T'ang Haywen — Wikipédia

T'ang Haywen
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Naissance
Décès
Nom de naissance
Tang Tien Phuoc Haywen
Nationalité
Activités
Formation

T'ang Haywen (chinois : 曾海文), né le à Amoy (actuellement Xiamen) dans la province du Fujian (Chine) et mort le dans le 14e arrondissement de Paris[1], est un peintre français d'origine chinoise ayant vécu et travaillé à Paris[2].

Biographie[modifier | modifier le code]

Le grand-père de T'ang Haywen lui enseigne la calligraphie. En 1937, au moment de l'invasion japonaise, la famille du jeune homme (« des commerçants prospères[3] ») quitte la Chine et s'installe à Cholon, quartier chinois de Saigon au Vietnam. Après des études secondaires au lycée français de Saïgon[3], il entame à l'âge de vingt ans une grève de la faim (celle-ci durera dix jours) afin de revendiquer le droit de partir pour la France auprès de son père (qui souhaitait le voir lui succéder dans le commerce de la soie), ce à quoi ce dernier finit par consentir sous la condition qu'il y suive des études de médecine[4].

T'ang part ainsi pour la France et s'installe à Paris en 1948[5]. Il y étudie en fait l'art en fréquentant l'Académie de la Grande Chaumière et les lettres à la Sorbonne avec laquelle il se rend même en Grèce afin de jouer dans la pièce Les Perses d'Eschyle au théâtre d'Épidaure[4].

Installé au 43, rue Liancourt dans le 14e arrondissement de Paris[6] où il fait le choix d'un mode de vie qu'il qualifie lui-même d'« austère et simple[7] », T'ang Haywen peint d'abord des œuvres figuratives, des portraits et quelques paysages en utilisant les techniques de l'huile ou de l'acrylique. Il passe progressivement à l'encre au milieu des années 1960 et produit de nombreux lavis en diptyques et triptyques[2], justifiant ainsi sa prédilection pour ces supports : « en Occident, les peintres avaient tendance à cristalliser leurs œuvres dans un espace précis, avec un noyau central. Le moyen le plus simple de rompre cette cristallisation consiste à pénétrer au cœur même du phénomène : un noyau cellulaire se multiplie par division. Le diptyque redonne le dynamisme, avec lui l'espace n'est plus limité, nous assistons à la marche du monde, un se divise en deux et deux fusionne en un »[8].

De sa longue amitié avec le poète Marc Alyn naîtront divers poèmes-objets (peinture/manuscrit), dont certains figurent à la bibliothèque de l'Arsenal[9] à Paris ainsi qu'un projet de livre commun : Mémorial de l'encre. Dans ses Mémoires, Le Temps est un faucon qui plonge, Alyn consacre un flamboyant portrait à celui qu'il considère comme l'un des trois grands peintres chinois de la modernité avec Zao Wou-Ki et Chang Dai-Chien : « Je m'interrogeais sur la nature de cet oiseleur fragile et indestructible. Qui pouvait rivaliser avec lui côté solitude ? Mais, par ailleurs, qui fut jamais moins seul ? Voyageur immobile, T'ang se tenait aux aguets du visible tel l'insecte qui adopte la couleur et la forme de son environnement, passant inaperçu par souci de sauvegarder son irréductible singularité. Art de lisières, de confins, territoire frontalier livrant une vue imprenable sur l'au-delà. Scribe en lévitation courbé sur ses couleurs, ses pinceaux et ses songes, Haywen capturait le ciel à travers le piège de ses cils. Ainsi surgiront ces lagunes du bout du monde où, sous la torsion des vents marins, tremblent de noirs roseaux »[10].

T'ang Haywen apprend en juillet 1991 son infection par le VIH. Hospitalisé à l'hôpital Saint-Joseph à Paris, il y meurt le 9 septembre 1991 de complications respiratoires liées au SIDA.

Postérité[modifier | modifier le code]

Sortie de l'ombre après sa mort[11], l'œuvre de T'ang Haywen est admirée pour la fusion qu'elle réalise entre les principes esthétiques et spirituels chinois et une forme d’expressionnisme abstrait d'origine occidentale. Pourtant T'ang, comme de nombreux autres peintres chinois, rejette le terme d'abstraction pour qualifier sa peinture et déclare en 1972 :

« Notre sensibilité profonde, liée à l’inconscient, ne peut se développer et grandir que nourrie par le tangible, c’est-à-dire, en ce qui concerne la peinture, par le rappel dans notre mémoire consciente d’expériences sensibles profondes et durables vécues par nous dans le monde réel.[réf. nécessaire] »

Depuis son décès en 1991, deux ventes de son atelier à l'Hôtel Drouot (mai et ) par le commissaire-priseur Yves-Marie Le Roux, deux expositions rétrospectives, en 1997 et 2002, et un livre paru en 2002 ont apporté à son œuvre le début d'une reconnaissance. Bien qu'il n'ait jamais été intéressé par la réussite matérielle et ait choisi de rester à l'écart des mouvements et du milieu de l'art, T'ang est néanmoins l'inventeur d'un nouveau langage et d'un nouvel espace pictural.

