Roland Freisler — Wikipédia

Roland Freisler
Roland Freisler en 1942.
Fonctions
Juge du Volksgerichtshof
-
Harry Haffner (en)
Député du Reichstag
Député
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 51 ans)
BerlinVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nationalité
Formation
Activités
Fratrie
Oswald Freisler (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Marion Freisler (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Parti politique
Membre de
Schwarzburgbund (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conflit
Distinction

Roland Freisler, né le à Celle et mort le à Berlin, est un juriste allemand.

Sa carrière professionnelle débute sous la république de Weimar et atteint son apogée sous le Troisième Reich. Peu après la prise de pouvoir de Hitler, il devient secrétaire d'Etat, d'abord au ministère prussien de la Justice (1933-1934), puis au ministère de la Justice du Reich (1934-1942), et joue un rôle de premier plan dans la formation du système judiciaire nazi qui supprime les principes de l'État de droit. En tant que l'un des quinze participants à la conférence de Wannsee, il est également impliqué dans l'organisation de la Solution finale.

Juge pénal le plus connu du Troisième Reich, il devient le symbole de la justice injuste par excellence. D' à sa mort, il est président du tribunal du peuple (Volksgerichtshof), la plus haute cour du régime nazi pour les affaires pénales politiques. Freisler est personnellement responsable de près de 2 600 condamnations à mort, souvent prononcées dans des procès-spectacles et visant la plupart du temps des résistants au nazisme, parmi lesquels les principaux membres de La Rose Blanche et plusieurs conjurés du 20 juillet 1944 (l'attentat manqué contre Hitler).

Il aime humilier les accusés et les priver de leurs droits et ses réquisitoires sont marqués par la malveillance, l'irascibilité et la partialité[1],[2].

Freisler trouve la mort lors du bombardement américain de Berlin du .

Biographie[modifier | modifier le code]

Roland Freisler et Ernst Lautz en 1936.

Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Roland Freisler interrompt ses études de droit pour servir sur le front en tant qu'engagé volontaire (Kriegsfreiwilliger). À l'automne 1914, il participe à la bataille d'Ypres, lors de laquelle il est blessé au combat et séparé de son régiment[3]. Une fois sa convalescence terminée, il est envoyé sur le front de l'Est pour servir comme aspirant au sein du 167e régiment d'infanterie (de). À l'automne 1915, il est capturé par les Russes lors de combats en Volhynie[4],[5] et envoyé dans un camp de prisonniers pour officiers près de Moscou, où il passe le restant du conflit. À la suite de la signature du traité de Brest-Litovsk, les prisonniers de guerre allemands sont libérés mais Freisler, qui a appris le russe pendant sa détention, décide de rester sur place pour se joindre aux révolutionnaires bolcheviks, qui le nomment commissaire à la distribution de nourriture[6]. Du fait de cette expérience, Hitler, qui le surnommait « le vieux bolchévik », ne lui fera jamais pleinement confiance, ce qui le priva sans doute du poste de ministre de la Justice du Reich[7].

En 1920, il rentre en Allemagne. En 1922, il présente à l'université d'Iéna une thèse de doctorat en droit intitulée Du principe de l'organisation de l'entreprise. En octobre 1923, il est admis au barreau de Berlin. Par la suite, il exerce quelques mois comme assesseur au tribunal cantonal de Homberg (en) avant d'ouvrir un cabinet d'avocat à Cassel avec son grand-frère Oswald (en) en 1924. Au sein du cabinet, Oswald s'occupe des affaires de droit civil tandis que Roland traite des affaires de droit pénal et défend notamment des délinquants nazis. Il se présente aux élections législatives de 1924 sous l'étiquette du bloc völkisch-social (en) (alliance du DVFP et du NSDAP clandestin) mais il n'est pas élu. Le 9 juillet 1925, il adhère au NSDAP et reçoit le numéro de membre 9 679. Avec les nazis, il devient conseiller municipal de Cassel et membre du parlement provincial de Hesse-Nassau (de). Il a également le grade d'officier au sein des SA.

