Patriarcat œcuménique de Constantinople — Wikipédia

Patriarcat œcuménique de Constantinople
Oικουμενικό Πατριαρχείο Kωνσταντινουπόλεως
Blason
Image illustrative de l’article Patriarcat œcuménique de Constantinople
Armoiries du patriarcat et symbole du primat Bartholomée Ier.
Fondateur(s) Saint André
Autocéphalie ou autonomie
déclarée Entre 380 et 451
Reconnaissance Traditionnellement (en Orient)
Primat actuel Bartholomée Ier
Siège Istanbul (Turquie)
Territoire primaire Turquie, Nord et Est de la Grèce, Crète et Corée
Extension territoriale Diaspora grecque et pays non traditionnellement orthodoxes
Rite Byzantin
Langue(s) liturgique(s) Koinè
Tradition musicale Byzantine
Calendrier Calendrier julien révisé
Population estimée Environ 3 500 000
La Blachernitissa, protectrice de Constantinople, icône réalisée entre le VIIe et le XVIIe siècle.
La cathédrale Saint-Georges.

Le patriarcat œcuménique de Constantinople (en grec moderne : Oικουμενικό Πατριαρχείο Kωνσταντινουπόλεως / Oikoumenikó Patriarkheío Kōnstantinoupóleōs ; en turc : Fener Rum Ortodoks Patrikhanesi, « patriarcat des Romains orthodoxes du Phanar ») est, par le rang sinon par l'ancienneté, la première juridiction autocéphale de l'Église orthodoxe.

Cette situation est liée au statut de capitale de l'Empire romain d'Orient dont jouissait autrefois Constantinople, l'actuelle Istanbul. Le patriarcat est un titre et une fonction de présidence attachée à un siège épiscopal, l'archevêché orthodoxe de Constantinople.

Les orthodoxes considèrent que le patriarche de Constantinople n'a qu'une prééminence honorifique sur les autres Églises autocéphales orthodoxes, comme les papes d'avant le schisme de 1054. Sa titulature complète est « archevêque de Constantinople, nouvelle Rome et patriarche œcuménique », avec résidence au Phanar (en grec moderne : Φανάρι), ancien quartier grec d'Istanbul. Le titulaire actuel est Bartholomée Ier[1] (depuis le ).

Nom[modifier | modifier le code]

Le patriarcat œcuménique de Constantinople est également connu sous d'autres noms :

  • Église orthodoxe grecque de Constantinople (dénomination surtout usitée par les catholiques) ;
  • Église romaine de Constantinople (dénomination surtout usitée par les autres orthodoxes, en référence à l'Empire romain d'orient dont le nom officiel était en grec Ρωμανία (« Romania »).

Histoire[modifier | modifier le code]

Au contraire des quatre autres sièges patriarcaux de la Pentarchie (Jérusalem, Rome, Antioche et Alexandrie) le siège de Constantinople n'est pas apostolique, bien que la tradition lui attribue une fondation par l'apôtre Saint André. Cependant, à la suite de la refondation de la ville comme « Nouvelle Rome » par Constantin, le premier concile de Constantinople, en 381, lui reconnaît une « prééminence d'honneur après l'évêque de Rome, car Constantinople est la Nouvelle Rome ».

Cette décision est confirmée dans le canon 28 du concile de Chalcédoine en 451, mais avant même cette époque, les patriarches de Constantinople prirent le titre de « patriarche œcuménique », sans préciser ce que cela recouvre précisément en matière de juridiction. Les papes Léon Ier et Grégoire Ier, revendiquant pour leur siège la juridiction sur l'ensemble des Églises, refusèrent de cautionner cet usage.

La permanence, après les invasions barbares qui submergèrent la partie occidentale, de la partie orientale de l'Empire romain fait que le patriarche resta sous la tutelle du pouvoir impérial, dans un système de partage des pouvoirs qui a pu varier avec les époques. Plus encore que le schisme de 1054, c'est la chute de Constantinople, d'abord aux mains des Croisés en 1204, puis des Turcs en 1453, qui affaiblit considérablement l'autorité du patriarche, encore diminuée ensuite par l'érection de Moscou en patriarcat autocéphale en 1589, puis par la multiplication des Églises orthodoxes nationales (autocéphalie) pendant le XIXe siècle.

Cependant, les sultans de l'Empire ottoman lui accordaient encore une certaine autorité sur les chrétiens orthodoxes de l'empire, dans le cadre du système des millets. En 1923, avec la République turque, le système confessionnel est aboli et cette fonction cesse complètement : les autorités turques mettent en place une Église orthodoxe turque non canonique.

Organisation[modifier | modifier le code]

Le Patriarcat œcuménique de Constantinople étend sa juridiction sur des églises orthodoxes en Turquie du Nord-Ouest et en Grèce du Nord, de l'Est et du Sud, mais son statut est très différent dans chacun de ces deux pays.

