Refroidissement radiatif — Wikipédia

Intensité du rayonnement thermique provenant des nuages, de l'atmosphère et de la surface de la Terre (données ERBS, avril 1985).

Le refroidissement radiatif est le processus par lequel un corps perd de la chaleur par rayonnement thermique[1] : comme décrit par la loi de Planck, tout corps émet spontanément et continuellement un rayonnement électromagnétique qui emporte une partie de son énergie thermique.

Sur Terre[modifier | modifier le code]

Yakhtchal iranien, combinant isolation thermique, refroidissement par évaporation et refroidissement radiatif au niveau de son alimentation en eau (ici, dans la province de Yazd).

Fenêtre atmosphérique de rayonnement thermique[modifier | modifier le code]

Le rayonnement infrarouge peut traverser l'air sec et clair dans la gamme de longueurs d'onde de 8 à 13 µm. Les matériaux capables d'absorber de l'énergie et de la rayonner dans ces longueurs d'onde présentent un fort effet de refroidissement. Les matériaux qui peuvent également refléter 95 % ou plus du rayonnement solaire dans la plage de 200 nm à 2,5 μm peuvent présenter un refroidissement même en plein soleil[2].

L'existence de cette fenêtre de rayonnement a été utilisée de manière empirique en Inde pour produire de la glace par refroidissement nocturne avant l'invention du réfrigérateur : on versait de l'eau dans un plateau en céramique peu profond disposé en extérieur et exposé au ciel nocturne, le fond et les bords étant isolés thermiquement avec une épaisse couche de foin ; pour peu que l'air soit calme et proche de °C, le rayonnement radiatif de l'eau était suffisant pour lui permettre de geler sans être réchauffé par son environnement[3]. En Iran, les yakhtchal utilisaient ce phénomène pour fonctionner comme réfrigérateurs naturels[4].

Principe des revêtements à refroidissement radiatif[modifier | modifier le code]

Dalles à refroidissement radiatif installées sur le toit de Rayburn House, à Washington, D.C..

Les revêtements à refroidissement radiatif combinent une réflectance solaire élevée avec une exitance infrarouge élevée, réduisant ainsi simultanément le gain de chaleur solaire et augmentant l'évacuation de la chaleur par rayonnement. Le refroidissement radiatif offre ainsi un potentiel de refroidissement passif pour les bâtiments résidentiels et commerciaux[5]. Les refroidisseurs radiatifs les plus courants sur les bâtiments sont les revêtements pour toitures peints en blanc, qui présentent une réflectance solaire et une exitance infrarouge atteignant respectivement 0,94 et 0,98[6] ; ces grandeurs évoluent cependant dans le temps au gré du vieillissement des matériaux et des intempéries auxquelles ils sont soumis, et ne sont généralement pas maximisées en même temps pour un matériau donné. La réflectance solaire des peintures provient de la diffusion des ondes visibles par les pigments diélectriques contenus dans la résine polymère de la peinture, tandis que l'exitance provient de la résine polymère elle-même. Cependant, dans la mesure où les peintures blanches les plus courantes, à base de dioxyde de titane et d'oxyde de zinc, absorbent également les rayonnements ultraviolets, la réflectance solaire de ces peintures ne dépasse pas 0,95.

Réalisations techniques[modifier | modifier le code]

En 2014 a été publié le premier revêtement à refroidissement radiatif réalisé à l'aide d'une structure multicouche qui émet dans l'espace des rayonnements infrarouges de grande longueur d'onde et peut se refroidir jusqu'à 5 °C en-dessous de la température ambiante en plein soleil[7]. Des recherches ultérieures ont permis de produire des revêtements polymères poreux pouvant être peints et dont les ports diffusent la lumière du soleil pour donner une réflectance de 0,96 à 0,99 et une exitance thermique de 0,97[8]. Les expériences en plein soleil ont montré un refroidissement du revêtement de 6 °C en-dessous de la température ambiante avec une puissance de refroidissement de 96 W/m2.

