Sixième croisade — Wikipédia

Sixième croisade
Description de cette image, également commentée ci-après
Rétrocession de Jérusalem à Frédéric II par Al-Kamil.
Informations générales
Date 1228-1229
Lieu Terre sainte
Casus belli Anarchie dans le royaume de Jérusalem.
Issue Rétrocession de Jérusalem
Belligérants
Croisés:
Saint-Empire romain
Ordre Teutonique
Royaume de Sicile
Royaume d'Angleterre

Outremer (partisans):
Templiers
Drapeau des chevaliers hospitaliers Hospitaliers
Principauté d'Antioche
Royaume de Jérusalem (en partie)
Sultanat ayyoubide d'Égypte
Sultanat ayyoubide de Damas
Commandants
Frédéric II
Hermann von Salza
Louis IV de Thuringe
Richard Filangieri
Al-Kâmil, sultan d’Égypte
An-Nasir Dâ'ûd, sultan de Damas

Croisades

La sixième croisade, de 1228 à 1229, est une expédition organisée par l'empereur romain germanique Frédéric II pour reconquérir les territoires du royaume de Jérusalem perdus depuis la conquête par Saladin. Elle a été un demi-succès temporaire pour les croisés, mais ses objectifs sont atteints par la diplomatie d’un empereur excommunié plutôt que par les combats, au grand scandale de la chrétienté. En effet cela signifiait qu'un empereur jugé hérétique[réf. nécessaire] allait conduire la sixième croisade. Cette méthode a créé un précédent qui influence les croisades suivantes. L’intervention de Frédéric II a cependant été désastreuse pour les institutions du royaume de Jérusalem qui, se retrouvant sans roi, Frédéric abandonnant Jérusalem après trois jours, manque désormais d’un pouvoir central et se retrouve en proie à l’anarchie, les différentes factions (les barons, les ordres de chevalerie, les compagnies maritimes commerciales) ayant chacune sa propre politique sans qu’un souverain puisse arbitrer leurs querelles.

Contexte[modifier | modifier le code]

La mainmise germanique sur le royaume de Jérusalem[modifier | modifier le code]

La cinquième croisade, qui avait cherché à se rendre maîtresse d’une partie de l’Égypte afin de négocier l’échange des territoires égyptiens contre Jérusalem et le reste des territoires conquis par Saladin, avait d’abord connu un succès avec la prise de Damiette puis avec l’acceptation, par le sultan d’Égypte, d'échanger Damiette contre Jérusalem. Mais l’intransigeance du légat Pélage avait fait échouer la croisade et lui avait fait perdre tous ces avantages[1].

Jean de Brienne, roi de Jérusalem, se rend à Rome pour discuter avec le pape Honorius III des conditions d’une nouvelle croisade et se plaint du légat Pélage et de son comportement au cours de la croisade. Le pape lui donne raison[2].

Peu après la naissance de Frédéric II de Hohenstaufen, ses deux parents étaient morts, et le futur Honorius III avait été tuteur du jeune prince. Se faisant encore des illusions sur son ancienne pupille et espérant que Frédéric honorerait une promesse de se croiser, qu'il avait faite en 1220 lors de son couronnement, Honorius III, conseillé par Hermann de Salza, grand maître de l’Ordre Teutonique, propose à Jean de Brienne de marier sa fille Isabelle à l’empereur, espérant ainsi que ce dernier partirait se croiser avec toutes les ressources du Saint-Empire romain germanique. Intéressé par cette perspective, Jean de Brienne accepte, mais le lendemain du mariage, célébré le , Frédéric II écarte Jean de Brienne du gouvernement du royaume[3].Ce bannissement scandalisera la Chevalerie de la Terre Sainte qui sera désormais hostile à Frédéric II.

Dissensions entre papauté et empire[modifier | modifier le code]

En fait, Frédéric II, élevé en Sicile, avait développé une admiration pour l’islam, qui y était encore très présent après trois siècles d’occupation musulmane et malgré la présence normande qui lui succéda pendant deux siècles. Son islamophilie allait plus loin que la politique d’alliance que pratiquaient les rois de Jérusalem, car elle s’appliquait également aux sciences et à la civilisation islamiques; elle masquait également une politique antipapiste et anticléricale[4].

L’échec de la cinquième croisade avait eu pour cause, en plus de l’intransigeance du légat, le front commun dressé par les trois frères, princes ayyoubides d’Égypte, de Damas et d’Alep. Mais cette alliance vole en éclats en 1224, et les trois princes se font alors la guerre. En 1226, le pape ordonne à Frédéric II de partir en croisade, sous peine d’excommunication. En , Al-Kâmil, sultan d’Égypte, s’apprête à combattre son frère, sultan de Damas, mais redoute des traîtrises de la part de ses troupes, ainsi que les bandes kharismiennes. Aussi appelle-t-il à son secours Frédéric II, lui promettant en échange la ville de Jérusalem[5].

