Révolte des Maillotins — Wikipédia

La révolte des Maillotins est un soulèvement populaire qui s'est produit en 1382 à Paris sous le règne de Charles VI.

alternative textuelle
Révolte des maillets ou maillotins, enluminure d'une chronique française anonyme, Bibliothèque municipale de Besançon, XVe siècle[1].

C'est l'une des nombreuses révoltes populaires, qui éclatent dans tout le royaume de France au cours de l'année 1382, comme celle de la Harelle en Normandie, à Rouen, ou celle des « Tuchins » en Auvergne et Languedoc, et voient le peuple se soulever pour protester — entre autres — contre l'oppression fiscale. L'origine des révoltes appartient aux métiers urbains ou au monde paysan aisé, à ceux qui sont concernés au premier chef par les prélèvements fiscaux. Mais ils sont rapidement dépassés par les couches inférieures qui transforment cette révolte contre l'impôt en révolte de la misère.

Les collecteurs de taxes et les usuriers sont les principales victimes du soulèvement populaire.

Origine de la révolte[modifier | modifier le code]

Des insurgés tuent un chevalier, miniature du XVe siècle.

Charles VI arrive au pouvoir en à l'âge de 12 ans. Louis d'Anjou, Jean de Berry et Philippe II de Bourgogne, oncles du jeune roi, assurent la régence du royaume et en profitent pour s'enrichir en augmentant les impôts.

Lors du rétablissement inique des taxes sur les denrées de première nécessité, les Parisiens se révoltent, rejoints par les paysans de Clichy et des Ternes[2].

Le , artisans, ouvriers, paysans saccagent et tuent ; à l'hôtel de ville et à l'arsenal. Ils s'emparent d'environ 2 000 lourds maillets de plomb, entreposés là dans l'attente d'une éventuelle attaque[3]. Ainsi armés, ils s'en prennent aux juifs (16 tués), et aux collecteurs d'impôts (leurs registres sont brûlés). Ce sont eux qui libèrent Hugues Aubriot, ancien prévôt de Paris, qu'ils voulurent mettre à leur tête, mais il refusa ce dangereux honneur. Il meurt quelques mois plus tard, en [4].

La révolte des Maillotins dura plusieurs mois avant que le pouvoir royal ne parvienne à reprendre la situation en main. Car pendant ce temps-là, le roi était en campagne en Flandres contre les révoltés flamands qu'il écrasa à la bataille de Roosebeke (). Les Parisiens apprirent la nouvelle le , et les envoyés du roi leur communiquèrent les conditions de leur soumission.

Retour de Charles VI à Paris après la révolte des Maillotins (Chroniques de Jean Froissart, XVe siècle, Paris, BnF).

Le roi marcha sur Paris à la tête de son armée victorieuse. Les habitants sortirent et allèrent à sa rencontre au nombre de trente mille hommes bien armés. Cette démonstration jeta l’effroi parmi la noblesse ; mais sans chefs, les Parisiens ne surent pas prendre la résolution de se défendre ; ils laissèrent pénétrer dans leurs murs le roi qui y entra avec ses troupes par une brèche, comme dans une ville conquise.

Michelet décrit ce retour « Lorsque le roi arriva, les bourgeois, pour le mieux fêter, crurent faire une belle chose en se mettant en bataille. Peut-être aussi espéraient-ils, en montrant ainsi leur nombre, obtenir de meilleures conditions. Ils s'étalèrent devant Montmartre en longues files ; il y avait un corps d'arbalétriers, un corps armé de boucliers et d'épées, un autre armé de maillets ; ces maillotins, à eux seuls, étaient vingt mille hommes »[5].

Le Roi ne montra aucune faiblesse, et en , une répression terrible s'abattit sur les émeutiers dont les meneurs furent décapités ou pendus sans autre forme de procès. Cette véritable « révolte fiscale » déboucha sur la loi martiale et incita Charles VI à reprendre les choses en main.

Origine du nom[modifier | modifier le code]

bataille de maillets contre des épées
Bataille de maillotins contre des épées.

Le nom de maillotin vient de mail ou maillet, une arme employée dans les combats au Moyen Âge : « masse de combat (de fer ou de plomb) à long manche que portaient les gens de pied ; utilisés par les défenseurs des villes sur les remparts, les maillets servent à frapper les assaillants[6] ».

Les émeutiers furent d'abord appelés maillets[7]. C’est seulement à partir du XVIe siècle que l’on a appelé Maillotins les Parisiens révoltés en 1382.