Il existe d'autres approches de mise en œuvre du refroidissement radiatif, comme le dépôt de couches diélectriques sur des miroirs métalliques[9] ou le dépôt de polymères ou de composites sur des couches d'argent ou d'aluminium. En 2015 a été publiée la réalisation de couches de polymères argentées présentant une réflectance solaire de 0,97 et une exitance thermique de 0,96 et qui demeurent 11 °C plus froides que les peintures blanches commerciales sous un soleil de plein été[10]. Des recherches sont également réalisées sur l'inclusion de particules diélectriques de silice ou de carbure de silicium dans des polymères translucides aux longueurs d'onde du rayonnement solaire avec une émissivité dans l'infrarouge[11],[12]. Une réalisation de ce concept a été publiée en 2017 avec des microsphères de silice polaire incluses aléatoirement dans une matrice polymère[13]. Ce matériau est translucide au rayonnement solaire et présente une émissivité dans la fenêtre de transmission atmosphérique infrarouge de 0,93 ; déposé sur une peinture argentée, il permet d'atteindre en plein soleil une puissance de refroidissement radiatif de 93 W/m2.

En avril 2021 a été publiée la réalisation d'une peinture acrylique blanche à base de sulfate de baryum avec du diméthylformamide atteignant une réflectance de 98,1 % et une émissivité de 0,95 dans la fenêtre atmosphérique de rayonnement thermique, tandis que les couches minces de nanoparticules de BaSO4 atteignaient une réflectance de 97,6 % pour une émissivité de 0,96 dans la fenêtre atmosphérique infrarouge, permettant un fonctionnement 4,5 °C sous la température environnante et une puissance de refroidissement radiatif de 117 W/m2[14], ce qui avait fait l'objet d'un dépôt de brevet en 2018[15].

Dans l'espace[modifier | modifier le code]