Dès le mois d’, Frédéric II envoie des troupes sous le commandement du duc Henri IV de Limbourg, puis cinq cents chevaliers sous le commandement de Riccardo Filangieri. Mais le pape Grégoire IX s’impatiente et l’excommunie le , lui interdisant implicitement, puis formellement de partir en croisade[6].

La croisade[modifier | modifier le code]

La sixième croisade

Frédéric II passe outre cette interdiction et s’embarque le de Brindisi en direction de la Syrie, avec trois mille soldats, ce qui est un faible contingent pour cette croisade. Il avait cependant trop tardé, car al-Mu’azzam, l’émir de Damas, était mort le , laissant son émirat à son fils al-Nasir Dâwûd, jeune homme inexpérimenté. Cette situation nouvelle écarte tout danger pour Al-Kamil qui regrette maintenant d’avoir appelé Frédéric II, lequel ne peut cependant plus reculer[7].

Le séjour dans le royaume de Chypre[modifier | modifier le code]

Les croisés débarquent à Limassol, dans le royaume insulaire de Chypre, le . Le trône chypriote était alors occupé par un enfant de onze ans, Henri Ier, sous la régence de Jean d'Ibelin. Frédéric II est reçu par Jean d’Ibelin, mais ses opposants, avec Amaury Barlais à leur tête, approchent l’empereur et l’engagent à éliminer le régent et tout le clan d’Ibelin. Au cours du banquet donné en l’honneur de l’empereur, ce dernier demande au régent des comptes sur sa gestion des finances des royaumes de Chypre et de Jérusalem. Énergiquement, Jean d’Ibelin refuse, arguant qu’il n'est responsable de la régence de Chypre que devant la Cour de Nicosie et de ses possessions et titres sur Beyrouth que devant la Haute Cour du royaume de Jérusalem. L’empereur, bien que courroucé, n’ose emprisonner Jean d’Ibelin qui part se retirer et se retrancher dans sa forteresse de Dieudamour. Certains chroniqueurs affirment que Frédéric a exigé que Jean d'Ibelin lui remette la régence du Royaume de Chypre. En butte à l'hostilité d'une partie de la noblesse chypriote, mais n’osant pas poursuivre les représailles à cause de nouvelles provenant de la Syrie, Frédéric II embarque le à destination de Saint-Jean-d'Acre[8].

L’arrivée dans le royaume de Jérusalem[modifier | modifier le code]

L’empereur débarque à Saint-Jean-d’Acre le , précédé par la mauvaise réputation que lui occasionne son séjour chypriote. Dès son arrivée, il apprend que les ordres de chevalerie des Templiers et des Hospitaliers lui sont hostiles, arguant son excommunication qui pour eux le rendent de facto hérétique. Cette hostilité est aussi partagée par une grande partie des barons de la Terre Sainte en raison de son attitude vis-à-vis de Jean de Brienne, personnage jouissant de son côté d'une certaine popularité. Le soutien d’Al-Kamil, sur lequel l'empereur comptait, n’existe plus, en raison de la mort de l’émir de Damas. Frédéric II a tablé sur la diplomatie pour entreprendre sa croisade, qui souffre de ce fait d’un manque de préparation militaire et financière. Il n’a apporté avec lui que six cents chevaliers dont la fidélité est amoindrie par son excommunication. Il doit même emprunter de l’argent pour payer ses troupes. Il commence par faire fortifier la ville de Jaffa (mi-). Il apprend peu après que son beau-père Jean de Brienne se venge en envahissant ses domaines napolitains et hésite entre revenir en Europe en se déshonorant de ne pas avoir combattu ou rester en Terre Sainte et risquer la perte du royaume de Sicile. Les conditions climatiques rendent la navigation impraticable et décident pour lui[9].

L'accord entre Frédéric II et al-Kamil[modifier | modifier le code]

Depuis 1224, les Ayyoubides sont en proie à la guerre civile, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’Al-Kamil avait demandé l’aide militaire de Frédéric II. La mort d’al-Mu’azzam, l’émir de Damas, le remet en cause cette alliance et pour Al-Kamil, Frédéric II n’est plus le bienvenu. La guerre n’est pas finie, car le nouvel émir, al-Nasir Dâwûd, appelle en à son secours un de ses oncles, Al-Ashraf, prince de la Jazirah. Ce faisant, il fait rentrer le loup dans la bergerie, car Al-Ashraf ambitionne d’écarter son neveu pour s’emparer de Damas. Chacun des frères, Al-Kamil et Al-Ashraf, fait assaut de déclarations diplomatiques, utilisant la menace de la croisade germanique, pour intimider son adversaire. À la fin du mois de , les deux frères se mettent d’accord sur le partage de l’émirat de Damas, mais al-Nasir Dâwûd, averti du complot, se retranche dans Damas, qui est assiégée par ses deux oncles. Durant le séjour de Frédéric II en Palestine, les Ayyoubides sont plus occupés par leurs luttes familiales que par la menace des croisés[10].

