Société générale des annonces — Wikipédia

Société générale des annonces
Création 1845
Dates clés 1865 : fusion avec Havas
Disparition 1920
Fondateurs Charles Duveyrier
Siège social Paris
Drapeau de la France France
Activité Agence de presse
Société mère Agence Havas

La Société générale des annonces (SGA) est une ancienne société française spécialisée dans la régie de publicité pour la presse au XIXe siècle, liée dès 1852 à l'Agence Havas, qui avait tissé un quasi monopole par le biais de nombreuses alliances ou fusions avec les concurrents français, en utilisant le modèle économique de l'affermage publicitaire.

Histoire[modifier | modifier le code]

Un environnement économique et juridique porteur[modifier | modifier le code]

En 1806-1807, le Premier Empire organise une normalisation du lien entre presse et publicité : le code civil impose de publier certains actes juridiques ou civils, tandis qu'une loi de 1824 institue la protection du nom commercial. Selon les statistiques du Tribunal de commerce de Paris, entre 1826 et 1838, sur 1 106 commandites enregistrées à Paris, 401 concernent des publications de presse et quelques affaires d’imprimerie-librairie et théâtres[1]. L’apparition des journaux économiques et financiers, gourmands en publicité financière, date de 1836-1837. C'est la naissance de L'Actionnaire, et La Bourse en 1836, puis La Bourse industrielle et Le Capitaliste en 1838[2]. Il y a aussi Le Producteur et L'Organisateur, deux organes saint-simoniens, le Journal de l'industrie et du capitaliste fondé en 1837, Le Crédit, et L'Économiste. Le développement de cette presse rappelle celui du milieu des années 1860, avec la naissance du Moniteur des tirages publics.

La Bourse de Paris connaît alors un essor remarquable : 44 valeurs seulement y étaient cotées en 1830 et il y a 223 cotations en décembre 1836 dans L’Actionnaire. Parmi elles 34 sont des valeurs du secteur de la presse[3]. Dans La Bourse d', il y a 38 journaux et publications parmi les 260 valeurs.

Les débuts avec La Presse d'Émile de Girardin[modifier | modifier le code]

La SGA est d'abord fondée sous le nom de la Compagnie générale d'annonces, en 1845 par Charles Duveyrier (1803-1866), qui est aussi dramaturge romantique et militant saint-simonien[4]. Elle n'est pas la première à faire ce métier, l'Agence de publicité Dollingen, existe à Paris depuis 1841.

La Compagnie générale d'annonces travaille entre autres pour La Presse, le quotidien fondé avec succès en 1836 par Émile de Girardin, qui vante dès 1837 l'intérêt des « annonces » pour abaisser le prix des ventes. Jusque-là, les petites annonces et la publicité étaient directement gérées par les journaux eux-mêmes. Le , c'est La Presse qui annonce dans ses colonnes la création de la Compagnie générale d'annonces.

La Compagnie générale d'annonces (CGA) a « affermé » pour quinze ans la publicité des trois journaux d'Émile de Girardin moyennant 300 000 francs par an et la moitié des bénéfices. Charles Duveyrier offrait aux annonceurs trois types d’insertions : les annonces les plus courtes, dites annonces-omnibus, les annonces anglaises, c'est-à-dire commerciales, et les annonces-affiches, qui serviront beaucoup pour la publicité financière. Les annonces-omnibus était tarifée à 30 centimes par ligne. Les autres annonces, deux fois plus longues, se payaient 2 francs. La CGA se verra vite confier la régie publicitaire des six principaux quotidiens du groupe[5]. Elle est reprise dès 1850 par Eugène Panis, courtier en publicité au 36 rue Vivienne, près de la place de la Bourse à Paris, qui lui donne pour raison sociale « Bigot et Cie », puis fonde en 1855 la société Panis et Bigot, et Bigot et Cie, entrées peu après dans le giron d'Havas.

Le boom des chemins de fer[modifier | modifier le code]

Une autre société de courtage en publicité très active, appelée Lagrange et Cerf, est rachetée par la famille Lebey, dont le jeune héritier Édouard Lebey (1849-1922), obtient la direction de l'Agence Havas en 1873 à la mort d'Auguste Havas. L'Office général des annonces est créé par la société Lebey, Lagrange et Cerf. À sa tête, Jacques-Édouard Lebey, créateur du portefeuille publicitaire d'Émile de Girardin avant l'arrivée de la CGA, mais qui continue à travailler pour lui, en particulier pour le quotidien La Liberté acquis en 1866[6].

Le boom des chemins de fer, à partir de 1848, assure le succès des publicitaires, car ces nouvelles sociétés ont besoin de drainer de nouveaux capitaux et faire connaître leurs services. La surface dévolue aux encarts publicitaire dans la presse française a ensuite beaucoup augmenté. Celle du Journal des débats, passe de 13,6 % en 1835 à 30,3 % en 1865, celles de La Presse et du journal Le Siècle qui étaient de 17,1 et 11,3 % en 1845, augmentent respectivement à 30,8 et 34,2 % en 1865. Les autres journaux parisiens bénéficient des mêmes évolutions[7].