Les maillets puis les maillotins sont cités dans les chroniques des XVe et XVIe siècles : « Ces gens d'armes plus de soixante mille et plus de cinquante mille maillets, et autres gens, comme arbalétriers et archers[8]. » Dans Rabelais on trouve en 1552 que « les Parisiens avecques leurs mailletz, dont feurent surnommez Maillotins[9] ».

Bainville, dans son Histoire de France publiée en 1924, écrit : « Le peuple pillait l'arsenal, s'armait, enlevait vingt mille maillets de fer : ce fut la sédition des maillotins[10]. » En 1896, dans le poème Emblème du recueil Sylves, Jean Moréas utilise le terme « maillet » : « Prends la lance niellée avec les forts maillets les cuirasses rompants[11]. »

Origine du nom de porte Maillot et de la route de la révolte[modifier | modifier le code]

Selon les historiens de la mairie du 17e arrondissement de Paris, la porte Maillot ne tiendrait pas son nom d'un jeu de mail qui aurait existé dans le proche bois de Boulogne, mais bien de la révolte des Maillotins de 1382[2]. La route de la révolte partant de là et passant au nord de Montmartre pourrait alors bien rappeler la reddition de ces révoltés qui « s'étalèrent devant Montmartre en longues files » avec « les paysans de Clichy et des Ternes », et non, comme il est souvent affirmé, la révolte qui eut lieu en 1755 sous le règne de Louis XV.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. En ligne.
  2. a et b La Porte Maillot, ce grand carrefour, existe depuis le haut Moyen Âge. Elle doit son nom à la révolte des Maillotins de 1382, où paysans de Clichy et du Quartier des Ternes s'étaient joints aux Parisiens lors du rétablissement inique des taxes sur les denrées de première nécessité.« Il était une fois le 17e », sur mairie de Paris XVII (consulté le ).
  3. « Et étoient, dit Froissard (livre II, chapitre 151), en la cité de Paris, de riches et puissants hommes armés de pied en cap, la somme de trente mille hommes, aussi bien arréés [équipés] et appareillés de toutes pièces comme nul chevalier pourroit être ; et avoient leurs varlets et leurs mainies [serviteurs] armés à l’avenant.
    Et avoient et portoient maillets de fer et d’acier, périlleux bâtons pour effondrer heaumes et bassinets ; et disoient en Paris quand ils se nombroient, que ils étoient bien gens, et se trouvoient par paroisses, tant que pour combattre de eux-mêmes, sans autre aide, le plus grand seigneur du monde. Si appeloit-on ces gens les routiers et les maillets de Paris. »
  4. « Il y eut, dit Juvénal des Ursins, une vieille qui vendoit du cresson aux halles, à laquelle le fermier vint demander l’imposition, laquelle commença à crier. Et à coup vindrent plusieurs sur ledit fermier, et luy firent plusieurs plaies, et après le tuèrent et meurtrirent bien inhumainement.
    Et tantost par toute la ville le menu peuple s’émeut, prirent armures, et s’armèrent tellement, qu’ils firent une grande commotion et sédition de peuple, et couroient et recouroient, et s’assemblèrent plus de cinq cents…
    Et pour ce qu’ils étoient mal armés et habillés, ils surent que en l’hostel de la ville avoit des harnois, ils y allèrent, et rompirent les huis où étoient les choses pour la défense de la ville, prirent les harnois et grande foison de maillets de plomb, et s’en allèrent par la ville, et tous ceux qu’ils trouvoient fermiers des aides, ou qui en étoient soupçonnés, tuoient et mettoient à mort bien cruellement. »
  5. Jules Michelet, Histoire de France, vol. IV. [1380-1422.], L. Hachette (Paris), (lire en ligne), p. 29.
  6. Encyclopédie méthodique : Art militaire, Panckoucke, Tome 1, 1786 : « Le mail ou maillet, & le marteau d’armes, différoient, en ce que le revers du maillet étoit quarré, ou un peu arrondi par les deux bouts, & que le marteau d’armes avoit un côté qaurré et arrondi, & l’autre en pointe ou en tranchant. De-là l’ancien mot marteleis, pour dire un combat. » On lit dans Guillaume Guiart, sous l’an 1200 :
    Moult fut fier le marteleis

    La noise & le cliqueteis.

  7. Chronique de Jean II et Charles V, vol. t.3, R. Delachenal, , p. 13, voir note 1.
  8. Chronique de Froissart, vol. 2, Lyon, , p. 175.
  9. Rabelais, Quart Livre, R. Marichal, chap. XXXVI, p. 163, ligne 73.
  10. [[Jacques Bainville|Jacques Bainville]], Histoire de France, vol. t. 1, , p. 109.
  11. Moréas, Sylves, Histoire de l'armement, , p. 167.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]