Résolution 1723 de l'Assemblée générale des Nations unies — Wikipédia

La résolution 1723 de l'Assemblée générale des Nations unies du a été adoptée par une majorité de 56 votes pour, 11 contre et 29 abstentions lors d’une séance plénière. Elle est le résultat d'une initiative de l’Irlande, la Malaisie, la Thaïlande et le Salvador, demandant que la question du Tibet soit à nouveau abordée. Cette résolution reconnaît et affirme le droit du peuple tibétain à l'autodétermination, condamne la violation de ce droit et appelle à sa restauration. Selon A. Tom Grunfeld elle a été votée alors que l'ONU empêchait la Chine communiste de devenir membre de l'organisation [1].

Contexte historique[modifier | modifier le code]

Le Tibet était de facto un État indépendant depuis 1912 mais sur lequel la Chine n'avait pas renoncé à sa souveraineté. En 1951, peu après que la Chine est devenue communiste, la république populaire de Chine a rétabli dans les faits son autorité sur le Tibet ou, selon le gouvernement tibétain en exil et d'autres sources, envahi celui-ci. Après le soulèvement de 1959, près de 80 000 Tibétains furent contraints à l'exil.

Selon John Kenneth Knaus, ex-agent de la CIA, en un groupe d'Indiens éminents dont Jayaprakash Narayan, J.J. Singh et Purshottam Trikamdas ont participé à l’organisation de la Conférence afro-asiatique sur le Tibet et contre le colonialisme en Asie et en Afrique. Les délégués de 19 pays asiatiques et africains rassemblés à New Delhi adoptèrent à l'unanimité une résolution soutenant le droit du peuple tibétain à l'autodétermination. Bien qu'aucun des délégués n’était un représentant officiel de son gouvernement, plusieurs de ces derniers ont exprimé leur sympathie pour la convention (l'Inde, qui préparant à une visite à Zhou Enlai, ne l'a pas fait). À l’automne, Singh et Trikamdas ont accompagné Gyalo Thondup à New York pour utiliser le soutien de la Conférence afro-asiatique et obtenir une résolution de l'ONU en faveur de l'autodétermination du Tibet. Ils réussirent à introduire la résolution, mais elle ne put être discutée lors des deux séances régulières, qui se sont enlisées vers la fin de l'année 1960, et elle fut examinée lors de la séance du printemps suivant[2].

Le , le 14e dalaï-lama lança un appel aux Nations unies en faveur d'une restauration de l'indépendance du Tibet[3].

Dans sa lettre au secrétaire général de l'ONU datée du , le dalaï-lama exprime sa joie en remarquant que Nikita Khrouchtchev a appelé quelques jours plus tôt, lors de son discours devant l'Assemblée de l'ONU, à la liberté pour tous les peuples colonisés, ajoutant que son pays est colonisé [4]. L'appel de Khrouchtchev mena à l'adoption de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux à l'ONU.

L'Irlande considéra que les termes de la résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations unies de 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux étaient applicables au Tibet car les Tibétains constituaient un peuple exposé à la subjugation étrangère, la domination et l'exploitation[5].

La question du Tibet est discuté le . Le représentant de la Malaisie, Nik Ahmad Kamil Nik Mahmud (en), déclare : « Depuis l'occupation du Tibet en 1950 par les forces armées de la république populaire de Chine, une occupation ironiquement décrite par les autorités chinoises comme une libération pacifique, le Tibet n'a connu ni paix ni liberté. Sa religion et sa culture qui pendant des siècles l'ont identifié comme un peuple distinct avec un caractère et une personnalité propre ont été systématiquement attaqués. Les milliers de Tibétains qui ont eu le courage de résister aux colonisateurs en défendant leurs libertés ont été éliminés. Des milliers d'autres, parmi lesquels des moines bouddhistes, ont été conscrits aux travaux forcés. Des enfants innocents sont séparés de leur famille et déportés en Chine. Toutes ces mesures font partie de la grande politique de la république populaire de Chine pour détruire le peuple tibétain »[6].

Portée de la résolution[modifier | modifier le code]

L'Assemblée Générale, dans cette Résolution de 1961, réitère solennellement sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à des pratiques qui privent le peuple tibétain de ses droits fondamentaux et de ses libertés fondamentales, notamment de son droit à l'autodétermination[7].

Cette résolution adoptée par l'Assemblée générale malgré les dispositions limitant l'exécution du droit à l'autodétermination, est une simple recommandation, elle n'est pas juridiquement contraignante. L'ONU a défini sans ambiguïté en 1960 les limites et les conditions de l'application du droit à l'autodétermination nationale : cette application ne doit en aucun cas porter atteinte à la souveraineté d'État d'un pays et compromettre son intégrité territoriale[8]. Le principe de l'intégrité territoriale, consacré depuis longtemps par le droit international, constitue une limite à l'application du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et au principe d'autodétermination des peuples colonisés. La résolution 1514 (XV), adoptée le par l'Assemblée générale de l'ONU, admet cette limite et lui consacre le paragraphe 6 qui stipule clairement que « toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes des Nations unies ».

La république populaire de Chine ne faisait pas partie de l'ONU lors de son adoption, donc n'a pas pu participer aux débats et de ce fait ne la reconnaît pas[9].

Elle a été rappelée en 1965.

Lors de l'admission de la Chine au sein de l'ONU, en 1971, il n'en a pas été tenu compte.