Les boucliers thermiques des véhicules spatiaux ou des engins hypersoniques peuvent mettre en œuvre un refroidissement radiatif à travers le dépôt d'un matériau à émissivité élevée comme le disiliciure de molybdène MoSi2 sur une céramique ultraréfractaire[16]. Dans ce genre d'applications, une émissivité totale généralement comprise entre 0,8 et 0,9 doit être maintenue même dans une gamme de températures élevées. La loi de Planck indique que, lorsque la température croît, le maximum d'émission du corps noir se déplace vers les longueurs d'onde plus courtes, c'est-à-dire vers les fréquences plus élevées, ce qui conditionne le choix des matériaux devant être utilisées à ces températures. En plus de permettre un refroidissement radiatif efficace, les systèmes de boucliers thermiques radiatifs doivent être tolérants aux dommages matériels et intégrer des fonctions d'autoréparation à travers la formation de verres visqueux à haute température.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Wei Li et Shanhui Fan, « Radiative Cooling: Harvesting the Coldness of the Universe », Optics and Photonics News, vol. 30, no 11,‎ , p. 32-39 (DOI 10.1364/OPN.30.11.000032, lire en ligne)
  2. (en) XiaoZhi Lim, « The super-cool materials that send heat to space », Nature, vol. 577, no 7788,‎ , p. 18-20 (PMID 31892746, DOI 10.1038/d41586-019-03911-8, lire en ligne)
  3. (en) Robert Barker, « XXII. The process of making ice in the East Indies. By Sir Robert Barker, F. R. S. in a letter to Dr. Brocklesby », Philosophical Transactions, vol. 65,‎ , p. 252-257 (DOI 10.1098/rstl.1775.0023, JSTOR 106193, lire en ligne)
  4. (en) M. Mahdavinejad et Kavan Javanrudi, « Assessment of Ancient Fridges: A Sustainable Method to Storage Ice in Hot-Arid Climates », Asian Culture and History, vol. 4, no 2,‎ , p. 133 (DOI 10.5539/ach.v4n2p133, lire en ligne)
  5. (en) Md. Muntasir Hossain et Min Gu, « Radiative Cooling: Principles, Progress, and Potentials », Advanced Science, vol. 3, no 7,‎ , article no 1500360 (PMID 27812478, PMCID 5067572, DOI 10.1002/advs.201500360, lire en ligne)
  6. (en) « CRRC Product Rating Directory », sur coolroofs.org, Cool Roof Rating Council (consulté le ).
  7. (en) Aaswath P. Raman, Marc Abou Anoma, Linxiao Zhu, Eden Rephaeli et Shanhui Fan, « Passive radiative cooling below ambient air temperature under direct sunlight », Nature, vol. 515, no 7528,‎ , p. 540-544 (PMID 25428501, DOI 10.1038/nature13883, Bibcode 2014Natur.515..540R, lire en ligne)
  8. (en) Jyotirmoy Mandal, Yanke Fu, Adam C. Overvig, Mingxin Jia, Kerui Sun, Norman N. Shi, Hua Zhou, Xianghui Xiao, Nanfang Yu et Yuan Yang, « Hierarchically porous polymer coatings for highly efficient passive daytime radiative cooling », Science, vol. 362, no 6412,‎ , p. 315-319 (PMID 30262632, DOI 10.1126/science.aat9513, Bibcode 2018Sci...362..315M, lire en ligne)
  9. (en) C. G. Granqvist et A. Hjortsberg, « Radiative cooling to low temperatures: General considerations and application to selectively emitting SiO films », Journal of Applied Physics, vol. 52, no 6,‎ , p. 4205-4220 (DOI 10.1063/1.329270, Bibcode 1981JAP....52.4205G, lire en ligne)
  10. (en) Angus R. Gentle et Geoff B. Smith, « A Subambient Open Roof Surface under the Mid-Summer Sun », Advanced Science, vol. 2, no 9,‎ , article no 1500119 (PMID 27980975, PMCID 5115392, DOI 10.1002/advs.201500119, lire en ligne)
  11. (en) A. R. Gentle et G. B. Smith, « Radiative Heat Pumping from the Earth Using Surface Phonon Resonant Nanoparticles », Nano Letters, vol. 10, no 2,‎ , p. 373-379 (PMID 20055479, DOI 10.1021/nl903271d, lire en ligne)
  12. (en) Nanfang Yu, Jyotirmoy Mandal, Adam Overvig, Norman Nan Shi et Meng Tian pour Columbia University of New York, Brevet U.S. 10386097B2 : Systems and methods for radiative cooling and heating, déposé le 18 décembre 2017, publié le 20 août 2019, sur Google Patents.
  13. (en) Yao Zhai, Yaoguang Ma, Sabrina N. David, Dongliang Zhao, Runnan Lou, Gang Tan, Ronggui Yang et Xiaobo Yin, « Scalable-manufactured randomized glass-polymer hybrid metamaterial for daytime radiative cooling », Science, vol. 355, no 6329,‎ , p. 1062-1066 (PMID 28183998, DOI 10.1126/science.aai7899, Bibcode 2017Sci...355.1062Z, lire en ligne)
  14. (en) Xiangyu Li, Joseph Peoples, Peiyan Yao et Xiulin Ruan, « Ultrawhite BaSO4 Paints and Films for Remarkable Daytime Subambient Radiative Cooling », ACS Applied Materials & Interfaces, vol. 13, no 18,‎ , p. 21733-21739 (PMID 33856776, DOI 10.1021/acsami.1c02368, lire en ligne)
  15. Xiulin Ruan, Xiangyu Li, Zhifeng Huang et Joseph Arthur Peoples, « Peintures à émission infrarouge et réflexion solaire sans métal et leurs procédés de production », sur patents.google.com, Google Patents, (consulté le ).
  16. (en) Gaofeng Shao, Yucao Lu, Dorian A. H. Hanaor, Sheng Cui, Jian Jiao et Xiaodong Shen, « Improved oxidation resistance of high emissivity coatings on fibrous ceramic for reusable space systems », Corrosion Science, vol. 146,‎ , p. 233-246 (DOI 10.1016/j.corsci.2018.11.006, Bibcode 2019arXiv190203943S, arXiv 1902.03943, lire en ligne)