Prêtre orthodoxe — Wikipédia

La bénédiction de l'eau dans la liturgie orthodoxe ukrainienne.

Un prêtre orthodoxe, souvent appelé pope en français, est un prêtre ordonné par l'une des Églises de la Communion orthodoxe. Contrairement à l’usage de l'Église catholique de rite latin[1], l’Église orthodoxe peut ordonner des hommes mariés. Seuls les moines sont astreints au célibat et à la continence. Les célibataires ne peuvent plus se marier après leur ordination, mais en revanche, ils peuvent devenir hiérarques ; les évêques ne sont choisis que parmi les moines.

Les prêtres orthodoxes pouvant être mariés, leurs familles se transmettaient souvent cette vocation de père en fils, créant des dynasties ainsi qu’un milieu intellectuel spécifique[2]. Les femmes ne peuvent être ordonnées, mais l’épouse d’un prêtre orthodoxe jouit d’une grande considération, est souvent la conseillère ou la porte-parole des autres femmes de la communauté, et est nommée παπαδία (papadía) en grec et (popadia) en serbe et попова ou поповка (popova ou popovka) dans certaines langues slaves.

Statut et sacerdoce[modifier | modifier le code]

La Divine Liturgie en la cathédrale de la Trinité de Serguiev Possad, près de Moscou.

Les prêtres orthodoxes sont regroupés selon une hiérarchie : les patriarches, archevêques ou métropolites, sont à la tête ; puis viennent les évêques (du grec épiskopos, c'est-à-dire surveillant, inspecteur), les prêtres (du grec presbyteros, ancien), enfin les diacres (du grec diakonos, aide ou assistant). Le sacrement de l’ordre comporte trois étapes : le diaconat, le presbytérat et l’épiscopat. Seuls les évêques sont tenus au célibat. La hiérarchie compte aussi des sous-diacres, des lecteurs et des chantres sans sacrement spécifique.

À Chypre, dans la diaspora grecque et les autres diasporas orthodoxes, les prêtres ne perçoivent pas de salaire : ils ne vivent que des offrandes des fidèles. En Grèce, les prêtres orthodoxes reçoivent une rémunération de la part de l’État et ont le statut de fonctionnaire : en 2018, Aléxis Tsípras a tenté de reformer ce système en maintenant le salaire mais en retirant le statut de fonctionnaire[3], dans le but de préparer la séparation entre l’Église et l’État, ce qui constituait l’une de ses promesses électorales. La conférence épiscopale orthodoxe grecque a refusé cette proposition par 73 votes sur 82[4]. Dans les anciens pays communistes aussi, outre les tarifs des sacrements et les offrandes, les prêtres bénéficient d’une rémunération de la part de l’État, un acquis de la période communiste durant laquelle les autorités, tout en promouvant un athéisme d’État, entendaient contrôler le clergé[5],[6],[7], ce qui généra l’apparition d’églises clandestines[8].

Prêtre orthodoxe grec portant le kamilavkion à bord supérieur élargi. Les prêtres et diacres peuvent être mariés, si leur mariage est antérieur à leur ordination diaconale. Ils ne sont pas autorisés à se remarier s’ils deviennent veufs.
Moine orthodoxe grec à kamilavkion cylindrique. Les moines font vœu de chasteté et de célibat.

Dénominations[modifier | modifier le code]

Étymologie et sémantique[modifier | modifier le code]

L’appellation française de « pope » confond les prêtres séculiers (catégorie à laquelle ce terme devrait être réservé), les hiéromoines (moines-prêtres) et les moines qui ne sont pas prêtres. Elle a longtemps été employée en français pour désigner plus spécifiquement les prêtres orthodoxes de Grèce, des Balkans et du Moyen-Orient[9] ; cet usage est aujourd’hui abandonné.

Le terme français « pope » est l’équivalent du slave поп (pop) et du roman oriental popă provenant du grec παππά (pappá) qui n’a jamais été un titre officiel[10] mais un terme familier et affectueux comme la désignation du père (« papa ») dans le langage enfantin[11]. Cette marque d'affection respectueuse, déjà présente chez Homère[12], passe en usage dans le christianisme oriental pour honorer les « épiscopes » puis les évêques[10] et finalement les prêtres[13].