En 1927, Karl Weinrich (en), Gauleiter (chef de région) du NSDAP en Hesse (en), caractérise ainsi Roland Freisler dans un rapport à la direction du parti à Munich :

« Sur le plan rhétorique, il est notre meilleur orateur […]. C'est surtout sur les foules qu'il exerce une influence, alors qu'il est généralement rejeté par les hommes doués de raison. Le camarade de parti Freisler n'est utilisable qu'en tant qu'orateur. Comme chef, il n'est pas à sa place, car peu fiable et trop sujet à des sautes d'humeur. »

Le , il épouse Marion Russegger, avec qui il aura deux fils : Harald (né en 1937) et Roland (né en 1939).

Entre 1932 et 1933, il siège au parlement prussien. Durant cette période, il devient également conseiller d'État et directeur ministériel prussien. En 1933, il est secrétaire d'État au ministère de la Justice prussien dirigé par Hanns Kerrl[8]. Il fait remplacer la guillotine, que la Prusse avait adopté comme méthode d'exécution en 1919, par la décapitation à la hache. Il justifie cette décision par le fait que la guillotine serait « totalement étrangère au peuple allemand »[9]. Devenu secrétaire d'État du ministère de la Justice du Reich le , il avance de nouveaux arguments en faveur de la hache, affirmant que « la décapitation par la force musculaire contient quelque chose de primaire, de masculin, de naturel », là où la guillotine « paraît morte, sans âme, impersonelle »[10]. Malgré son opposition, les exécutions à la hache seront quand même abolies dans toute l'Allemagne en 1936, l'argument d'Ernst Hanfstaengl selon lequel elles nuiraient « à la réputation culturelle allemande » faisant mouche auprès de Hitler.

Lors de la nuit des Longs Couteaux, c'est lui qui maquille le meurtre de l'ancien chancelier, Kurt von Schleicher, et de sa femme, Elisabeth, en suicide en contraignant le jeune avocat Heinrich Grützner (de) à ne pas ouvrir d'enquête pour assassinat politique à ce sujet.

Fin 1938, il se rend à Moscou pour « parfaire sa formation juridique » en assistant à un procès stalinien où l'accusation est menée par Andreï Vychinski. Selon Ewald von Kleist, il s'agit du procès Toukhatchevski mais les dates ne coïncident pas.

Jusqu'en 1942, il reste l'un des deux secrétaires d'État du ministère de la Justice du Reich (l'autre étant Franz Schlegelberger). Il est notamment son représentant attitré à la conférence de Wannsee[11]. .

Passation de pouvoir entre Otto Thierack et Roland Freisler.

Le , Freisler est nommé président du tribunal du peuple (Volksgerichtshof) par Adolf Hitler[11],[12], succédant ainsi à Otto Thierack, lui-même nommé ministre de la Justice du Reich. Fondé en 1934 pour traiter des cas de haute trahison, le champ de compétence du tribunal de peuple est par la suite étendu à d'autres crimes visant la sûreté de l'État.

Sous la présidence de Freisler, le nombre de condamnations à mort qu'il prononce grimpe en flèche ; environ 90 % des procès se soldent par une condamnation à mort ou à la prison à vie, souvent décidée avant même le commencement de l'audience[12]. Entre 1942 et 1945, plus de 5 000 peines capitales sont prononcées par le tribunal du peuple, dont environ 2 600 sous la présidence de Freisler. En trois ans d'activité au tribunal du peuple, Freisler prononce autant de condamnations à mort que toutes ses autres chambres réunies de 1934 à 1945[12].

Ses actes les plus connus sont les condamnations des principaux membres de la Rose blanche (Hans et Sophie Scholl, Alexander Schmorell, Kurt Huber et Willi Graf) et de plusieurs conjurés du 20 juillet 1944 à la peine de mort[12],[13]. Admirateur d'Andreï Vychinski, le procureur des procès de Moscou, il singe ses méthodes lors des audiences en invectivant violemment les accusés[14]. Selon une légende[15], il aurait même traité le maréchal déchu von Witzleben d'« espèce de vieux dégoutant » alors que ce dernier, privé de bretelles, essayait désespérément de retenir son pantalon trop large[16]. Cependant, bien que Hitler appelle lui-même Freisler « notre Vychinski », son approche et surtout ses résultats diffèrent grandement des siens. En effet, à aucun moment, les individus jugés par Freisler ne cherchent à se repentir devant lui[17]. Au contraire, certains (Hans Scholl, Caesar von Hofacker, Erwin von Witzleben, Erich Fellgiebel) vont même jusqu'à le menacer tandis que d'autres (Fritz-Dietlof von der Schulenburg par exemple) n'hésitent pas à se montrer sarcastiques à son égard.

