Roger Caillois — Wikipédia

Roger Caillois
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Fauteuil 3 de l'Académie française
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Roger Caillois, né le à Reims et mort le au Kremlin-Bicêtre, est un écrivain, sociologue et critique littéraire français, traducteur de Borges.

Biographie[modifier | modifier le code]

Roger Caillois fait toutes ses études secondaires à Reims[1], habitant pendant sa jeunesse au 75 de la rue Hincmar, en face de la maison de Roger Gilbert-Lecomte. Il ne tarde pas à entrer en contact avec les membres de la revue Le Grand Jeu, soumettant ses premiers textes à Roger Gilbert-Lecomte et à René Daumal.

Venu à Paris en 1929 pour y préparer le concours de l'École normale supérieure (ENS), il suit une classe d'hypokhâgne, puis de khâgne, au lycée Louis-le-Grand ; il est reçu à l'ENS de la rue d'Ulm en 1933, où il prépare l'agrégation de grammaire, qu'il obtient en 1936[2].

Durant cette période, il entre en contact avec André Breton, à la suite de sa réponse à une enquête sur la littérature. Il prend part aux activités du groupe, se liant d'amitié avec notamment Salvador Dalí, Paul Éluard, Max Ernst.

Caillois rompt avec le surréalisme en 1935 en publiant sa lettre ouverte à André Breton, pour se rapprocher d'anciens surréalistes comme Tzara et Aragon autour de la revue Inquisitions. La revue entend mener une étude scientifique et rigoureuse des phénomènes humains, en se plaçant sous le signe d'un nouveau rationalisme inspiré par Gaston Bachelard. Au surréalisme succède donc le « surrationalisme ». En 1937, Caillois critique la Naturphilosophie et l'usage abusif que les romantiques allemands ont fait selon lui des données scientifiques disponibles en 1800. Il prend parti pour Fichte en qui il voit un défenseur de la raison systématique contre les excès de l'intuition et de la mysticité. Caillois craint que les poètes de son temps ne reproduisent la même attitude et s'emparent de la physique quantique et de la théorie de la relativité pour construire des analogies pseudo-scientifiques. Il écrit qu'« il est temps de recourir à la dictature de la rigueur »[3].

Il publie un article sur Dionysos dans la revue Acéphale de Georges Bataille et collabore à La Nouvelle Revue française à partir de 1935. Cofondateur, avec Bataille et Michel Leiris, du Collège de sociologie, Caillois fait, en 1938, la rencontre de la femme de lettres, éditrice et mécène argentine Victoria Ocampo, qui l'invite à séjourner chez elle, en Argentine, durant la Seconde Guerre mondiale. S'engageant pour la France libre, il rallie le comité français libre local[4], dirige, pendant ces années-là, l'Institut français de Buenos Aires et lance la revue Les Lettres françaises[5], à laquelle il travaille aidé de son épouse, Yvette[6], venue le rejoindre en Argentine en 1940.

Caillois divorce de son épouse Yvette[7] peu de temps après leur retour de Buenos Aires, en 1945.

De retour en France, il anime chez Gallimard la collection « La Croix du Sud », spécialisée dans la littérature sud-américaine, traduit et publie les nouvelles fantastiques de Jorge Luis Borges qui, malgré des tensions entre eux, le reconnaîtra à plusieurs reprises comme son « inventeur ». On retrouve également dans cette collection les écrits de Pablo Neruda ou de Miguel Ángel Asturias. Il est également membre du conseil d'administration du centre culturel international de Royaumont.

Caillois est nommé haut fonctionnaire à l'Unesco dès 1948, où il occupe la direction de la division des lettres, puis du développement culturel. Il dirige la revue Diogène, indépendante mais subventionnée par l'UNESCO.

En 1955, il publie dans La Nouvelle Revue française un article intitulé « Illusions à rebours »[8], dans lequel il expose ses réticences à la lecture de Race et Histoire de Claude Lévi-Strauss. Ce dernier lui répond dans l'article « Diogène couché », paru dans le numéro de mars des Temps modernes[9]. Cet article est également cité par Aimé Césaire dans son Discours sur le colonialisme, et sert de base à une critique violente des positions de Caillois : « J'allais oublier la haine, le mensonge, la suffisance. J'allais oublier Roger Caillois »[10]. Césaire voit dans sa défense de la « supériorité dans tous les domaines de l'Occident »[10] le signe que « jamais l'Occident, dans le temps même où il se gargarise le plus du mot, n'a été plus éloigné de pouvoir assumer les exigences d'un humanisme vrai, de pouvoir vivre l'humanisme vrai – l'humanisme à la mesure du monde »[10].

En 1957, Caillois épouse en secondes noces Alena Vichrova (de nationalité slovaque, ex-Tchécoslovaquie), rencontrée à l'Unesco et mère d'un garçon, Jan, qu'il élèvera.