Suites[modifier | modifier le code]

Selon le ministère des Affaires étrangères du gouvernement Jean-Pierre Raffarin, en accueillant la république populaire de Chine en son sein en 1971, l'ONU n'a pas contesté la souveraineté de Pékin sur le Tibet, souveraineté qui est admise par tous les États ayant noué des relations diplomatiques avec la RPC depuis 1949[10].

Texte[modifier | modifier le code]

1723 (XVI). Question du Tibet

L'Assemblée générale,

  • Rappelant sa résolution 1353 (XIV) du relative à la question du Tibet,
  • Gravement préoccupée de la suite des événements au Tibet, notamment de la violation des droits fondamentaux du peuple tibétain et des mesures prises pour détruire le particularisme culturel et religieux qui l'a traditionnellement caractérisé,
  • Notant avec une profonde anxiété les vives souffrances que ces événements ont infligées au peuple tibétain, ainsi qu'en témoigne l'exode massif de réfugiés tibétains vers les pays voisins,
  • Considérant que ces événements violent les droits fondamentaux de l'homme et les libertés fondamentales énoncés dans la Charte des Nations unies et dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, notamment le principe de l'autodétermination des peuples et des nations, et qu'ils ont pour effet déplorable d'accroître la tension internationale et d'envenimer les relations entre les peuples,
  1. Réaffirme sa conviction que le respect des principes de la Charte des Nations unies et de la Déclaration universelle des droits de l'homme est essentiel à l'instauration d'un ordre mondial pacifique fondé sur le règne du droit;
  2. Réitère solennellement sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à des pratiques qui privent le peuple tibétain de ses droits fondamentaux et de ses libertés fondamentales, notamment de son droit à l'autodétermination
  3. Exprime l'espoir que les États membres feront tout ce qui est en leur pouvoir, selon qu'il conviendra, en vue d'atteindre les buts de la présente résolution.

1085e séance plénière,

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) A. Tom Grunfeld, Exploring Chinese History: East Asia, site ibiblio.org, 1998-2010 Richard R. Wertz : « On October 21, 1959, the United Nations (UN) approved a resolution deploring the suppression of human rights in Tibet. A similar resolution was passed on March 9, 1961. These resolutions occurred at a time when the UN was preventing China's Communist government from membership in the organization ».
  2. John Kenneth Knaus, Orphans of the Cold War: America and the Tibetan struggle for survival, PublicAffairs, 2000, (ISBN 1891620851), p. 252 : « In April of 1960 a group of prominent Indians, including J. P. Narayan, JJ Singh, and Purshottam Trikamdas were enlisted to host an Afro-Asian Conference on Tibet and against colonialism in Asia and Africa. Delegates from nineteen Asian and African countries met in New Delhi and unanimously adopted a resolution supporting the Tibetan people's right to self-determination. While none of the delegates were official representatives of their governments, several of their governments expressed sympathy for the convention. (India, preparing for a visit by Zhou Enlai, did not.) In the autumn Singh and Trikamdas accompanied Thondup to New York to line up Afro-Asian support for a UN resolution supporting self-determination for Tibet. They managed to introduce the resolution but it became a casualty of both the regular session, which got bogged down late in 1960, and the rump session the following spring. »
  3. Le Dalaï-Lama invité du Parlement « Copie archivée » (version du sur Internet Archive).
  4. Office of His Holiness the Dalai Lama, Tibetans in exile, 1959-1969: a report on ten years of rehabilitation in India, 1969, p. 289
  5. (en) Tsewang Phuntsok, Self Determination: A Case for Tibet : « In 1961, Ireland considered the terms of GA resolution 1514 on the granting of independence to colonial countries and people applicable to Tibet as Tibetans constituted a people subjected to alien subjugation, domination and exploitation. »
  6. Stéphane Guillaume, La question du Tibet en droit international, 2009, p. 146
  7. Document officiel de l'ONU
  8. ACAP, « Sept questions sur le Tibet » de Elizabeth Gleick, Agence Centrafrique Presse, page Chine, 24 novembre 2009 : « L'ONU a défini clairement et explicitement en 1960 les limites et les conditions dans l'exécution du droit d'autodétermination nationale, c'est-à-dire que l'application du droit d'autodétermination nationale ne doit en aucun cas porter atteinte à la souveraineté d'Etat d'un pays et compromettre son intégrité territoriale ».
  9. Réponse du Ministère des affaires étrangères à une question écrite No 11393 de M. Gilbert Chabroux (Rhône - SOC), publiée dans le JO Sénat du 13/05/2004, page 1028; reproduite sur le site Bienvenue au Sénat, Situation du Tibet, 12e législature : « S'agissant du droit à l'autodétermination des Tibétains, il convient de replacer dans son contexte historique la résolution 1723 (XVI) du 20 décembre 1961 de l'Assemblée générale des Nations unies. À cette époque, la Chine populaire ne siégeait pas à l'ONU. (...) En tout état de cause, les résolutions de l'Assemblée générale ne sont pas juridiquement contraignantes et n'ont qu'une portée recommandatoire ».
  10. Réponse du Ministère des affaires étrangères à une question écrite No 11393 de M. Gilbert Chabroux (Rhône - SOC), publiée dans le JO Sénat du 13 mai 2004, page 1028 ; reproduite sur le site Bienvenue au Sénat, Situation du Tibet, 12e législature : « L'assemblée générale des Nations unies, en accueillant en 1971 la Chine en son sein, n'a pas contesté la souveraineté de Pékin sur le Tibet. Cette souveraineté a d'ailleurs été admise par la totalité des Etats ayant engagé depuis 1949 des relations diplomatiques avec la Chine ».

Liens internes[modifier | modifier le code]

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