Il est tué dans le bombardement américain de Berlin du . Néanmoins on ne connait pas les circonstances de sa mort avec exactitude. Selon la plupart des historiens, il est mort exsanguiné après avoir été touché par des éclats d'obus sur le chemin de l'abri antiaérien du tribunal du peuple au 15 Bellevuestraße. Selon Fabian von Schlabrendorff, il est mort d'un traumatisme crânien provoqué par l'effondrement d'une poutre de l'abri antiaérien. Le médecin dépêché pour constater son décès se trouve être le frère de Rüdiger Schleicher, qu'il venait de condamner à mort la veille. Wilhelm Crohne lui succède temporairement dans ses fonctions et acquitte von Schlabrendorff (que Freisler jugeait avant le bombardement) du crime de haute trahison, ce qui lui évite la peine de mort.

Dans les arts et la culture populaire[modifier | modifier le code]

Littérature[modifier | modifier le code]

Roman[modifier | modifier le code]

Freisler est dépeint en tant que « juge Freisler » dans Jeder stirbt für sich allein (1947) de Hans Fallada, qui raconte le procès et la condamnation à mort d'Otto et Elise Hampel, dont l'histoire authentique inspira le roman de Fallada.

Il apparaît dans Les fils d'Odin de Harald Gilbers, sur la vie à Berlin pendant la guerre.

Filmographie[modifier | modifier le code]

Cinéma[modifier | modifier le code]

Il est joué par Roland Schäfer dans L'Ami retrouvé (1989) de Jerry Schatzberg[18]. Il est joué par Brian Cox dans le téléfilm Witness Against Hitler (1996). Il apparait aussi à la fin du film Walkyrie joué par Helmut Stauss (de). André Hennicke en fait une composition remarquée dans le film Sophie Scholl - les derniers jours (2005)[19].

Télévision[modifier | modifier le code]