Métropoles du Patriarcat œcuménique de Constantinople et de celui d'Antioche en Anatolie vers 1880. Elles sont aujourd'hui vacantes, à l'exception de celles d'Istanbul, de Chalcédoine, des Îles des Princes, de Derkos, d'Imbros et de Ténédos ; quant au patriarche d'Antioche, il siège de nos jours à Damas en Syrie.

En Turquie[modifier | modifier le code]

En Turquie, seule l'Église orthodoxe turque, non canonique (70 fidèles), est reconnue par les autorités ; quant au Patriarcat, il n'est pas reconnu comme tel, ni comme œcuménique, mais seulement comme « archevêché grec » d'Istanbul (vieille ville de Constantinople et Galata-Péra, dans la partie européenne d'Istanbul : 5 000 fidèles), reconnaissance qu'il partage avec les quatre métropoles :

Les 18 autres métropoles de Turquie (non-reconnues par les autorités) sont vacantes et ne sont plus que des sièges titulaires attribués honorairement à titre de locum tenens à divers hiérarques des églises orthodoxes que le Patriarcat souhaite gratifier[2] : Ancyre (Ankara), Amasie (Amasya, siège à Amasée/Samsoun), Brousse (Bursa), Césarée de Cappadoce (Kayseri), Chaldée (Gümüşhane), Cyzique (Kızılköz), Éphèse (siège à Magnésie/Manisa), Héliopolis-et-Thyatire (Akhisar), Icônion (Konya), Néocésarée-et-Sébastée (Niksar-et-Sivas, siège à Cotyore/Ordu), Nicée (Iznik), Nicomédie (Izmit), Nicopolis-et-Colonée (Koyulhisar), Philadelphie (Alaşehir), Pisidie (Sagalassos/Ağlasun), Proconnèse (Artacée/Erdek), Smyrne (Izmir) et Trébizonde (Trabzon). L'ensemble de ces juridictions de Turquie compte en 2013 au maximum 9 000 fidèles[3], contre près de 1,8 million en 1914[4].

En Grèce[modifier | modifier le code]

En Grèce en revanche, le patriarcat œcuménique de Constantinople est bien reconnu comme tel et conserve son autorité ecclésiale sur l'ensemble des territoires grecs qui ont été ottomans jusqu'en 1913 (nord du pays, îles de l'Égée et Crète) ou italiens jusqu'en 1946 (Dodécanèse) : cette juridiction représente 50 métropoles, des milliers de paroisses et 3,2 millions de fidèles : c'est, avec les loyers de son patrimoine foncier d'Istanbul, sa principale source de revenus.

Juridiction des différentes Églises orthodoxes en Grèce : Εκκλησία της Ελλάδος = Église autocéphale de Grèce (Athènes)
Oικουμενικό Πατριαρχείο Kωνσταντινουπόλεως = Patriarcat œcuménique de Constantinople dont (du nord-ouest au sud-est) « Nouveaux Territoires », « Mont Athos », « Imbros », « Constantinople, Derkos, Chalcédoine et Îles des Princes », « Exarchat patriarcal de Patmos », « Dodécanèse » et « Crète ».

Dans la diaspora[modifier | modifier le code]

Hors de Grèce et de Turquie, de nombreuses églises orthodoxes sont rattachées au patriarcat œcuménique de Constantinople :

En Amérique[modifier | modifier le code]

L'ensemble des juridictions d'outre-Atlantique groupe environ 350 000 fidèles.

En Europe occidentale[modifier | modifier le code]

L'ensemble des juridictions d'Europe hors Grèce groupe environ 120 000 fidèles.

En Asie et Océanie[modifier | modifier le code]

L'ensemble de ces juridictions d'Asie et d'Océanie groupe environ 50 000 fidèles.

Relations avec les autres Églises[modifier | modifier le code]

Relations avec les autres Églises orthodoxes[modifier | modifier le code]

Les Patriarches des Églises orthodoxes reconnaissent une primauté d'honneur (« premier parmi ses égaux ») à celui de Constantinople qui sur le plan religieux et théologique est en quelque sorte le garant des valeurs de l'orthodoxie, mais cela ne les empêche pas, sur le plan canonique et politique, de s'opposer à lui ou de refuser ses arbitrages.

Conflit avec le patriarcat de Moscou[modifier | modifier le code]

Le , l'Église orthodoxe russe a rompu officiellement la pleine communion avec le patriarcat de Constantinople, notamment car ce dernier a déclaré qu'il accorderait l'indépendance (autocéphalie) de l'Église orthodoxe ukrainienne[5],[6].

