Pensées (Pascal) — Wikipédia

Pensées
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Tous les hommes recherchent d’être heureux (d)
Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point.Voir et modifier les données sur Wikidata
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Pensées, aussi appelé Pensées de Pascal, est une œuvre inachevée contenant une compilation d'écrits de Blaise Pascal. Les Pensées sont un ensemble de notes de Pascal, qui furent rassemblées à partir du classement effectué dans des papiers retrouvés après sa mort. Ces notes étaient principalement rédigées en vue d’une Apologie de la religion chrétienne, c'est-à-dire une défense de cette religion contre les libertins. La première publication du livre date de 1670 sous le titre Les Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets, qui ont été trouvées après sa mort parmy ses papiers.

Histoire du texte[modifier | modifier le code]

Une légende veut que cette œuvre ait pour point de départ le « miracle de la Sainte Épine » survenu le à Port-Royal des Champs. Ce jour, la nièce de Pascal, Marguerite Périer, fut apparemment miraculeusement guérie par l'application sur une fistule lacrymale d'une épine de la couronne du Christ, ce qui déclencha un courant de sympathie en faveur de Port-Royal et convainquit Pascal de composer ses réflexions sur la religion chrétienne[1].

Éditions[modifier | modifier le code]

En 1669 est produite une édition de l'œuvre « destinée à être présentée pour approbation aux autorités ecclésiastiques et aux correcteurs ». Cette édition est appelée édition préoriginale[2].

La première publication du livre date de janvier 1670 sous le titre Les Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets, qui ont été trouvées après sa mort parmy ses papiers. Cette édition fut établie par Port-Royal des Champs[2],[3],[4]. Une seconde édition fut publiée en mars 1670, qui contient des corrections et possède par erreur un fragment de moins que l'édition précédente. Cette édition connut deux tirages, avec pour seule différence entre ces tirages que seul l'un d'eux indique « Seconde édition » en page de titre. En 1678, une troisième édition, « augmentée d’une quarantaine de fragments qui avaient été exclus de la première » fut publiée. Dans cette troisième édition, « [d]e nombreuses corrections ont été apportées, mais sans que la structure du livre soit changée. Les éditions publiées par la suite n’ajouteront rien de neuf[2]. »

Albert Maire décrit en 1926, 37 éditions françaises du XVIIe siècle, 32 éditions du XVIIIe siècle, 95 éditions du XIXe siècle. Il liste aussi les traductions anglaises, danoises, espagnoles, hollandaises, italiennes, latines, polonaises, russes, tchécoslovaques[5].

D'après Yoichi Maeda (ja), une trentaine de traductions en japonais sont parues entre 1945 et 1978[6].

Contenu[modifier | modifier le code]

L'homme et les puissances trompeuses[modifier | modifier le code]

Selon Pascal, l’homme est incapable de vérité. Ceci, il le tient de sa nature corrompue par le péché originel qui a corrompu aussi sa raison. Parmi ces « principes d’erreur » qui altèrent le jugement de l'homme, il y a ce qu’il nomme les « puissances trompeuses » : l'imagination, la coutume, l’amour-propre, l'intérêt, les maladies, et les impressions anciennes ou les charmes de la nouveauté[7].

Parmi ces puissances trompeuses, Pascal insiste sur l'imagination, qualifiée de « maîtresse d’erreur et de fausseté », dont le pouvoir s’étend à tous les hommes indépendamment de leur condition. Son danger est d’autant plus grand qu’elle n’est pas toujours trompeuse, « marquant du même caractère le vrai que le faux » [7].

Pour développer son propos, Pascal prend appui sur l'effet que produisent l'image et l’apparence en général (tenue vestimentaire, escorte) ; celles-ci créent une représentation des choses qui s'impose à l’esprit humain. Ainsi, l’homme accorde-t-il du prix au discours d’un prédicateur non pas parce qu’il est convaincant mais parce qu’il présente bien et qu'il utilise l'imagination dans sa rhétorique. Le roi en impose non pas en soi mais parce qu’il est associé à la suite de ses gardes du corps (fr. 23). La formule « Cet habit, c’est une force » (fr. 82) résume bien la puissance des effets de l’apparence. De la même manière, l’imagination nous donne l’illusion du bonheur. Ainsi en est-il de quelqu'un qui est heureux parce qu’il se croit sage et non pas parce qu’il l’est (fr. 41). Elle entretient donc la vanité de l’homme dans la mesure où elle l’amène à chercher le divertissement ou encore la gloire parce qu’il s’imagine que cela lui procurera du plaisir[7].