Pendant la longue période soviétique, alors que l’État persécutait les religions, le mot « pope » a acquis en russe une connotation sarcastique et les russophones emploient désormais le terme de свяще́нник (sviachtchennik), ou, dans les milieux ecclésiastiques, celui de иерей (iéreï). En roumain aussi, l’Église actuelle préfère les termes de preot ou iereu à celui de popă devenu péjoratif sous le régime communiste.

Le tableau de Nikolaos Gysis l'École secrète montre un prêtre grec dans son rôle de δασκάλος daskàlos, enseignant des enfants de la paroisse et vecteur de la survie de l'hellénisme en Grèce ottomane.

En grec, langue qui n’a pas subi la propagande anticléricale des États communistes, le terme familier « pope » (παππά) n’a pas été déprécié mais est resté d’autant plus respectueux, que les popes ont été des agents de la persistance de l’hellénisme sous l’occupation turque et de la renaissance culturelle grecque, puis ont joué un rôle important dans la guerre d'indépendance grecque (cas du pope Phléssas), dans la résistance chypriote grecque contre l’occupation coloniale britannique (cas de Makários III)[14], et dans la résistance antinazie pendant la seconde Guerre mondiale[15],[16].

Habillement[modifier | modifier le code]

Lorsqu’ils remplissent des fonctions dans la hiérarchie ecclésiastique (hiérodiacres, higoumènes, évêques, métropolites, patriarches), les prêtres orthodoxes portent soutane, étole, calotte noire, kamilavkion et éventuellement koukoulion. Le kamilavkion (grec καμιλαύκιον) est un couvre-chef spécifique, noir, simplement cylindrique chez les moines, élargi vers le haut chez les prêtres russes ou présentant un sommet conique et un rebord d’un centimètre chez les prêtres des Balkans ou de la diaspora grecque. Le koukoulion (κουκούλιον : voile blanc ou noir) peut former, avec le kamilavkion, un klobouk (russe клобук, coiffe des hiérarques).

Les prêtres grecs et chypriotes doivent respecter les canons 21 et 27 du Concile quinisexte de 691-92 en gardant barbe et soutane où qu’ils aillent, leur sacerdoce étant, selon ces canons, permanent[17]. En revanche, dans l’ancien bloc de l'Est on voit souvent des prêtres à courte barbiche, moustachus ou glabres, qui n’arborent la soutane et le kamilavkion qu’en service. Dans ces anciens pays communistes, les sarcasmes péjoratifs permanents des médias communistes ont incité les prêtres à se donner une apparence de citoyens ordinaires en dehors de leur service, et cette habitude a perduré après la chute des régimes communistes en Europe et la dislocation de l'URSS[18].

Anthroponymie et toponymie[modifier | modifier le code]