Contributions bibliophiliques[modifier | modifier le code]

  • Loránd Gáspár, Patmos, lavis de T'ang Haywen, éditions Pierre-Alain Pingoud, 1989.
  • Loránd Gáspar, La maison près de la mer, lavis de T'ang Haywen, éditions Thierry Bouchard, 1991.
  • Loránd Gáspár, Amandiers, lavis de T'ang Haywen, éditions Pierre-Alain Pingoud, 1996.
  • Claude Fournet, Oiselleries et criailleries, calligraphies de T'ang Haywen, éditions Galilée, 2012.

Réception critique[modifier | modifier le code]

  • « Héritier de la longue tradition de la calligraphie, il insère cette tradition dans la modernité de la peinture gestuelle occidentale; bouclant ainsi un cycle d'influences réciproques Orient-Occident. Il nous fait, au-delà du plaisir esthétique, nous imprégner de la philosophie pour tenter de comprendre l'art chinois qui n'a jamais de signe gratuit. » - François Le Targat[8]
  • « Je me souviens qu'il passait de longues heures à contempler les paysages et peignait aux premières heures du jour. J'aime ses encres dynamiques et harmonieuses qui démontrent l'esprit de la Chine. Parfois, je pense à lui quand je vois le sommet des montagnes disparaître dans la brume. » - Balthus[12]
  • « Le processus créatif de T'ang jaillit du fond de son être et s’incarne en des transpositions poétiques qui égalent celles des plus grands créateurs du XXe siècle. » - Jean-Paul Desroches, ancien conservateur en chef du musée Guimet[2]
  • « Il lui suffit d'une trace ou d'une couleur pour évoquer la nature, pour se trouver un ordre qui est le propre de la peinture taoïste depuis plus de deux mille ans. Il n'a rien à démontrer, rien à dire, rien à signifier. » - Claude Fournet[13]

Collections publiques[modifier | modifier le code]

Chine[modifier | modifier le code]

États-Unis[modifier | modifier le code]

France[modifier | modifier le code]

Collections privées[modifier | modifier le code]

Expositions[modifier | modifier le code]

T'ang Haywen a été exposé plus d'une soixantaine de fois depuis 1955[21],[22].

Expositions personnelles[modifier | modifier le code]