Les trois ordres[modifier | modifier le code]

La distinction des trois « ordres » est née de la réflexion mathématique de Pascal sur l’infiniment grand et l’infiniment petit : « Les points n’ajoutent rien aux lignes, les lignes aux surfaces, les surfaces aux solides… Donc les degrés inférieurs doivent être négligés comme dépourvus de toute valeur[8]. » Cette idée de « degré » est exprimée dans les Pensées par le terme « ordre ». La distinction des trois ordres est développée dans le fragment 793 de l’édition Brunschvicg :

« La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle. »

Les grandeurs de la « chair », c’est-à-dire de la puissance qui agit sur les corps, celles de l’« esprit », considéré surtout comme créateur de la science, et celles de la « charité » au sens religieux d’amour, appartiennent à « trois ordres différant de genre ». Elles sont radicalement discontinues : une puissance infinie ne procure pas le plus petit commencement de science, ni une puissance ou une science infinies le plus petit commencement d’amour. Chaque ordre définit un ensemble parfaitement homogène en lui-même et hétérogène à tous les autres[9].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Henri Gouhier, Blaise Pascal : commentaires, Vrin, (lire en ligne), p. 136-139.
  2. a b et c « Les éditions de Port-Royal », sur www.penseesdepascal.fr (consulté le )
  3. Encyclopædia Universalis, « Pensées », sur universalis.fr (consulté le )
  4. « Blaise Pascal », sur larousse.fr (consulté le )
  5. Albert Maire, Pascal Philosophe, les Pensées, éditions originales, réimpressions successives..., Paris, L. Giraud-Badin, .
  6. Album Pascal : Iconographie réunie et commentée par Bernard Dorival, Gallimard, , p. 193
  7. a b et c « Les puissances trompeuses », sur letudiant.fr (consulté le ).
  8. (la) Traité Potestatum numericarum summa, 1654.
  9. Jean Mesnard 1995, p. 70-71.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Article connexe[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Victor Cousin, Des Pensées de Pascal : rapport à l'Académie française sur la nécessité d'une nouvelle édition de cet ouvrage, Paris, Ladrange, , LV-453 p. (lire en ligne)
  • Pol Ernst, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970.
  • Pol Ernst, Les Pensées de Pascal : géologie et stratigraphie, Paris-Oxford, Universitas-Voltaire Foundation, 1996.
  • Raymond Francis, Les Pensées de Pascal en France de 1842 à 1942, essai d'étude historique et critique, Paris, Nizet,
  • Louis Lafuma, Histoire des Pensées de Pascal (1656-1952), Paris, Éditions du Luxembourg, 1954.
  • Jean Laporte, Le Cœur et la raison selon Pascal, Paris, Elzévir, 1950.
  • Emmanuel Martineau, Blaise Pascal, Discours sur la religion et sur quelques autres sujets qui ont été trouvés après sa mort parmi ses papiers, restitués et publiés par Emmanuel Martineau, Paris, Fayard-Armand Colin, , « Aperçu bibliographique (1842-1992) », p. 267-272
  • Jean Mesnard, Les Pensées de Pascal, Paris, Société d’Édition d’Enseignement Supérieur, (1re éd. 1976), 400 p.
  • Jean Mesnard, Pascal, collection "Les écrivains devant Dieu", Paris, Desclée de Brouwer, 1965.
  • Antony McKenna, Entre Descartes et Gassendi : la première édition des Pensées de Pascal, Oxford/Paris, Universitas/Voltaire Foundation,
  • Marie Pérouse, L'invention des "Pensées" de Pascal : les éditions de Port-Royal, 1670-1678, Paris, H. Champion, , 606 p. (ISBN 978-2-7453-1912-8)
  • Marie-Laure Prévost, « Un théorème de géométrie de Blaise Pascal découvert dans le manuscrit des Pensées », Chroniques de la Bibliothèque Nationale de France, no 56 (nov.-).
  • François Paré, « Temps et digression dans les Pensées de Pascal », Études françaises, vol. 37, no 1,‎ , p. 67-81 (lire en ligne).
  • Éric Méchoulan, « Du bon usage de la haine et du respect dans les Pensées de Pascal », Philosophiques, vol. 24, no 2,‎ , p. 259-275 (lire en ligne).
  • Bernard Sève, « Le « génie tout libre » de « l’incomparable auteur de l’Art de conférer » : ce que l’écriture de Pascal doit à Montaigne », Littératures, vol. Pascal a-t-il écrit les Pensées ?, no 55,‎ , p. 93-110. (lire en ligne)

Liens externes[modifier | modifier le code]

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