En 1971, il est élu à l'Académie française, dont il sera membre pendant 7 ans, au fauteuil 3, succédant ainsi à Jérôme Carcopino (et précédant Marguerite Yourcenar).

En 1977, il collabore avec Bernard Mandeville dans le cadre d'un ouvrage collectif sur le peintre[11].

Roger Caillois meurt en 1978 ; il repose au cimetière du Montparnasse où sa sépulture, « dalle rose et gris de grès d'Auvergne dominée par une stèle où est emprisonnée une ammonite fossile géante », est une œuvre de Nicolas Carrega[12] ; sa seconde épouse est à ses côtés depuis son décès en 1984.

Hommages[modifier | modifier le code]

Octavio Paz lui rend hommage dans un article du Monde au lendemain de sa mort[13].

Marguerite Yourcenar lui consacre un essai[14], son discours du récipiendaire à l'Académie Française[15], dédié à « L’homme qui aimait les pierres »[16].

Un prix Roger-Caillois est créé en son honneur.

Postérité[modifier | modifier le code]

En 1988, une partie des 2 000 minéraux de la collection de Roger Caillois est transférée par dation au Muséum national d'histoire naturelle[17] ; elle est exposée à la galerie de minéralogie.

Thèmes de son œuvre[modifier | modifier le code]

Sur le plan des recherches sociologiques, Roger Caillois s'est d'abord fait connaître par un essai d'anthropologie et de sociologie intitulé L'Homme et le Sacré dans lequel il développe une théorie de la fête.

En disciple de Marcel Mauss, il contribue à la fondation du Collège de sociologie avec Michel Leiris et Georges Bataille. Dans son ouvrage suivant Le Mythe et l'Homme paru chez Gallimard en 1938, il poursuit son analyse du mythe de la fête de façon plus systématique. Dans ce dernier livre, il propose une rationalisation, une analyse du système rationnel du mythe et de sa signification. Dans un de ses derniers ouvrages sociologiques, Les Jeux et les Hommes, il tente de construire une épistémologie visant à saisir la structure rationnelle des rêves et de l'imaginaire en général.

Caillois s'est, entre autres choses, interrogé sur la sympathie qui paraît régner entre les formes complexes du monde minéral et les figures de l'imaginaire humain. En 1966 paraît Pierres, où il fait l'éloge, dans un style d'une grande densité poétique, des minéraux. L'Écriture des pierres et Le Fleuve Alphée explorent également cette relation.

Œuvre[modifier | modifier le code]

  • 1938 : Le Mythe et l'Homme
  • 1939 : L'Homme et le Sacré
  • 1942 : Puissances du roman
  • 1944 : La Communion des forts : études sociologiques[18]
  • 1945 : Les Impostures de la poésie
  • 1946 :
    • Le Rocher de Sisyphe
    • Vocabulaire esthétique
  • 1948 : Babel, orgueil, confusion et ruine de la littérature
  • 1950 : Description du marxisme
  • 1951 : Quatre essais de sociologie contemporaine
  • 1956 : L'Incertitude qui vient des rêves
  • 1958 :
    • Les Jeux et les Hommes : le masque et le vertige, Gallimard ; éd. revue et augmentée, coll. « Idées », Gallimard, 1967
    • Art poétique. Commentaires. Préface aux poésies. L'Énigme et l'Image[19]
  • 1960 : Méduse et Cie
  • 1961 : Ponce Pilate, récit
  • 1962 : Esthétique généralisée
  • 1963 :
    • Bellone ou la pente de la guerre
    • Le Mimétisme animal
  • 1964 : Instincts et société, essais de sociologie contemporaine
  • 1965 : Au cœur du fantastique
  • 1966 : Pierres
  • 1970 : L'Écriture des pierres
  • 1973 :
    • La Dissymétrie
    • La Pieuvre : essai sur la logique de l'imaginaire
  • 1974 : Approches de l'imaginaire
  • 1977 : Mise au net, traduction[20] de poèmes d'Octavio Paz (Pasado en claro, 1975)
  • 1978 :
    • Babel
    • Approches de la poésie : les impostures de la poésie, aventure de la poésie moderne, art poétique, reconnaissance à Saint-John Perse, résumé sur la poésie, ouverture
    • Le Champ des signes : récurrences dérobées, aperçu sur l'unité et la continuité du monde physique, intellectuel et imaginaire, ou premiers éléments d'une poétique généralisée
    • Le Fleuve Alphée Prix Marcel-Proust, prix européen de l'essai Charles Veillon.