Fusions et acquisitions : la percée du Bulletin de Paris[modifier | modifier le code]

Parallèlement s'est constitué un quatrième pôle autour du Bulletin de Paris, société fondée le par Adrien de Lavalette, qui possède la régie publicitaire de nombreux périodiques en province. Ceux-ci préfèrent le Bulletin de Paris à la Correspondance Havas : il est moins bien informé, mais offre à ses abonnés des avantages matériels immédiats. Le Bulletin de Paris leur donne ses articles gratuitement, en échange de l'insertion d'annonces de publicité extra-régionale, pouvant paraître en troisième ou quatrième pages. Pour la première fois, la publicité en région devient nationale.

En 1850, il est racheté par Mathieu Laffite, Adrien Duport et le courtier en publicité Louis Bullier, réunis dans la société Bullier-Duport et Cie. Pour intégrer Jean-François Fauchey, est créée la société Fauchey, Laffite, Bullier et Compagnie[8].

Le , Charles-Louis Havas prend sa retraite juste après avoir négocié une participation au capital du Bulletin de Paris[9], pour faciliter la tâche à ses fils[10], sur fond de succès en 1853 d'une nouvelle rubrique, celle des « dépêches télégraphique » dans les quotidiens français, qui ouvre un nouveau potentiel commercial : en 1854, le réseau télégraphique français, limité à 9 200 kilomètres, est relié à Bruxelles, Vienne, Alger et Madrid, après Londres en .

En 1856, la société éditrice s'élargit encore : c'est Laffite, Bullier et Mercier, domiciliée au 20 rue de la Banque, qui se rapproche de Bigot et Cie[11], propriétaire depuis 1850 de la Compagnie générale d'annonces (CGA)[12] : « On peut donc dire que les trois maisons Panis, Bigot, et Laffite, associées entre elles, réunissent en fermage tous les journaux politiques de la capitale. À deux journaux près, elles ont le monopole de la publicité parisienne », elles menacent d'avoir le même monopole en province, commente un journal[11].

Elle rachète la même année l’Office générale des correspondances, transformé en Correspondance Bullier en , publication qui durera jusqu'en 1870.

C'est l'épilogue en , Louis Bullier consacre une entente avec les rivaux les plus anciens : "Lebey, Lagrange et Cerf" constitué en 1820 autour de Jacques-Édouard Lebey et "Panis, Bigot et Cie" réunis en 1855 : il crée la Société générale des annonces, qui remplace la "Compagnie générale d'annonces", et détient le Bulletin de Paris. À eux tous, ils contrôlent l'essentiel du marché de la presse parisienne[13]. Dans les années 1860, ces ententes sont très critiquées, et contestées par Adrien Duport, qui s'y est pourtant joint en 1857.

Havas renforce ses liens avec le groupe SGA-Bulletin de Paris[modifier | modifier le code]

Dès novembre 1857, la constitution d'un quasi-monopole Havas dans la publicité, entamé en 1852, est achevé, selon l'historien Michaël Palmer[14]. Les frères Havas, rapidement enrichis par le boom des dépêches télégraphiques depuis 1854, se renforcent dans le groupe SGA-Bulletin de Paris. Ils créent la société "Havas, Fauchey, Laffite, Bullier et Cie", au capital partagé avec les familles Fauchey, Laffite et Bullier. Ils veulent réussir à l'échelle nationale et internationale la politique de régie réussie en province par Mathieu Laffite et Louis Bullier[15].

La fusion oblige l'Agence Havas, désormais un groupe aux multiples ramifications, à refondre son organisation. Le Auguste Havas décider de créer une "nouvelle Société générale des annonces"[16], qui regroupe les trois activités (dépêches télégraphiques d'information, traduction de la presse étrangère et publicité) et les trois titres : Bulletin de Paris, Correspondance Havas et Correspondance Bullier (ex-Office général d'annonces). Ultime réorganisation interne, le  : la nouvelle Société générale des annonces fusionne avec "Havas Fauchey, Laffite Bullier"[17]. Les deux sociétés avaient déjà les mêmes actionnaires[18]. Cette nouvelle structure est propriétaire de l'Agence Havas, l'information est filialisée. Les deux fils de Charles-Louis Havas y deviennent gérants-associés, aux côtés de Jacques-Édouard Lebey, créateur du portefeuille publicitaire d'Émile de Girardin, et de cinq autres représentants des nombreuses familles de publicitaires successivement intégrées par acquisitions entre 1850 et 1857.

De 1868 à 1872, nouvelles acquisitions, plus modestes[modifier | modifier le code]

En 1872 le groupe SGA-Havas rachète la Société Audbourg et en 1873 Dollingen et Séguy[19].