Après avoir terminé les travaux de fortification de Jaffa, Frédéric II commence les négociations avec Al-Kamil. Ce dernier est en train d’assiéger Damas et ne la prend que le . Un accord est conclu le  : Frédéric II s’engage à la neutralité dans les affaires ayyoubides et Al-Kamil rend la ville de Jérusalem, Nazareth, Bethléem et leurs environs aux Francs ; les deux souverains concluent une trêve de dix ans[11].

La prise de possession de Jérusalem[modifier | modifier le code]

Mais le patriarche Gérold est mécontent des raisons de la rétrocession de Jérusalem dans ces conditions, en effet dans les clauses les musulmans gardent leurs lieux de culte et surtout l'obligation d'abattre les murs d'enceinte de Jérusalem, jetant logiquement l’interdit sur la ville. Jérusalem sans défense sera ainsi à la merci de n'importe quelle horde de pillards. Malgré ses griefs à l’encontre de l’empereur, le pape Grégoire IX juge malvenu cet interdit sur Jérusalem au moment où elle redevient possession chrétienne et adresse un blâme au patriarche[12].

Cela n’empêche pas l’empereur de faire son entrée dans la ville le et de se faire couronner roi de Jérusalem le . Par le passé, les alliances entre les musulmans et les Francs avaient été mal vues par l'opinion islamique, aussi Frédéric II ne cherche pas à froisser les musulmans lors de son séjour à Jérusalem et confirme le droit aux musulmans d’y pratiquer leur religion, n'hésitant pas à reprocher à un prêtre d'avoir pénétré sans autorisation dans la mosquée principale. Qu'il soit réellement irrité par les attaques de Gérold ou qu'il se serve de ces querelles comme prétexte, il quitte Jérusalem au bout de trois jours avec tous ses soldats, laissant la ville sans défenseurs et sans avoir pris le temps de relever les murailles de la ville, la laissant ainsi à la merci des premiers pillards venus[13].

Il reste un mois à Acre, tentant de régler les problèmes consécutifs à ses méthodes autoritaires, puis se rembarque d'Acre le sous les huées de la population de la ville [réf. souhaitée] mise au courant de l'abandon de Jérusalem. Après une brève escale à Chypre, il quitte définitivement l'Orient le à destination de l'Italie, laissant les États latins d'Orient en proie à la guerre civile entre partisans et ennemis de l'empereur[14].

Conséquences[modifier | modifier le code]

En apparence, la sixième croisade est un succès : Jérusalem est de nouveau chrétienne et Frédéric II a montré que les États latins d’Orient peuvent se maintenir par des moyens autres que militaires. Cette stratégie diplomatique sera reprise par la suite, notamment lors des croisades de 1239.

Mais, en repartant vers l’Occident, il laisse derrière lui un grand nombre de problèmes non résolus. Les fortifications de Jérusalem ne sont pas rebâties, et la ville se trouve désormais à la merci du premier émir venu. C'est ce que fit d’abord al-Nasir Dâwûd, l'émir de Damas dépossédé par son oncle Al-Kamil et devenu ensuite émir de Transjordanie, qui prit la ville en 1239 et fit détruire la Tour de David, la seule forteresse de la ville, puis les kharismiens qui la pillèrent en 1244.

Ensuite, sa politique autoritaire sème le chaos en Terre sainte et il laisse le royaume sans roi résident. Officiellement, le roi est son fils Conrad, mais ce dernier ne mettra jamais les pieds en Terre Sainte. Peu après le départ de Frédéric II, la guerre éclate entre les barons de Terre sainte et les officiers et partisans impériaux et dure jusqu’en 1243. À l’issue de l’élimination du parti impérial, les barons se divisèrent en plusieurs factions et partagèrent le pouvoir avec d’autres groupes : les Templiers, les Hospitaliers, les Génois, les Vénitiens, les Pisans. Chacun de ces groupes avait sa propre politique intérieure et extérieure, parfois en conflit avec celle d’un autre groupe, et l’absence d’un roi, puis le refus de se doter d’une régence forte, empêchèrent l’existence d’un pouvoir central capable d’arbitrer les litiges. À la disparition du dernier descendant de Frédéric II et d’Isabelle, en 1269, le roi Hugues III tentera une restauration monarchique, sans succès. Et les Mamelouks n’eurent aucun mal à conquérir ce royaume en proie à l’anarchie en 1291.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Grousset 1936, p. 236-270.
  2. Grousset 1936, p. 293.
  3. Grousset 1936, p. 294-9.
  4. Grousset 1936, p. 299-303.
  5. Grousset 1936, p. 303-8.
  6. Grousset 1936, p. 309-310.
  7. Grousset 1936, p. 310-1.
  8. Grousset 1936, p. 311-6.
  9. Grousset 1936, p. 316 et 320-6.
  10. Grousset 1936, p. 316-320.
  11. Grousset 1936, p. 326-9.
  12. Grousset 1936, p. 331-2.
  13. Grousset 1936, p. 332-8.
  14. Grousset 1936, p. 338-341.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]