Expositions collectives[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Relevé des fichiers de l'Insee
  2. a b c d e et f Haiwen Zeng, Jean-Paul Desroches, Philippe Koutouzis, T'ang Haywen, les chemins de l'encre, Éditions de la Pointe, 2002.
  3. a b c et d Tajan, T'ang Haywen, Hôtel Drouot, 4 octobre 2018
  4. a et b Alina Reyes, « T'ang Haywen, les chemins de l'encre », Journal, 10 novembre 2014
  5. (en) Fine modern Chinese oil paintings, drawings, watercolors and sculptures, Sotheby's Taiwan Ltd, 1994, p. 82.
  6. a et b Jean-Paul Desroches et T'ang Haywen, T'ang Haywen - The colours of ink, De Sarthe Gallery, Hong Kong, 2014
  7. a et b Susan Berfield, « To catch a butterfly - Fame may finally find a Chinese painter who tried to escape it all his life », CNN, 2000
  8. a b et c François Le Targat, « À propos de la Chine », dans Pierre Mazars, Jean-Marie Dunoyer et Jean Selz (avec la collaboration de François Le Targat, Jean Pigeon et André Kuenzi), L'année de la peinture, Calmann-Lévy, 1980, page 229.
  9. Donation Marc Alyn.
  10. Marc Alyn, Le Temps est un faucon qui plonge, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2018.
  11. « Après Zao Wou-Ki et Chu-Teh-Chun, T'ang Haywen », Artprice, 24 juillet 2018
  12. Balthus, T'ang Haywen, éditions du Musée océanographique de Monaco, 1996.
  13. Claude Fournet, Oiselleries et criailleries, éditions Galilée, 2012.
  14. Alisan Fine Arts, T'ang Haywen
  15. De Sarthe, T'ang Haywen, 2019
  16. Art Institute of Chicago, T'ang Haywen dans les collections
  17. a et b Œuvres référencées sur la base Joconde.
  18. Marie-Thérèse Bobot et Michel Maucuer, « Activités du Musée Cernuschi », Arts asiatiques, n°49, 1994
  19. Leszek Kanczugovski, « T'ang Haywen », catalogue L'esprit du XXe siècle, Osenat, commissaire-priseur à Fontainebleau, 25 juin 2016
  20. Diane Zorzi, « T'ang Haywen en vente à Cannes : cinq raisons d'enchérir », Le magazine des enchères, 26 octobre 2017
  21. Association des Amis de T'ang Haywen
  22. (en) Michael Sullivan, Modern Chinese artists: a biographical dictionary, 2006, p. 145.
  23. Danièle Sicard, « T'ang Haywen », Chinese New Art
  24. a et b Arches, T'ang Haywen
  25. Sabine Gignoux, « T'ang, le roseau peignant »; La Croix, 1er août 2002
  26. Philippe Koutouzis, Paths of ink, Musée Guimet, 2002
  27. Shiseido Gallery, Les chemins de l'encre - Tang Haywen, présentation de l'exposition, 2002
  28. Leszek Kanczugowski, T'ang Haywen, le dernier voyage à Lublin en 1990, Centre culturel Saint-Louis de France, 2006
  29. « T'ang Haywen, exposition d'encres et aquarelles à Beijing », Le Quotidien du Peuple, 24 mai 2011
  30. Christine Cieselski, « Saint-Émilion : peintures chinoises à l'honneur », Sud-Ouest, 2 août 2014
  31. Christie's, T'ang Haywen works from the 1960s to 1970s, Hong-Kong, 2015
  32. HdM Gallery, T'ang Haywen - Works on paper, présentation de l'exposition, 2018
  33. De Sarthe Gallery, Film d'artiste et peintures rares, présentation de l'exposition, 2019
  34. Hong Kong University Museum and Art Gallery, Encre / Chine, présentation de l'exposition, 2005
  35. Galerie Encre de Chine, T'ang Haywen, 2005
  36. Christophe Duvivier, Les maîtres de l'encre, musée Tavet-Delacour
  37. Yingjian Liu, « Quand l'art atteint le Tao », Académie franco-chinoise d'art et de culture, 12 juillet 2018
  38. Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue, historique des expositions
  39. De Sarthe Gallery, The Pioneers - Chinese modernists in Paris, présentation de l'exposition, 2014
  40. Stephen Dillon, « See Zao Wou-Ki, Chu-Teh-Chun and T'ang Haywen at Art Basel in Hong Kong », Artsy Editors, 11 mars 2015

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Ouvrage collectif, T'ang Haywen - Diptychs, Antique Collector, 2019.
  • Marc Alyn, T'ang l'obscur - Mémorial de l'encre, Voix d'encre, 2019 ( présentation de l'ouvrage par Carole Mesrobian en ligne - Recours au poème, 4 mai 2019 ; note de lecture par Béatrice Bonhomme en ligne - Poezibao, 17 avril 2019).
  • Marc Alyn, Le Temps est un faucon qui plonge, Les Lagunes imaginaires de T'ang Haywen, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2018.
  • (en) Michael Sullivan, Modern Chinese artists : a biographical dictionary, University of California Press, 2006, p. 145.
  • T'ang Haywen - L'ultimo viaggio - L'ultime voyage, Gangemi, 2006.
  • Haiwen Zeng, Jean-Paul Desroches, Philippe Koutouzis, T'ang Haywen, les chemins de l'encre, préface par Jean-François Jarrige, directeur du musée Guimet (préface du livre sur le site Asianart), Éditions de la Pointe, 2002.
  • Gérard Durozoi, Dictionnaire de l'art moderne et contemporain, Fernand Hazan, 2002.
  • Jean-Pierre Delarge, Dictionnaire des arts plastiques modernes et contemporains, Gründ, 2001 ((lire en ligne).
  • Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, vol.13, Gründ, 1999.
  • Lotus Mahé, T'ang Haywen, la peinture de l'exil, éditions Findakly, Paris, 1997.
  • Christophe Duvivier et Philippe Koutouzis, Chang Dai-Chien, T'ang Haywen, Zao Wou-Ki, maîtres de l'encre - Tradition et modernité de l'encre de Chine au XXe siècle, éditions du Musée Tavet-Delacour, Pontoise, 1996.
  • (en) Michael Sullivan, Franklin D. Murphy, Art and artists of twentieth-century China, University of California Press, 1996, p. 314.
  • Balthus (préface), T'ang Haywen, éditions du Musée océanographique de Monaco, 1996.
  • (en) Davenport's art reference & price guide, vol.1.
  • (en) Fine modern Chinese oil paintings, drawings, watercolors and sculptures, Sotheby's Taiwan Ltd, 1994, p. 82.
  • Dominique Ponnau et Jean-Pierre Desroches, T'ang Haywen - Soixante dix lavis, acryliques et aquarelles, coédition des musées de Quimper et Vitré, 1983.

Filmographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]