Il est incarné par Rainer Steffen (de) dans le téléfilm allemand la Conférence de Wannsee de Heinz Schirk (de) (1984), et par Owen Teale dans le remake anglo-américain Conspiracy réalisé pour HBO (2001).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (de) « Roland Freisler » [archive du ], Bundeszentrale für politische Bildung,
  2. (de) « Roland Freisler », sur Stadtteilportal Vorderer Westen (consulté le )
  3. (de) « Verlustlisten 1. Weltkrieg, page 2880: Freisler Roland (Celle) », sur des.genealogy.net (consulté le )
  4. (de) « Verlustlisten 1. Weltkrieg, page 10943: Freisler Roland (Celle) », sur des.genealogy.net (consulté le )
  5. (de) « Verlustlisten 1. Weltkrieg, page 11480: Freisler Roland (Celle) », sur des.genealogy.net (consulté le )
  6. (ru) Vladimir Zakharov et Valeri Koulachov, В преддверии катастрофы : Германия 1933-1939 годы, Moscou, Коллекция «Совершенно секретно»,‎ , 2e éd., 429 p. (ISBN 5-89048-115-0 et 978-5-89048-115-3, OCLC 56440326), p. 60
  7. (en) Nigel Jones (en), Countdown to Valkyrie : The July Plot to Assassinate Hitler, Londres, Frontline Books, , 308 p. (ISBN 978-1-84832-508-1 et 1-84832-508-8, OCLC 228197818, lire en ligne), chap. 10 (« Retribution: Hitler's Revenge »), p. 247
  8. (en) Mariken Lenaerts, National Socialist Family Law : The Influence of National Socialism on Marriage and Divorce Law in Germany and the Netherland, Leyde, Brill Nijhoff, coll. « Legal History Library » (no 16), , 348 p. (ISBN 978-90-04-27931-5, 90-04-27931-8 et 1-322-30974-4, OCLC 895257171, lire en ligne), chap. 3 (« National Socialist Racial and Family Law in Germany »), p. 72
  9. (de) Wolfgang Frühwald (de), « Kunst als Tat und Leben : Über den Anteil deutscher Schriftsteller an der Revolution in München 1918/1919 », dans Herman Künisch, Wolfgang Frühwald et Günter Niggl, Sprache und Bekenntnis: Hermann Kunisch z. 70. Geburtstag, 27. Okt. 1971, Berlin, Duncker & Humblot, , 422 p. (ISBN 3-428-02526-1 et 978-3-428-02526-8, OCLC 822716, lire en ligne), p. 387
  10. (de) Manfred Overesch (de), Gott, die Liebe und der Galgen : Helmuth J. und Freya von Moltke in ihren letzten Gesprächen 1944/45. Ein Essay, Hildesheim, Georg Olms Verlag (en), , 160 p. (ISBN 978-3-487-42123-0 et 3-487-42123-2, OCLC 909902561, lire en ligne), chap. 6 (« „Das höre ich mir gar nicht an“ Der Prozess vor dem Volksgerichtshof »), p. 125
  11. a et b (en) John Simkin, « Roland Freisler », sur Spartacus Educational (consulté le )
  12. a b c et d (de) « Roland Freisler: Vom Rechtsanwalt zum Blutrichter », sur mdr.de (consulté le )
  13. (en) Gestapo Interrogation Transcripts: Willi Graf, Alexander Schmorell, Hans Scholl, and Sophie Scholl : NJ 1704 - Volumes 1-33 [i.e. 21], Exclamation! Publishers, (ISBN 978-0-9710541-3-4, lire en ligne)
  14. Johann Chapoutot, Comprendre le nazisme, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 448 p. (ISBN 979-10-210-4269-8, OCLC 1145348945), chap. 5 (« L’échec des divisions blindées du droit. Les procès politiques du nazisme Leipzig 1933, Berlin 1944 »), p. 211
  15. (en) Don Allen Gregory, After Valkyrie : Military and Civilian Consequences of the Attempt to Assassinate Hitler, Jefferson, McFarland & Company, , 260 p. (ISBN 978-1-4766-3447-0 et 1-4766-3447-5, OCLC 1061148231, lire en ligne), chap. 4 (« Court and Judges »), p. 74
  16. Alain Desroches, Operation Walkyrie : Les patriotes allemands contre Hitler, Paris, Nouvelles Éditions latines, , 250 p. (lire en ligne), p. 224
  17. (en) Annette Dumbach et Jud Newborn (en) (préf. Studs Terkel), Sophie Scholl and the White Rose, Oneworld Publications, , 256 p. (ISBN 0-86154-675-X et 978-0-86154-675-6, OCLC 1356238598, lire en ligne), « Nineteen »
  18. [1]
  19. critique du film par Julien Welter sur arte.tv

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (de) Gert Buchheit : Richter in roter Robe. Freisler, Präsident des Volksgerichtshofes. Munich, 1968.
  • (de) Beatrice und Helmut Heiber (Hrg.): Die Rückseite des Hakenkreuzes. Absonderliches aus den Akten des Dritten Reiches. Munich: dtv dokumente, 1993. (ISBN 3-423-02967-6)
  • (de) Ingo Müller: Furchtbare Juristen. Die unbewältigte Vergangenheit unserer Justiz. Munich: Kindler, 1987. (ISBN 3-463-40038-3)
  • (de) Helmut Ortner: Der Hinrichter. Roland Freisler, Mörder im Dienste Hitlers; Steidl- Verlag, Göttingen, 1995, 380 pages, (ISBN 3-88243-355-8)
  • (de) Arnim Ramm, Der 20. Juli vor dem Volksgerichtshof, Wissenschaftlicher Verlag Berlin, Berlin 2007, (ISBN 978-3-86573-264-4)

Filmographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]