Relations avec l'Église catholique romaine[modifier | modifier le code]

Le contentieux millénaire datant du schisme de 1054, principale source du mishellénisme occidental, a fait l'objet, au XVe siècle et dans les années 1960 et 1970, de plusieurs tentatives d'apaisement dont les étapes essentielles sont :

Relations avec d'autres Églises[modifier | modifier le code]

Relations avec l'État turc[modifier | modifier le code]

La Turquie en tant qu'État ne reconnaît ni l'institution patriarcale (Patrikhanesi), ni l'adjectif « œcuménique » ni la dénomination « de Constantinople », mais seulement l’İstanbul Rum Patriği (« patriarche grec d'Istanbul »), en tant que simple évêché des orthodoxes grecs d'Istanbul, Büyükdere, Kadıköy, Kızıladalar, Gökceada et Bozcaada. En revanche, le gouvernement turc reconnaît le Bağımsız Türk Ortodoks Patrikhanesi (« patriarcat turc orthodoxe ») créé en 1922 comme moyen de pression pour obtenir la démission d'un patriarche œcuménique jugé trop pro-hellénique[7], même si cette institution n'a pas séduit les fidèles et ne compte aujourd'hui que la famille élargie de son fondateur[8], soit une quarantaine de personnes, et une trentaine d'autres fidèles. Les autorités turques limitent strictement la capacité d'initiative ou d'actions de l’İstanbul Rum Patriği et empêchent le renouvellement de ses cadres, leur recrutement étant ouvert uniquement aux citoyens turcs nés en Turquie, alors que le séminaire de Halki (Heybeli) dans les Îles des Princes a été fermé sine die sans explication. Rendre à l'Église orthodoxe de Constantinople sa liberté d'action et sa capacité de formation sont deux des conditions de l'adhésion éventuelle de la Turquie à l'Union européenne[9].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Patriarch Bartholomew of Constantinople », sur Orthodox Research Institute (consulté le ).
  2. Par exemple, le patriarche roumain Daniel Ciobotea est locum tenens de la métropole de Césarée de Cappadoce (Kayseri)
  3. (fr) « Les Grecs d’Istanbul : érosion d’une communauté », Laurène Perrussel-Morin, Le Journal International, 8 octobre 2013
  4. Recensement ottoman de 1914 : l'Empire comptait 20.975.345 habitants dont 1.792.206 grecs (8,54%), cité par Athéna Petsalis, I Mikrasiatikì Katastrofì (« La catastrophe d'Asie Mineure »), éd. Lambrakis, Athènes 2010 (ISBN 9789604698714) p.110.
  5. « Les tensions entre Russie et Ukraine scindent l’Église orthodoxe », Libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. « Déclaration du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe à la suite des empiétements du Patriarcat de Constantinople sur le territoire canonique de l’Église russe | Église orthodoxe russe », sur mospat.ru (consulté le )
  7. Le 23 Août 1923 l'assemblée nationale turque ratifie le Traité de Lausanne ([1]). Le 4 octobre 1923, à l'initiative de Papa Eftim (Zeki Erenerol), les orthodoxes turcs tiennent un congrès et publie un communiqué soutenant le gouvernement républicain turc ([2]). Le 6 juin 1924, Papa Eftim est élu Patriache de cette église turque.
  8. Pavli Eftim Karahisaroğlu Zeki Erenerol, premier patriarche de l'église turque.
  9. « Le séminaire orthodoxe de Halki, près d'Istanbul, attend toujours sa réouverture », Le Monde,‎ (lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Patriarcat œcuménique de Constantinople.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alain Juster, « Le patriarcat œcuménique, la Grèce et la Turquie », CEMOTI, vol. Le différend gréco-turc, nos 2-3,‎ , p. 10-19 (lire en ligne)
  • Samim Akgönül, Le Patriarcat grec orthodoxe : de l'isolement à l'internationalisation de 1923 à nos jours, Institut français d'études anatoliennes / Maisonneuve & Larose, Paris, 2004 (ISBN 2706818077).
  • (en) Bestami Sadi Bilgic, « The Greek Orthodox Patriarchate and the Turkish-Greek Relations, 1923-1940 », Turkish Week,‎ (lire en ligne).
  • Alban Doudelet, Les Orthodoxes grecs, Brepols (col. Fils d'Abraham), Turnhout, 1996 (ISBN 2503504671).
  • Lina Murr Nehmé, 1453 : Mohamet II impose le schisme orthodoxe, François-Xavier de Guibert, Paris, 2003 (ISBN 2868398162).
  • (en) Harry J. Psomiades, « The Ecumenical Patriarchate Under the Turkish Republic : The First Ten Years », Balkan Studies 2,‎ , p. 47-70 (lire en ligne).
  • Jean-Pierre Valognes, Vie et mort des Chrétiens d'Orient, Fayard, Paris, 1994 (ISBN 2213030642).

Liens externes[modifier | modifier le code]