaw Akoto. La version officielle de la généalogie royale inclut également Osei Kwame[27]. En effet, il n'y est fait aucune mention d'Akyaama, qui règne pourtant avant Konadu Yaadom. Cette dernière effectue des modifications généalogiques afin de transférer sous sa propre lignée la matrilinéarité des enfants de l'asantehemaa[1].

Opoku Fofie est également le père de plusieurs enfants, malgré son court règne : Kwame Akyamfo deviendra Apesamakohene (chef d'Apesamako), Adusei Kra deviendra Akotenhene (chef d'Akoten)[28]. Opoku Ware II est un descendant direct d'Opoku Ware Ier car il descend d'une lignée cadette d'Opoku Fofie[29].

Ainsi, deux versions généalogiques s'opposent. Celle établie par les historiens et celle établie par la généalogie officielle Ashanti. Les modifications de la version officielle sont au cœur de nombreux conflits et de la création d'une nouvelle branche dynastique par Kwaku Dua I. Ces tensions se résorbent au retour de la rotation dynastique lors de l'accession d'Opoku Ware II[4],[5].

L'arbre généalogique présenté ci-dessous fait apparaître la différence entre la généalogie officielle, qui efface Akyaama, et celle révisée par les recherches d'Iron Wilks et Gérard Pescheux[4],[5].

Arbre généalogique simplifié pointant la lignée depuis les premiers asantehemaa et asantehene jusqu'à Opoku Fofie et aux principaux enfants de sa fratrie adoptive et utérine : Osei Kwame, Amaa Sewaa, Osei Bonsu et Opoku Kwame.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Terme utilisé dans la littérature scientifique (Wilks, McCaskie, Pescheux, ...) pour désigner tout membre de l'aristocratie ashanti ayant un titre de noblesse est nommé royal sans pour autant faire partie de la dynastie royale des Asantehene. Ils appartiennent, chacun, à leur propre dynastie royale.
  2. Plusieurs recettes existent pour le bain dans lequel le trône est trempé en commémoration des ancêtres. Il y est parfois question de sacrifices ou de sang collecté sur les humains, mais plus généralement de sang issu d'animaux[19].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Wilks 1989, p. 331.
  2. a b et c Pescheux 2003, p. 475.
  3. Pescheux 2003, p. 293.
  4. a b c et d Pescheux 2003, p. 470-472.
  5. a b et c Wilks 1989, p. 338.
  6. (en) T. C. McCaskie, State and Society in Pre-colonial Asante, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-89432-6, lire en ligne)
  7. a b et c Pescheux 2003, p. 472.
  8. McCaskie 1995, p. 376.
  9. a et b McCaskie 1995, p. 380.
  10. McCaskie 1995, p. 373.
  11. a b c et d Wilks 1989, p. 254.
  12. Emmanuel Terray, « Contribution à une étude de l'armée asante », Cahiers d'Études africaines, vol. 16, no 61,‎ , p. 297–356 (DOI 10.3406/cea.1976.2905, lire en ligne, consulté le ).
  13. McCaskie 1995, p. 381.
  14. Wilks 1989, p. xlii.
  15. a b c d e et f McCaskie 1989, p. 429.
  16. Wilks 1989, p. Xlii.
  17. Kyerematen 1969, p. 1.
  18. Sharon F. Patton, « The Stool and Asante Chieftaincy », African Arts, vol. 13, no 1,‎ , p. 74–99 (ISSN 0001-9933, DOI 10.2307/3335615, lire en ligne, consulté le )
  19. Peter Kwasi Sarpong, « The Sacred Stools of Ashanti », Anthropos, vol. 62, nos 1/2,‎ , p. 1–60 (ISSN 0257-9774, lire en ligne, consulté le )
  20. a et b Kyerematen 1969, p. 7.
  21. Pescheux 2003, p. 469-471.
  22. (en) John Parker, In My Time of Dying: A History of Death and the Dead in West Africa, Princeton University Press, (ISBN 978-0-691-19315-1, lire en ligne)
  23. Pescheux 2003, p. 476.
  24. (en) Tom McCaskie, « Alcohol and the Travails of Asantehene Osei Yaw », Africa: Rivista semestrale di studi e ricerche, vol. 2, no 1,‎ , p. 117–138 (ISSN 2612-3258, DOI 10.2307/48684796, lire en ligne, consulté le )
  25. Jean-Louis Boutillier, Bouna, royaume de la savane ivoirienne : princes, marchands et paysans, Karthala Éditions, (ISBN 978-2-86537-371-0, lire en ligne)
  26. (en) T. C. McCaskie, « Anti-Witchcraft Cults in Asante: An Essay in the Social History of an African People », History in Africa, vol. 8,‎ , p. 125–154 (ISSN 0361-5413, DOI 10.2307/3171512, lire en ligne, consulté le )
  27. Pescheux 2003, p. 460.
  28. Wilks 1989, p. 337.
  29. Pescheux 2003, p. 518.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • [Pescheux 2003] Gérard Pescheux, Le royaume asante (Ghana), Karthala Éditions, , 582 p. (ISBN 978-2-8111-3751-9, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Wilks 1989] (en) Ivor Wilks, Asante in the Nineteenth Century: The Structure and Evolution of a Political Order, CUP Archive, (ISBN 978-0-521-37994-6, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [McCaskie 1989] (en) Thomas C. McCaskie, « Death and the Asantehene: A Historical Meditation », The Journal of African History, vol. 30, no 3,‎ , p. 417–444 (ISSN 0021-8537, lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [McCaskie 1995] (en) Thomas C. McCaskie, « KonnurokusΣ M: Kinship and Family in the History of the O yoko KƆKƆƆ Dynasty of Kumase », The Journal of African History, vol. 36, no 3,‎ , p. 357–389 (ISSN 0021-8537, lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Kyerematen 1969] (en) A. Kyerematen, « The Royal Stools of Ashanti », Africa: Journal of the International African Institute, vol. 39, no 1,‎ , p. 7 (ISSN 0001-9720, DOI 10.2307/1157946, lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article