Nouvelle opération, plus cosmétique, en 1875, Auguste Havas et Charles Lafitte s'associèrent pour ouvrir, 8, Place de la Bourse, une autre agence chargée d'exploiter la publicité des journaux.

L'entrée en Bourse de 1879: le groupe est simplifié, sous la forme de deux sociétés[modifier | modifier le code]

En 1879, la structure juridique est refondue : c'est la création de la société anonyme Havas, à laquelle la SGA cède les annonces à paraître dans la presse de province et à l'étranger, valorisée 7,5 millions d'euros[Passage contradictoire (anachronisme)] pour son entrée en Bourse, avec 7,5 % du capital cédé au baron Émile d'Erlanger. Les deux entreprises demeurent étroitement liées : mêmes dirigeants et mêmes familles actionnaires (Lebey, Cerf, Lagrange, Fauchey et Laffite). Mais les statuts sont différents : la SGA est une société en commandite, Havas une société anonyme[19]. La première est la maison-mère.

La montée en puissance de Léon-Prosper Rénier et la fusion[modifier | modifier le code]

En 1912, Havas, Reuters et AP mettent en place un « consortium » afin de brider la concurrence entre eux, une opération conclue au départ pour favoriser les couplages publicitaires, opération conçue par Léon-Prosper Rénier (1857-1950), patron de la SGA depuis 1903.

En 1920, la Société générale des annonces est entièrement absorbée par l'Agence Havas, les deux entreprises ne font plus qu'une. Une décision obtenue[20] par Léon-Prosper Rénier, qui deviendra en 1924 directeur et président du conseil d'administration de l'Agence, poste conservé jusqu'à la Libération[21]. Avant 1920, ce poste honorifique était occupé par Charles Laffite, neveu et héritier de Mathieu Laffite, avec deux vice-présidents opérationnels, Léon-Prosper Rénier pour la publicité et Charles Houssaye pour l'information.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. http://www.observatoire-omic.org/pdf/Pradie_financiarisation_industries_culturelles.pdf
  2. L'Économie et la morale aux débuts du capitalisme industriel en France et en Grande-Bretagne, par Léon Epsztein, page 239, Armand Colin
  3. Histoire des industries culturelles en France, XIXe – XXe siècles : actes du colloque en Sorbonne, décembre 2001, par Jacques Marseille et Patrick Eveno, Association pour le développement de l'histoire économique, 2002
  4. La Société générale des annonces (1845-1865), par Gérard Lagneau
  5. Histoire de la Société générale : 1864-1890, la naissance d'une banque moderne, par Hubert Bonin, page 358
  6. Bibliographie de la France, , 1122 p. (lire en ligne), p. 157.
  7. Presse et publicité en France (XVIIIe et XIXe siècles), par Gilles Feyel
  8. Trois siècles de publicité en France, par Marc Martin, Éditions Odile Jacob, page 79
  9. Histoire de la presse, 1914 à 1939, par Raymond Manevy, Éditions Corréa & cie, 1945, page 138
  10. Un siècle de chasse aux nouvelles : de l'Agence d'information Havas à l'Agence France-presse (1835-1957) par Pierre Frédérix, Flammarion, 1959 - page 61
  11. a et b Revue anecdotique des lettres et des arts, volumes 2 à 3, page 234
  12. Histoire générale de la presse française, par Claude Bellanger Presses universitaires de France, 1976, page 228
  13. "Un siècle de chasse aux nouvelles: de l'Agence d'information Havas à l'Agence France-presse (1835-1957), par Pierre Frédérix, chez Flammarion, 1959
  14. Des petits journaux au grandes agences, par Michaël Palmer, page 343
  15. Un siècle de chasse aux nouvelles: de l'Agence d'information Havas à l'Agence France-presse (1835-1957) par Pierre Frédérix, Flammarion, 1959, page 62
  16. Pascal Lefebvre, Havas et l'audiovisuel, 1920-1986, , 302 p. (ISBN 978-2-7384-6000-4, lire en ligne), p. 20.
  17. « Des petits journaux au grandes agences », par Michaël Palmer, page 253
  18. Médias et journalistes de la République, par Marc Martin, page 28
  19. a et b Trois siècles de publicité en France par Marc Martin, Éditions Odile Jacob, 1992, page 301
  20. Jeanneney, Jean-Noël, « Sur la vénalité du journalisme financier entre les deux guerres », Revue française de science politique, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 25, no 4,‎ , p. 717–739 (DOI 10.3406/rfsp.1975.393627, lire en ligne, consulté le ).
  21. Palmer, Michael, « Havas, les arcanes du pouvoir (Antoine Lefebure) », Réseaux. Communication - Technologie - Société, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 11, no 57,‎ , p. 159–163 (lire en ligne, consulté le ).