En Russie, Biélorussie, Ukraine, dans la diaspora russe, en Bulgarie, Macédoine, Monténégro, Serbie, Roumanie et Moldavie, les noms de famille Popov (Попов), Popovitch (Попович), Popović ou Popescu sont très fréquents : ils viennent directement du mot « pope » et trouvent leur équivalent dans les noms grecs Παπάς (Pappas) ou Παπαδόπουλος (Papadopoulos) également fort répandus en Grèce et à Chypre. Dans ces pays orthodoxes, plusieurs localités portent des noms dérivés des patronymes Πάπος, Παππάδος, en Bosnie, en Serbie et à la frontière serbo-monténégrine : Popenki, Popești, Popovica, Popovka… On trouve aussi des sommets, comme les deux Pop-Ivan des Carpates ukrainiennes (celui de la Montagne noire et celui de la Marmatie)[19].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Jean Mercier, Célibat des prêtres : La discipline de l'Église doit-elle changer ?, Desclée De Brouwer, (ISBN 978-2-220-06652-3, lire en ligne), p. 77.
  2. À titre d’exemple, Mihail Ștefănescu (en) (1823-1892) fut un membre éminent de la renaissance culturelle roumaine, à la fois prêtre orthodoxe, professeur universitaire, académicien et franc-maçon.
  3. Hélène Destombes, « En Grèce, la séparation de l’Église et de l’État n’est pas pour demain », sur vaticannews.fr, (consulté le ).
  4. « En Grèce, le salaire des popes au centre d'une nouvelle guerre de religion », sur parismatch.com, (consulté le ).
  5. (en) Robert Wuthnow, The encyclopedia of politics and religion, Congressional Quarterly, 1998, (ISBN 156802164X et 9781568021645), pages 173-174.
  6. Igor Chafarevitch, La Législation sur la religion en URSS : rapport au Comité des droits de l'homme, Seuil, Paris 1974 - trad. Michel Fedorov).
  7. Contrairement à une idée répandue, les États communistes ne pratiquaient pas la laïcité qui n’interdit ni les cultes ni le prosélytisme, mais sépare l’État des religions qu’elle laisse libres : la laïcité ne promeut ni l’athéisme, ni l’incroyance, ni la croyance, et assure la liberté de conscience dans le respect de la loi ; pour leur part, les régimes communistes, après la consolidation de leur pouvoir et la mort en détention des hiérarques et des clercs insoumis ou réfractaires, prirent le contrôle de la pratique religieuse en rémunérant les clercs. Certains des lieux de formation théologique fermés dans la période initiale (jusqu’en 1941 en URSS, jusqu’en 1960 dans les autres pays communistes) furent remis en fonction, sous étroite surveillance de la police politique communiste ; les lieux de culte encore debout furent progressivement rouverts (d’abord seulement pour les fêtes majeures) et les nouveaux clercs tolérés par le régime devinrent, bon gré mal gré, des collaborateurs des autorités : une « blague dissidente » affirmait : « Si tu veux dénoncer quelque chose ou quelqu’un à la police politique sans te dévoiler comme délateur, va te confesser à l'église ! » (en) Victor A. Pogadaev, « The origin and classification of Russian anecdotes as a folklore genre », Folklore and Folkloristics, Université de Malaya, vol. 5, no 2,‎ , p. 9-17 (lire en ligne [PDF]).
  8. William C. Fletcher, L’Église clandestine en union soviétique, A. Moreau, Paris 1971.
  9. Voir [1].
  10. a et b Philippe Levillain, « Pape », dans Philippe Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la Papauté, Fayard, (ISBN 9782213025377), p. 1244.
  11. « Pape », dans Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, vol. II, Le Robert, , p. 2552.
  12. Homère, Odyssée, VI, 57.
  13. Mgr Stéphanos, Ministères et charismes dans l’Église orthodoxe, Desclée de Brouwer, 1988, pp. 33-45 et 105-109.
  14. Biographie de Makarios III sur le site de l’université de Sherbrooke : [2].
  15. Mark Mazower, Inside Hitler's Greece - The Experience of Occupation, 1941-44, Yale University Press, 2001, pp. 108-109 - trad., Dans la Grèce d'Hitler 1941-1944, Les Belles lettres, 2002.
  16. Joëlle Fontaine, La Grèce fut un pilier de la résistance, [3].
  17. « Canons du Concile de Chalcédoine ».
  18. Exemples sur [4] ou [5].
  19. Географічна енциклопедія України: в 3-х томах / Редколегія: О. М. Маринич (відпов. ред.) та ін. — К.: «Українська радянська енциклопедія» імені М. П. Бажана, 1989 ; Les plus hauts sommets des Carpates ukrianiennes ; Travaux du Musée national d'histoire naturelle « Grigore Antipa » 1996 : « Les montagnes du Maramureș s'étendent de la vallée de la Bistrița jusqu'à la frontière ukrainienne, sur la rive droite de la rivière Vișeu, et se composent d'un large sommet fragmenté, orienté Sud-Est, Nord-Ouest. Du point de vue géologique le territoire est très varié, avec des schistes cristallins au pic Pop-Ivan (1 937 m) percés de roches éruptives (Toroioaga, 1 930 m) ou de basaltes mésozoïques de la zone du Farcău (1 957 m) et du Mihăileț (1 918 m) ».

Liens externes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]