Éditions posthumes[modifier | modifier le code]

  • 1991 : Les Démons de midi (tiré d'un mémoire d'études de 1936[21])
  • 1997 : Correspondance Victoria Ocampo-Roger Caillois[22], Stock
  • 2007 : Images du labyrinthe (recueil de textes 1933-1978[23]), Gallimard

Éditions illustrées ou de bibliophilie[modifier | modifier le code]

Rééditions[modifier | modifier le code]

Une partie des œuvres de Roger Caillois a été rééditée dans la collection « Quarto » de Gallimard par Dominique Rabourdin : Œuvres, Paris, Gallimard, « Quarto », 2008, 1204 p.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Annuaire de la guerre, Association amicale des anciens élèves du lycée de Reims, impr. Matot-Braine (Reims), 1920 sur Gallica.
  2. Voir sur rhe.ish-lyon.cnrs.fr.
  3. Roger Caillois, « L'alternative (Naturphilosophie ou Wissenschaftlehre) », Cahiers du Sud,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre, Éditions Gallimard, , p. 259.
  5. Qui ne doivent pas être confondues avec la revue homonyme, Les Lettres françaises, fondée en France par Jacques Decour et Jean Paulhan à la même époque.
  6. Yvette Caillois, née Billod (1914-2008), rencontrée à Paris à l'époque de ses années à Louis-le-Grand, et mère de leur fille Catherine Rizea-Caillois.
  7. Yvette épousera l'un de ses camarades normaliens, Jean Cottier (1912-2003).
  8. Roger Caillois, « Illusions à rebours », La Nouvelle Revue française, nos 24 et 25,‎ décembre 1954 et janvier 1955.
  9. Roger Caillois, Œuvres (chronologie), Éditions Gallimard, coll. « Quarto », , 1189 p., p. 62.
  10. a b et c Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Paris, Présence africaine, , 92 p., p. 59, 66, 68
  11. Bernard Mandeville illustré par quarante deux poètes, Danemark, I. Chr. Sorensen, 1978, in-4, en ff., couv. ill. à rabat et étui cart., non paginé.
  12. Odile Felgine, Roger Caillois, Stock, 1994.
  13. Jean d'Ormesson, Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, gallimard, , p217.
  14. Achmy Halley, Marguerite Yourcenar en poésie, Rodopi, , p. 141.
  15. Marguerite Yourcenar, En pèlerin et en étranger, Paris, Gallimard, coll. Blanche, , 265 p. (ISBN 2070716708), "Le discours du récipiendaire", édition en volume de l'article de Le Monde des livres du 23 janvier 1981
  16. Marguerite Yourcenar, « « Le discours du récipiendaire », [« L’homme qui aimait les pierres »]. », Le Monde des Livres,‎ , p. 17-18, 20
  17. Maurice Mashaal, « Trésors de la Terre », Pour la Science, no 447,‎ , p. 56-63.
  18. Repris dans Instincts et société, dans une version corrigée.
  19. Suivi de traductions de la Vajasameyi Samhita (XXIII, 45-62) par Louis Renou, du Heidreksmal et de Sonatorrek, par Pierre Renauld.
  20. Avec la collab. de l'auteur et d'Yvette Cottier.
  21. Ce texte, d'abord publié dans la Revue de l'histoire des religions (CXVI, 2-3, 1937), a paru pour la première fois en volume en 1988 dans sa version italienne à l'initiative de Carlo Ossola (I demoni meridiani, trad. it. d'Alberto Pellissero, Turin, Bollati Boringhieri, 1988), précédant de peu la publication française, par les éditions Fata Morgana, en 1991.
  22. Lettres rassemblées et présentées par Odile Felgine, avec la collaboration de Laura Ayerza de Castilho.
  23. a et b Édition établie et présentée par Stéphane Massonet.
  24. Voir sur fatamorgana.fr.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Odile Felgine, Roger Caillois (biographie), éditions Stock, 1994
  • Annamaria Laserra, Materia e immaginario. Il nesso analogico nell'opera di Roger Caillois, Bulzoni, 1990
  • Stéphane Massonet, Les Labyrinthes de l'imaginaire dans l'œuvre de Roger Caillois, L'Harmattan, 1998
  • (de) Stephan Moebius, Die Zauberlehrlinge, Soziologiegeschichte des Collège de sociologie, Konstanz, 2006
  • Lionel Moutot, Biographie de la revue Diogène, L'Harmattan, 2006
  • Laurent Nunez, Les Écrivains contre l'écriture, José Corti, 2006 (notamment les pages 177-249)
  • Odile Felgine, L'Écriture en exil, Dianoïa, PUF, 2014
  • Laurent Di Filippo, « Contextualiser les théories du jeu de Johan Huizinga et Roger Caillois », Questions de communication, no 25,‎ , p. 281-308 (lire en ligne)
  • Anne von der Heiden, Sarah Kolb (ed.), Logik des Imaginären. Diagonale Wissenschaft nach Roger Caillois, volume 1: Versuchungen durch Natur, Kultur und Imagination, Berlin, August Verlag, 2018 (ISBN 978-3-941360-58-7)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]